Discussions annexes, bavardages politiques, hors-sujet divers... (archives 3003-2008)

Ce deuxième forum est réservé aux discussions culturelles et politiques qui ne concernent pas directement France Culture. L'accès est libre mais les propos racistes, diffamatoires ou insultants seront effacés. Pour insérer des smileys, voir les pages DÉCALCOS 1 et 500 DÉCALCOS. Mention légale : les textes, idées et contenus présentés ici n'engagent que leurs auteurs à titre personnel et non le propriétaire du site Défense de France Culture.
**** Cliquez ici pour retourner au forum rouge du site DDFC ****


 La pétition SOS France Culture continue sur le site sosfranceculture.free.fr        Dictionnaire TLF 
 Recherche :
 Dans le fil

Retour à la liste des messages
Henry Faÿ

26/05/2005
18:12
l'intervention de Paul Bouchet

**************************************
Henry Faÿ
26/05/2005
11:12 l'intervention de Paul Bouchet

Guy:
<< Le passage de William Abitbol n'a pas provoqué beaucoup de remous. On aurait pu s'attendre à davantage d'animation étant donné qu'il a été un des six ou sept conventionnels ayant refuser de signer les travaux de cette convention.

Par contre, avec l'écoute de Paul Bouchet que de surprises !
Volubile,cet octogénaire, raconte ses combats pour améliorer des textes, pour y introduire ou souligner, par exemple, le mot "dignité", etc., et patatras ! il annonce qu'il faut voter OUI au référendum.
Sans être conscient de la confusion dans laquelle il patauge il lance ce mot d'ordre : "il faut croire à la militance, pour qu'elle gagne battons-nous".
Battons-nous, mais votons OUI. Qui peut comprendre ?
Au fait n'est-il qu'octogénaire? Il semble plutôt avoir dépasser les 200 ans pour rendre actuel cette déclaration de Victor Hugo : "La constitution [de l'Europe] c'est l'alliance de la France et de l'Allemagne.">>


Ça fait mal d'entendre qu'il y a de la confusion chez Paul Bouchet. Paul Bouchet est la personne la plus claire et la moins confuse qui soit. Ce que dit Paul Bouchet, c'est ce que je me tuais à expliquer mais c'était mission impossible aux participants du forum qui sont acharnés à défendre le non:
(i) le texte n'est pas aussi marqué idéologiquement que les défenseurs du non le croient.
(ii) jamais on ne se laisse coincer par un texte, les échappatoires sont nombreuses. Les juristes s'y connaissent pour tirer d'un texte ce qui n'y est qu'en filigrane ou qui n'y est pas et même parfois le contraire de ce qu'il a voulu dire.

Guy s'étonne que Paul Bouchet soit partisan du oui. Une nouvelle fois je vois que Guy n'a rien compris au personnage ni à ce qu'il a dit. Paul Bouchet insiste sur le fait que le mot dignité n'est pas dans la déclaration des droits de l'homme, alors qu'il est dans le projet de constitution en première ligne de l'article I-2 les valeurs de l'Union.
"L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, d'égalité, de l'Etat de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux Etats-membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes".

C'est pour Paul Bouchet la grande supériorité du texte.

Paul Bouchet relève comme beaucoup d'autres l'ont fait que les droits fondamentaux inscrits dans le texte, c'est quelque chose d'unique au monde.

Paul Bouchet, qui est avocat, dit qu'il y a tout dans ce texte. L'important n'est pas la lettre mais l'esprit. Il dit qu'à partir du mot solidarité on peut arriver à la notion de service public.

Paul Bouchet a énormément insisté sur l'élément de démocratie participative introduit dans le texte (possibilité de soumettre à la Commission une pétition). Il l'a martelé, il l'a redit au moins cinq fois. Ce qu'il dit rejoint ce que j'avis lu dans l'interviou de Jacques Delors dans le Nouvel Observateur. Contrairement à ceux qui pensent que c'est un gadget, il y croit dur comme fer et il dit que les syndicats qui ont des millions de membres pourraient s'en emparer.

Paul Bouchet a évoqué cet article qui indique que la constitution ne préjuge en rien du régime de propriété dans les Etats membres. Un pierre dans le jardin de ceux qui contre toute évidence pétendent que le texte est ultra-libéral. Il a aussi dit qu'il y avait beaucoup de contradictions dans ce texte, dont les juristes ne manqueraont pas de faire leurs choux gras.

Paul Bouchet estime que le oui une voie plus courte vers ce qu'il cherche à obtenir, la fin des exclusions et que la victoire du non rendrait les négociations extraordinairement difficiles, mais il précise que ce n'est pas précisément son affaire.

PS Pour ceux qui tirent à boulets rouges contre la construction européenne et qui disent qu'elle ne sert à rien, dans les infos ce matin, à moins que ça ne soit dans une revue de presse, j'ai entendu que Zapareto avait dit que l'Espagne n'aurait jamais pu retirer ses troupes de l'Irak si elle sa monnaie avait été la pesata. Les pressions sur la monnaie auraient été insupportable et elle n'aurait pas pu y résister.

À propos de William Abitbol, les idées soit-disant souverainistes de droite sont assez détestables, souvent dérisoires et William Abitbol en est un piètre défenseur, comme je l'ai indiqué dans le fil que j'ai ouvert sur cette intervention.


**************************************
Nazdeb
26/05/2005
11:33 re : l'intervention de Paul Bouchet

Henry :

(i) le texte est plus marqué idéologiquement que toute autre constitution démocratique : il parle de concurrence, de marché, de libéralisation, etc.

