![]() Discussions annexes, bavardages politiques, hors-sujet divers... (archives 3003-2008) Ce deuxième forum est réservé aux discussions culturelles et politiques qui ne concernent pas directement France Culture. L'accès est libre mais les propos racistes, diffamatoires ou insultants seront effacés. Pour insérer des smileys, voir les pages DÉCALCOS 1 et 500 DÉCALCOS. Mention légale : les textes, idées et contenus présentés ici n'engagent que leurs auteurs à titre personnel et non le propriétaire du site Défense de France Culture. **** Cliquez ici pour retourner au forum rouge du site DDFC ****
|
||||
Retour à la liste des messages | |
In memoriam 04/07/2005 01:09 |
F-X Vershave |
Comme promis j'ouvre ce fil pour l'apologie funèbre de ce grand homme. Votre reine |
|
AArgh!!! 04/07/2005 06:42 |
re : F-X Vershave |
Majesté, prenez garde! La fin des vacances sur ddfc risque de vous entraîner sur la pente d'un persiflage tout lebrunien. L'original suffit bien sur les ondes de notre radio préférée et honnie. Quant à F-X. V., que je n'ai pas lu, il semble bien que ce soit un homme respectable. ![]() |
|
Henry Faÿ 04/07/2005 08:42 |
in memoriam François-Xavier Vershave |
Respectable... plus que respectable. Je transcris quelques extraits de l'article qu'a consacré à François-Xavier Vershave, que j'avais connu, Jean-Pierre Tuquoi dans Le Monde du 3 juillet 2005. ********************************************* François-Xavier Verschave est mort mercredi 29 juin d'un cancer; il était âgé de 59 ans. Visage austère, corps d'ascète, catholique fervent originaire de la banlieue lilloise, ce fils d'un journaliste et d'une infirmière menait depuis vingt ans un combat contre la "Françafrique" pour désigner les relations postcoloniales entre la France et ses anciennes possessions en Afrique. Il sillonait la France et animait des réunions publiques. Intitulé Lettre d'Afrique et d'ailleurs le bulletin de l'association Survie qu'il animait était un de ses outils de dénonciation. Il fut l'un des artisans de la campagne dénonçant le rôle joué par la France dans le génocide de 1994 au Rwanda... ...il lisait tout, découpait les articles glanés à droite et à gauche, écoutait ceux qui rendaient visite à l'association et, sans trop de souci de vérification, faisait de cette matière première la pâte de ses ouvrages. ![]() |
|
lionel 04/07/2005 18:06 |
re : F-X Vershave |
Hier j'avais donné le lien http://www.volle.com/lectures/verschave.htm . Pour en dire un peu plus, il s'agit du site personnel d'un polytechnicien de 65 ans, Michel Volle, dont subjectivement je trouve les analyses très interessantes. Son CV est sur la page http://www.volle.com/contenu/cv.htm . Ci-dessous voici son compte rendu de lecture du bouquin le plus connu de FXV ![]() ******************************************************* François-Xavier Verschave, Noir Silence, Les Arènes 2000 10 février 2001 (cf. "les institutions contre l'intelligence") La prédation obéit à une mécanique implacable. J'avais évoqué sa forme générale dans un chapitre d'"e-conomie". "Noir Silence" en fournit une illustration instructive : le cas particulier de la "Françafrique". Modèle Considérez un pays possédant des ressources naturelles rares (pétrole, minerais, forêts) mais dont la population est pauvre. Supposez que les solidarités s'y tissent plutôt autour de la tribu ou de l'ethnie que de la nation, de sorte que ses partis politiques soient l'expression des particularités et rivalités ethniques. Supposez par ailleurs que dans un pays riche l'État, ou une grande entreprise, cherche à contrôler les ressources naturelles du pays pauvre (l'expression "pays en voie de développement" est hypocrite), c'est-à-dire à s'en réserver l'accès et à en maîtriser le prix. La recette est simple : il suffit d'aider le dirigeant politique le plus faible (point important) du pays pauvre à prendre le pouvoir. En lui fournissant