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paul

22/11/2005
09:43
La psychogéographie tragique des banlieues


Ce matin 22 novembre sur FC, nous avons été littéralement noyés sous des cataractes de mots qui prétendaient « traiter » de l'urbanisme en général et du statut des banlieues en particulier. Je me demande QUI a retenu quoi que ce soit de ce galimatias psychosociologico-politique. Rien que le ton de ce professeur qui s'empressait de donner les réponses à ses propres questions sans même remarquer qu'il avait des interlocuteurs, d'asséner des postulats et des critiques dont nous connaissons depuis des décennies le cocktail qui fait le bonheur des bavards universitaires, me hérissait ce qui me reste de poil.

Mais alors, comment peut-on faire autrement que de tout mélanger pour tout noyer, pour, on se le demande, empêcher à peu près tous les auditeurs de comprendre quoi que ce soit de ce qui se dit, ou prétend se dire. « Les classes moyennes sont devenus péri-urbaines » : qu'est-ce que ça veut dire ? Quel est le vrai sens humain de telles propositions ? Je suis devenu péri-urbain parce que j'habite une HLM de la banlieue de Mulhouse alors qu'il n'y aucune comparaison possible entre la banlieue de ma commune alsacienne de taille moyenne et celle de la mégapole parisienne ? Et puis en quoi est-ce que je me sens péri-urbain ? J'en ai parlé à ma femme en l'accompagnant comme tous les matins à son école, et elle m'a répondu parce qu'il faut prendre un bus qui met cinq minutes pour rejoindre le centre-ville. Et nous avons bien rigolé.

Et pourtant plus péri-urbain que moi, tu meurs. Alors quoi ? Alors quoi à propos des VRAIES banlieues, celles qui entourent les agglomérations qui sont les dernières vraies villes de France, Paris, Lyon, Marseille, Toulouse et peut-être encore Nantes et Lille. Où le problème n'a rien à voir avec celui de Mulhouse, et même pas de Strasbourg où les voitures flambent presque déjà par pur folklore depuis un lustre et demi. Hé bien ceci : lorsqu'on vit dans une banlieue parisienne on ne vit NULLE PART, ni en ville, ni à la campagne, ni dans quelque « chose mentale » comme disait l'autre. Voilà le seul et véritable problème des banlieues qui ne sont, en fait, que des espaces de transition vers les mégapoles. Allez faire un tour dans les Pays-Bas pour comprendre ce que je veux dire. Là-bas on a fait son deuil de la différence ville-campagne (j'avais déjà signalé quelque part l'avance culturelle que ce petit pays conserve depuis déjà des siècles grâce à son génie d'adaptation à toutes les transformations mondiales). On a fait son deuil veut dire qu'on s'est créé un nouveau statut pour l'homme qui existe dans cet espace mégapoli(ti)que. Allez faire un tour entre Utrecht et La Haye, et vous aurez l'impression de circuler dans une ville en continu, où les notions de ville et de campagne se sont entièrement confondues et où on a inventé une possibilité de vivre et non pas seulement de survivre en courant à droite et à gauche du matin au soir. Même les bordels sont décentralisés, ce qui met les espaces interurbains au même niveau que les sombres ruelles d'Amsterdam ou de La Haye.

Le problème est donc le suivant : l'homme de la banlieue, qu'il soit blanc, noir ou de n'importe quelle autre couleur, n'a pas d'espace d'existence, ne SAIT pas où il vit, il sait seulement où il circule et n'a comme repère d'existence que les points entre lesquels il passe son temps à sautiller par tous les moyens possibles et imaginables. La scène de départ c'est au mieux un lotissement récent où les maisons coûtent une petite fortune malgré leur exécrable qualité. Puis vient l'activité : une heure et demi de voiture pour rejoindre son boulot et le même temps pour rejoindre, le soir venu, son dortoir où l'attend une compagne qui vit en parallèle le même merdier. En substance, la banlieue n'est plus un espace immobile, un paysage dans lequel on peut avoir le sentiment de s'installer, d'installer son existence, mais un boyau par lequel il faut passer quelques heures de sa journée, entièrement bouffée par tout le reste, boulot et déplacements. J'ai un ami, général à plusieurs étoiles, qui vit ainsi, sans se poser de questions, il a tellement d'enfants qu'il n'aurait aucune chance, même du haut de son statut social, de trouver un appartement intra-muros, alors...

Voilà donc la vraie structure de base de l'existence banlieusarde. Et c'est là , dans cette espace, que vivent entassés les damnés de la société françaises d'aujourd'hui (oh je sais que je vais encore me faire insulter pour cette expression, mais les chiens hurlent, la caravane passe), ceux dont la possibilité même de survivre est remise en question à chaque soleil qui se lève. Brûler les voitures, quoi de plus logique puisqu'elles incarnent le fond même du cauchemar quotidien.

