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Henry Faÿ

20/06/2005
16:34
Jean-Paul Fitoussi et les autres


Bon vent: << Je ne vois pas de contradiction dans les propos de JP FITOUSSI : le traité constitutionnel ne permettait pas de construire une europe politique :
- avec une banque européenne indépendante du gouvernement européen censé déterminer la politique monétaire de l'Union
- les contraintes de la limitation du déficit budgétaire
- Une troisième partie qui définit d'emblée comment le marché doit être régulé et enlève toute marge de manoeuvre au gouvernement européen...

Oui, il y avait des progrès dans l'organisation des pouvoirs décisionnels, mais les moyens de cette prise de décision sont justement ou verrouillés ou inexistants.>>

La contradiction est flagrante. Jean-Paul Fitoussi est le meilleur représentant qui soit du non de gauche europhile. L'excellent analyste qu'il est est trop expert en politique pour ignorer qu'en cette matière toutes les avancées sont bonnes à prendre.
Il pouvait bien prévoir la catastrophe programmée que représenterait pour l'Europe la victoire du non.
La Banque Centrale pratique des taux bas, on ne lui demande rien d'autre.
Surmonter les limitations du déficit budgétaire, ça veut dire renforcer l'Europe politique et lui donner une dynamique.
La régulation du marché... On en a parlé mille fois... Cette partie III a le mérite d'interdire les monopoles, ce qui est la moindre des choses (que ne dirait-on pas si elle ne le faisait pas) et ouvre la porte à toutes les exceptions pour raisons sociales ou d'intérêt général.
Pourquoi Jean-Paul Fitoussi qui proclame haut et fort qu'il ne saurait y avoir de politique qu'à l'échelle européenne (il l'a martelé au cours de l'émission) a-t-il concouru à infliger à l'Europe politique une cinglante défaite. J'ai du mal à me l'expliquer. Je regrette qu'un des participants à l'émission du petit Nicolas ne lui ait pas posé la question. J'en suis réduit à penser qu'il poursuit des objectifs personnels, par exemple se placer dans les milieux du non de gauche. Je ne peut que l'en blâmer.


 
caucho

20/06/2005
20:29
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

"La Banque Centrale pratique des taux bas, on ne lui demande rien d'autre."

Ce n'est pas tout à fait vrai, Henry, son unique mandat est de garder l'inflation en dessous de 2%, il pratique des taux en conséquence.

 
Henry Faÿ

20/06/2005
21:40
amis de l'économie, bonjour!


Quand il y a de la surchauffe, il y a inflation ou risque d'inflation et à ce moment la Banque Centrale réagit en augmentant ses taux pour refroidir l'économie (elle rend le crédit plus cher donc moins facile à obtenir).

Si les taux de la Banque Centrale sont en ce moment bas, il y a deux raisons à cela:
(i) il n'y a pas de pression inflationistes alarmantes
(ii) l'euro est un outil efficace de lutte contre la spéculation sur la monnaie. Imaginez que la monnaie de la France soit le franc, que le franc soit attaqué, la réaction de la Banque Centrale serait d'augmenter les taux d'intérêt. L'euro garantit des taux d'intérêt bas, c'est un rôle bénéfique qu'il joue et une des causes de sa solidité.
Donc vive l'euro et vive l'Europe!
En outre, l'euro confère au pays une certaine capacité d'indépendance politique. C'est Zapatero qui a dit que si le peso avait été la monnaie de l'Espagne il n'aurait pas pu retirer ses soldats de l'Irak (la monnaie de l'Espagne aurait été attaquée).


 
Clopine

21/06/2005
10:17
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Jean-Paul Fitoussi est surtout, avant tout, péremptoirement, un économiste, du genre qui me fait
froid dans le dos.

J'ai retenu dans l'émission la "boutade" (!?!)Fitoussienne "pour supprimer le chômage en une nuit, il n'y a qu'à supprimer son indemnisation". C'est-y pas beau ça Madame ?

Et le vibrant éloge d'Adler sur le texan Bush, seul au monde à avoir compris le monde et à redresser la barre économique, il n'était pas gratiné non plus celui-là tiens ?


décidément, je ne consentirai à écouter les économistes quand ils auront intégré le terme "décroissance" dans le vocabulaire européen

et j'emmerde Keynes !

Clopine, toujours aussi démoralisée par le discours libéral...
 
paul

21/06/2005
11:48
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

clopine : et le contexte de cette phrase ? Merci.
 
Clopine

21/06/2005
12:07
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

C'était hier matin, lundi 9 h, sur France Culture, chez Demorand : jean-Paul Fitoussi était invité à donner son point de vue sur l'Europe, tout ça, et Alexandre Adler ne pouvait littéralement pas s'empêcher d'y aller de son grain de sel.


