Mont Saint-Michel
Le livret de l'album
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Sur cette page, découvrez en détail le livret du CD Mont Saint-Michel.
Textes © Nathalie Hureau - Gravures sur verre © Hervé Thibon
 

 
Le doigt de l'archange

C'était au temps où le Mont n'était pas encore coupé de la terre par la mer. La légende raconte qu'une nuit de l'an 708, l'archange Saint Michel apparut en songe à l'évêque d'Avranches, Saint Aubert, et lui ordonna d'élever en son nom un sanctuaire sur le Mont Tombe. Méfiant, l'évêque préféra ignorer l'ordre céleste, d'autant plus que le rocher du Mont Tombe s'élevait alors au large de toute voie romaine, dans l'immense forêt de Scissy peuplée de loups et de bêtes sauvages. L'archange apparut une seconde fois mais l'évêque, terrifié, se contenta de prier et jeûner, sans s'exécuter. Saint Michel, courroucé, intervint à nouveau. Il brandit un doigt de flamme sur la tête de l'évêque incrédule et le frappa. L'empreinte de l'archange laissa une marque profonde, un véritable trou dans le crâne de l'évêque. C'est ainsi que, dans la sueur de l'effort et la liessede la foi, Saint Aubert construisit une chapelle au sommet du Mont Tombe qui devint le Mont Saint-Michel.
 


 
Le Quatuor des Trente Cierges

Cette chapelle, dite des trente cierges, bâtie au onzième siècle pour supporter le transept nord de l'église, fut tout à coup plongée dans l'obscurité quand le corps de l'édifice de la Merveille vint s'appuyer contre elle, au treizième siècle, en lui volant toute lumière naturelle. Combien de cierges faut-il, dès lors, pour éclairer une chapelle? Trente, assurément, puisque tel est son nom... Trente, certainement, puisqu'autant de cierges brûlaient constamment devant la statue de la Vierge. C'était dans cette chapelle que, traditionnellement, les moines se réunissaient pour chanter le Salve Regina. Et si ces trente cierges représentaient simplement la flamme de leurs prières?
 


 
La crypte des Gros Piliers

En ce temps là, la France et l'Angleterre étaient en guerre. Au Mont Saint-Michel, l'abbé était passé à l'ennemi, la ville était assiégée et pour comble de malheur, en 1421, le choeur de l'église romane s'était effondré. La reconstruction attendit la fin des hostilités. Autre siècle, autre style, le gothique succéda au roman, les lianes à la pureté de la ligne et l'alliance qui en jaillit fut à l'épreuve du temps. Mais comment élever la pierre à plus de 40 mètres de hauteur? On édifia, en 1446, un soubassement de titan, la crypte des Gros Piliers, pour soutenir le nouveau choeur de l'église. Dans cette forêt souterraine où la lumière est recluse, les troncs de pierre ont des dimensions de légende. Ils impressionnent par la puissance de leur assise qui s'élève en une futaie magistrale.
 


 
Une nuit dans l'abbaye

Les moines vont sous la lune froide. Ils se déplacent sans hâte. Le gravier crisse sous leurs pas. Durant ces heures sombres où les portes de l'église sont fermées, ils récitent cette psalmodie : Vade Retro Satanas, Numquam Suade Mihi Vana ; Sunt Mala Quae Libas, Ipse Venena Bibas. (Retire-toi Satan, ne me conseille jamais ce qui est vanité ; il est mauvais le breuvage que tu verses, bois toi-même tes poisons). On raconte que l'église est interdite car c'est l'heure où les anges chantent. Jusqu'à l'office des mâtines, les anges chantent des louanges. Ils chantent des merveilles emplissant l'église d'une lumière plus vive que le soleil. L'incandescence est telle que nul être de chair ne peut s'y aventurer sans périr.
 


 
Thème du pèlerin

Le pèlerin marche. Il part bannière en tête, portant besace et calebasse. Surnommé Miquelet, il suit les "chemins de Paradis" qui sillonnent la France et mènent au Mont Saint-Michel. Au moyen âge, même les enfants font le pèlerinage. Ils ont moins de douze ans, ils quittent père et mère et se regroupent par milliers en cortèges spontanés. Le pèlerin vient de tous pays. Il traverse villes et villages. Par tout temps, par tout vent, il marche. Porté par la foi, il avance, plein d'espoir. Chaque pas le rapproche de la mer. Et avant même qu'il puisse discerner le murmure des flots, il découvre la haute silhouette noire du Mont Saint-Michel qui s'élève tel un mirage sur les herbus des pâturages.
 