(ii) "jamais on ne se laisse coincer par un texte, les échappatoires sont nombreuses. Les juristes s'y connaissent pour tirer d'un texte ce qui n'y est qu'en filigrane ou qui n'y est pas et même parfois le contraire de ce qu'il a voulu dire." => Tout ce commentaire est extrêmement inquiétant. Pour garantir un Etat de droit il faut des textes de droit. Si cette constitution va être interprétée d'une manière qu'on ne peut aujourd'hui appréhender, voire de façon contradictoire avec ce qu'elle proclame, alors tu nous invite à renoncer à l'Etat de droit. C'est grave ! Un texte de droit à plus forte raison une constitution doit être clair et doit être respecté, sinon nous ne sommes plus à l'abri de rien.

J'en profite pour rapporte, si cela n'a pas déjà été fait dans le forum, quelques propos de Jacques Delors sur ton traité adoré (livre "Entretien",avril 2004) :

«Ne me parlez pas d’une constitution à propos de ce traité ! (...) Vous êtes prêts à accepter que la Cour de justice européenne s’occupe de tout, y compris des problèmes demeurés nationaux ?» Une constitution nationale «on peut la changer à la majorité, mais là on a une constitution qui doit être acceptée par les 25, et ensuite faire l’objet d’une approbation nationale. Non, on se moque du monde !»

- «La partie III, intitulée "Les politiques" : c'est comme si, dans la Constitution française, chaque fois qu'on changeait de gouvernement, on changeait la Constitution pour dire qu'on allait faire telle ou telle politique sociale. Une politique que vous appliquez au jour le jour, ce n'est pas du ressort de la Constitution !».

-«On peut avoir un texte amélioré. Comme par hasard, les deux groupes de travail qui n'ont pas fonctionné à la Convention, c'est celui de l'Union économique et monétaire et celui sur le social (...). Il faut revenir en arrière, il faut revoir les textes.»

Que de paroles louables !



**************************************
bon vent
26/05/2005
14:48 re : l'intervention de Paul Bouchet

Je suis étonnée d'apprendre que Delors ait tenu de tels propos : ceux sont les arguments du non ; Il s'exprimait alors en toute liberté...


**************************************
Nazdeb
26/05/2005
15:15 re : l'intervention de Paul Bouchet

En effet, c'est que le bon élève Delors s'est vite rallié à la position dominante, celle de son milieu. Les personnalités médiatiques n'osent plus se positionner selon leur propre raison mais par suivisme.
... Comme Henry d'ailleurs, qui se rêve en époux de Ségolène Royal et nous dit, allons, oubliez l'Etat de droit et laissez les Maîtres interpréter les textes comme Ils veulent
1789 n'est décidément pas fini, nom de nom...



**************************************
guydufau
26/05/2005
17:09 re : l'intervention de Paul Bouchet

"ii) jamais on ne se laisse coincer par un texte, les échappatoires sont nombreuses. Les juristes s'y connaissent pour tirer d'un texte ce qui n'y est qu'en filigrane ou qui n'y est pas et même parfois le contraire de ce qu'il a voulu dire."

Mais alors c'est le règne des avocats [P.Bouchet], des juristes, des prestidigitateurs, des escrocs, c'est institutionnaliser le jeu du bonneteau...
Est ce cela qui plait tant à Henry Royal ?



**************************************
Henry Faÿ
26/05/2005
17:35 au secours!


<<... Comme Henry d'ailleurs, qui se rêve en époux de Ségolène Royal>>
alors là, non! Pas dans mes cauchemars les plus délirants.



**************************************
Henry Faÿ
26/05/2005
17:46 Jacques Delors, un politique


<< Je suis étonnée d'apprendre que Delors ait tenu de tels propos : ceux sont les arguments du non ; Il s'exprimait alors en toute liberté...>>
Moi aussi j'en suis étonné mais c'est que Jacques Delors est un politique qui connaît la complexité des choses, qui sait peser le pour et le contre et le contre et le pour et qui n'est pas du genre à se déterminer en fonction d'un seul argument.
Jacques Delors ne saurait être taxé de suivisme. Il n'a plus rien à prouver, il n'a plus rien à craindre de personne. La construction européenne est la grande affaire de sa vie, il est mieux placé que quiconque pour dire ce qui est bon pour elle.



**************************************
Nazdeb
26/05/2005
17:57 re : l'intervention de Paul Bouchet

Le compte rendu qui est fait de l'interviou de Paul Bouchet dessert le bonhomme, car il semble avoir sorti quelques carabistouilles :

1) « Les droits fondamentaux inscrits dans le texte, c’est quelque chose d’unique au monde »

=> Non seulement ces droits fondamentaux n’ont pas de valeur juridique directe (prise en compte des « explications » du praesidium qui contiennent d’innombrables dérogations, comme sur la peine de mort etc.), mais d’autres droits fondamentaux, comme les Droits de l’homme dans le préambule de la constitution française, ont une valeur juridique reconnue. De plus la Convention européenne des droits de l’homme est en vigueur, et le restera même en cas de rejet du texte. Enfin, personne ne s’oppose à ce qu’un nouveau projet de constitution puisse reprendre cette charte des droits fondamentaux

2) « A partir du mot solidarité on peut arriver à la notion de service public »

=> Si la solidarité était d’une telle portée elle interdirait toute économie de marché, puisque les marchés ne fonctionnent pas selon le principe de solidarité. A un niveau moins radical, elle pourrait être invoquée pour instituer un revenu minimum universel pour tous les chômeurs, les exclus, les retraités, etc. Es-tu d’accord avec une telle application du principe de solidarité Henry ? Si les dirigeants de l’Europe s’engageaient à faire une telle lecture et prendre de telles dispositions, je pourrais bien voter oui dimanche. Las, je doute que les politiques et les juristes aient une conception aussi généreuse et effective de la solidarité. Sur le terrain de l’économie, cette notion doit en réalité faire face à celle notamment de « concurrence libre et non faussée », qui est bien plus concrète, elle – et qui n’a rien à faire dans une Constitution …

3) « … l'élément de démocratie participative introduit dans le texte (possibilité de soumettre à la Commission une pétition). Il l'a martelé, il l'a redit au moins cinq fois (…) Contrairement à ceux qui pensent que c'est un gadget, il y croit dur comme fer et il dit que les syndicats qui ont des millions de membres pourraient s'en emparer. »

