
L'encombrant
cadavre de France Culture
Depuis que l'université populaire radiophonique France
Culture a été liquidée par de vaillants petits soldats
du Parti Socialiste entre 1999 et 2006, l'auditeur humaniste, soucieux
d'élargir ses connaissances et sa culture se pose chaque jour un
peu plus la question : à quoi diable peut bien servir France
Culture désormais ? Chaîne réduite à du
shopping culturel et politique, elle multiplie, faute d'identité,
les partenariats sans âme avec des momies idéologiques comme
Le Monde, Télérama [1], Sciences Po, l'Express, Le Figaro,
Les Inrocks… ces officines torpides où il n'y a pas eu d'idées
poétiques depuis des lustres et où l'on ne connaît
définitivement rien à la délicatesse de l'art radiophonique.
Prise d'assaut par les histrions matutinaux, les prébendiers médiatiques
et les bateleurs de foire, la malheureuse France Culture est devenue
un robinet tiédasse de bêlements bien-pensants, bavardages
interminables, débats approximatifs, consumérisme béat,
propagande économique, sociologie de comptoir, renvois d'ascenseur,
marketing éditorial, etc. Mais de savoirs, point. Et de connaissances,
nenni. L'argent autrefois utilisé pour concevoir des émissions
soignées est désormais englouti pour payer des mondains,
rembourser les notes de taxi galactiques de X ou Y et multiplier les enregistrements
calamiteux "en direct et en public" du bistrot du coin.
Et lorsqu'on interroge en privé les professionnels de France Culture,
on entend une immense amertume. Pour ceux qui ont côtoyé les
grands noms de l'art radiophonique comme par exemple Claude Mettra, Yann
Paranthoen ou Alain Trutat, faire maintenant du hamburger sonore et du
fast-food culturel avec des gens venus de la télévision est
loin d'être une évolution satisfaisante.
Un climat général propice à l'inculture
Si la radio d'exception France Culture s'est effondrée lorsqu'on
l'a confiée à une conseillère culturelle de François
Mitterrand puis à un conseiller culturel de Lionel Jospin, cela
n'est pas tout à fait un hasard. Cela fait bien vingt ans que les
dirigeants du Parti Socialiste sont de tous les mauvais coups contre la
culture humaniste au profit de la culture à paillettes. En dehors
de la multiplication des âneries festives bien connues, on se souviendra
particulièrement en 1989 des lois Jospin Allègre qui ont
entériné la transformation de l'école républicaine
en garderie et des lois Tasca qui ont tué la SFP et favorisé
l'apparition des sociétés de production de télé
poubelle.
Le mécanisme du saccage est finalement simple : une caste de privilégiés
suffisamment ignorants pour avoir absorbé les théories pédagogiques
les plus fumeuses ou les nanards sociologiques les moins démontrés,
a semble-t-il décidé que toute transmission de connaissances
et de savoirs vers le peuple était une manifestation insupportable
d'élitisme bourgeois à proscrire. Vaste programme que le
philosophe Jean Claude Michéa a joliment baptisé "l'enseignement
de l'ignorance", rouleau compresseur d'inculture qui atteint désormais
toutes les classes sociales. "On est en train de former des élites
incultes et brutales" constate même l'universitaire Hélène
Merlin-Kajman [2].
Pour cela, il a donc fallu fabriquer une radio, une télévision
et une école de masse d'où toute exigence intellectuelle
était progressivement bannie, à commencer par la langue française
puisque celle-ci serait "fasciste" selon la formule fracassante
de Roland Barthes en 1977. Dernière victime de ces doctrines de
turlupins, France Culture, autrefois célèbre pour ses encyclopédiques
Chemins de la connaissance, oscille aujourd'hui piteusement entre
les Boulevards de l'ignorance et les Autoroutes de la prébende.
Pour compléter ce tableau de l'inculture en marche, constatons que
l''Etat Culturel Festif à la mode socialiste convient parfaitement
aux m'as-tu-vu-en-ministre de l'UMP puisque ce parti dit de gouvernement
ne véhicule pas la moindre idée connue en matière
culturelle.
Peut-on encore réformer France Culture ?
Réformer France Culture serait finalement assez simple. Tous les
savoir-faire, les personnels, les documents et les archives existent encore
pour refaire une radio de très haut-de-gamme. Il faudrait juste
une volonté politique d'agir dans ce sens
La première réforme de bon sens serait que le directeur de
France Culture ne soit plus désigné par des politiciens.
Malgré la complaisance médiatique qui est de règle,
cela commence à se voir et à se savoir partout en France
que les énarques n'ont pas de compétence particulière
en matière de patrimoine et de culturitude. Il faudrait donc que
le directeur de France Culture soit désigné par des spécialistes
de l'art radiophonique, par exemple une assemblée de producteurs
et réalisateurs de France Culture, y compris tous les producteurs
tournants qui ont été si brutalement remerciés
depuis 1999.
Dans l'organigramme actuel de France Culture, on peut affirmer que les
numéros 1, 2, 3, 4 ne seront pas regrettés par les auditeurs.
De même les cumulards issus de la télévision, de la
presse, de Sciences Po ou d'un cocktail mondain pourraient sans inconvénient
quitter le navire. France Culture s'est passée d'eux pendant 36
ans pour le plus grand plaisir des auditeurs, et le marché haussier
de la sottise ne manque pas de tribunes où ils pourraient continuer
leurs braiements satisfaits.
Mais alors, que faire des énarques culturels ?
Dans un système pyramidal où ni l'école, ni le
collège, ni le lycée, n'enseignent plus les humanités,
l'énarque se retrouve lauréat d'un concours qui nécessite
des qualités fort étrangères au monde de la culture.
De ce fait, le destin tragique de l'énarque culturel est d'être,
comme le petit marquis d'Ancien Régime, un ignorant qui dirige des
savants. C'est pour cela que l'honnête homme aime à souffleter
les énarques. Cette activité délassante stimule l'intellect
et aiguise la plume... Corriger les foutriquets, étriller les butors,
rosser les faquins, souffleter les énarques! Que de riches possibilités
offerte par notre belle langue française si délaissée
par France Culture.
DDFC
26 février 2007
Adresse de l'article : http://ddfc.free.fr/inculture.htm
Réagir sur le forum : http://ddfc.free.fr/forum
[1] Sur le surprenant rachat du prospère Télérama
par le très surendetté groupe Le Monde, on peut lire Boborama
de David Angevin - Editions du Rocher 2006
[2] Hélène Merlin-Kajman (in Répliques le 10 février
2007) - La langue est-elle fasciste? langue, pouvoir, enseignement
- Seuil 2003
|