Fitoussi a rappelé que "les experts ont généralement trente ans d'avance", que donc ils sont "légitimés à donner leur avis ", c'est-à-dire que leur rôle est bien de "dénoncer les errements de la construction européenne sans forcément y aller de leurs solutions"... car les solutions, il y en avait forcément pour tout, (ma brav'dame) comme par exemple la "boutade" reportée ci-dessus.

Sinon, il a déballé une théorie qui n'était ni plus ni moins que Keynesienne, d'après moi...

Sans jamais le dire, tous les économistes ont la main sur la Loi du Marché, comme les anciens prophètes avaient la main sur les tables des dix commandements. Infoutus de remettre mentalement en cause la croissance !

Un de mes potes m'a dit qu'il y avait cependant un économiste pas comme les autres, un certain Bernard Mathis ou quelque chose comme ça ?

je vais essayer de me renseigner

(sinon, tu dois pouvoir réécouter l'émission sur le site de france cul ; La phrase sur les chômeurs doit certainement y étaler sa grasse ironie, son cynisme intellectuel. Hi hi hi qu'est ce qu'on est rigolo chez les libéraux, bon sang de bonsoir ! Quel esprit ! C'est pour cela , sans doute, qu'il n'y a pas de chômeurs indemnisés chez eux !)
Clopine
 
Paul

21/06/2005
13:24
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Je découvre que mon ami Jean-Paul était dans le bon camp ! Mais à vrai dire je n'en aurais pas douté si on m'avait posé la question. Les arguments cités ici sont d'ailleurs sans
pitié pour le traité. La citation de Clopine est une galéjade, bien évidemment, même si sur le fond, on ne peut pas contester la vérité de l'équation, sauf qu'il faudrait y ajouter + les gens dans la rue..

Encore une fois, que l'on cesse d'entretenir une sorte de catastrophisme purement médiatique : il n'y a pas d'Europe en panne, et j'attends avec gourmandise les réformes que va nous proposer le petit Blair avant de prendre la porte. Que l'on veuille bien m'expliquer ce que signifie investir dans la recherche et l'éducation, alors qu'il y a 10 pays qui attendent de l'argent pour seulement survivre ! Il se fout de nous, point.




pour Clopine :
Il s'agit de Bernard Maris, l'économiste très keynésien de Charlie-Hebdo, mais bon économiste et source d'informations véraces et mises à jour avec rigueur.
 
Henry Faÿ

21/06/2005
21:14
Clopine démoralisée


<<Jean-Paul Fitoussi est surtout, avant tout, péremptoirement, un économiste, du genre qui me fait
froid dans le dos.
J'ai retenu dans l'émission la "boutade" (!?!)Fitoussienne "pour supprimer le chômage en une nuit, il n'y a qu'à supprimer son indemnisation". C'est-y pas beau ça Madame ?>>


Des commentaires ont été écrits pour relever la grossière erreur de compréhension. J'ajoute le mien: si vous lisez de Montesquieu:
"Ceux dont il s'agit sont noirs des pieds jusqu'à la tête et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre. On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu qui est un être très sage ait mis une âme surtout bonne dans un corps tout noir".
En déduisez-vous que Montesquieu est esclavagiste raciste?
Vous faites une erreur de ce type quand vous ne voyez pas que quand Jean-Paul Fitoussi dit qu'il n'y a qu'à supprimer les indemnités pour faire disparaître le chômage, il décoche une flèche acérée contre ses collègues ultra-libéraux, qui effectivement seraient fort capables de tenir des propos de ce type.
Ce sont les ultra-libéraux hard, les disciples de Milton Friedman. En France, on en trouve aussi, Pascal Salin, par exemple.

<< décidément, je ne consentirai à écouter les économistes quand ils auront intégré le terme "décroissance" dans le vocabulaire européen>>

Décroissance? Essayez de parler de ça à des Chinois, des Indiens, des Indonésiens, des Africains, des Boliviens et dites moi leur réaction.

<< et j'emmerde Keynes !>>
Et pourquoi donc?

<< Clopine, toujours aussi démoralisée par le discours libéral...>>
Quelles sont vos sources?

 
Clopine

22/06/2005
10:28
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

oups là, j'ai bien peur d'avoir touché un point sensible chez vous, Henry Faÿ, et je vais tout de suite vous avouer que je ne dispose PAS de l'appareil théorique ou critique nécessaire pour une longue polémique argumentée.

Je me rends bien compte que vous dire cela, c'est être doublement scandaleuse : un) j'avoue mon manque de connaissances, deux) ce qui ne m'empêche pas de donner un "avis" très "critique", enfin, d'exprimer ce que je ressens, si vous préférez cette formulation, plus proche de ce que je cherche à communiquer.