=> Ce à quoi il dit « croire dur comme fer », le pouvoir de cette pétition, n’est pas dans le texte. Il faut bien « marteler », « redire cinq fois » ce genre d’argument pour espérer être convainquant tellement il vaut peu de cacahuètes. On a assez dit que ce droit de pétition ne rime pas à grand chose, pour des raisons qui relèvent du texte même, puisque la Commission est libre de faire au bout du compte ce qu’elle veut. La seule innovation que j’y vois à la rigueur, c’est d’empêcher implicitement aux citoyens de pouvoir écrire aux Commissaires (comme on peut le faire tous les jours, individuellement, à nos ministres) tant qu’ils ne sont pas un million à signer la lettre…

4) « Il a aussi dit qu'il y avait beaucoup de contradictions dans ce texte, dont les juristes ne manqueront pas de faire leurs choux gras. »

=> Comme je l’ai fait remarquer, un texte dont on ne sait pas comment les paquets de dispositions contestées qu’il contient seront interprétées est une anomalie, et même un danger, dans un Etat de droit démocratique. Les citoyens doivent savoir clairement ce que prévoit le droit, surtout au niveau constitutionnel. Bouchet confirme au passage l’idée assez répandue que le texte est tout simplement un mauvais texte, légitimant l’avis de ceux qui vont le rejeter dimanche.



**************************************
Henry Faÿ
26/05/2005
18:07 la concurrence, parlons en

<<(i) le texte est plus marqué idéologiquement que toute autre constitution démocratique : il parle de concurrence, de marché, de libéralisation, etc.>>

La concurrence, parlons en. J'ai fini par le lire, le chapitre sur le marché intérieur et j'ai vu qu'il faisait tout sauf définir une politique. Ni libéral, à plus forte raison pas ultralibéral, ni antilibéral, rien. C'est un texte qui ne dit rien.
La concurrence est affirmée, d'accord, mais Frédéric Lordon lui-même admet que la concurrence fait partie de tout système économique quel qu'il soit si on exclut le Gosplan.
Un article qui suit prévoit une série d'exceptions à la règle de la concurrence, il n'en restera donc plus grand chose et un autre explique que tout est sous le contrôle des organes politiques de l'Union. Autrement dit, on en fera absolument ce qu'on voudra, cela ne nous lie pas. Ce texte est un texte passe-muraille, ce n'est qu'un tigre de papier, c'est une motion nègre-blanc.
Donc je ne vois pas, au moins sur ce point en quoi il est marqué idéologiquement et pourquoi on en fait une histoire.
Quand j'ai expliqué ça sur le forum, je n'ai eu droit qu'à des moqueries, qui m'ont amusé, d'ailleurs.
Il n'est pas étonnant que les libéraux de je ne sais plus trop quel cercle le rejettent comme pas assez libéral comme je l'ai vu dans Libération.
 
nzdb

26/05/2005
18:19
re : l'intervention de Paul Bouchet

Henry quand tu fais un commentaire sur une émission où on parle de constitution pour caser ce que tu as à dire sur la constitution, moi je pense que ce serait bien que tu publies directement dans le forum bleu. Ne serait-ce que par respect de la parole des contradicteurs dont les propos disparaissent du forum saumon (à juste titre) alors que les tiens y restent.

 
DDFC

26/05/2005
18:21
re : l'intervention de Paul Bouchet

Défaut corrigé à l'instant...


 
nzdb

26/05/2005
18:23
re : l'intervention de Paul Bouchet

J'admets que c'était du pinaillage mais merci ddfc...


 
Henry Faÿ

27/05/2005
11:38
un texte qui pourra servir


=> << Si la solidarité était d’une telle portée elle interdirait toute économie de marché, puisque les marchés ne fonctionnent pas selon le principe de solidarité.>>

Ça me paraît très contestable car cette fameuse économie de marché a quand même l'avantage d'être à l'origine de la production des biens et des services, sans laquelle la solidarité ne serait que vain mot. Elle n'est pas contradictoire avec la solidarité, elle en est la condition.


<< A un niveau moins radical, elle pourrait être invoquée pour instituer un revenu minimum universel pour tous les chômeurs, les exclus, les retraités, etc. Es-tu d’accord avec une telle application du principe de solidarité Henry ?>>

Mais bien entendu. Pouvez-vous en douter?


<< Si les dirigeants de l’Europe s’engageaient à faire une telle lecture et prendre de telles dispositions, je pourrais bien voter oui dimanche. Las, je doute que les politiques et les juristes aient une conception aussi généreuse et effective de la solidarité. Sur le terrain de l’économie, cette notion doit en réalité faire face à celle notamment de « concurrence libre et non faussée », qui est bien plus concrète, elle – et qui n’a rien à faire dans une Constitution …>>

Sur cette fameuse "concurrence libre et non faussée", je ne comprends pas pourquoi les partisans du oui se sont laissés piéger par ce truc ridicule. J'ai dit ce que j'en pensais dans un message qui n'est pas loin. Dans un article de ce projet de constitution, il est dit que la concurrence est libre et non faussée, dans un autre, on donne toutes les bonnes raisons qu'il y a de la fausser et dans un troisième, on indique que tout ça sera sous le contrôle des politiques. Franchement, on peut trouver que ça n'est guère sérieux et il n'y a pas de quoi avoir peur. C'est du libéralisme en peau de lapin.

Dans l'émission de Marc Voinchet d'hier, dans laquelle s'exprimmaient des artistes partisans du non, et ils le faisaient avec virulence, un des arguments les plus couramment employés était que le texte "contient tout et son contraire". S'il contient tout et son contraire, ne dites pas qu'il définit une politique et qu'il détermine l'avenir pour des siècles!