des armes, des instructeurs, des conseillers, de l'argent, on lui permet de réussir un coup d'état ou de truquer les élections. Il ne pourra ensuite garder le pouvoir qu'à condition de poursuivre les violences envers la majorité, ce qui implique la dictature. En échange du soutien militaire permanent indispensable pour maîtriser la majorité, il cédera à son protecteur le contrôle des ressources naturelles. Il serait inefficace de soutenir le dirigeant politique de la majorité : comme celui-ci n'a pas besoin d'appui extérieur ni de répression pour gagner les élections et garder le pouvoir, rien ne l'obligerait à céder le contrôle des ressources naturelles en échange d'un soutien. La démocratie l'inciterait plutôt à s'en servir pour accroître le niveau de vie de la population. Corollaires du modèle 1) La majorité, si elle regimbe, sera qualifiée de "rebelle". Des opérations de "maintien de l'ordre" seront montées avec des hommes et des gamins de l'ethnie minoritaire, armés, entraînés et encadrés par des militaires mis à disposition par le pays riche et que l'on qualifiera souvent de "mercenaires". Les villages de l'ethnie majoritaire seront détruits, les hommes et les gamins tués ou mutilés (une main, un pied etc.), les femmes et les fillettes violées. 2) Outre le soutien militaire, le dirigeant du pays pauvre recevra du pays riche, à titre personnel, quelques miettes de la richesse prélevée sur son pays. Ainsi il sera tenu en main, encadré par la carotte et le bâton. 3) On pourra se débarrasser de lui par un assassinat ou un coup d'état : - s'il tente de se libérer de la tutelle du pays riche pour trouver un autre protecteur ; - si, comme cela arrive souvent, la pression qu'il subit, combinée aux voluptés que le pouvoir procure, le rend fou et que ses excès finissent par le rendre dangereux pour son protecteur ; - si les médias ou la justice du pays riche s'émeuvent des exactions, si la population du pays riche répudie les crimes commis en son nom par des amateurs de richesse facile et de coups tordus (aventuriers, hommes d'affaires, agents ou politiciens) : il servira alors de bouc émissaire. On s'efforcera pour continuer le jeu de trouver au dirigeant éliminé un remplaçant commode. La prédation inévitable Dès que la prédation est possible, elle est inévitable car les prédateurs potentiels sont nombreux et à l'affût. Ils sont en position de force par rapport aux entrepreneurs, car la disponibilité et la mobilité de ceux-ci est accaparée par la poursuite des projets économiques auxquels ils s'attachent. Si rien n'équilibre le rapport de force entre entrepreneurs et prédateurs, ces derniers disposent dans les pays pauvres d'un vaste terrain où déployer leurs talents. Ils peuvent y causer des dégâts illimités : l'extermination de la quasi-totalité de la population du pays pauvre ne fait que renforcer le contrôle du pays riche sur les ressources naturelles. La richesse rapportée dans le pays riche par les prédateurs conforte leur contrôle sur l'appareil administratif, politique et économique de celui-ci. L'argent sale obtenu grâce au meurtre des populations pauvres finance la main-mise des prédateurs sur le pays riche lui-même et y suscite la raréfaction des entrepreneurs, ce qui provoque à terme (mais à terme éloigné) l'appauvrissement du pays riche. Les économistes, qui ne raisonnent qu'en termes d'échange équilibré et dont les modèles excluent donc a priori l'hypothèse de la prédation, sont intellectuellement désarmés devant cette situation. Bien pis : leurs modèles impliquant l'efficacité d'une "main invisible", ils en déduisent que "tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes" et que les pouvoirs en place sont légitimes du simple fait qu'ils sont en place. Les personnes généreuses, constatant la pauvreté du pays pauvre, viennent à son aide. Mais si cette aide ne conduit pas à élucider le mécanisme de la