De plus, le ton comminatoire avec lequel vous me sommez de citer mes sources me rappelle irrésistiblement ma prof de maths de quatrième, qui me fichait une frousse bleue. J'avais si peur d'elle qu'à chaque cours, je trimbalais absolument tout l'attirail affecté à l'ensemble de la discipline. Même si le sujet du jour était l'arithmétique, j'apportais quand même le livre et le cahier de géométrie, le rapporteur, l'équerre et au moins deux compas (des fois que l'un des deux me lâche en cours de route !) Elle pouvait bien me terroriser en me fixant de ses petits yeux noirs et durs, j'étais quand même parée pour la moindre réquisition de sa part.

J'en ai tiré un début de scoliose (le cartable pesait des tonnes), une solide aversion pour les maths et un peu plus tard, par réaction sans aucun doute, une déplorable propension à la légèreté.

Mes pauvres petites sources, donc, mon maigre ruisselet, se limitent donc strictement à ce qu'un honnête cours général d'économie, disons niveau bac quand même, plus quelques notions d'histoire politique, peuvent apporter.

Evidemment, j'aurais pu améliorer mes connaissances en écoutant France Culture : l'une des caractéristiques essentielles de la grille, depuis L'horreuradlère,est la surabondance, que dis-je ?, l'omniprésence de l'économie sur la chaîne. Experts, contre-experts, journalistes, émissions thématiques ou débats, chacun y va de son commentaire, chacun se penche sur l'état du monde, armé de l'épuisette libérale en guise de bouée théorique.

Mon "j'emmerde Keynes" provient certainement du début de nausée que provoque le gavage (phénomène que vous pourrez constater chez les oies du Périgord, moins blanches que votre servante, certes mais néanmoins tout aussi rétives à la cirrhose qui leur est imposée !)

Néanmoins, je pourrais essayer de développer un petit peu ma pensée, si vous le permettez. J'ai appris que toutes les théories libérales, de la "main invisible" de Smith à l'"instinct grégaire et moutonnier" cher à Keynes, qui conduit ce cynique à parier sur la confiance aveugle du peuple en l'avenir comme source de profit, toutes ces théories, donc, sont rien moins que scientifiques. La Loi du Marché fonctionne, certes, surtout "encadrée" comme le préconisait Keynes, le Sauveur de 29, par une intervention stratégique de l'Etat visant à casser l'éternel retour des vagues tsunamiennes de l'expansion et de l'horrible récession, mais on ne sait pas très bien comment. Même les plus "ultra" (j'aime bien ce terme, on se croirait en 1848) comme un Van Hayek le reconnaissent : ils n'y comprennent que pouic à ce "miracle", qui veut que la somme des intérêts particuliers aboutisse à l'intérêt général.... d'une certains société, cependant, hein, pas du monde entier...

Et c'est là que je me susurre à moi-même que ce n'est pas parce que toutes les autres tentatives (planification, économies totalitaires et autres) se sont soldées par des échecs doublés de catastrophes humaines qu'il faut à toute force continuer à avaler l'huile de ricin libérale.

Parce que , quand même voyez-vous, quand je regarde le monde, je vois bien qu'il y a quelque chose qui cloche. Le fossé entre le paysan du Sahel et le subventionné franco-bruxellois de l'Ardèche, par exemple, ne cesse de se creuser, au détriment du même, toujours. Qu'on ne vienne pas me dire que c'est de la faute à la structure sociale dans laquelle il vit, archaïque, non centralisée, n'ayant pas vécu de Révolution type 89 ! Je m'en fous. Moi, je veux vivre dans un monde où le paysan du Sahel, mon frère, se rapproche de moi. Et j'ai même l'impression que si je me goberge, c'est que lui s'appauvrit...

Je vous entends d'ici : justement, si vous voulez que le niveau de vie de votre frère augmente, il faut faire confiance au libéralisme, à la croissance, à la loi du marché...

Ben non. "Confiance", dites-vous, avec la voix flûtée de l'aristocratique Keynes ? J'y arrive pas. La planète est exsangue, et les économistes, d'une seule voix, ne parlent que d'augmenter les points de PIB

Je voudrais entendre le mot de "partage" ; je voudrais une réflexion sur une exploitation raisonnée des ressources ; je voudrais que l'on parie sur la générosité de l'homme;;; je voudrais... une théorie de la "décroissance" qui permettrait que le monde dans lequel je vis ne soit plus boursouflé d'un côté, étique de l'autre.

Je suis une grande idéaliste.

Je sais que l'idéalisme une sorte de péché, mais je ne peux pas m'en empêcher. J'en appelle donc à votre clémence : après tout, qu'importe les sentiments d'une tête échevelée comme la mienne ?