Pour ce qui est d'un texte de mauvaise qualité, on peut certes le regretter mais comment pouvait-il en être autrement puisqu'il devait passer par la moulinette d'une rédaction commune et d'une approbation par les vingt-cinq partenaires. Est-ce dans ces conditions qu'on peut faire du bon travail?

Je crois que le vrai mérite et l'intérêt politique du texte est de réformer les institutions et de permettre de passer de décisions à l'unanimité, ce qui est une sorte d'enfer à des décisions à la majorité qualifiée, avec cet instrument, on devrait pouvoir travailler.

Ce qui était intéressant dans l'intervention de Paul Bouchet, c'est qu'il est un praticien du droit, un bagarreur, il sait ce qu'on peut obtenir en utilisant toutes les ressources qu'offre un texte. Il a dit que le texte de constitution était "une voie plus courte".



 
Nazdeb

27/05/2005
12:31
re : l'intervention de Paul Bouchet

Henry,

Premièrement, si le texte contient tout et son contraire et que personne ne peut dire comment il sera appliqué (et notamment les principes de solidarité, de concurrence, etc.) alors il ne respecte pas l'Etat de droit. On demande aux gens de valider un texte dont on ne sait pas ce qu'il dit, c'est totalement irresponsable. Un texte doit obligatoirement être clair, surtout s'agissant d'une constitution. Mais il se confirme que les notions d’Etat et de démocratie ne trouvent pas beaucoup gré à tes yeux.

Deuxièmement, si pour obtenir de ce texte des politiques qui nous plaisent il faut être un "bagarreur" du droit, alors les positions françaises sont très hypothéquées voire d'avance perdues. Les anglo-saxons et milieux libéraux et concervateurs sont au petit jeu des batailles juridiques plus forts que les français. Je ne vois pas les mesures sociales, la reconnaissance des services publics que vante Bouchet être acceptées docilement par nos partenaires, et d'ailleurs je ne vois même pas nos propres représentants le faire, qu'ils s'appellent Chirac Sarkozy ou Hollande. Tout cela est de la poudre aux yeux, Bouchet « sait ce qu’on peut obtenir » du texte mais cela reste potentiel, soumis aux rapports de force, il ne sait pas « ce qu’on obtiendra » du texte. En l'espèce Bouchet rêvasse.

Autre point : tu te dis tout à fait d'accord avec l'institution « d'un revenu minimum universel pour tous les chômeurs, les exclus, les retraités, etc. » et tu vas jusqu’à demander « Pouvez-vous en douter? » Mais bien sûr qu’on en doute ! Une telle application de la solidarité, qui est jusqu’ici promue par la gauche véritable (hors PS), les altermondialistes, les VT, Guy et autres Nazdeb, est tout à fait incompatible avec ta préférence que tu as exprimée d'une économie à l'anglo-saxone, où les gens doivent travailler même pour des salaires de misère. L’objectif primordial que tu donnes à la politique est, non pas la solidarité ni la dignité, c’est, de manière exclusive, la réduction du chômage, au prix du travail précaire, pauvre, bref différentes choses tout à fait à ton goût. Mais un système où un patron part à la retraite avec 39 millions d’euros et une mère qui travaille est rendue à voler dans les supermarchés pour nourrir ses enfants, système dont tu vantes les mérites à longueur de pages du forum, n’est certainement pas un système solidaire.



 
Nazdeb

27/05/2005
12:50
re : l'intervention de Paul Bouchet

4ème ligne ; les notions d’Etat *de droit* et de démocratie

 
Henry Faÿ

27/05/2005
16:26
si ce n'est que ça...


Des textes juridiques mal fichus, compliqués, ambigus, vous en aurez toujours; des occasions de faire avancer la construction européenne, vous n'en aurez pas toujours.

 
Nazdeb

27/05/2005
16:36
re : l'intervention de Paul Bouchet

Une constitution, précisément, ne doit pas être mal fichue, compliquée, ambiguë, sinon il n'y a ni Etat de droit ni démocratie, à moins de penser que la démocratie est une chose méprisable (une suffisance qu'on perçoit dans l'expression "si ce n'est que ça...").

Par ailleurs, le rejet du texte ne fait pas manquer une occasion de faire avancer la construction européenne, c'est au contraire une immense occasion de revoir plus sérieusement la façon dont elle se construit, le sens dans lequel elle va, de faire, autrement dit, "une pause pour réfléchir" comme le recommande The Economist, l'un des meilleurs journaux du monde.

"Une défaite de la Constitution ne serait pas la catastrophe que certains europhiles semblent penser: la vie suivrait son cours, même à Bruxelles, et une Union qui a vécu pendant près d'un demi-siècle est certainement assez forte pour s'accomoder d'une rebuffade occasionnelle des électeurs. Si elle répond en faisant une pause pour réfléchir, cela pourrait même être profitable".



http://fr.news.yahoo.com/050527/202/4fr9l.html



 
Nazdeb

27/05/2005
17:05
re : l'intervention de Paul Bouchet

A cent lieues des carabistouilles hallucinées de Paul Bouchet, voici quelques citations à l'appui de l'interprétation "libérale" de la constitution (l'Humanité, 25 mai 2005) :

* « Sans Europe, la France n’aurait pas mis en oeuvre une politique de la concurrence luttant contre les monopoles et les oligopoles. Sans Europe, la libéralisation des marchés réglementés qu’étaient ceux de l’énergie, de la distribution du courrier, de l’électricité ou du gaz n’aurait pas été engagée [...]. Notre "oui" est un "oui" qui constate que l’Europe nous donne les outils des adaptations que trop souvent nous refusons de faire nous-mêmes. Nous avons choisi de revendiquer toute notre place dans le camp du "oui". »

Hervé Novelli, Louis Giscard d’Estaing, Claude Goasguen, Hervé Mariton et 24 autres députés UMP « réformateurs ».

