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Henry Faÿ 08/06/2005 20:50 |
l'intervention de Yann Mullier Boutang |
![]() J'ai retranscri de manière assez détaillée quoique non exhaustive l'intervention de Yann Mullier-Boutang dans l'émission du petit Nicolas du 1er juin. Je soumets ses propos à votre réflexion. On trouve dans le Télérama paru aujourd'hui un texte beaucoup plus court de Toni Negri qui reprend les mêmes idées: "un retour en arrière de vingt ans". ![]() ******************************* Yann Moullier Boutang Économiste professeur à l’Université technologique de Compiègne Directeur de la revue Multitudes Yann Moullier Boutang évoque le pouvoir constituant des multitudes ; cette notion appartient à Toni Negri. Nous ne pouvons plus utiliser les mots peuples nations dans le sens émancipateur qu’elles avaient autrefois. Ce n’est pas pour le plaisir de remplacer peuple par multitude mais pour tenir compte de la complexité du monde. Dans un monde dominé par le complexe, les catégories, comme la nation, qui ont formé le concept de souveraineté n’ont plus de prise. Au lieu d’être des concepts opératoires elles jouent un rôle supplétif d’âme d’une situation inverse (sous-entendu, passéiste, réactionnaire). Le référendum a donné lieu à des additions dangereuses. (extrême gauche et souverainisme de droite). Quand les gens sont dans l’idéologie, quand ils perdent leur référent au réel, ils restent imperméables à toute argumentation. Vous pouvez leur lire les articles de la constitution… Voyez les problèmes de langue… Si on avait mis « public service », toute l’éducation, toute la santé aurait été livrée au secteur privé. Les Français n’ont pas compris que l’Europe ne parle plus français, qu’on n’est plus au temps de Leibniz. Le petit Nicolas précise que les livres de Toni Negri sont des best sellers philosophiques, qu’il est un des penseurs les plus lus dans les milieux de l’altermondialisation. Le petit Nicolas : le pouvoir constituant des multitudes permet –il de se rendre compte de ce qui s’est passé dimanche dernier ? YMB : c’est une erreur. Le pouvoir constituant des multitudes, c’est un concept qui consiste à reprendre toute la tradition de la philosophie politique et de la relire d’une point de vue matérialiste. Il y a une filière profonde, une tradition matérialiste qui va de Machiavel à Hobbes, Spinoza, Marx, tradition qui se construit dans l’ombre en opposition avec une autre que les Français adorent et qui elle passe par Rousseau, Hegel, la tradition des Lumières. Negri essaye de voir que dans le fondation d’un ordre politique il y a un impensé au départ, qui ne peut pas se penser indépendamment d’une bataille. C’est une critique assez radicale de la théorie contractualiste. Après le résultat du référendum, va-t-on dire : « les multitudes ont parlé, elles ont dit non » ? En profitera-t-on pour dire : « l’Europe telle qu’elle a été historiquement pensée s’arrête » ? Ce serait une naïveté. Cette lecture traditionnelle, Emmanuelli l’a faite. « Le peuple a parlé », ça s’est dit, par exemple, lors d’une réunion sur l’Europe qui avait été programmée, il y en a un qui a déboulé et qui a dit : « comme il va y avoir le non en Europe pas de réunion ». D’accord, la passion française pour la politique, c’est bien, mais il faudrait que cette passion soit à l’échelle européenne. Il n’y a plus d’admiration napoléonienne. (Heureusement ! Y en a-t-il jamais eu ?). On dit en Europe que les Français ne font que se répéter. Rejet de la CED 1954, politique de la chaise vide 1965. Les Européens pensent : ces Français, décidément, ils n’ont pas changé. Arnaud Montebourg : les citoyens ont mis le pied dans la porte européenne, on est là. Est-ce que ça veut dire qu’il n’y a pas d’espoir ? Il y a l’idée que ça peut changer, ça doit changer D’une situation de crise, on peut tirer quelque chose de positif. (banalité). Je crois réellement que si la proposition des Verts de faire un référendum à l’échelle de l’Europe, 450 millions de personnes, un an de campagne. On aurait eu une ratification. Ça