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paul

10/06/2005
08:46
Où et à quand notre Septième Jour ?

Quand on a dit que le salut de l’occident vieillissant se trouvait dans sa capacité de recherche et d’innovation, ce que semble confirmer les effets positifs de l’explosion des instruments de calculs et de communication, on est, me semble-t-il dans la continuité des déflagrations sociales produites par les grandes inventions des siècles passés. Alors il me vient une question bête, une question d’enfant pour ainsi dire : quand va s’arrêter la pression qui pose un manque qui semble exiger l’innovation, la découverte haletante de nouvelles marchandises ? Et des nouvelles marchandises pour quelle satisfaction de quel désir humain ? En fait, à quand le Septième Jour ?

Jadis, la question se posait en des termes simples : nous sommes en guerre permanente, et il faut s’y préparer, que l’on soit un Grand du royaume ou un simple journalier de province. La pression dont je parle plus haut existait de facto, parce que l’hégémonisme était le premier Moteur naturel. Et de fait, la sédentarisation des êtres humains ne pouvait pas aboutir à une autre logique. Si en 14 on est parti la fleur au fusil, c’est surtout parce que c’était la toute première fois que le Peuple était convié au festin guerrier à une telle échelle, c’était comme le Septième Jour d’une Histoire qui aujourd’hui n’aurait plus de sens, la culture de paix ayant pris la place de celle de la guerre.

Or ce sens semble s’être seulement déplacé d’un hégémonisme territorial vers un hégémonisme économique. Banalité. Banalité d’accord, mais on peut alors se demander à juste titre : à quand notre 14-18 ? Toutes spéculations de géopolitiques régionales mises à part, il serait trop compliqué d’intriquer les deux structures dynamiques, même si on ne peut plus les séparer désormais, un 14-18 exige deux entités qui s’affrontent, et qui donc aussi se préparent à s’affronter. Nos dirigeants seraient indignes de leur fonction s’ils ignoraient les termes de cet affrontement, dont on ne sait pas au juste s’il n’a pas déjà commencé.

Pour ma part, les deux entités en question sont visibles à l’œil nu : les zones dites riches, et les autres. La fatuité des occidentaux à se prévaloir d’un pouvoir supérieur d’innovation est parfaitement ridicule, et les informaticiens indiens le leur ont déjà fait savoir. Par ailleurs, l’histoire de la Chine montre que, quel que soit l’hémisphère du cerveau qui prédomine, les Chinois sont les plus grands inventeurs de l’Histoire connue. L’absence d’un Einstein chinois n’est qu’un avatar culturel, provenant d’un choix historial décisif qui refusa d’un seul coup le modèle de l’homme technique que nous sommes devenus. Mais cette option est ancienne, et il semblerait que les Asiatiques aient fait leur deuil de la « belle vie » qu’ils opposaient à la vie puissante et conquérante. Alors ne comptons pas trop sur notre avance technique, même si nous possédons quelques instruments de mesures et d’expérimentation qui leur font encore défaut.

Le 14-18 économique est donc tout proche et il serait temps que l’Europe se pose la question de savoir dans quel camp elle va se situer. Je pense tout simplement que tout l’enjeu du tourbillon actuel autour de l’Europe est celui que provoque de l’extérieur et de l’intérieur une Amérique mortellement inquiète face à l’éventualité d’une neutralité possible des Européens, neutralité déjà symbolisée par le refus historique d’aller guerroyer en Irak. La position instable créée par Washington autour de l’admission de la Chine à l’OMC visait d’abord à donner une leçon à l’Europe, leçon qui n’a pas tardé à s’abattre sur les secteurs que veut défendre la famille Sarkozy. Mais il est évident que cette manœuvre était fatalement destinée à se retourner contre l’Amérique elle-même, sûre alors que l’Europe n’hésiterait plus à rejoindre les rangs disciplinés de l’Alliance Atlantique. Le culot des étasuniens est tel qu’ils exigent pratiquement déjà aujourd’hui une participation de l’OTAN aux opérations moyen-orientales, ce qui serait notre Canossa.