* « Le nouveau traité constitutionnel ne fait que consolider et clarifier l’existant en lui donnant un peu plus d’efficacité et un meilleur fondement démocratique ; il grave dans le bronze les acquis libéraux, et c’est bien ce que la gauche la plus rétrograde lui reproche. Comme nous sommes sans doute le moins libéral des 25 États, les libéraux français doivent considérer ce traité comme une protection et non comme une menace. »

Liberté chérie, association « libertarienne », anti-grévistes et anti-services publics.

* « C’est le peuple de gauche qui actuellement bascule vers le "non". Et pourquoi bascule-t-il vers le "non" ? Parce que les dirigeants des partis de gauche leur expliquent à longueur de journée et à longueur de colonnes que l’économie de marché, c’est épouvantable, que le libéralisme, c’est affreux, que les Français s’appauvrissent, que les profits n’ont jamais été aussi élevés, que les inégalités augmentent... On dit aux Français : "Tout ça, c’est la faute au libéralisme !"Or comment est l’Europe ? L’Europe est libérale ; elle est simplement libérale. Comment les gens peuvent-ils se retrouver dans un discours où la cause de tous les malheurs, c’est le libéralisme et, en même temps, être appelés à voter pour cette Europe ? C’est compliqué, quand même. Je pense que les citoyens qui basculent vers le "non" le font tout à fait rationnellement. »

Jacques Marseille, économiste proche des cercles patronaux.

* « La plupart des partisans du "oui" utilisent des arguments du « non » : on a un projet européen qui nous libère de cette forme étatique qui a écrasé le XXe siècle, et voici qu’on nous dit qu’il nous faut un État. »

François Ewald, présenté par Seillière comme « l’intellectuel de service » du MEDEF.

--------




 
AArgh!!!

27/05/2005
20:58
re : l'intervention de Paul Bouchet

Euh, Nazdeb, je ne crois pas que l'on puisse en quelque manière parler à propos de Paul Bouchet de "carabistouilles hallucinées". Quel que soit le vote que l'on a décidé de déposer dans les urnes, ce type a une force de conviction, ue hauteur de vues, une modestie et un sens de l'action qui force le respect. Le mien, en tout cas. Il a été il y a quelque temps l'invité d'A voix nue -je crois - et il était passionnant à écouter. Parce qu'il sait parler, c'est un authentique orateur et un conteur de talent, parce qu'il met sa parole au service de l'action, et parce quil est généreux et tourné vers les autres, - politique au meilleur sens du terme.
Quant à le qualifier de quasi gâteux sous prétexte qu'il est octogénaire....

 
A.

27/05/2005
20:58
re : l'intervention de Paul Bouchet

...qui forcent le talent.

 
Nazdeb

27/05/2005
21:54
re : l'intervention de Paul Bouchet

Agnès,

Je ne qualifierais Bouchet pas de gâteux, mais de naïf. Il semble mettre sa conviction au service d'idées ou de constats en lesquels il veut croire à tout prix (il les fantasme, d'où "hallucinées"), c'est louable, mais qui sont du vent ou à tout le moins contestables. Déduire de l'apparition du mot "solidarité" dans la constitution que les services publics pourront être préservés ou promus par elle, cela a quelque chose de simpliste et de ridicule. Sa conviction lui fait tenir des choses fausses (d'où "carabistouilles" courtesy of Henry) : le point de vue sur les droits fondamentaux, chose prétendument "unique au monde", ne tient pas. Quelque qui parle selon sa conviction exprime ses souhaits ou ses fantames, pas la réalité.

Je sais que la force de conviction, surtout dans notre pays, tend à l'emporter souvent sur d'autres considérations. Si un orateur a l'air sûr de lui, parle bien, on tend à le croire (ou, disons, à vouloir le croire), même si ce qu'il dit est discutable ou même faux. C'est l'une des grandes caractéristiques de l'esprit pratiqué en France : on cultive le style, l'élégance rhétorique, le lyrisme, souvent au détriment des faits et des arguments.

Quand la force de conviction est tout ce qui reste pour défendre une chose, c'est que cette chose ne peut se défendre d'elle-même. Et franchement, si la conviction devait être notre boussole, nous serions tous des admirateurs de Bernard-Henri Lévy ou des chroniques d'Edwy Plenel. Voire !

J'espère vous avoir fait preuve de ma conviction ?



 
Henry Faÿ

28/05/2005
01:28
Paul Bouchet est tout sauf un naïf


<< Je ne qualifierais Bouchet pas de gâteux, mais de naïf. Il semble mettre sa conviction au service d'idées ou de constats en lesquels il veut croire à tout prix (il les fantasme, d'où "hallucinées"), c'est louable, mais qui sont du vent ou à tout le moins contestables. >>

Il me semble avoir entendu au cours de l'interviou de Paul Bouchet qui est un praticien du droit avait obtenu, ou qu'il avait contribué à faire adopter des mesures importantes de lutte contre l'exclusion, j'ai pensé qu'il devait s'agir de la CMU ou de la loi sur l'exclusion, je ne peux l'affirmer et ce serait à documenter mais il serait bien imprudent de prétendre que cet homme,ancien président d'ATD quart-monde est un naïf, ce n'est pas l'impression qu'il donne, qu'il nourrit des fantasmes et que ce qu'il fait n'est que du vent.

 
Henry Faÿ

28/05/2005
11:03
suggestions intéressées


Les suggestions douteuses et intéressées de ceux qui n'en veulent pas
********************************************************

<<Par ailleurs, le rejet du texte ne fait pas manquer une occasion de faire avancer la construction européenne, c'est au contraire une immense occasion de revoir plus sérieusement la façon dont elle se construit, le sens dans lequel elle va, de faire, autrement dit, "une pause pour réfléchir" comme le recommande The Economist, l'un des meilleurs journaux du monde.