aurait fait naître l’idée non pas d’un peuple mais des peuples européens expression de la multitude La construction avait toujours été faite à reculons, planquée. C’est à cause du premier non français 1954. L’idée que l’on pouvait organiser les choses par ratification par le parlement, par référendum, par référendum consultatif, tout cela provoque un trouble formidable. Dans ce non à la constitution il y a du meilleur c’est-à-dire la lutte contre les inégalités (si nous prenons Fabius au mot, ce qui est difficile à faire pour cet homme qui a un usage mitterandien des mots). Comment cette pression constituante exprime-t-elle quelque chose qui pourrait déboucher sur des politiques, cela n’a pas été compris. Le non va renforcer un souverainisme qui me fait peur. Un non, un désir de ne pas être gouverné, de ne pas être dominé comme dit Foucault, pour que ce désir prenne corps, trois possibilités : La guerre civile, émeutes, révolutions, c’est la spécialité française Le processus d’innovation continue, c’est ainsi que font les Hollandais Le processus constituant, processus tortueux quand on a 450 million d’habitants dont le processus conventionnel européen est bien une illustration . Il a fallu que la gauche menace de partir pour que la Charte des droits fondamentaux… Le petit Nicolas : dont personne ne voulait … YMB :… dont les anglais ne voulaient pas et dont aucune nation ne voulait, soit incorporée au projet. Il y avait bien là du constituant qui se cherchait. L’histoire ne procède pas linéairement, elle procède par des séries non linéaires d’accélérations et de rupture . Chronique d’Alain Gérard Slama et il reprend ************************************* Les métropoles Lyon, Paris ont voté pour le oui assez massivement ; ça recoupe les beaux quartiers, c’est inquiétant. La droite qui était hostile à Maastricht a avalé l’Europe avant la gauche, elle trouve que l’euro c’est très bien. Chirac a mangé son chapeau de l’appel de Cochin 1976. Fabius mangera son chapeau (il faut entendre comme il se délecte à dire ça) comme il a mangé sa doctrine des nationalisation en ouvrant la valse des dénationalisations, il mangera sa prise de position pour le non. Le problème, c’est : dans combien de temps ? Il y a des crispations indubitable. Il y a des endroits (les banlieues les plus défavorisées) où le non atteint les 80% (le ton devient dramatique) Voyez la politique de libéralisation du marché du travail entrevue par Sarkozy, sans filet protecteur. Est-ce qu’on sait que Blair a créé 600.000 emplois publics ? Est-ce qu’on sait qu’en Grande-Bretagne 2 millions de chômeurs, deux millions et demi ont été basculées vers l’invalidité mais en payant des pensions d’invalidité ? On a des gens qui veulent faire de la flexibilité mais sans en mettre le prix. Si Sarkozy menait son programme, on aurait une situation en l’espace de quatre mois dont le non a donné la mesure. C’est sur ça que parie Fabius. Oui il y a de la complexité mais je ne partage ces avis ( les avis des partisans du non). Les infos et la chronique d'Alexandre Adler sur les Pays-Bas ******** Le petit Nicolas : un mot sur la nation, vous dites votre inquiétude quant au retour en force du souverainisme. YMB : pas de prise de position a priori de ma part sur la nation mais il y a des concepts autour desquels les gens se rassemblent et des moments où ces concepts deviennent réactionnaires. Pourquoi qualifier ce vote de réactionnaire ? C’est en raison de la volonté de revenir à quelque chose qui n’existe pas. Il y a de la nostalgie, de la mélancolie, il y a chez les Français une mélancolie profonde. On a une classe politique qui est assez médiocre. Nous sommes dans une situation qui exigerait des énormément de dépassements mais pas comme dit le fait Villepin en disant que le mot France évoque dans le regard des gens davantage d’étoiles qu’il n’y en a sur le drapeau européen. Allons-nous vers une identité de repli ? On est dans un processus déjà fédéral, il faut avancer, on recule, on recule Il y en a qui pensent tirer part de ce grand désordre, je