prédation, elle ne fera que palier quelques-unes de ses conséquences, sans s'attaquer à la cause du mal. Dans la mesure où elle donne bonne conscience au pays riche, elle retarde même la prise de conscience de la prédation. Il serait utile de faire l'exercice suivant pour évaluer l'importance du phénomène : - établir la liste des pays pauvres ; - identifier les pays qui, parmi les pays pauvres, détiennent des ressources naturelles de valeur ; - voir, pour chacun de ces derniers, à quelle ethnie appartient le dirigeant : minoritaire ou majoritaire ? - si le dirigeant appartient à l'ethnie minoritaire, voir s'il se produit ou non des affrontements entre l'armée et des "rebelles" ; - dans ce dernier cas, identifier le pays riche qui soutient le dirigeant et évaluer les profits qu'il en retire. Rôle de l'opinion publique du pays riche Publier les crimes, mobiliser l'opinion du pays riche, c'est, à vrai dire, le seul moyen de stopper la mécanique de la prédation. L'opinion du pays pauvre ne peut en effet à elle seule vaincre les troupes entraînées et armées par le pays riche : seules les opinions publiques française et américaine pouvaient mettre un terme aux massacres en Algérie et au Vietnam, sans quoi la logique purement militaire serait allée jusqu'à l'extermination. La résistance des démocrates du pays pauvre est méritoire et courageuse - ils risquent la torture et la mort - mais elle ne peut être efficace que si elle est relayée par leur propre opinion publique d'abord, puis par celle du pays riche. L'association "Survie" de M. Verschave publie des dossiers sur les faits dont nous avons lâchement détourné notre regard. Une citation du Dr Guillemot, de Médecins sans Frontières, en poste à Brazzaville en juin 1999, résume tout (p. 28) : "Une jeune femme descend d'un camion ramenant des réfugiés, maigre, épuisée, accompagnée de petites filles d'une douzaine d'années. Elles ont été violées à plusieurs reprises, dans un poste de contrôle, après que le mari, qui tentait de s'interposer, ait été battu puis enlevé. (...) Dans la voiture, on écoute RFI. Ça parle de la France et de ses 35 heures. Je me sens étrangement décalé." Lisez aussi l'affaire Borrel : le suicide en 1995 de ce magistrat français en poste à Djibouti est bizarre. Les prédateurs veillent à "protéger leurs arrières" en maîtrisant les médias et, autant que possible, l'appareil judiciaire du pays riche. Faire la clarté sur les crimes qui se commettent dans les pays pauvres avec l'approbation de nos dirigeants et la participation de certains de nos compatriotes, c'est un devoir civique qui suppose courage et persévérance. (c) http://www.volle.com/lectures/verschave.htm |
|
President OGM 05/07/2005 13:44 |
re : F-X Vershave |
"Des articles glanés à gauche et à droite..." (sic) "Sans trop de souci de vérification..." (re-sic) Édifiant : un beau profil de "dénonciateur", peut-être. Mais pas de spécialiste, en tout cas. Car un spécialiste ne glane pas ses informations au petit bonheur : il va les chercher à la source et se fait de plus un devoir de les recouper. Mais peut-être faut-il comprendre dans le cas de cet illustre inconnu : spécialiste de la dénonciation ? Ce fut effectivement une spécialité assez prisée dans nos contrées. Mais je croyais qu'elle y était révolue depuis plus de 60 ans. |
|
lionel 05/07/2005 13:53 |
re : F-X Vershave |
F-X Vershave a été attaqué en justice par 3 dictateurs africains. Les dictateurs ont perdu leur procès car le tribunal a conclu au serieux des enquêtes de FXV Les détails du procès se trouvent partout sur internet. ![]() |
|
guydufau 05/07/2005 14:27 |
re : F-X Vershave |
Et vlan ! voila Président OGM, dénonciateur d'un non-dénonciateur, dans les cordes. |
|
Louise 05/07/2005 20:50 |
in memoriam François-Xavier Vershave |