"Une défaite de la Constitution ne serait pas la catastrophe que certains europhiles semblent penser: la vie suivrait son cours, même à Bruxelles, et une Union qui a vécu pendant près d'un demi-siècle est certainement assez forte pour s'accomoder d'une rebuffade occasionnelle des électeurs. Si elle répond en faisant une pause pour réfléchir, cela pourrait même être profitable".>>

Je trouve ça extraordinaire, ces gens dont la construction européenne n'est pas la tasse de thé, et qui si on les poussait un peu avoueraient sans peine qu'ils n'en veulent pas qui s'érigent en stratèges et qui disent ce qui est bon pour elle. The Economist est peut-être un excellent journal, c'est surtout le journal qui exprime les idées de ces ultralibéraux anglo-saxons qui ne vouent l'Union Européenne aux gémonies.

Alors on entend ces gens là donner leurs bons conseils et dire "soyez raisonnables, attendez, mettez cette Union Européenne au réfrigérateur pendant quelque temps, qualques années, pas plus, juste le temps de réfléchir un peu".
C'est le meilleur moyen de couler la construction européenne en donnant des arguments en béton à ceux qui y sont opposés, par exemple Alain Cotta qui va disant sur toutes les radios sur un ton goguenard: "mais qu'est-ce qu'elle a fait, cette Europe, en réponse à tous les défis de notre époque? Rien! Mettons fin à l'expérience et le plus tôt sera le mieux".
Pourquoi ne pas écouter ceux qui ont consacré leur vie à cette construction européenne?




 
bon vent

28/05/2005
13:07
re : l'intervention de Paul Bouchet

"Pourquoi ne pas écouter ce qui ont consacré leur vie à cette construction européenne"

C'est la phrase typique des parents sermonnant leur enfant : on a passé notre vie à t'assurer une bonne éducation, dans ton esprit embrumé tu regardes avec dédain la carrière qui t'est offerte pour n'en faire qu'à ta tête, quelle ingratitude !
 
Henry Faÿ

28/05/2005
13:21
qui écouter?


Ceux qui ont consacré leur vie à la construction européenne ont donné des preuves de leur engagement, ils plus de légitimité pour dire ce qu'il faut faire pour l'Europe que les journalistes de l'Economist qui exposent avec talent les thèses ultralibérales et dont le but avoué est de le faire échouer.
Eh bien oui, c'est vrai, j'estime qu'il y a de l'ingratitude chez les partisans du non, c'est quelque chose que je ressens et celui qui serait le mieux à même de le faire comprendre est Michel Rocard.
Ceci dit, on n'est jamais à l'abri d'une maladresse dans l'expression de ses idées, je n'ai pas de conseiller en communication derrière moi.

 
Henry Faÿ

28/05/2005
13:45
coquilles

Deux fautes dans le bref message qui précède, vous rectifierez de vous même.

 
bon vent

28/05/2005
14:31
re : l'intervention de Paul Bouchet

Henry, ce n'est pas une maladresse, vous le dites c'est votre sentiment profond et ça ouvre le dialogue au contraire, surtout pas de conseiller en communication Henry, surtout pas....

Ceux qui ont consacré leur vie à la construction européenne ont travaillé avec l'inconnu pour arriver à du connu qui a leurs yeux est un accomplissement, et du coup les conséquences du non a CETTE constitution les renvoient à nouveau dans l'inconnu, et à vous lire c'est un précipice avec la construction européenne au fond du trou.

Vous considérez que la constitution est le seul cadre dans lequel sera lancée une dynamique vers une Europe politique, c'est faux et les autorités européennes le savent parfaitement mais encouragent la diffusion de cette croyance. La dynamique européenne est lancée depuis 40 ans et elle n'a pas eu besoin de constitution, les traités suffisent amplement.

Le message unanime dans tous les courants du non est simple : pas de constitutionnalisation du libéralisme !

Nous y sommes déjà dans le libéralisme plutôt que de verrouiller l'option libérale dans une constitution, laissez nous travailler à une évolution vers une alternative économique acceptable pour tous;
 
Henry Faÿ

28/05/2005
16:20
un libéralisme en peau de lapin


Le libéralisme en peau de lapin du texte constitutionnel
******************************************************
<<Vous considérez que la constitution est le seul cadre dans lequel sera lancée une dynamique vers une Europe politique, c'est faux et les autorités européennes le savent parfaitement mais encouragent la diffusion de cette croyance. La dynamique européenne est lancée depuis 40 ans et elle n'a pas eu besoin de constitution, les traités suffisent amplement.

Le message unanime dans tous les courants du non est simple : pas de constitutionnalisation du libéralisme !>>

Eh bien je dirais qu'il y a de l'incompréhension chez les tenants du non. Si j'étais plus polémique, je dirais qu'ils n'ont rien compris. J'ai finalement découvert, un peu tard, je l'avoue, que le libéralisme de cette constitution n'était un libéralisme en peau de lapin. Elle introduit le libéralisme comme une option parfaitement facultative. Cette constitution dit: "faites du libéralisme mais si ça vous arrange de ne pas en faire tout est prévu pour que vous en soyez dispensé".
Je ne sais pas si vous avez écouté les imprécations du professeur d'économie Alain Cotta. Je les ai entendues lundi dans l'émission de Dominique Rousset et le lendemain sur Radio-courtoisie où il avait beaucoup de temps pour s'exprimer ce qui sur France Culture n'est guère possible. Le professeur Alain Cotta, que j'avais un peu connu jadis s'emporte avec une fougue sans pareille contre cette Europe "qui n'a pas été capable de résoudre le moindre problèmes". Il dit "mais enfin, ce n'est pas possible de laisser un ensemble de plusieurs centaines de millions d'hommes sans politique". Je dois dire que ce discours a tendance à m'ébranler. Et s'il avait raison? Je répondrais au professeur: faisons en sorte que l'Europe ait une politique. Mais oui, qu'elle ait une politique et qu'on lui donne les moyens d'en avoir, les moyens institutionnels! Et cela passe par des décisions à la majorité qualifiée dans les conseils, car vous le savez bien, des procédures de décision à l'unanimité ne permettent pas de décider.
L'adoption des procédures de décision à la majorité qualifiée passe par le oui au référendum.
Et je ne m'inquiête pas, il y aura toujours un savant mixte entre libéralisme et entorses au libéralisme, comme avant et comme aux Etats-Unis, pays qui fait du libéralisme cause sacrée.