pense à Fabius C’est le moment de prendre acte : la gauche est par terre, une bonne part de la droite est par terre aussi. C’est le moment de dire à Fabius, « on se souviendra ». (Dire à Fabius, on se souviendra, il l’a répété au moins trois fois dans son interviou) Il faut aller au bout de certaines conclusions, il faut clarifier des idées. Si nous voulons construire l’Europe sur un processus d’adhésions ce ne sera pas en chevauchant des nons qui pensent que la France va imposer 8 millions de postiers à 450 millions de personnes ! (il s’est peut-être un peu trompé dans les chiffres), que le service public va se conserver intact dans les campagnes reculées alors qu’on vit mal dans les banlieues. 80% des gens vivent mal , beaucoup plus mal que dans l’Europe du Nord et pas beaucoup mieux que dans l’Europe du Sud. On ne peut pas continuer comme ça. On dit : « on va créer de l’emploi ». Entourloupe extraordinaire ! On ne lutte pas contre la précarité en disant « on va faire de l’emploi » : C’est faire du déficit budgétaire. Un déficit budgétaire qui va être financé comment ? Ce qu’il faut, c’est une stratégie de Lisbonne européenne, ça n’est pas à la portée d’un pays. Il faut faire du déficit budgétaire européen et pas national. On fait de l’emploi quand on assure une protection très forte à ceux qui sont qui sont touchés par la précarité. Le Bras et Lévy dans Libération, ont montré que le vote de la précarité s’était additionné à un vote souverainiste. Avec ceux qui ont cru que voter non c’était voter pour l’Europe, reprendre pas à pas la discussion. Discussion sur les processus institutionnel. Quels sont-ils ? Les additions vont être extrêmement salées. Dernier acte : Le Pen se trouve en tête, ce serait l’achèvement On a fichu par terre un processus constituant au nom d’une critique de l’économie dont je voudrais dire quand même qu’elle m’énerve considérablement. Cette critique confond le capitalisme avec le marché. Le marché existe depuis le début des temps, depuis la fin du néolithique. On le confond avec cette chose très importante qu’est l’encadrement des monopoles. Comment croit on qu’on pourrait contrôler Microsoft s’il n’y avait pas l’Europe ? C’est la grande entreprise qui caractérise le capitalisme, ce n’est pas le marché. Face à des gens qui veulent le monopole l’important est d’assurer le possibilité de la concurrence. Alors, il y a un autre modèle, le Gosplan. Ça a donné après cinquante ans de bons et loyaux services, un pays qui produit une volonté de libéralisme tellement effrénée que même Hayek serait éberlué ! Ce vote pour le non n’est pas rationnel. Les argument rationnels auraient dû s’imposer. Pourquoi ces arguments ne se sont-t-il pas imposés, c’est parce que les gens ne sont pas rationnels Parce qu’ils ont dit « ça ne peut plus durer comme ça ». C’est un message qui peut être décodé de différentes façons Chronique d’Olivier Duhamel ************************ Le petit Nicolas : les partisans du non ont dit : « la constitution grave dans le marbre des politiques libérales », Beaucoup de débats se sont focalisés sur ce point, vous en faites une lecture totalement différente YMB : l’inquiétude face au libéralisme, c’ est une caractéristique spécifiquement française. La France a eu des libéraux économiques, pas de vrais libéraux. On ne peut pas qualifier le CNPF, Madelin de libéraux conséquents Des libéraux supposent que l’économie soit encadrée par le droit ce qui est bien prévu dans le constitution. Cette question de la partie III est sidérante : Paradoxalement tout ce qui gommait le aspect plus dangereux des traités et qui nous permettait de les faire évoluer se trouve sanctifié par le non. Le non ; c’est les traités empilés les uns sur les autres Le petit Nicolas : « moins ce qui les corrigeait ». YMB : On aura une politique beaucoup plus libérale. Le gouvernement va faire une politique de l’emploi en respectant les traités et quand on n’a pas les moyens budgétaires, ce n’est pas possible La seule possibilité, c’est de faire du Keynes à Bruxelles. Mais pour faire du