C'est vrai que les livres de François-Xavier Vershave ne sont pas légers à lire tellement ils décortiquent les manigances des malfaisants, et il lui a fallu beaucoup de courage pour les écrire. C'était un humaniste. Tout ce qu'il dénonce n'est pourtant pas bien difficile à prouver et ça dure depuis tant de temps .... La grand-mère de ma grand-mère devait déjà tricoter des couvertures en laine pour les petits noirs en Afrique. |
|
vnny 06/07/2005 18:20 |
re : F-X Vershave |
Les quotidiens Le Monde et Libération, épinglés plus qu'un peu ds les bouquins de FXV, ont attendu sa mort pour lui rendre un hommage à la Pyrrhus... Je sais plus qui demandait : "Avez-vous déjà giflé un mort?" les deux torchons précités s'y emploient : pour eux c'est le grand frisson. Intéressantes, en revanche, les réactions suivantes : "Hommages Par la rédaction de « Billets d’Afrique », mensuel de l’association Survie Dans le concert des hommages spontanés, venus du cœur, qui ont salué la disparition de François-Xavier Verschave, président de Survie, auteur, entre autres, de La françafrique, le plus long scandale de la République et de Noir Silence, il y a eu deux couacs retentissants, qui sont le fait de deux journaux considérés comme importants, Le Monde et Libération. Beaucoup de gens ont été choqués par le mauvais goût et même le caractère offensant du titre, dans Libération, de l’article de Christophe Ayad : Verschave plonge dans le noir silence (Vendredi 1er juillet 2005). Tout dans cet article est réducteur ou péjoratif. On y redit que Verschave n’a pas « inventé le concept » de Françafrique. Qu’importe puisque c’est lui qui l’a popularisé. On y affirme que son livre Noir Silence est « plus une compilation qu’une investigation ». On pourrait en dire autant du J’accuse de Zola. Et ce dernier n’a-t-il pas fait preuve d’un « activisme » de plus « parfois excessif », dans sa dénonciation de l’iniquité, comme le dit Ayad de celle que faisait François-Xavier Verschave des scandales françafricains ? Selon Christophe Ayad, « la Françafrique agonise », assertion démentie en ce moment même au Togo, où le soutien de l’Élysée à un dictateur peut, comme d’habitude, être constaté. Mais pour agoniser il faudrait encore qu’elle ait existé. Or c’est bizarre nous n’en avons jamais entendu parler dans nos médias. François-Xavier Verschave, en nous instruisant sur son fonctionnement, n’aurait que « contribué à en finir avec une Françafrique déjà bien branlante », donc pas vraiment de quoi s’extasier sur un tel exploit. Pourquoi un tel besoin de dénégation, contre l’évidence ? La nécrologie publiée par Le Monde, sous la plume de Jean-Pierre Tuquoi (Carnet, samedi 2 juillet 2005), paraît au début plus courtoise mais les derniers paragraphes sont d’une rare malveillance. Le travail de François-Xavier Verschave y est décrit de la façon suivante : il « découpait les articles glanés à droite et à gauche, écoutait ceux qui rendaient visite à l’association et, sans trop s’embarrasser de vérification, faisait de cette matière première la pâte de ses ouvrages ». Il est quand même stupéfiant qu’il ait ainsi triomphé, dans un procès pour « offense à chefs d’État », des présidents multimilliardaires qui l’ont traîné en justice. Mais Jean-Pierre Tuquoi ne fait que répéter ici complaisamment les allégations de leur défenseur, le ténor du barreau Jacques vergès. Le tribunal quant à lui jugea simplement son travail d’information « sérieux » et débouta l’accusation. Si ce verdict suscita « l’étonnement », ce ne fut pas évidemment celui de François-Xavier Verschave, comme l’écrit bizarrement cet article, mais bien celui des plaignants. François-Xavier Verschave le reçut, quant à lui, avec satisfaction. « Se rendre en Afrique ne l’intéressait d’ailleurs pas. » Cette assertion est évidemment absurde. François-Xavier Verschave, qui travaillait bénévolement, n’avait pas les moyens de parcourir le continent. Mais il avait le courage et la liberté d’informer, qui sont plus rares mais plus nécessaires que