 
Agnès

29/05/2005
19:37
re : l'intervention de Paul Bouchet

Désolée, Nazdeb, j'arrive un peu tard, après infortunes informatiques: le message que j'avais déposé hier s'est perdu, puis l'accès à DDFC était devenu impossible, encore un coup de Lolotte Adlerita. Je n'ai rien à ajouter à ce que dit Henry: PB n'est certes pas un idéaliste naïf ni un beau parleur dans le vide, et je suis très fâchée d'être soupçonnée de confondre des baratineurs du genre BHL ou Edwy Plenel (encore que ces deux-là ne soient pas du même genre, le propos de BHL se réduisant à des variations sur l'importance de son ego, alors que l'autre est une variété plus retorse de casuiste) avec un authentique homme de parole qui sait de quelle manière on peut lier, pour le meilleur, parole et action, qui AGIT dans le champ social et politique, et qui d'ailleurs n'a pas fait un fromage des résultats du vote quels qu'ils soient.
Il ne s'agit pas pour moi de défendre tel ou tel vote, à l'heure qu'il est, les dés doivent être jetés - je n'ai pas encore mis les infos – mais de m'élever contre des propos que je trouve injurieux et réducteurs à l'égard de qqun qui est tout sauf un idéologue, variété d'humanité surreprésentée un peu partout y compris ici même. Je pense que PB, (et son âge, on s'en fout!!!), a gagné le droit de parler et d'être écouté sans jugement hâtif ou stéréotypé, parce que ce n'est pas un stéréo-type.
Sur ce, bonsoir, je retourne à mes moutons. .



 
Nazdeb

30/05/2005
13:01
re : l'intervention de Paul Bouchet

Agnès,

Je ne mets certainement pas, je ne mettrai jamais, Paul Bouchet au même plan que BHL ou Plenel, il vaut tout de même sacrément mieux. Sur ce quoi je pointais le doigt, c'est la force de conviction comme critère de jugement d'un discours. C'est précisément parce que ces trois intellectuels jouent sur des tableaux complètement contrastés que j'ai recouru à cette comparaison : pour montrer l'absurdité de l'approche uniquement sur l’éloquence, la passion du discours.

Je suis tout à fait d'accord avec vous sur un point : on ne devrait pas écouter quelqu'un en faisant des jugements hâtifs ou stéréotypés. Je crois précisément que c’est ce que j’ai évité de faire : j'ai jugé les propos tenus par PB pour ce qu'ils étaient en soi, indépendamment de toute image que j'aurais du personnage, et en suis venu à expliquer que son discours contenait des choses fausses. C'est donc sur le *contenu* de l'énoncé qu'a porté mon jugement, pas sur la personne. En revanche, je constate cet effet de la stéréotypie, du jugement hâtif, chez Henry ou chez vous : comme PB est un grand et digne personnage, qu’il parle avec conviction, ce qu'il dit est forcément juste ou intéressant. Bref c'est un peu vous qui, dans cette histoire, semblez juger un propos en fonction de l'image que vous avez de celui qui parle (que cette image soit bonne ou mauvaise, ce que je dis vaut dans les deux sens). Dès lors, peu importe qu'on explique, avec des arguments, que ce qu'il dit est faux ou discutable, à chaque fois vous renvoyez à l'image du bonhomme : cela semble ne pas avoir d'issue.

Qu'en pensez-vous ?
Question subsidiaire : parler à propos de Bouchet de « carabistouilles hallucinées », dire qu’il « rêvasse », qui plus est en présentant un minimum d’argumentation sur l’emploi de ces termes, pensez-vous vraiment que ce soit tellement « injurieux ?

Une remarque sur la gratitude et sur les grands hommes. Je comprends la position des bâtisseurs de l'Europe en ceci qu'ils veulent à tout prix la voir aboutir de leur vivant, parce qu’il n'est pas certain qu'ils la voient un jour constituée si sa construction prend encore cinq ou dix ans de retard. En ceci, au passage, je rejoins la peine (enfin, que j’augure) d’Henry car ce qui s’est passé hier est un véritable gâchis, moins dû aux électeurs dont on ne peut remettre en cause le droit à ne pas vouloir d’un projet qu’ils jugent nocif ou inacceptable, qu’au mauvais travail réalisé en amont par de prétendus constituants. L’engagement de toute une vie des Giscard, Delors etc. et autres les fait vouloir aller trop vite, et à cause de cela ils pondent des textes mal fichus. Et justement ce ne sont pas eux qui vont récolter les conséquences et crises éventuelles qui peuvent naître des absurdités, des lourdeurs, des problèmes d’interprétation du texte qu’ils auront laissé derrière eux : ce sont les plus jeunes et les générations futures. Ce n’est tout de même pas pour faire plaisir aux grands de l’histoire qu’on accepte des projets de société, mais en pensant à ceux dont le futur va en dépendre au quotidien…