Ne nous leurrons donc pas en écoutant la symphonie en libéral-social majeur : la guerre économique à laquelle nous sommes priés de participer du bon côté relègue à un arrière-plan à peine visible nos petits problèmes de Français qui se pensent de plus en plus pauvres. En 14 comme en 39, un phénomène étrange faisait que les belligérants étaient de forces égales « au bouton de guêtre près ». Je jurerais que les Américains nous comptabilisent déjà comme faisant partie de leurs forces (économiques). Or l’Europe manifeste un désarroi qui rend cette comptabilité aléatoire : on peut être le plus sceptique possible, il faut reconnaître que l’Europe s’est construite sur un refus d’une nouvelle guerre. Alors pourquoi accepterait-elle de participer à celle des autres ? C’est l’Euro qui, paradoxalement, prouve que les Européens refusent de s’associer à la stratégie du dollar, car cette monnaie a été créée envers et contre tous les projets hégémoniques de l’occident « riche et intelligent ». Or il n’y a plus ni « riches » ni « intelligents », il y a des forces économiques qui s’équilibrent, avec d’un côté la Grossa Bertha américaine, et de l’autre le canon de 150 qui permet de résister, le tir tendu de la force de travail quasi gratuite.

D’un autre côté, pourquoi refuser de s’associer avec la Grossa Bertha américaine ? N’y aurait-il pas de bons profits à retirer d’une telle alliance ? Alors question : pourquoi la Suisse a-t-elle opté pour la neutralité (tout en s’armant suffisamment pour dissuader qui que ce soit) lors des deux derniers conflits ? On pourrait répondre bêtement que les Suisses avaient plus à gagner à se faire les coffres-forts des belligérants qu’à se mêler de la guerre, mais on oublie que cette situation de banquiers a été créée elle-même par la deuxième guerre mondiale, sans que les Suisses n’aient la possibilité de planifier à l’avance une telle conséquence. C’est compliqué à expliquer, mais il faut conclure. Les Suisses avaient dès 1914 une autre idée de l’Homme, fruit non pas de la richesse spontanée, les Suisses ont été les plus pauvres des Européens pendant des siècles, et en 45 encore leur franc valait moins que le nôtre. Mais cette idée pacifique de l’homme leur a été suggérée précisément par cette pauvreté matérielle qu’ils ont su maîtriser confédéralement au profit d’une richesse spirituelle que symbolise la création de la Croix-Rouge.

Le moment est donc venu de choisir notre place exacte dans la production et les flux de marchandises dont presque tout le monde commence à redouter les effets délétères sur notre terre natale. La Logan est-elle la réponse à la pauvreté ? Ca me rappelle précisément l’Europe de 14, celle de la camelote allemande qui inondait les marchés mondiaux. Les derniers épisodes des relations européennes, après cette comédie littéraire d’un texte qui sert de chiffon rouge, montrent que les ennemis de l’Europe mettent la pression pour anéantir ce qui a été construit. Blair tombe le masque et il se trouve même des hiérarques pour demander la destruction de l’Euro : le rêve américain ! Mais pour une fois je pense que c’est l’économie qui va en décider : le marché intérieur européen est de loin le déterminant le plus puissant et je ne vois pas un Portugal ou une Espagne mécontents assez culottés pour quitter le navire sur de vagues garanties venues d’Outre-Atlantique d’où on n’importera pas leur tomates et leurs fraises pour leur faire plaisir. Le Marché Unique a verrouillé politiquement l’Europe, la rhétorique démagogique n’est pas prête à trouver la combinaison pour ouvrir ce coffre. L’espoir peut donc être grand de voir l’Europe refuser la guerre économique à laquelle on tente de la forcer et le Septième Jour viendra lorsque ce refus deviendra manifeste.

Paul

 
Henry Faÿ

10/06/2005
17:41
le jour où nous aurons atteint la sagesse


<< quand va s’arrêter la pression qui pose un manque qui semble exiger l’innovation, la découverte haletante de nouvelles marchandises ? Et des nouvelles marchandises pour quelle satisfaction de quel désir humain ? En fait, à quand le Septième Jour ?>>

Je dirais quand nous aurons atteint la sagesse, c'est-à-dire jamais.