Cette tête va néamoins se pencher sur les livres de Bernard Maris, achetés hier sur internet grâce à ce forum (merci Paul !) d'une part, et d'autre part grâce ) à ma carte mastercard, merveilleuse de simplicité, délivrée par un banquier qui a confiance en mes ressources pécunières. De plus, ces livres me seront livrés, dans ma lointaine cambrousse, sous quarante-huit heures, ce qui est quand même un exploit impressionant mais tombé dans l'indifférence du banal quotidien. Bon d'accord, ils me parviendront très certainement par voie routière, voire dans un de ces camions qui polluent irréversiblement les vallées alpines. Mais on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs, ni de bonne économie sans saloper quelque peu le monde sensible ! Je sais, je ne suis pas à l'abri d'une réponse qui me renverrait mes contradictions à la figure et soulignerait que la révolution informatique a donné une nouvelle jeunesse aux marchés, en les rendant mondiaux, illimités, à portée de clic, et qu'elle a peut-être en elle le germe d'un monde nouveau. Le fait que j'ai du mal à y croire ne change sans doute rien à l'affaire !

Mais je revendique quand même le droit d'être démoraliée par le discours libéral, sa pauvreté théorique et son mépris de la faiblesse humaine.

Na.

Clopine, toujours aussi déplorable !
 
Clopine

23/06/2005
09:03
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Et ce qu'il y a de terrible, c'est qu'à la relecture des messages écrits d'un trait et envoyés d'un clic, vos fautes d'ortographe vous sautent à la gorge comme le tigre du Bengale sur sa proie. "pécuniaire", "impressionnant", et ça aussi "les sentiments d'une tête échevelée" (???)

ah là là, et ce dans un message à Henry, qui traque le moindre solécisme...

Clopine
 
paul

23/06/2005
10:38
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Dans Clopine, il y a copine, et je me sens très copain avec tout ce que tu écris plus haut. Ma femme a pour adage : "le simple est beau", et ce que tu écris est simple, donc beau. La question que je me pose c'est "qu'est-ce que tu attends d'une réponse de Henry à un message qui bloque d'avance toute réplique possible". Tu mets en concurrence un désir et une sensibilité avec des convictions scientifiques tout en espérant un je ne sais quoi de la part d'un interlocuteur que nous aimons tous bien ici précisément parce qu'il condescend à vouloir nous initier toujours davantage au sens qu'il a choisi et qui manifeste une constance toute romaine dans un combat sans issu prévisible en sa faveur.
Je répondrai donc à ta place, en disant que tu lui rends la pareille, tu veux aussi l'initier à un sens autre que celui qu'il manifeste quotidiennement sur ce forum, et c'est fort bien. Bien sûr on pourrait négativement parler de tout cela comme d'un dialogue de sourds, mais je ne crois pas, et je pense avec le Clausewitz de garde qu'il n'existe pas de forteresse imprenable, mais seulement des forteresses mal attaquées. Et là, ton attaque est brillante et quasi exemplaire, car elle se refuse à s'installer dans une explication scientifique ou pas, peu importe, face à une réalité intolérable. D'ailleurs je crois me souvenir que la famille Nobel a décerné un prix à un économiste pour avoir démontré que l'économie ne pouvait pas être une science (malheureusement je ne me souviens plus de qui il s'agit). Il y a un autre exemple, c'est JP Fitoussi, qui a fait son Doctorat d'Etat sur le rôle de l'information dans le calcul économétrique (en substance), ce qui lui a valu un prix et la considération attentive de Valéry Giscard d'Estaing soi-même. Or malgré l'accumulation d'équation au nième degré présent dans la thèse, il me paraît évident que l'information ne peut pas être une variable constante et mathématique autrement que par un tour de passe-passe de science-fiction économique. Dans le genre : si le marché était informé à tel degré Z + l'infini, alors Z(xy/wm2 - -x/wc(£3) + le panier de la ménagère = la bonne politique économique. Je me bidonne, évidemment. Mais le choix de ce paramètre de l'information permettait à Jean-Paul de constuire un modèle, bien sûr inapliquable dans la réalité, mais scientifiquement rigoureux. De surcroît, sa thèse offrait une sorte de neutralité politique puisque tous les opérateurs de l'économie pouvaient s'en servir, les uns pour fermer certains robinets imprudemment ouverts, les autres pour faire éclater la bombe Internet, ce qui s'est produit à peine une dizaine d'années plus tard grâce à un autre secteur qui ne pouvait pas non plus se passer de l'information en continu, celui de la science. Au plus froid de la guerre froide, on pouvait constater que les savants du monde entier, de San-Francisco à Vladivostock se parlaient comme si pas de guerre du tout. Mais je digresse comme d'hab, et comme je ne veux pas répondre à la place de Henry à tes questions si pertinentes, je le laisse dans l'arène face à ta passion républicaine.