 
Agnès

31/05/2005
16:28
Rhétorique et sincérité

Hello, Nazdeb,
Je suis un peu longue à la réplique, par les temps qui courent. C’est une question que je me pose, justement, et pas seulement à propos de rhétorique, mais de littérature en général. Comment repérer ce qui fait la force de conviction d’un discours, ou d’un texte, sa « sincérité » ?
Je ne crois pas que l’on puisse confondre éloquence, passion du discours avec force de conviction. Ce qui me paraît faire la différence, je ne peux guère l’analyser, ce n’est pas une question de construction, c’est que dans un cas, il y a plaisir à s’écouter parler, enivrement par ses propres propos, - ce qui, à mon avis affaiblit l’efficacité du discours - tandis que dans l’autre, il y a quelque chose de l’ordre de la parole qui devient acte, et c’est cela qui fait la conviction. Pour ce qui concerne PB, cette tranquille certitude que l’on ne vaut que par le lien entre parole et action. Pour ma part, je n’ai pas réécouté son émission, mais je n’avais jamais réfléchi, parce que je l’ignorais, à ce qu’il a dit sur la dignité humaine telle que reconnue dans le traité. J’ai trouvé cela intéressant, en fait j’apprécie d’écouter ceux qui me font voir autrement ce que je crois savoir ou connaître, et tel est PB, je n’en dis pas plus, de crainte d’être filandreuse.
Pour autant, je trouve qu’il se passe la même chose, en particulier en poésie : qu’est-ce qui fait que certains poèmes de Sappho, ou de Catulle, ou de Louise Labé, pour en citer trois qui parlent d’amour, les deux derniers citant explicitement la 1ère, me touchent comme relevant d’une justesse irréductible à tout commentaire, alors que d’autres se bornent à être bien composés ? Je sais très bien que le poète est un personnage composé, tout autant que celle à qui il s’adresse, et pourtant… c’est une quête que l’on trouve à travers toute la littérature, et qui donne plus de prix à certains auteurs qu’à d’autres, c’est ce qui fait, je crois, assez mystérieusement, que certains textes sont plus « incarnés ». (comme les ongles, arf )



 
Nazdeb

01/06/2005
15:12
re : l'intervention de Paul Bouchet

Oui, c’est vrai Agnès, j’ai mélangé un peu de tout à partir de la simple conviction : rhétorique, éloquence etc. Je visais surtout l’opposition entre ces diverses caractéristiques du propos et sa dimension purement sémantique. Cette dimension est en fait la seule à laquelle j’ai eu accès, car, j’en renouvelle l’aveu… je n’ai pas écouté l’interviou de Paul Bouchet (rhôô !). Ce qui ne m’a pas empêché de lui attribuer fantasmes et carabistouilles &#8722; c’est très vilain, mais c’était surtout pour embêter Henry.

Là où je vois une grande conviction, c’est dans votre message, car vous y êtes très présente (la question que je me pose, je trouve, me paraît, mon avis, pour ma part, cela me touche, etc.), ce qui je ne fais aucunement correspondre à de l’égocentrisme ou la prétention : cela montre plutôt que l’univers de votre discours est simplement celui que vous percevez, il ne s’impose pas aux autres. Vous dites avoir observé la « parole devenant acte » et justement quel meilleur agent de l’acte que l’individu lui-même, quand il est engagé dans sa parole, prend en charge son discours, le met en scène voire le vit. J’espère que vous le le prendrez pas trop cavalièrement, mais cela rend le locuteur plus proche, plus tangible. Peut-être que Paul Bouchet était lui aussi très présent, et donc proche, dans l’entretien de l’autre jour. S’il a dit des carabistouilles, eh bien, d’accord, elles devaient être sincères

Cet engagement de la personne vaut certainement dans les champs littéraire et poétique mais, davantage qu’un moyen, n’y est-ce pas le but carrément ? La poésie cherche à suggérer une expérience sensible, à la faire vivre par le destinataire, à le pousser à s’identifier. La suggestion marchera d’autant mieux que les poètes sont le plus au cœur de leur expérience et savent comment y faire entrer le lecteur. Cette invitation dans l’expérience passe entre autres par des principes contraires à ceux employés dans le discours d’opinion. Un texte qui touche juste laisse une liberté d’interprétation et d’imagination au lecteur, qui peut fabriquer son propre ressenti. L’art du poète est sûrement de se situer au niveau d’énoncé à la fois précis pour parvenir à susciter l’évocation exacte du thème chez le lecteur, et vague pour laisser le lecteur mobiliser ses propres ressources, représentations, sa sensibilité. D’une manière générale, le discours littéraire procède beaucoup par suggestions, implicites, inférences : c’est tout un travail créatif que le lecteur est invité à faire et qui n’est pas requis dans la compréhension d’un discours idéologique. Les deux registres sont tellement différents qu’une recherche d’indicateurs communs de conviction peut-être s’avérer difficile.

Oh mais dites donc, à propos d’identification et de partage d’expérience, je suis encore tout retourné de ma lecture de mon premier Westlake, que je viens de finir : « Le couperet », fable moderne qui a inspiré le film récent de Costa-Gavras. Un cadre de l’industrie du papier qui a perdu son emploi entreprend d’aller abattre ses concurrents potentiels afin d’obtenir une nouvelle place. Autant dire que j’ai été moi-même ce cadre (ce qui me valorise, au passage) et ce tueur (euh, là aussi !) pendant ces quelques jours de lecture. Le récit à la première personne fait ressentir toute l’angoisse et la brutalité du meurtre, ça m’a personnellement procuré des sensations aussi fortes que Crime et châtiment, voire pire : les victimes ont le même profil que l’assassin, de sorte que, si l’identification avec le narrateur fontionne, on perçoit les victimes comme nos propres doubles. Saisissant et terrible !

Voilà une expérience pour le coup « incarnée » mais surtout ne me parlez pas d’ongle ouille ouille mauvais souvenir...



 
Mea culpa

01/06/2005
23:09
re : l'intervention de Paul Bouchet

Ai pas lu "Le couperet", parce que depuis "festival de crêpe", me suis bornée aux Westlake burlesques. (NB: Ai effacé les marques de la subjectivité). Mais je vais essayer, et j'aurais bien voulu ne pas rater le film. Je suis bien contente que Westlake séduise qqs lecteurs de ce forum, parce que c'est pas un mickey.
Prochaine contribe sur le fil "liseron", Fred Vargas, parce que c'est rudement bien quoique totalement invraisemblable.

 
Retour à la liste des messages

Page générée en 0.07 seconde(s) par la technique moderne