Keynes à Bruxelles il fallait accepter la constitution. Il fallait faire évoluer les choses de l’intérieur. Gravé dans le marbre ce n’est pas à prendre à la lettre. Comme dit Lacan, quand on est en face à un délire, il faut écouter ce délire, ilfaut l’écouter Le petit Nicolas : c’était vraiment du délire ? YMB : je le pense franchement J’ai beaucoup discuté avec des gens qui paraissent doués de raison Leur imperméabilité à des arguments de juristes, des arguments d’économistes est stupéfiante.en réalité elle traduit une mélancolie. Un mélancolique, vous ne le raisonnez pas. Le petit Nicolas : mélancolie ou refus ? Mélancolie. C’est de la mélancolie, une mélancolie, elle provient d’une situation d’impuissance. On s’accroche à quelque chose qui paraît marcher, des idées simples qui martelées paraissent marcher. Incroyable de voir la cécité d’un certain nombre de gens. Les arguments rationnels ne mordent plus. L’idéologie est plus forte. Il n’y a plus que trois ou quatre slogans : « Cette constitution est ultra-libérale ; cette constitution est ultra-libérale » Pour Le Lay, ça doit être fascinant, cette force de pénétration ... Il ne faut pas faire de comparaison avec les années trente (prétérition). Il faut une initiative pour une Europe fédérale, et qu’on reprenne la discussion La constitution on la met au rancard Alors que les processus sont à l’œuvre. Chirac se met en fondé de pouvoir du non. Il dira j’ai le non derrière moi. Et si vous faites quelque chose, on va casser la baraque. Olivier Duhamel : Je suis assez largement d’accord On n’est pas dans les années trente c’est évident mais ne dites pas qu’il n’y a rien de grave. Imaginez un Le Pen en tête au second tour. Disons pas Le Pen, un Le Pen beau gosse ou une Le Pen belle gueule. Le truc qui marche c’est le nationalisme xénophobe, c’est le populisme xénophobe Le rêve européen peut-il être le pendant européen du cauchemar nationaliste ? Moi je pense que oui vous pensez que oui. Mais comment s’y prendre ? YMB : Ecoutez ce que dit ce discours populiste : vous souffrez, les étrangers dehors et vous ne soufrirez plus. Olivier Duhamel : pas la peine de dire à cause de Chirac, à cause de … Alexandre Adler : à cause de Fabius, je n’aime pas beaucoup prononcer ce nom mais là je me sens des ailes YMB : à cause de Fabius évidemment C’est l’échec de cette espèce d’attelage fédération d’États nations que Delors avait tirée de Maastricht . Une Fédération d’Etat nations, ça explose. Le Pen me paraît insignifiant. C’est de l’extrême droite insignifiante. Ce que je crains, c’est le détricotage de l’Europe vers Europe blairienne. Si on ne part pas vers une optique fédérale… On biaisait les choses. Dans la fédération il faut mettre ce qu’était la nation au service d’une chose nouvelle. Duhamel : vous êtes sur le ligne Negri, ce n’est pas la mienne, je ne suis pas d’accord YMB : on ne disait pas qu’on allait créer une fédération. Nos ennemis sont les confédéralistes. Chirac a mangé son chapeau de l’appel de Cochin, Fabius mangera son chapeau. Il s’abrite comme Mitterand, calcule comme Chirac et finira comme Seguin. Le truc qui marche, c’est le nationalisme xénophobe. La résistance de la France, de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas, ce sont des résistances de vieilles nations. C’est parce qu’elles pensent qu’elles lâchent la proie pour l’ombre. (insuffisance des politiques européennes). Le moment constitutionnel, aucun chef d’État n’en voulait. Ils n’ont fait cette Europe qu’à reculons. Si nous n’avons pas de culture européenne… Alexandre Adler : c’est ça la mélancolie. YMB : C’est parce que la personne qui lui explique, les gens qui ont parlé ne sont pas crédibles . ils sont a-européens. Les trotskistes ne savent même pas ce que c’est. Le ralliement de Chirac est tactique. On nous cite Jaurès à tort et à travers. Le petit Nicolas : vous n'allez pas vous faire que des amis chez ceux de votre famille politique : YMB : ça, c’est très bien. Les gens finissent par vous respecter. |
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