Cependant. Ta question mérite qu'on la nuance sur le fond, et comme j'ai longtemps vécu dans ces zones dites "pauvres", j'ai un problème : je ne l'ai jamais vue, cette pauvreté. Même là où les femmes faisaient encore leur cuisine à même le sol de la forêt, en rangs rigolards, avec le riz et le poisson séché de la Compagnie qui exploitaient leurs maris, je ne percevais pas de pauvreté, moi qui mangeait du veau marengo et des filets de Rhodésie. J'avais même l'impression que la pauvreté était de mon côté, tant il était clair que ces femmes se fichaient joyeusement de ma curiosité à contempler la bouillie rouge de piment dont elles allaient régaler les tombeurs d'acajou et de makoré. Bon tu vas me parler des zones de guerre civiles qui se sont multipliées depuis cette époque, c'est vrai, mais même au coeur de ces espaces où règne aujourd'hui la violence, je reste persuadé qu'il n'y a pas de pauvreté et que nos relations avec eux ne ressortissent pas à des comptabilités du genre rizi-kouchnérien. Non Clopine, je pense que la pauvreté est une réalité spirituelle et non matérielle, la Constitution de Lycurgue, le fondateur de la nation spartiate, le manifeste ouvertement en désignant la pauvreté comme base nécessaire de la vertu (guerrière et démocratique). J'y ajouterai spirituelle. Alors j'entends d'ici les cris d'orfraie de ceux qui vont me mettre au pilori du mysticisme ou de je ne sais quelle morale idéaliste "qui ne nous donne pas de pain". C'est que le pain est le dernier de nos besoins, la preuve éclatante nous en parvient en ce moment même d'une Europe pétante de richesses et qui se sent tellement pauvre qu'elle se sent menacée de mort. Si l'histoire à venir nous faisait cadeau d'une période de vaches maigres, je pense que ce serait le meilleur cadeau du destin pour réveiller les peuples d'un long sommeil où l'individualisme mal compris s'est transformé en égoïsme. C'est parce que les peuples dits "sous-développés" ne sont pas encore égoïstes qu'ils ne sont pas réellement pauvres, et l'histoire actuelle de l'Amérique Latine nous le prouve chaque jour. Nous ferions bien de nous en inspirer et le moment est le bon, car il va falloir que nous fassions quelques sacrifices pour les Dix nouveaux-nés de l'Europe. La mauvaise volonté de Blair à propos de la PAC est toute entière composée de cet égoïsme qui sent venir le moment de la solidarité nécessaire pour aller plus loin dans la construction européenne. Il sait bien que sacrifier la PAC serait l'équivalent d'un refus d'assumer l'ouverture de l'Europe à de nouveaux candidats, dont la Turquie qui fait peur à tout le monde, enfin à propos de laquelle tout le monde se fait peur.

Pardon d'avoir été si long, mais après avoir lu ton message je me suis dit que tu serais sensible, un peu, à ce que je tente de faire passer ici depuis longtemps.
Cordialement.
Paul

 
shhhhhhhhhh

23/06/2005
18:58
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Attends, là on confond un peu.
On ne peut pas assimiler la pauvreté à la frugalité romaine, et prétendre que le mot pauvreté ne recouvre rien.
Il y a bien une réalité de la pauvreté. Que le point de vue change suivant son humeur je veux bien. Mais des enfants qui meurent, des femmes violées, des désertifications, des pertes de lien sociaux ou de culture, les ravages écologiques etc c'est bien de la pauvreté.
C'est même de la barbarie.

Certes il n'y a pas dans l'économie autre chose que des dogmes au mieux, des idéologies au pire, mais dans les conséquences c'est vraiment terrifiant.

Si vous voulez dire, d'un ton légèrement post-colonial que les pauvres peuvent être heureux, malgré ce qui leur est infligé, c'est être bien bavard pour dire peu de choses. Qu'en somme l'homme a des ressources inépuisables qui permettent à l'esprit de survivre.

Ce discours me fait penser à des collègues voyageurs revenant d'Amérique Latine et expliquant que pour ses habitants, la mort était bien plus facile à supporter.

Certes la notion de sous-développement, inventée sans doute par des économiste est haïssable, mais pour autant y a-t-il lieu de nier l'existence d'une misère réelle quand l'espérance de vie de certaines populations diminue chaque année ? Quand la barbarie du profit provoque autant de souffrances ?

Que disait déjà Lu Xun (ou un autre je ne sais plus): quand des étrangers viennent à ma table, j'attends d'eux aussi qu'ils sachent critiquer mon pays.

