
L'ENSEIGNEMENT DE L'IGNORANCE ET SES CONDITIONS MODERNES
Pour comprendre l'évolution actuelle de France
Culture et plus généralement des systèmes d'éducation
publique de nos sociétés néo-libérales, Joëlle,
auditrice de FC nous recommande le livre suivant :
L'ENSEIGNEMENT DE L'IGNORANCE ET SES CONDITIONS MODERNES
par Jean-Claude Michéa
Editions CLIMATS, 470 Chemin des pins 34170 Castelnau Le Nez
Réédité en 2006 dans la collection Climats Flammarion
Prix éditeur 12 €. Disponible en librairie ou sur les sites
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etc.
Ci-dessous quelques extraits choisis
pour vous encourager à découvrir et acheter le livre :
<< Le mouvement qui, depuis trente ans, transforme l'Ecole dans un
sens toujours identique, peut maintenant être saisi dans sa triste
vérité historique. Sous la double invocation d'une «
démocratisation de l'enseignement » - ici un mensonge absolu
(27)- et de la « nécessaire
adaptation au monde moderne » (ici une demi-vérité),
ce qui se met effectivement en place, à travers toutes ces réformes
également mauvaises, c'est l'Ecole du Capitalisme total, c'est-à-dire
l'une des bases logistiques décisives à partir desquelles
les plus grandes firmes transnationales, - une fois achevé, dans
ses grandes lignes, le processus de leur restructuration pourront conduire
avec toute l'efficacité voulue la guerre économique mondiale
du XXIe siècle.
Si l'on conserve le moindre doute à ce sujet, ou si
l'on trouve ces propos exagérés, il suffit - conformément
aux recommandations de Machiavel - de se placer un instant au point de
vue de l'ennemi et de se demander ce qu'il est condamné à
vouloir étant donné ce qu'il est. Ce travail de vérification
est heureusement simplifié, du fait que les seigneurs de guerre
des Royaumes combattants de l'économie mondiale, avec toutes leurs
armées de légistes et de lettrés, sont en permanence
contraints de se réunir afin de coordonner leurs stratégies
rivales et de veiller à ce que jamais elles ne mettent en péril
ce qu'ils appellent si bien la gouvernabilité de ce monde. De là,
un certain nombre de rapports, documents, comptes rendus, notes d'information,
memoranda ou tout simplement témoignages qui, s'ils ne parviennent
généralement jamais à la connaissance du grand public,
demeurent encore, du moins pour l'instant, en partie accessibles aux esprits
curieux et aux enquêteurs obstinés (28)
C'est ainsi, par exemple, qu'en septembre 1995, - sous l'égide
de la fondation Gorbatchev - « cinq cents hommes politiques, leaders
économiques et scientifiques de premier plan (29)
», constituant à leurs propres yeux l'élite du monde,
durent se réunir à l'Hôtel Fairmont de San Francisco
pour confronter leurs vues sur le destin de la nouvelle civilisation. Étant
donné son objet, ce forum était naturellement placé
sous le signe de l'efficacité la plus stricte : « Des règles
rigoureuses forcent tous les participants à oublier la rhétorique.
Les conférenciers disposent tout juste de cinq minutes pour introduire
un sujet : aucune intervention lors des débats ne doit durer plus
de deux minutes (30) ». Ces
principes de travail une fois définis, l'assemblée commença
par reconnaître - comme une évidence qui ne mérite
pas d'être discutée - que «
dans le siècle à venir, deux-dixièmes de la population
active suffiraient à maintenir l'activité de l'économie
mondiale ». Sur des bases aussi franches, le principal
problème politique que le système capitaliste allait devoir
affronter au cours des prochaines décennies put donc être
formulé dans toute sa rigueur : comment serait-il possible, pour
l'élite mondiale, de maintenir la gouvernabilité des quatre-vingts
pour cent d'humanité surnuméraire, dont l'inutilité
a été programmée par la logique libérale!
La solution qui, au terme du débat, s'imposa, comme la plus
raisonnable, fut celle proposée par Zbigniew Brzezinski (31) sous
le nom de tittytainment. Par ce mot-valise (32)
il s'agissait tout simplement de définir un « cocktail de
divertissement abrutissant et d'alimentation suffisante permettant de maintenir
de bonne humeur la population frustrée de la planète ».
