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Henry Faÿ 02/05/2005 16:42 |
Europe vassale ou Europe égale |
Et si on revenait à l'essentiel, l'indépendance et l'influence de l'Europe? Toutes ces discussions sur le libéralisme, je les trouve oiseuses. Une économie moderne a besoin, pour le plus grand bien des travailleurs (cf l'expérience du New Labour de Tony Blair) d'une bonne dose de libertés économiques, il faut être assez naze et/ou complètement rangé des voitures pour l'ignorer. C'est bien la question de l'indépendance de l'Europe et de son influence mondiale qui est la vraie question. C'est Emmanuel Todd qui dit: <<je voterai oui par raison plus que par coeur parce que j'ai conscience du contexte géopolitique dans lequel nous sommes et de la nécessité d'une bonne entente européenne dans une période où les Etats-Unis sont à la dérive...>> J'ai lu ce matin dans Libération un article de Justin Vaisse historien et enseignant à l'Institut d'études politiques de Paris, que j'ai pris la peine de recopier à la main et que je soumets à votre réflexion. <<EUROPE VASSALE OU EUROPE EGALE Un rejet de la Constitution européenne renforcerait durablement les partisans de l’unilatéralisme américain. Certes, il faut juger le traité constitutionnel sur ses mérites propres, sur la possibilité, à laquelle certains semblent croire, de négocier un meilleur projet avec nos vingt-quatre partenaires, et sur l’impact qu’une adoption ou un rejet aurait sur l’élan de la construction européenne. Mais on peut aussi avoir à l’esprit la position des partenaires extérieurs de l’Europe, en particulier celles des Etats-Unis : cela permet de mieux comprendre, en creux, ce que représente cette Constitution. Ne nous y trompons pas : un rejet du traité serait accueilli avec un grand ricanement et un sentiment de victoire par les cercles conservateurs et néo-conservateurs de Washington, surtout si ce rejet vient du peuple français. De Paul Wolfowitz à Dick Cheney, de John Bolton à Donald Rumsfeld, il renforcerait les unilatéralistes et affaiblirait durablement les multilatéralistes dans les équilibres politiques et intellectuels qui décident de la politique étrangère américaine. Car le véritable axe du débat n’oppose pas l’Europe aux Etats-Unis. Il est décalé et traverse chacune des rives de l’Atlantique. Il oppose en réalité deux conceptions du système international, deux visions pour l’avenir qui s’affrontent en Europe comme aux Etats-Unis. La première école qui domine actuellement à Washington mais aussi chez nombre de conservateurs de Grande-Bretagne ou d’Europe de l’Est qui appellent à voter non, est celle d’un monde dominé par l’Amérique, « empire bienveillant » que ses alliés doivent aider et suivre sans poser de questions, de la guerre en Irak aux questions d’environnement en passant par la Cour Pénale Internationale. Un monde où les relations bilatérales entre l’Amérique et les autres pays du monde supplantent l’ONU, où les « coalitions à la carte » font office de multilatéralisme. Cette vision-là assigne à l’Europe un rôle de réservoir de troupes et d’argent (pour « faire la vaisselle » quand les Américains ont « préparé le dîner »), mais en aucun cas un rôle politique autonome. La seconde école, dont on trouve encore des représentants chez certains républicains du courant réaliste et qui est plus répandue chez les démocrates, considère qu’on ne peut régler les problèmes de notre monde globalisé, du terrorisme aux trafics de drogue, sans coopération institutionnalisée, c’est-à-dire sans des mécanismes stables de type ONU qui permettent de se concerter, d’agir en commun avec un minimum de transparence et, surtout un maximum de légitimité. Les tenants américains de cette approche ne sont pas tous des inconditionnels des Nations Unies, de la Cour Pénale ou du Protocole de Kyoto mais ils considèrent que l’unilatéralisme est dangereux à terme et que l’Amérique doit écouter et prendre en compte les avis de ses alliés et savoir transiger. Or cette seconde école, plus proche des idéaux partagés par la plupart des Européens, a besoin d’une Union européenne qui fasse entendre sa voix sur la scène internationale pour peser dans les débats internes aux Etats-Unis et orienter l’Amérique vers la coopération plutôt que vers l’hégémonie. En d’autres termes, le rapport de force interne à Washington reflète l’état du système international : une Europe affaiblie et divisée prive les multilatéralistes de point d’appui et de partenaire . un rejet de la Constitution renforcerait les unilatéralistes de la première école : ils vont y lire une validation de leur souverainisme (le peuple a rejeté le monstre bureaucratique et multilatéral bruxellois) et l’assurance d’une crise prolongée de l’Union européenne qui ne pourra pas espérer peser sur les affaires du monde avant un bon bout de temps. L’Amérique va donc pouvoir continuer à encourager la construction européenne là où ça l’arrange (marché unifié, intégration de la Turquie etc.) tout en divisant pour mieux régner là où ses objectifs ne coïncident pas avec la vision des Européens. Une adoption de la Constitution ne serait certes pas une baguette magique qui nous doterait soudainement d’une politique unifiée et cohérente. Mais elle apporterait des progrès tangibles pour affirmer nos idéaux et nos intérêts propres, notre vision du monde : président de l’Union, ministre des Affaires Etrangères, service d’action extérieure commun, etc. Une Europe cohérente et puissante est capable de construire un monde meilleur en partenariat égal avec les Etats-Unis. Une Europe abaissée et divisée n’est capable que de la revanche passive des impuissants : l’antiaméricanisme.>> ![]() |