les billets d’avion. Pendant des décennies nos Rouletabille ont parcouru à grands frais le continent pour nous rapporter invariablement cette importante information : « Tout baigne », recueillie dans les palais exotiques. Ils ont suivi dévotieusement les grand messes du grand manitou blanc entouré de ses acolytes noirs. Ils ont été au couronnement de Bokassa, dans la cathédrale d’Houphouët et sur le navire de Mobutu. L’Afrique telle que les Français la voient, faite d’ignorance et de stéréotypes, c’est à eux qu’on la doit. Quand François-Xavier Verschave s’est intéressé au sujet il a peint un tout autre tableau, on en conclut donc : « C’est dire que François-Xavier Verschave n’était pas un enquêteur, mais le militant d’une cause qu’il jugeait sacrée. » Non en effet il n’a pas fréquenté les présidents africains. Oui, le militant de la cause sacrée de l’information c’est lui, qui ne se contentait pas de reproduire les dépêches de l’AFP, sans les passer au crible de la réflexion. C’est bien la peine de se transporter à l’autre bout du monde pour épater le chaland, si on ne peut même pas enquêter pour savoir ce qui s’est passé dans le RER D. Sur certains sujets, en fait d’enquête, il est clair qu’il y a seulement l’info qui fâche et l’info qui plaît. François-Xavier Verschave - ce fut son mérite - en fâchait plus d’un. La bizarre malveillance de ces nécrologies, la médiocrité mesquine qu’elles trahissent, donnent la mesure de ceux que Nietzsche nommait « les mouches de la place publique », que François-Xavier Verschave, homme libre, dans sa passion pour la vérité, a dérangés. Le Comité de rédaction de « Billets d’Afrique », mensuel publié par l’association Survie 210, rue Saint-Martin, 75003 - Paris www.survie-france.org - survie@survie-france.org Nos chers disparus - ou l’art subtil de la nécrologie Par Daniel Sauvaget Lorsqu’une personnalité disparaît, la presse se fend d’une biographie, et tente de caractériser sa vie et son œuvre, recourant, selon les cas, au dithyrambe ou à un énoncé hypocrite de ses vertus. La nécrologie peut conduire à faire l’impasse sur les tares du défunt. Elle permet aussi de régler quelques comptes. Ce n’est donc pas un simple exercice de style. Exemple récent : à l’occasion du décès de François-Xavier Verschave, Le Monde des 3 et 4 juillet 2005 (page 11) publie sous la plume de Jean-Pierre Tuquoi un petit texte révélateur sur ce spécialiste du néo-colonialisme (ou plutôt des « relations post-coloniales entre la France et ses anciennes possessions », comme dit Tuquoi, plus élégamment) et des réseaux plus ou moins mafieux qui agissent en Afrique. On connaît le militant, ce combattant, responsable de l’association Survie et du Bulletin d’Afrique, auteur de nombreux livres et articles documentés et dénonciateurs. Nous avions eu le plaisir de l’inviter lors d’un Jeudi d’Acrimed le 28 janvier 2001 et le lecteur trouvera ici même une présentation et le compte-rendu de son intervention : Françafrique, les médias complices [1]. Mais revenons à l’article publié par Le Monde. Le lecteur pourra apprendre que F.-X. Verschave fut « un des artisans de la campagne dénonçant le rôle joué par la France dans le génocide de 1994 au Rwanda ». Mais il lui faudra chercher ailleurs une information sur le combat qu’il menait contre la désinformation appliquée aux affaires africaines, rwandaises ou autres. Dans de nombreuses interventions, dans ses conférences et ses articles, Verschave disait souvent que ce qu’il exposait « avait beaucoup de mal à passer dans la presse française » et il se positionnait dans une véritable « bataille pour l’information, décisive mais difficile ». Sa critique des médias était impitoyable : « c’est la presse la plus libre qui est la plus convoitée par ceux qui ont en charge la désinformation » [2]. Il n’a pas été tendre avec Le Monde, encore récemment en 2004, à la suite des articles parus dans