Cette analyse, cynique et méprisante (33),
a évidemment l'avantage de définir, avec toute la clarté
souhaitable, le cahier des charges que les élites mondiales assignent
à l'école du XXIe siècle. C'est pourquoi il est possible,
en se fondant sur elle, de déduire, avec un risque limité
d'erreur, les formes a priori de toute réforme qui serait destinée
à reconfigurer l'appareil éducatif selon les seuls intérêts
politiques et financiers du Capital. Prêtons-nous un instant à
ce jeu.
Tout d'abord, il est évident q'un tel système
devra conserver un secteur d'excellence, destiné à former,
au plus haut niveau, les différentes élites scientifiques,
techniciennes et manageriales qui seront de plus en plus nécessaires
à mesure que la guerre économique mondiale deviendra plus
dure et plus impitoyable.
Ces pôles d'excellence - aux conditions d'accès forcément
très sélectives devront continuer à transmettre de
façon sérieuse (c'est-à-dire probablement, quant à
l'essentiel, sur le modèle de l'école classique
(34) non seulement des savoirs sophistiqués
et créatifs, mais également (quelles que soient, ici ou là,
les réticences positivistes de tel ou tel défenseur du système)
ce minimum de culture et d'esprit critique sans lequel l'acquisition et
la maîtrise effective de ces savoirs n'ont aucun sens ni, surtout,
aucune utilité véritable.
Pour les compétences techniques moyennes - celles dont la
Commission européenne estime qu'elles ont « une demi-vie de
dix ans, le capital intellectuel se dépréciant de 7 % par
an, tout en s'accompagnant d'une réduction correspondante de l'efficacité
de la main d'oeuvre (35) »
- le problème est assez différent. I1 s'agit, en somme, de
savoirs jetables - aussi jetables que les humains qui en sont le support
provisoire - dans la mesure où, s'appuyant sur des compétences
plus routinières, et adaptés à un contexte technologique
précis, ils cessent d'être opérationnels sitôt
que ce contexte est lui-même dépassé. Or, depuis la
révolution informatique, ce sont là des propriétés
qui, d'un point de vue capitaliste, ne présentent plus que des avantages.
Un savoir utilitaire et de nature essentiellement algorithmique - c'est-à-dire
qui ne fait pas appel de façon décisive à l'autonomie
et à la créativité de ceux qui l'utilisent - est en
effet un savoir qui, à la limite (36),
peut désormais être appris seul, c'est-à-dire chez
soi, sur un ordinateur et avec le didacticiel correspondant. En généralisant,
pour les compétences intermédiaires, la pratique de l'enseignement
multimédia à distance, la classe dominante pourra donc faire
d'une pierre deux coups. D'un côté, les grandes firmes (Olivetti,
Philips, Siemens, Ericsson etc.) seront appelées à «
vendre leurs produits sur le marché de l'enseignement continu que
régissent les lois de l'offre et de la demande (37)
». De l'autre, des dizaines de milliers d'enseignants (et on sait
que leur financement représente la part principale des dépenses
de l'éducation nationale) deviendront parfaitement inutiles et pourront
donc être licenciés, ce qui permettra aux Etats d'investir
la masse salariale économisée dans des opérations
plus profitables pour les grandes firmes internationales.