<< la culture de paix ayant pris la place de celle de la guerre.>>
Ça, c'est vite dit.


<< La fatuité des occidentaux à se prévaloir d’un pouvoir supérieur d’innovation est parfaitement ridicule>>
Je ne vois pas qui dit ça, même sur radio-courtoisie je n'ai jamais entendu une chose pareille.

<< Par ailleurs, l’histoire de la Chine montre que, quel que soit l’hémisphère du cerveau qui prédomine, les Chinois sont les plus grands inventeurs de l’Histoire connue.>>
De grands inventeurs oui, les plus grands inventeurs non, jusqu'à présent.


<< provenant d’un choix historial décisif qui refusa d’un seul coup le modèle de l’homme technique que nous sommes devenus. Mais cette option est ancienne, et il semblerait que les Asiatiques aient fait leur deuil de la « belle vie » qu’ils opposaient à la vie puissante et conquérante.>>

Un choix, vraiment? Quand le père jésuite Matteo Ricci est arrivé avec ses mathématiques et son astronomie, il a été invité à implanter son petit CNRS à la cour impériale et cette mission a duré pas moins de deux siècles.


<<Alors ne comptons pas trop sur notre avance technique,>>
Mais bien entendu.

<< Le 14-18 économique est donc tout proche et il serait temps que l’Europe se pose la question de savoir dans quel camp elle va se situer. Je pense tout simplement que tout l’enjeu du tourbillon actuel autour de l’Europe est celui que provoque de l’extérieur et de l’intérieur une Amérique mortellement inquiète face à l’éventualité d’une neutralité possible des Européens, neutralité déjà symbolisée par le refus historique d’aller guerroyer en Irak. La position instable créée par Washington autour de l’admission de la Chine à l’OMC visait d’abord à donner une leçon à l’Europe, leçon qui n’a pas tardé à s’abattre sur les secteurs que veut défendre la famille Sarkozy. Mais il est évident que cette manœuvre était fatalement destinée à se retourner contre l’Amérique elle-même, sûre alors que l’Europe n’hésiterait plus à rejoindre les rangs disciplinés de l’Alliance Atlantique.>>

Il me paraît assez évident que face à la concurrence des pays à bas salaires, les pays riches sont logés à même enseigne. Je ne vois pas que l'admission de la Chine à l'OMC ait été conçue comme une machine de guerre économique contre l'Europe.

<< Le culot des étasuniens est tel qu’ils exigent pratiquement déjà aujourd’hui une participation de l’OTAN aux opérations moyen-orientales, ce qui serait notre Canossa.>>
Oui, ça c'est l'hégémonisme caractérisé. C'est l'expression de la vassalisation. C'est pourquoi il était si important de renforcer les institutions européennes... et de voter oui!

<< Je jurerais que les Américains nous comptabilisent déjà comme faisant partie de leurs forces (économiques).>>
Ils peuvent le faire dans la mesure où un certain nombre de sociétés américaines comme IBM sont implantées en Europe, qu'elles y ont des centres de recherche etc.
Autrement, je ne vois pas pourquoi ils le feraient et ce qu'ils auraient à attendre des pays européens.
Il y a des domaines comme la recheche spatiale et ITER où la coopération internationale est la règle.

<< Or l’Europe manifeste un désarroi qui rend cette comptabilité aléatoire : on peut être le plus sceptique possible, il faut reconnaître que l’Europe s’est construite sur un refus d’une nouvelle guerre. Alors pourquoi accepterait-elle de participer à celle des autres ?>>
L'Europe s'est construite sur le refus d'une nouvelle guerre entre Etats européens, et du temps de la guerre froide elle n'était pas vraiment en contradiction avec l'alliance atlantique. Telle est l'histoire de la deuxième partie du XXe siècle.
Il me paraît plus qu'évident que l'Europe n'est pas faite pour défendre les intérêts américains, mais je me demande qui oserait le prétendre, surout si on considère par exemple le match Boeing Airbus.