 
Gargouilles et dentelle gothiques

Hors d'atteinte pour qui ne possède pas d'ailes, la gargouille se penche vers le bas monde. De sa gueule s'écoulent des sarcasmes. Bestiaire des hauteurs, un peuple d'êtres fantastiques s'accroche à la flore minérale qui s'enracine dans la masse puissante de la pierre. Lianes, fleurs et corolles recouvrent contreforts, pinacles et arcs-boutants. Une dentelle de granit se dresse vers la lumière. Élégance, harmonie, virtuosité. Le choeur de l'église, fruit de la science profonde de l'architecture ogivale, fut élevé au XVème siècle (1450-1521) sur les ruines du choeur roman écroulé. L'ivresse du pur style gothique anime le chevet d'une vie nouvelle. La pierre s'élance vers le ciel, suspendue, aspirant à l'envol.
 


 
Sables mouvants

Le lent trémolo des cordes annonce le flux de la mer en mouvance. Accompagné par le chant du hautbois, un groupe de pèlerins regagne la côte à travers les grèves. Parmi eux, une femme, enceinte. Ils avancent sur le sable dur et ridé des paumelles. Mais la mer est insidieuse. L'eau gagne, l'eau lèche, l'eau monte. Les hommes pressent le pas. Ils abandonnent la femme qui s'arrête, isolée au sein des tourbillons que la mer soulève. C'est alors que l'épée de l'archange arrête les flots. Saint Michel protège la femme qui enfante dans le froid des sables et du vent. Quand le flux se retire, ils sont vivants et l'enfant est baptisé Péril. Réalité ou légende? On raconte que fut dressée à cet endroit une croix qui donna son nom au miracle de l'accouchée de la Croix des Grèves.
 


 
Un festin dans la Salle des Hôtes

De véritables festins accueillaient rois, reines et généreux donateurs dans cette salle richement décorée de tapisseries, de vitraux et de carreaux vernissés. Malgré son dépouillement actuel, la Salle des Hôtes reste la plus élégante des six pièces qui composent l'édifice de la Merveille, que vingt-cinq années (1203-1228) suffirent à élever. Prouesse architecturale, la Merveille se veut la représentation matérielle de l'ascension spirituelle. Chiffres et symboles en rythment la composition. Trois, symbole de la Trinité. Trois étages à flan de rocher. Equilibre virtuose de la pierre. Sept, chiffre parfait. Sept voûtes par salle, symbole de totalité. Sept, rythme inusité, choisi pour cette danse qui permet d'évoquer la magie de ces festivités oubliées.
 


 
Dans la crypte Notre-Dame-Sous-Terre

Cette église préromane, bâtie sur les vestiges de l'oratoire primitif, est évoquée par la simplicité du leitmotiv joué sur une guitare classique. L'abbé Mainard et ses douze bénédictins s'y installèrent en 966. Cette chapelle rectangulaire à la maçonnerie massive de près de deux mètres d'épaisseur fut transformée en crypte lors de la construction de l'église romane. De nos jours, on y pénètre par un long escalier qui semble descendre au coeur de l'univers. Longtemps oubliée et même obstruée, Notre-Dame-Sous-Terre est une église enfouie dans la chaleur originelle de la terre. Même au coeur de l'hiver cette chaleur suinte, tiède et maternelle. Et c'est au plus profond de ce sanctuaire, derrière le petit autel, que l'on aperçoit à découvert la roche du Mont Tombe initial.
 


 
Immensi Tremor Oceani

Le thème conducteur de l'album est décliné non seulement par la basse de l'orgue, les arpèges du synthétiseur, mais aussi par les voix qui reprennent la devise des chevaliers de l'ordre de Saint-Michel : Immensi Tremor Oceani, la terreur de l'immense océan... Cet ordre réservé à l'élite chevaleresque fut institué en 1469 par Louis XI, fervent pèlerin du Mont, pour concurrencer la célèbre Toison d'Or. Trente-six chevaliers prêtèrent serment de garder, soutenir et défendre la couronne royale. Revêtus d'un long manteau de damas blanc bordé de fourrures d'hermine et de coquilles, ils arboraient un lourd collier d'or à l'effigie de l'archange. Au Mont Saint-Michel, on rebaptisa le scriptorium, pièce réservée aux travaux de copiste des moines, du nom de Salle des Chevaliers bien que jamais l'Ordre n'y siégea