Si on ne sait pas définir précisément nos besoins, manger à sa faim, est un préalable.



 
bon vent

23/06/2005
20:42
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Shuuuuuuuuuut, vous dites :
"Si vous voulez dire, d'un ton légèrement post-colonial que les pauvres peuvent être heureux, malgré ce qui leur est infligé, c'est être bien bavard pour dire peu de choses."

si je puis me permettre,

en lisant la contrib de Paul, je n'ai pas du tout perçu d'esprit post-colonial, voir son souhait pour l'europe "pétante de richesse":

"Si l'histoire à venir nous faisait cadeau d'une période de vaches maigres, je pense que ce serait le meilleur cadeau du destin pour réveiller les peuples d'un long sommeil"

Certes manger à sa faim est un préalable, mais de quel pain parlons nous ? et là dessus j'abonde complètement dans le sens de Paul sur le fait que, globalement, les pays du sud ont beaucoup à nous apprendre, et plus particulièrement les pays d'amérique du sud où actuellement les populations démunies font oeuvre de créativité dans leur manière de débrouiller de nouvelles formes d'organisation de liens sociaux solidaires.

Bien sûr qu'il existe des régions où la guerre (non pas la pauvreté qui n'en ai qu'une conséquence) fait des ravages, en 1939-1945, on avait faim en Europe......




 
victor malicheff

24/06/2005
01:03
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

avec jean-paul ce fil patine à l'image de holliday on ice!
la réalité n'est pas qu'anecdotique, je me souviens
avoir participé avec Thierry de Beaucé, alors secrétaire
d'Etat à la Coopération à la distribution de parpaings
et de tôles ondulées après examen des projets
présentés par des ong visant à accueillir ces paysans
du Sénégal dans les bidonvilles de Dakar, le principe
qui guidait ce ministre de FM étant que la ville était le
moteur de l'économie et du développement . Les pompes qui étaient livrées puisaient dans les nappes
polluées par défaut d'assainissement. Au même
moment la Banque Mondiale finançait des immeubles
d'habitat collectif suivant une typologie de logements
que nous connaissons bien ici ( les entreprises
ont bien entendu utilisé les modèles constructifs de
nos ex ZUP ) Autant dire que cette inadaptation
à la structure familiale n'a jamais été sérieusement
remise en cause car la BM a poursuivi ses programmes. Passons sur la confusion entre le
budget de l'Etat ( du Sénégal ) et celui de Dakar qui
avait pour conséquence que les ordures ménagères
étaient ramassées quand l'entreprise était payée.
Donc situons les responsabilités, notre pays et les
dirigeants qui se sont succédés depuis "l'autodéter-
mination" gaulliste ont précipité ces pays dans un
état de dépendance inouï. Ce colonialisme là n'a
rien de néo, il est, et je ne culpabilise en aucune
façon.
J'ai bien entendu quitté cette commission en précisant
mon désaccord... mais je pense avoir été le seul.
Victor

 
casse-croûte

24/06/2005
09:21
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Saint Paul, si je comprends bien (et résume bien) :

Clopine refuse un monde boursouflé d'un côté et étriqué de l'autre, et toi tu réponds que la pauvreté est surtout spirituelle et qu'en somme la pauvreté est en ce sens plutôt du côté des pays riches. Ces derniers ont coupé leurs liens sociaux, passant de l'individualisme naturel à l'égoïsme érigé en modèle de société.

Tu as peut être raison, mais je trouverais désastreux qu'il faille se trouver dans le dénûment matériel pour maintenir un lien social.

Je crois que Clopine parlait de décroissance, pas de dénûment. Nombreux sont d'ailleurs ceux sur DDFC qui te diront que la pauvreté matérielle ne pourra jamais fédérer nos sociétés, que soient celles qui ont connu l'abondance ou celles qui ne l'ont pas connu mais à qui on l'a fait miroiter (par exemple, les ''nouveaux entrants'' dans l'U.E.). C'est d'ailleurs ce que tu sous-entends quand tu parles de crise salutaire (la période de vache maigre comme cadeau de la providence pour réveiller les peuples).

Je ne suis pas convaincu par cette période de vache maigre. C'est un peu comme si on en revenait, encore, au discours selon lequel c'est dans la souffrance que l'on se forge le bonheur. Ca sonne comme le fond de commerce des certaines filiales de la religion chrétienne...

En conséquence, je propose, Paul, de te DDFCanoniser, sous l'appellation d'origine incontrôlée Saint Paul de Loyola, futur gourou du néo-jésuitisme. Ou alors de te Pap(ou)iser Paul Vii, digne successeur de Paul III.

 
paul

24/06/2005
10:21
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Je ne pensais pas prendre une telle réponse dans les dents, Clopine, ou je ne sais qui (si on pouvait cesser de changer de pseudo toutes les cinq minutes dans je ne sais quel but, on respirerait un peu mieux dans ce forum). Depuis que Henry et la Reine des Belges se sont montrés agacés parce que je parlais trop de moi, je tairais donc mon passé anti-colonial, ce qui, je le concède, ne prouve rien. Mais je ne dis nulle part ce que vous m'attribuez : j'ai parlé de ce que j'ai ressenti et je n'ai pas présenté une analyse concrète des relations richesse-pauvreté. Bon Vent a compris une partie importante de ce que j'avançais, à savoir la créativité généreuse des peuples confrontés à la pauvreté. Mais l'essentiel est très loin de tout cela.