le quotidien pour le dixième anniversaire des massacres du Rwanda. Il accusait Le Monde, et il n’était pas le seul, de faire de la censure sur la responsabilité de la France au Rwanda. Il reprochait au Monde, mais aussi à d’autres journaux, une lecture ethniciste des évènements du Rwanda, une perception purement occidentale, et un loyalisme déplacé vis-à-vis des gouvernements français, notamment à propos de l’opération humanitaire-sic nommée Turquoise. Comment rendre compte d’un tel personnage qui n’était manifestement pas un ami du journal lorsque le moment est venu d’alimenter la rubrique « disparitions » ? Les recettes sont simples. - 1°/ Comme on vient de le voir, écarter de la biographie tout ce qui peut porter préjudice au journal qui la publie, voire aux médias en général. - 2°/ Consacrer les trois quarts du texte à un éloge plus ou moins sincère et conclure par quelques nuances négatives sous couvert d’objectivité. C’est la conclusion, péjorative, qui fait mouche auprès du lecteur. - 3°/ Glisser de l’éloge à la démolition : Verschave, homme de conviction, infatigable, etc. « pétitionnait à l’occasion » - noter ici l’ambiguïté des mots, une ambiguïté qui s’alourdit encore : il « signait des articles dans tous les journaux qui lui ouvraient leurs colonnes et fréquentait à l’occasion les plateaux de télévision » (on aimerait disposer d’un authentique inventaire des tribunes médiatiques qui lui ont été offertes). Ainsi passe-t-on de « doté d’une puissance de travail peu commune et d’une énergie rare », à « il lisait tout, découpait les articles glanés à droite et à gauche, écoutait ceux qui rendaient visite à l’association [Survie] et, sans trop s’embarrasser de vérification, faisait de cette matière première la pâte de ses ouvrages ». Autrement dit : Verschave pas sérieux, adepte du copié-collé, ne vérifiant pas les sources. Le tout sous un intertitre comme « Militant plus qu’enquêteur ». Les lecteurs de L’Envers de la dette (Agone, 2001), par exemple, apprécieront. - 4°/ En prime : la technique du coup de pied de l’âne. « Se rendre en Afrique ne l’intéressait pas ». Verschave n’était pas un homme de terrain (il se contentait de collectionner les papiers découpés). C’est bien connu, pour accéder au concret, mieux vaut répondre aux invitations des chargés de communication, chasser le fauve ou interviewer un officier français en poste en Cote d’Ivoire - plutôt que d’organiser des réseaux d’information avec des africains risquant leur liberté ou leur vie, tenter l’impossible pour sensibiliser l’opinion des pays dominants, ceux dont dépendent malheureusement une grande part des solutions africaines... - 5°/ Si contester fielleusement la rigueur intellectuelle ne suffit pas, on pourra tenter de ridiculiser le disparu : citation de Verschave, selon qui Fernand Braudel n’avait pas eu besoin de vivre dans la Méditerranée au XVIème siècle pour en reconstituer l’histoire. Commentaire implicite : le prétentieux ose se comparer à un aigle de la pensée. Et surtout inutile de mentionner l’ouvrage où Verschave s’appuie sur Braudel, publié en 1994 chez un éditeur universitaire. Modeste échantillon des pratiques journalistiques, cette besogne est assurée par un « journaliste-expert du Maghreb » qui, six années plus tôt, dénonçait le silence de plomb des médias et des milieux diplomatiques sur l’état de la Tunisie dans un livre consacré à Ben Ali (écrit en collaboration avec Nicolas Beau). Daniel Sauvaget Libération enterre la Françafrique. Le Monde recycle les arguments de Me Vergès. Par Alain Deneault Les quotidiens parisiens « de qualité » n’auront donc pas digéré que soit étayée leur complaisance envers le pouvoir. L’annonce que fait Libération du décès de François-Xavier Verschave, dans son édition du 1er juillet 2005, en témoigne. « Il est mort au moment où la Françafrique agonise », postule Christophe Ayad en page 10 d’un journal