<< C’est l’Euro qui, paradoxalement, prouve que les Européens refusent de s’associer à la stratégie du dollar, car cette monnaie a été créée envers et contre tous les projets hégémoniques de l’occident « riche et intelligent ». Or il n’y a plus ni « riches » ni « intelligents », il y a des forces économiques qui s’équilibrent, avec d’un côté la Grossa Bertha américaine, et de l’autre le canon de 150 qui permet de résister, le tir tendu de la force de travail quasi gratuite.>>

C'est vrai que lors de la création de l'euro, il n'y a eu qu'un seul économiste américain pour l'approuver (j'ai oublié son nom, mais j'ai un article sur lui dans la doc).

<<D’un autre côté, pourquoi refuser de s’associer avec la Grossa Bertha américaine ? N’y aurait-il pas de bons profits à retirer d’une telle alliance ? >>

C'est une option politique fondamentale. Elle dépasse sans doute les considérations économiques.

<<Alors question : pourquoi la Suisse a-t-elle opté pour la neutralité (tout en s’armant suffisamment pour dissuader qui que ce soit) lors des deux derniers conflits ? On pourrait répondre bêtement que les Suisses avaient plus à gagner à se faire les coffres-forts des belligérants qu’à se mêler de la guerre, mais on oublie que cette situation de banquiers a été créée elle-même par la deuxième guerre mondiale, sans que les Suisses n’aient la possibilité de planifier à l’avance une telle conséquence. C’est compliqué à expliquer, mais il faut conclure. Les Suisses avaient dès 1914 une autre idée de l’Homme, fruit non pas de la richesse spontanée, les Suisses ont été les plus pauvres des Européens pendant des siècles, et en 45 encore leur franc valait moins que le nôtre. Mais cette idée pacifique de l’homme leur a été suggérée précisément par cette pauvreté matérielle qu’ils ont su maîtriser confédéralement au profit d’une richesse spirituelle que symbolise la création de la Croix-Rouge.>>

Je ne vois pas la pertinence de la comparaison avec la Suisse. La Suisse a pour caractéristique essentielle d'être un très petit pays dont la richesse dépend de ses ralations avec les grands pays. La neutralité convient à des pays petits, pas à de vastes ensembles.

<< Blair tombe le masque>>
Admettez que le non au référendum l'a beaucoup aidé dans son combat et que ce n'est pas fini.

<<Mais pour une fois je pense que c’est l’économie qui va en décider : le marché intérieur européen est de loin le déterminant le plus puissant et je ne vois pas un Portugal ou une Espagne mécontents assez culottés pour quitter le navire sur de vagues garanties venues d’Outre-Atlantique d’où on n’importera pas leur tomates et leurs fraises pour leur faire plaisir. Le Marché Unique a verrouillé politiquement l’Europe, la rhétorique démagogique n’est pas prête à trouver la combinaison pour ouvrir ce coffre. L’espoir peut donc être grand de voir l’Europe refuser la guerre économique à laquelle on tente de la forcer et le Septième Jour viendra lorsque ce refus deviendra manifeste.>>

(i) c'est juste mais...
(ii) l'intégration des économies européennes n'est pas encore faite. Elle n'est pas faite à l'Est et laisse de côté les services dont l'importance est cruciale.
(iii) je ne comprends pas cette formulation "refuser la guerre économique". La guerre économique, c'est la concurrence et nous y perdons pas mal de batailles, pas toutes heureusement.


 
Louise

10/06/2005
23:32
re : Où et à quand notre Septième Jour

"la culture de paix ayant pris la place de celle de la guerre", pas pour tout le monde.

http://www.rfi.fr/actufr/articles/066/impr/edito_chro_36739. asp

où l'on retrouve la libre circulation des marchandises...

"Aujourd'hui, le commerce illicite des armes légères reste le plus lucratif et le plus meurtrier.

Sous l'égide des Nations unies, un traité instaurant leur contrôle pourrait-être finalisé dès cet été, mais c'est encore Washington qui mène la fronde contre cette tentative de régulation au nom - bien-sûr - de la liberté du commerce..."
Richard Labévière
Article publié le 10/06/2005

 
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