Restent enfin, bien sûr, les plus nombreux ceux qui
sont destinés par le système à demeurer inemployés
(ou à être employés de façon précaire
et flexible, par exemple dans les différents emplois MacDo) en partie
parce que, selon les termes choisis de l'OCDE (38),
« ils ne constitueront jamais un marché rentable » et
que leur « exclusion de la société s'accentuera à
mesure que d'autres vont continuer à progresser ». C'est là
que le tittytainment devra trouver son terrain d'élection. I1 est
clair, en effet, que la transmission coûteuse de savoirs réels
- et, a fortiori, critiques -, tout comme l'apprentissage des comportements
civiques élémentaires ou même, tout simplement, l'encouragement
à la droiture et à l'honnêteté, n'offrent ici
aucun intérêt pour le système, et peuvent même
représenter, dans certaines circonstances politiques, une menace
pour sa sécurité. C'est évidemment pour cette école
du grand nombre que l'ignorance devra être enseignée de toutes
les façons concevables. Or c'est là une activité qui
ne va pas de soi (39), et pour laquelle
les enseignants traditionnels ont jusqu'ici, malgré certains progrès,
été assez mal formés. L'enseignement de l'ignorance
impliquera donc nécessairement qu'on rééduque ces
derniers, c'est-à-dire qu'on les oblige à « travailler
autrement », sous le despotisme éclairé d'une armée
puissante et bien organisée d'experts en « sciences de l'éducation
». La tâche fondamentale de ces experts sera, bien entendu,
de définir et d'imposer (par tous les moyens dont dispose une institution
hiérarchisée pour s'assurer la soumission de ceux qui en
dépendent) les conditions pédagogiques et matérielles
de ce que Debord appelait la « dissolution de la logique (40) »
: autrement dit « la perte de la possibilité de reconnaître
instantanément ce qui est important et ce qui est mineur ou hors
de la question ; ce qui est incompatible ou, inversement, pourrait bien
être complémentaire; tout ce qu'implique telle conséquence
et ce que, du même coup, elle interdit ». Un élève
ainsi dressé, ajoute Debord, se trouvera placé « d'entrée
de jeu, au service de l'ordre établi, alors que son intention a
pu être complètement contraire à ce résultat.
I1 saura pour l'essentiel le langage du spectacle, car c'est le seul qui
lui est familier : celui dans lequel on lui a appris à parler. I1
voudra sans doute se montrer ennemi de sa rhétorique : mais il emploiera
sa syntaxe (41) ».
Quant à l'élimination de toute "common decency",
c'est-à-dire à la nécessité de transformer
l'élève en consommateur incivil et, au besoin, violent, c'est
une tâche qui pose infiniment moins de problèmes. I1 suffit
ici d'interdire toute instruction civique effective et de la remplacer
par une forme quelconque d'éducation citoyenne (42),
bouillie conceptuelle d'autant plus facile à répandre qu'elle
ne fera, en somme, que redoubler le discours dominant des médias
et du showbiz; on pourra de la sorte fabriquer en série des consommateurs
de droit, intolérants, procéduriers et politiquement corrects,
qui seront, par là même, aisément manipulables tout
en présentant l'avantage non négligeable de pouvoir enrichir
à l'occasion, selon l'exemple américain, les grands cabinets
d'avocats.
Naturellement, les objectifs ainsi assignés à
ce qui restera de l'Ecole publique supposent, à plus ou moins long
terme, une double transformation décisive. D'une part celle des
enseignants, qui devront abandonner leur statut actuel de sujets supposés
savoir afin d'endosser celui d'animateurs de différentes activités
d'éveil ou transversales, de sorties pédagogiques ou de forums
de discussion (conçus, cela va de soi, sur le modèle des
talk-shows télévisés); animateurs qui seront préposés,
par ailleurs, afin d'en rentabiliser l'usage, à diverses tâches
matérielles ou d'accompagnement psychologique. D'autre part, celle
de l'Ecole en lieu de vie, démocratique et joyeux, à la fois
garderie citoyenne - dont l'animation des fêtes (anniversaire de
l'abolition de l'esclavage, naissance de Victor Hugo, Halloween...) pourra
avec profit être confiée aux associations de parents les plus
désireuses de s'impliquer - et espace libéralement ouvert
à tous les représentants de la cité (militants associatifs,
militaires en retraite, chefs d'entreprise, jongleurs ou cracheurs de feu,
etc.) comme à toutes les marchandises technologiques ou culturelles
que les grandes firmes, devenues désormais partenaires explicites
de « l'acte éducatif», jugeront excellent de vendre
aux différents participants. Je pense qu'on aura également
l'idée de placer, à l'entrée de ce grand parc d'attractions
scolaires, quelques dispositifs électroniques très simples,
chargés de détecter l'éventuelle présence d'objets
métalliques. >>
¤ ¤ ¤
¤ ¤
27. Même
Antoine Prost a fini par reconnaître que « les réformes
voulant assurer l'égalité des chances ont eu le résultat
contraire » (l'enseignement s'est-il démocratisé 1992).