qui indique ainsi n’avoir résolument pas l’intention de comprendre et de faire comprendre les logiques qui persistent encore à ce jour dans un Togo ajoutant de la dictature à la dictature, un Gabon assommé par un Président soutenu par Paris contre tous égards, un Soudan écartelé entre différents groupes pétroliers mondiaux, un Congo dont les forêts disparaissent à vue d’oeil... Associer le décès de François-Xavier Verschave à celui prétendu des réseaux mafieux et criminels de la Françafrique n’est pas seulement indécent, mais rigoureusement inexact. Loin de battre de l’aile, la Françafrique au contraire s’accomplit et se réalise dans une « mafiafrique » plus large, qui intéressait par-dessus tout l’auteur dont nous honorons ces jours-ci la mémoire et le sérieux. Les agencements et montages financiers, affranchis des logiques nationales, qui se développent aux fins de l’exploitation de l’Afrique, correspondent à une évolution logique de réseaux désormais « mondialisés ». Mais voudra seulement l’entendre qui cherche encore à savoir. Ce n’est pas non plus l’intention du quotidien Le Monde, qui réchauffe point par point les arguments que Me Vergès avait servis au procès que Verschave et son éditeur Laurent Beccaria avaient finalement gagné, en 2001, contre trois chefs d’État africains « amis de la France ». Le verdict était, il est vrai, tombé contre toute attente puisque ce vestige juridique contre les actes de lèse-majesté prévoyait la condamnation de quiconque offensait un chef d’État étranger indépendamment de la pertinence de son travail et de la rigueur de sa démonstration. Le Monde ne le rappelle pas, préférant entretenir l’impression d’un étonnement ingénu de la part des accusés eux-mêmes. « Trois chefs d’Etat africains (ceux du Tchad, du Gabon, et du Congo) l’attaquèrent devant les tribunaux français pour ’offense envers un chef de l’Etat’. A l’étonnement de l’auteur de Noir silence, le tribunal de Paris les débouta de leurs poursuites en avril 2001, jugement confirmé par la cour d’appel l’année suivante. » On se souvient qu’en désespoir de cause, Me Vergès s’en était pris au physique de Monsieur Verschave en pleine plaidoirie, et au seul fait qu’il n’avait pas beaucoup voyagé en Afrique. Le Monde relaie l’argumentaire fidèlement, en résumant d’abord le disparu à son « visage austère » et son « corps d’ascète », tout en insistant sur son côté sédentaire, mine de ne pas comprendre que les problèmes d’Afrique trouvent en grande partie leurs sources à Paris, à Londres et à New-York, quand ce n’est pas dans les Îles anglo-normandes, à Genève et à Luxembourg. « Il lisait tout, découpait les articles glanés à droite et à gauche, écoutait ceux qui rendaient visite à l’association et, sans trop s’embarrasser de vérification, faisait de cette matière première la pâte de ses ouvrages », s’aventure à imaginer Jean-Pierre Tuquoi pour croquer le personnage, poussant la fiction jusqu’à en faire une figure médiatique, sans enquêter lui-même sur des sources justement trop peu souvent citées dans Le Monde. Verschave précisait pour sa part, le 29 avril dernier, quant au nombre de victimes relatives aux élections Togolaises : « Nous avons beaucoup d’informations qui remontent par nos contacts sur le terrain. Quand je dis "nos", ce sont les dizaines d’ONG françaises qui suivent la situation de très près et nous redoutons que le chiffre de victimes soit beaucoup plus élevé que le chiffre que vous avez annoncé. » Il n’y aura donc pas de trêve. Alain Deneault [1] Lire : Françafrique : les médias complices ? (1), Françafrique : les médias complices ? (2) et Françafrique : les médias complices ? (3). [2] France-Afrique, le crime continue, Editions Tahin Party, p.45. (Source : http://www.acrimed.org/article2096.html ) Honte aussi à L'Humanité pour sa grande discrétion. Il a fallu attendre son n° du 2/7 pour qu'ils se fendent d'1 microscopique "Disparition" dans la catégorie "Balises"...Z'ont même pas la reconnaissance du ventre : FXV, pourtant, reconnaissait le sérieux du travail d'un de ses journalistes (J.Chatain) |