Pour comprendre mon message, il faut concevoir la pauvreté dans son essence culturelle, c'est à dire le fait qu'elle ne se manifeste jamais qu'à l'intérieur de notre histoire, une histoire dont l'idée centrale est l'esprit de conquête, celui de l'hégémonisme à tout prix. Mieux : la pauvreté est toujours dans une logique de postériorité par rapport à un événement historique lié à cette valeur belliciste dont la remise en question n'a réellement commencé qu'après la catastrophe de la Seconde Guerre Mondiale (mais faut-il dire Seconde ou Deuxième ?). La pauvreté est étroitement liée, essentiellement liée, à la barbarie : elle est l'âme de l'inégalité culturelle, par opposition à une inégalité naturelle. Hölderlin dit dans l'une de ses lettres :- "dans la nature il n'existe rien de monarchique"-. Affirmation hautement morale et métaphysique car elle interdit de penser toute légitimité d'une inégalité culturelle, d'une fabrication humaine de l'inégalité, par la loi, les pratiques économiques, militaires, sociologiques etc...

Or, ce disant, Hölderlin parlait de l'Être, c'est à dire du seul attribut "égal" que l'on peut appliquer à tous les phénomènes perceptibles. Si je constate, si je sens que la pauvreté n'est pas vécue en tant que telle par les populations les plus pauvres de la planète, c'est dans le contexte de cette égalité-là, qui est immanente aux idéologies les plus simples comme par exemple l'animisme. L'animisme est une forme "exotique" du panthéisme, le sentiment affirmé rituellement que nous appartenons tous, vivants et morts, à un tout indissoluble dont les particularités sont comme des facettes, mais des facettes qui, comme le préciserait Spinoza, ont leur place déterminée et leur fonction dans le destin de ce Tout. Le même Hölderlin a d'ailleurs écrit des phrases pénétrantes sur l'essence spirituelle de la pauvreté. La fameuse exclamation du dénommé Jésus-Christ, rapportée par Mathieu : "Heureux les pauvres en esprit car le Royaume des Cieux leur appartient" indique clairement que désormais la pauvreté est passée dans le monde de la culture et que fuir la connaissance par l'humilité et "l'amour" peut nous ramener à ce bonheur dont sont exclus les nécessités de l'abondance ou de la misère.

Croyez-vous qu'avec un tel commentaire nous soyons si loin que cela de la mondialisation et des problèmes économétriques qui structurent le destin des nations ? Je n'en pense rien, la fameuse "main invisible" de Smith postule un désir collectivement uniforme de l'or et du pouvoir qu'il confère, mais cet or et ce pouvoir qu'ont-ils à voir avec la simplicité d'une fin de mois difficile ? C'est d'ailleurs ce que la droite libérale internationale reproche à la grande majorité des Français, c'est ce mépris pour l'or au profit de la sécurité d'un destin modeste mais garanti. Le fonctionnariat, qui était l'idéal grec et romain, c'est une histoire d'amour entre le citoyen et sa cité, une histoire qui lie les deux partis à la vie à la mort. C'est ce à quoi les Européens trop avides auront à se heurter s'il veulent passer outre une culture qui a coûté des fleuves de sang, pendant que nos voisins se contentaient de plier l'échine et de ramasser les miettes des fiestas monarchiques.
(peut-être à suivre ?...) car

Stop ! C'est trop dur pour un plombier d'origine allemande. Il vous demande humblement pardon pour son style amphigourique et abracadabrantesque.
pavelski
 
Clopine troullefou

24/06/2005
12:42
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Paul, je te suis reconnaissante de miser sur ma sensibilité : je te remercie de ton message. Bien sûr, tu as parfaitement raison : Henry ne PEUT PAS me répondre, parce que nos planètes sont si éloignées l’une de l’autre que les décodeurs n’ont pas été installés. Henry Faÿ, je le vois comme un savant, quelqu’un qui tente de comprendre et d’améliorer le monde en ayant accumulé des savoirs théoriques impressionnants, comme une sorte de super garagiste avec une boîte à outils hyper pro, tu vois ? Bourrée de clés, de modes d’emploi…. Un mec qui jette un œil dans le moteur de ta bagnole et déclare, en se frottant les mains avec un chiffon « ah je vois ce que c’est », alors que toi tu n’y vois goutte, à part les galères que cette putain d’auto te fait subir !