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Nazdeb 02/05/2005 21:19 |
re : Europe vassale ou Europe égale |
Je trouve limpide et très encourageant cet article de Justin Vaisse, merci pour la transcription. Il me conduirait presque à nuancer certaines dispositions de la partie III de la Constitution pour le non. Il laisse toutefois bien des choses en suspens et a un double défaut majeur et même contradictoire : - d’un côté, le défaut classique du jugement des spécialistes, qui focalisent sur une idée fixe au détriment d’autres aspects. C’est bien de faire une Europe indépendante sur le plan politique et stratégique, mais qu’en est-il sur d’autres plans : la démocratie (le traité nous transporte dans la post-démocratie), le volet économique, les droits humains ? Est-il sérieux de dipalider les principes républicains et démocratiques pour les plaisirs de cette belle indépendance ? Tout cela n’est pas le sujet de discussion de Vaisse, ça échappe à son analyse - de l’autre, il ne tient pas compte du fait que la Constitution interdit cette indépendance pour les cinquante années à venir (art. 41 compatibilité de la politique de défense avec l’Otan), tout en laissant certains pays libres de participer individuellement à toutes les aventières guerrières possibles, avec obligation de solidarité de la part des autres…. Et il ne parle pas de la cohabitation d’une diplomatie européenne supposée représenter la politique de tous les pays de l’Union et des diplomaties nationales qui peuvent être contradictoires. Cette cohabitation (envisagée jusque dans la répartition des rôles à l’ONU) risque de créer des situations absurdes, voire intenables, auxquelles les interlocuteurs de l’Europe s’ils ne veulent pas s’arracher les cheveux demanderont avec raison des clarifications définitives... Il faut aider nos gouvernants à écrire un texte plus clair sur ses aspects, à commencer par supprimer cette ridicule mention de l'Otan, aussi grotesque que les Chemins de la connaissance en direct et qu'il faut reprogrammer à 8h30. ![]() |
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victor malicheff 02/05/2005 23:12 |
re : Europe vassale ou Europe égale |
L'argument essentiel avancé en cas d'un vote défa- vorable porte sur un affaiblissement de l'Europe car il renforcerait l'unilatéralisme des USA et par voie de conséquence son hégémonie sur le monde. Je pense le contraire: en effet , ce n'est pas l'ad- dition de pays faibles come la France que par enchantement les faiblesses se transmuteront en un avantage décisif vis à vis des USA. Notre faiblesse tient à l'abandon de politiques économiques structurantes : qui investit en France ? pour l'esentiel des fonds opportunistes qui se fixent provisoirement dans l'immobilier car aidés par une fiscalité de choix ils tirent des rentabilités qui varient de 9 à15% l'an. Conséquences les prix fonciers croissent à un taux à 2 chiffres par an donc le droit au logement c'est de l'utopie. Et si les pouvoirs publics voulaient mettre en place des dispositifs de régulation, la Cour européenne de justice s' y opposerait comme elle vient de le faire sur des affaires récentes concernant le droit d'expropriation et les conventions publiques d'aménagement ( CPA ). Les USA préfèrent un vote favorable car la légitimation que procurerait la constitution leur permettrait de renforcer les investissements d'origine US dans les secteurs et pays où la rentabilité à court terme est assurée. Donc la multilatéralité promise est une billevesée. Victor |
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josué 02/05/2005 23:43 |
re : Europe vassale ou Europe égale |
Ouais, c'est clair. Sans compter qu'on les a vu, les pays européens qui se sont opposés à Bush lors de l'invasion de l'Irak. Ils se sont élevés non pas soutenus mais en opposition avec leurs petis collègues du continent désireux de lécher les bottes à GWBush. Pour mieux résister à Bush et ses équivalents, vassalisons notre diplimatie à une alliance avec les alliés de Bush et équivalents, ah ouais? Vraiment cet argument ne tient pas. |
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guydufau 03/05/2005 11:58 |
re : Europe vassale ou Europe égale |