Par exemple, « le pourcentage d'étudiants d'origine populaire
à l'ENA, l'ENS et l'X est passé de 15,4% pour 1966-1970 à
7% pour 1989-1993 ». (bak)
28. Après la révélation par
certaines organisations non gouvernementales des tractations secrètes
sur l'AMI, certains des seigneurs de guerre se sont d'ailleurs plaints
de cette accessibilité et ont promis des mesures pour y faire face.
On sait que dans le monde des médias, c'est précisément
la fonction d'un Alain Duhamel (j'emploie ici ce nom dans un sens générique,
comme on dit un Tartuffe ou un Quisling) de dissimuler au public l'existence
de ce genre de documents puis - s'ils viennent a être découverts
- de mentir avec aplomb sur leur signification réelle. Rappelons,
au passage, que le véritable Alain Duhamel est un des membres éminents
du « Siècle », c'est-à-dire de « l'un des
clubs français très fermés où se côtoient
les élites du monde politique, de la finance, de l'industrie, des
médias » (Pierre Bitoun, Les Cumulards, Stock 1998, pp. 44
et 230.) Au train où vont les choses, ce dont les citoyens auront
bientôt besoin pour découvrir les décisions qui sont
prises "en leur nom", ce n'est plus d'esprits curieux, mais bel
et bien d'agents secrets. (bak)
29. Cf. Hans Peter Martin et Harald Schumann,
Le Piège de la mondialisation, Solin-Actes Sud, 1997. Toutes les
citations qui suivent sont empruntées à ce témoignage
direct. (bak)
30. De fait, il est difficile de faire plus court
que John Gage, dirigeant américain de Sun Microsystems: «
Nous engageons nos employés par ordinateur, ils travaillent sur
ordinateur et ils sont virés par ordinateur. »
(bak)
31. Ancien conseiller de Jimmy Carter et fondateur,
en 1973, de la Trilatérale, « club encore plus impénétrable
que le Siècle, qui regroupait en 1992 environ 350 membres américains,
européens et japonais » et qui constitue « un des lieux
où s'élaborent les idées et les stratégies
de l'internationale capitaliste» (P. Bitoun, op. cit. p. 44.) (bak)
32. Entertainment signifie divertissement
et tits, en argot américain, les seins. (bak)
33. Analyse où l'on retrouve sans
trop de peine la représentation que les élites intellectuelles
et médiatiques se font spontanément des gens ordinaires (de
cette « France moisie » comme dirait l'élégant
Sollers) : un monde peuple de "beaufs" et de "Deschiens",
cible quotidienne des dessins de Cabu ou des Guignols de l'info. On notera
ici l'étonnante puissance de récupération du système
: au XIXe siècle, le Guignol était l'une des quelques armes
dont disposait encore le petit peuple pour brocarder ses maîtres.
I1 est devenu aujourd'hui l'artillerie lourde que l'élite emploie
pour se moquer du peuple. On peut imaginer ce qu'il adviendra de Robin
des Bois le jour où, pour des raisons d'Audimat, Vivendi demandera
à ses employés de lui donner à nouveau une existence
télévisée. (bak)
34. Le Capital ne plaisante plus avec la pédagogie
chaque fois qu'il s'agit des affaires sérieuses et qu'il a besoin
de résultats réels. Quand, par exemple, le sport cesse d'être
un jeu et une fête pour devenir une industrie où seule la
victoire est rentable, on se garde bien de confier la formation des futurs
vainqueurs à des Foucambert ou des Meirieu. Comme l'écrit
Liliane Lurçat, (La Destruction de l'enseignement élémentaire
et ses penseurs, Paris 1998, p. 25) : « La rigueur pédagogique
a déserté les bancs de l'école pour s'exercer dans
les lieux où l'on pratique les sports. Curieusement, dans ces lieux,
on ne prétend pas s'appuyer sur le constructivisme, et la rigueur
pédagogique n'y est pas considérée comme une entrave
à la spontanéité. » Et, étrangement,
l'origine populaire de la plupart des sportifs n'est jamais invoquée
ici comme un obstacle à cette rigueur pédagogique traditionnelle.