|
lionel 06/07/2005 19:55 |
re : F-X Vershave |
Oui ça m'avait étonné qu'Henry cite comme hommage l'article du Monde avec son final si malveillant. On parle de FXV en ce moment dans la Suite dans les idées et les invités sont tres interessants ![]() |
|
Henry Faÿ 06/07/2005 22:07 |
les amis de F-X Vershave contre Stephen Smith |
J'ai connu François-Xavier Vershave. Je reconnais l'utilité, le bien fondé de sa démarche, la force, la constance de son engagement. Il a fait oeuvre de salubrité publique mais un jour, dans une réunion publique je l'ai entendu prendre le parti de... Sékou Touré! Pour lui, tout valait mieux que le néo-colonialisme à la française. L'horreur, pour lui, c'était Houphouët-Boigny. J'ai écouté la suite dans les idées consacré au disparu. La grande vedette de l'émission était non pas François-Xavier Vershave mais... Stephen Smith, contre qui ils se sont littéralement déchaînés, c'est, sans mauvais jeu de mots, leur bête noire, ils ont été jusqu'à l'accuser de racisme, rien moins, ils se sont scandalisés du succès de son livre, négrologie que malheureusement je n'ai pas lu mais les arguments me semblaient assez mal fondés, installant les Africains dans le rôle d'éternelles victimes. Finalement, ils ont fait plus de publicité à Stephen Smith qu'au militant disparu. ![]() |
|
vnny 14/07/2005 14:25 |
re : F-X Vershave |
A propos de FXV, de "Negrophobie" en réponse au "Negrologie", on en parle ici : http://grioo.com/opinion5048.html (hé oui le "Negrophobie" corrige utilement le "Negrologie"...Ce "Negrologie" que l'intervenant précédent, comme attendu, regrette de ne pas avoir lu tout en se gardant d'évoquer cette "correction" et s'appliquant à faire passer ceux que hérisse l'espèce de révisionnisme de Smith pour des fous furieux (ainsi les décrit-il comme "déchainés"...) jaloux et stupides le tout pour éviter ce qu'il craint par-dessus tout : faire de la publicité au brûlot "Negrophobie" (ouvrage collectif de Odile Tobner-la femme de feu Mongo Beti- Boubacar Boris Diop et FXV) qui démasque Smith, Liberation, Le Monde et tutti quanti) Noir silence toujours... |
|
Louise 21/11/2007 22:32 |
re : F-X Vershave |
"Birao, République Centrafricaine - J’ai pour la première fois entendu la rumeur de cette guerre en mars dernier, quand les journaux relataient brièvement que les militaires français bombardaient la ville de Birao, dans le nord-est de la République Centrafricaine. Pourquoi ces soldats français luttaient-ils là, à des milliers de kilomètres de leur patrie ? Pourquoi étaient-ils intervenus en Afrique Centrale de cette manière depuis tant de décennies ? Ne trouvant pas de réponse à cette question, j’ai décidé d’aller enquêter sur place, sur cette guerre oubliée de la France." http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1429 "Les motifs de cette guerre, poursuit Mme Roland-Gosselin, sont à chercher du côté des dollars, des euros et de l’uranium. « Le but, et c’est la clé de voûte de l’opération, c’est d’exploiter les ressources africaines pour les acheminer vers des sociétés françaises, » dit-elle. « La République Centrafricaine elle-même est une base pour permettre aux français d’accéder à toutes ces ressources partout en Afrique. C’est pourquoi elle est si importante. Ils utilisent cette base pour garantir aux compagnies françaises le pétrole venant du Tchad, les ressources du Congo, etc. Et évidemment, le pays lui-même a des ressources de grande valeur. La RCA a beaucoup d’uranium, dont la France a pas mal besoin car elle dépend de l’énergie nucléaire. En ce moment ils exploitent l’uranium du Niger, mais la RCA est leur plan B. » http://www.contreinfo.info/article.php3?id_article=1451 |
|
Retour à la liste des messages |