"Ne nous y trompons pas : un rejet du traité serait accueilli avec un grand ricanement et un sentiment de victoire par les cercles conservateurs et néo-conservateurs de Washington, surtout si ce rejet vient du peuple français. De Paul Wolfowitz à Dick Cheney, de John Bolton à Donald Rumsfeld, il renforcerait les unilatéralistes et affaiblirait durablement les multilatéralistes dans les équilibres politiques et intellectuels qui décident de la politique étrangère américaine. Car le véritable axe du débat n’oppose pas l’Europe aux Etats-Unis. Il est décalé et traverse chacune des rives de l’Atlantique." Donc d'après Justin Vaisse, outre Atlantique la joie serait grande si la "constitution" est rejetée. Pourtant, elle intègre l'Europe dans l'OTAN, l'article I-41 fait deux fois référence à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord pour spécifier que la politique de sécurité et de défense commune de l'UE "est compatible avec la politique de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre" [le cadre de l'OTAN]. Cela n'est-il pas suffisant ? Faut-il abandonner l'euro et choisir le dollar, pour les satisfaire ? |
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josué 03/05/2005 13:12 |
re : Europe vassale ou Europe égale |
Condoleeza Rice s'est récemment prononcé très clairement en faveur de la constitution européenne. |
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Henry Faÿ 03/05/2005 13:31 |
la question de l'appartenance à l'OTAN |
La question de l'appartenance à l'OTAN ********************************************* <<Donc d'après Justin Vaisse, outre Atlantique la joie serait grande si la "constitution" est rejetée. Pourtant, elle intègre l'Europe dans l'OTAN, l'article I-41 fait deux fois référence à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord pour spécifier que la politique de sécurité et de défense commune de l'UE "est compatible avec la politique de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre" [le cadre de l'OTAN]. Cela n'est-il pas suffisant ? Faut-il abandonner l'euro et choisir le dollar, pour les satisfaire ?>> Sur cette question de l'OTAN, j'avais écrit quelque chose dans le fil l'Europe à 15, 25, 35, pour quoi faire? en réponse à Nazdeb. Pour vous éviter la peine d'aller rechercher ce message, je vous fais un petit coup'coll, c'est la deuxième fois que je le fais mais comme il paraît que je suis une "tête de mule": ------------------------------------------------------- L'appartenance des Etats membres à l'OTAN, une question largement symbolique *************************************************** Cette question l'inscription dans le traité de l'appartenance des Etats membres à l'OTAN est largement symbolique parce qu'elle n'est pas d'actualité et il n'y a pas de raison de se laisser bloquer par ça. Tant qu'il n'y aura pas de défense européenne crédible, l'Alliance Atlantique sera une nécessité, particulièrement ressentie par les pays anciennement communistes. Autant dire que: (i) La question d'une sortie des Etats membres de l'OTAN n'a guère de chance d'être posée avant plusieurs decennies, à moins que l'initiative ne vienne des Etats-Unis eux-mêmes qui pourraient se désintéresser de l'Europe et de sa défense, ce qui serait conforme aux analyses de François Heisbourg qui voit se dessiner un schisme entre l'Europe et les Etats-Unis et dans ce cas une structure d'intégration européenne serait plus qu'utile. (ii) Il ne peut y avoir défense commune sans une forte intégration politique. Ceux qui veulent que l'on sorte de l'Alliance Atlantique doivent avant tout promouvoir cette unification politique et donc se prononcer pour le oui. Ceux qui veulent à tout prix que les pays européens rompent les accords militaires qui les unissent avec les Etats-Unis et qui se prononcent pour le non pêchent par inconséquence. ----------------------------------------------------- ![]() |
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Nazdeb 03/05/2005 13:41 |
re : Europe vassale ou Europe égale |
Le débat ne porte pas sur l'inscription de la reconnaissance par le traité de l'appartenance d'Etats membres à l'Otan, ce à quoi je ne vois pas d'inconvénient majeur. Le débat ne porte pas non plus sur la sortie éventuelle de certains de ces pays hors de l'Otan. Le débat porte que la "compatiblité" imposée à la politique de défense européenne avec la politique arrêtée dans le cadre d'Oran - un peu comme si Chirac et Schroeder étaient parvenus à faire inscrire dans la constitution des Etats-Unis que le gouvernement américain est obligé de respecter les décisions de l'Onu... Cette compatibilité n'a pas à figurer dans la traité, elle revient à s'interdire le droit de pratiquer cette fameuse et hypothétique indépendance de l'Europe, elle nous impose une voie contraire au but recherché. ![]() |
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Nazdeb 03/05/2005 13:43 |
re : Europe vassale ou Europe égale |
Oups - dans le cadre "de l'Otan" (4ème ligne) - "le" traité (5ème ligne) |
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