(bak)
35. Rapport du 24 mai 1991. Cité dans Tableau
Noir (Gérard de Selys et Nico Hirtt, EPO, Bruxelles, 1998). Ce petit
livre indispensable reproduit abondamment les textes que la Commission
Européenne, l'OCDE ou 1'European Round Table (l'un des lobbies communautaires
les plus discrets et les plus efficaces et dont Edith Cresson est la passionaria
infatigable) consacrent, depuis quelques années a définir
les « ajustements structurels » exigés par la réforme
capitaliste de l'ecole. Comme ces rapports ne sont pas destinés
à être lus par le "peuple souverain", les auteurs
s'y expriment avec un cynisme qui est tout à fait stupéfiant.
(bak)
36. « Parenthèse sur l'enseignement
: on bavarde interminablement sur la crise de l'enseignement, chaque ministre
produit sa réforme, et on laisse de côte, et pour cause, l'essentiel.
Comme le disait déjà Platon, il y a 2500 ans, à la
base de toute acquisition et de toute transmission de savoir, il y a l'eros
: l'amour pour l'objet enseigné qui passe nécessairement
par une relation affective spécifique entre enseignant et enseigné
» (C. Castoriadis, La fin de l'histoire, Éditions du Félin,
1932.) Ces évidences de base nous rappellent les limites a
priori de tout télé-enseignement. Ce que la machine peut
inculquer c'est, au mieux, un savoir coupe de ses supports affectifs et
culturels et par conséquent privé de sa signification humaine
et de ses potentialités critiques. Dans son principe, il n'est pas
différent de celui qu'un dressage habile pourrait « enseigner
» à un animal. Mais on sait bien que « les milliards
de Bill Gates sont nés, entre autres, de cette petite lumière
imbécile qui s'allume dans le crâne d'un ministre dès
qu'on prononce devant lui les mots ordinateurs, informatique ou modernité
». (Charlie-Hebdo, 17.9.1997). Est-il utile de préciser que
cet article de Philippe Val est consacré à M. Allegre! (bak)
37. Commission européenne. Rapport cité.
(bak)
38. Rapport de la « Table Ronde de Philadelphie
», février 1996. Cité dans Tableau noir, p. 43. (bak)
39. Si on enseigne à un élève
que « Socrate est un homme » et que « tous les hommes
sont mortels », il faut, dans les conditions normales, déployer
plus d'efforts pour l'empêcher de conclure que « Socrate est
mortel » que pour l'amener à cette conclusion. Le rôle
des sciences de l'éducation est précisément de détruire
ces conditions normales afin d'obtenir de l'élève l'illogisme
politiquement utilisable. (bak)
40. G. Debord, Commentaires sur la Société
du Spectacle. Ed. Lebovici, 1988, p.36. I1 s'agit, notons-le, d'une véritable
révolution culturelle car, comme le précise Debord, jusqu'à
une période récente, « presque tout le monde pensait
avec un minimum de logique, à l'éclatante exception des crétins
et des militants » (p. 39). En ce sens, on pourrait dire que la réforme
scolaire idéale, du point de vue capitaliste, est donc celle qui
réussirait le plus vite possible a transformer chaque lycéen
et chaque étudiant en un crétin militant. (bak)
41. G. Debord, p. 40. (bak)
42. Quand la classe dominante prend la peine d'inventer
un mot (« citoyen » employé comme adjectif) et d'imposer
son usage, alors même qu'il existe, dans le langage courant, un terme
parfaitement synonyme (civique) et dont le sens est tout à fait
clair, quiconque a lu Orwell comprend immédiatement que le mot nouveau
devra, dans la pratique, signifier l'exact contraire du précédent.
Par exemple, aider une vieille dame à traverser la rue était,
jusqu'ici, un acte civique élémentaire. I1 se pourrait, à
présent, que le fait de la frapper pour lui voler son sac représente
avant tout (avec, il est vrai, un peu de bonne volonté sociologique)
une forme, encore un peu naïve, de protestation contre l'exclusion
et l'injustice sociale, et constitue, à ce titre, l'amorce d'un
geste citoyen. (bak)
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Jean-Claude Michéa & Editions CLIMATS - Merci de ne pas reproduire
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