On va me reprocher mon négativisme, cette vision apocalyptique, et me demander : et alors, qu'est-ce que tu proposes ? J'ai envie de conseiller le modèle hollandais, mais le centralisme structurel de nos grandes villes est un obstacle dont je ne vois aucun contournement possible. Ce qui va se passer en revanche, devrait dissoudre le problème de soi-même, car on va être contraint de créer de vraies mégapoles, on va être contraint de cesser de construire des Franciliennes qui passent sans s'arrêter et des îlots de dortoirs pour pauvres et moins pauvres. On va être contraint d'inonder ce qui reste de « rural » pour structurer le « rurbain », exactement comme en Hollande, mais avec un retard qui va nous coûter encore les yeux de la tête. Mais nous autres Français, sommes de bons payeurs, non ? L'autre jour, dans le train de Grandville (quel poème !) j'ai pu apercevoir le château de Versailles à travers un rideau de tours, celles qui flambent sans cesse, et là je me suis dit que ce monument que j'ai encore connu planté dans la verdure, est condamné à devenir un nouveau Louvre, entouré de rues sans doute plus géométriques que la rue de Rivoli, mais aussi accueillantes et vivables qu'elle. Il faudra simplement un Mitterrand pour ouvrir les perspectives comme il l'a fait pour Paris lui-même, emmuré à l'époque par les tours de la Défense et l'anarchie du profit qu'elles illustraient là-bas, de l'autre côté du Pont de Neuilly qu'on ne voyait même plus..

Et puis enfin, mes amis, ne venez pas me titiller avec le nomadisme (thèse apparemment contradictoire avec l'analyse que je viens de faire), car ce nomadisme vous l'avez sous les nez, et je crois l'avoir bien décrit, hélas sous sa forme la plus exécrable. Dommage. Et désolé pour la longueur.
Paul
 
Stunt

22/11/2005
12:52
re : La psychogéographie tragique des banlieues

j'ai écouté ce professeur. Mon opinion,sur ses propos:
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer.
 
La reine des belges

22/11/2005
15:43
Note additionnelle sur Olivier Mongin

Est-ce que ça vaut le coup d'aller écouter cet Olivier Mongin aux Matins de ce Matin ???? Je vous pose la question mais à vous lire il semble que la réponse soit : Non.

Pour info, il est passé à la Rumeur du Monde samedi 5 novembre, où il s'est montré d'un pénible achevé en citant à tour de bras sa trilogie sacrée : jean-Louis Borloo, Azouz Begag, et Eric Maurin dont le petit livre (50p) semble lui servir de bible totale et définitive sur la ségrégation sociale.

Et on a entendu quoi ce jour là dans la RdM ? Des avalanches de "moije" et de "moijpense", des paralogismes de bistrot et des trivialités cuculapraline, quelques énormités (exemple : les jeunes n'ont pas été assez présents dans le débat sur l'aménagement des Halles) et aussi une focalisation sur les transports (aspect important de l'urbanisme, certes, mais à ce point là, non), et à 10 minutes de la fin une longue citation "selon un sociologue amréicain" dont il n'a pas été foutu de doner le nom ni un titre d'ouvrage.

De savoir que ce type est l'actuel directeur d' Esprit, ben outre que ça me fait finalement regretter Paul Thibaut, ça m'inquiète pour l'avenir de la revue...

Laurent
 
victor malicheff

26/11/2005
11:41
re : La psychogéographie tragique des banlieues

Quand FC fera appel aux urbanistes qualifiés plutôt qu’à un O. Mongin pour parler du phénomène urbain français on y verra plus clair. J’en suis comme Laurent à regretter P. Thibaut . Cela ne fait que confirmer que l’équipe des matins est parfaitement ignare,
Ignorante des revues spécialisées. C’est indigne.
Je voudrais rassurer Paul, l’errance n’est pas fatale, et pas pour l’éternité. La preuve, vous la
Donné avec l’exemple hollandais : ce pays le plus dense de l’europe du nord a dû son salut
Notamment en réalisant des polders et concevoir une organisation urbaine économe du foncier. En France si chaque nouveau demandeur de logement disposait d’une maison individuelle, la consommation de terrains nécessaires équivaudrait à 7% du territoire, alors
Vive Borloo et sa maison à 100 000 euros.
Ce processus de métropolisation doit-il être accompagné ou maîtrisé et organisé ?
L’accompagnement est aujourd’hui à l’œuvre et c’est en effet la faillite.
Alors que faire pour ne pas tomber dans l’ornière de l’errance ?
Victor

 
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