Je regarde tout cela, le savoir, la compétence intellectuelle, la rigueur de la pensée, avec respect et envie, tu sais. Comme quelqu’un qui n’y aura jamais vraiment accès… J’ai mis des années à accepter mon émotivité. (de toute manière, je n’avais pas trop le choix !). A la considérer comme une vague, avec laquelle je pouvais jouer, qui me portait et me rendait forte, à condition de ne pas vouloir la contraindre et de la connaître intimement…. Je suis une surfeuse de l’émotion ! Ma planche c’est mon clavier, ma dérive, ce sont les mots, et ma voile, c’est la métaphore ! Ainsi, j’ai l’impression, en équilibre sur mon stylo, de filer droit devant, de laisser mon sillon sur l’écume des jours…

C’est pour cela que j’ai tant de mal avec les économistes. (J’avais envie de dire « les économistes libéraux », mais c’est devenu un tel pléonasme !) Moi qui suis pétrifiée devant le savoir, je n’arrive pas à prendre au sérieux leur côté pseudo scientifique, appliqué à l’erratique humanité. Vois-tu ce que je veux dire ? Même si Fitoussi reconnaît que la « science économique » n’existe pas , il fait quand même partie de ce courant de pensée-là, qui remonte au dix-huitième, et est issu de ces mêmes marchands qui construisent l’Europe. Et ce courant, qui a besoin de « modèles » - attends, n’est-ce pas du plus haut comique, allez hop j’en prends un au hasard : tiens, paf, celui de Walras

« SI tous les acteurs des marchés sont des homo économicus rationnels
SI la succession des marchés s’opère dans une concurrence pure et parfaite
SI les cinq conditions, atonicité, homogénéité, fluidité, liberté des entrées et sorites et transparence, sont réunies
SI la flexibilité des prix est parfaite

ALORS c’est le bonheur, l’extase, euh je veux dire que « tous les marchés sont en équilibre stable de plein effet ».

(Je te laisse méditer à la fois le côté scientifique de ce type de démarche intellectuelle, et son absolue et incontestable utilité sociale . Et il y en a plein ! Des armoires pleines ! Des armées d’économistes, tous plus brillants les uns que les autres, tous plus convaincus de la nécessité de faire le bonheur de l’humanité en la soumettant aux Lois du Marché, qu’il conviendrait juste de déchiffrer, comme la Pythie de Delphes traduisait les messages divins ! Et l’on n’entend que cela sur France Culture !!)

Bon, ce n’est pas parce qu’on est iconoclaste qu’il faut forcément ouvrir sa gueule, je le sais, mais tu vas me comprendre, j’en suis sûre, toi qui dans ton message a carrément tourné le dos à l’orthodoxie compassionnelle tiers-mondiste. Evidemment, ce que tu décris, les femmes joyeuses cuisinant à même le sol, ne peut être une seule seconde remis en cause. Mais il est vrai qu’on a plus l’habitude de recevoir des images africaine qu’on se prend dans la figure et au droit du plexus, tu sais , l’enfant tombé devant le charognard qui l’attend, avec les yeux mi-clos sous les mouches et tant d’autres images. Henry aurait beau jeu de souligner ici l’impuissance et la perversion de l’émotivité recherché par les journalistes, avec un innocent cynisme…. Il est d’autant plus nécessaire de disposer d’un appareil intellectuel, certes. Mais je ne veux pas mettre pour autant complètement à la porte la compassion et l’empathie.

Je suis également beaucoup moins sûre que toi que « la pauvreté est une richesse spirituelle, base nécessaire de la vertu » (sans rejeter pour autant l’idée complètement, hein …) Je vois cela un peu comme le temps partiel : quand il est choisi, c’est vrai que cela peut contribuer à améliorer ta vie. Mais quand il est subi et revient à te faire chier à travailler de 5 à 7 le matin et 16 à 19 le soir derrière une caisse de supermarché…


Connais-tu le célèbre « Une chambre à soi » de Virginia Woolf ? Elle y décrit avec un humour irrésistible un dîner chez les premières universitaires-femmes du début du siècle, à Oxford. Epuisées par l’effort financier qu’a représenté l’ouverture de leur internat, les malheureuses dînent d’un quignon de pain, d’un brouet clair et d’eau plate. Evidemment, raconte Virginia, la conversation est moins brillante, autour de la table de ces pauvres filles, que chez les garçons à côté, où les vins fins, le repas soigné, le décor choisi, amènent tout naturellement une conversation plaisante, emplie d’ une hauteur d’idées et d’une spiritualité qui fait si cruellement défaut aux tâcheronnes féministes !

Derrière le pamphlet, il y a cependant cette idée, à laquelle je crois : c’est que l’ »aisance matérielle » libère l’intellect, et que de trop graves carences l’entravent. Tu va me citer Saint François d’Assise, mais l’exception ne vient –elle pas confirmer la règle ? Tiens, dans Doris Lessing « sous ma peau », il y a, bien mieux exprimée, cette idée que je cherche à te communiquer. Je vais chercher le passage exact dès que j’aurai deux minutes devant moi, promis. Je l’avais souligné, à l’époque…Onfray, aimable hédoniste, ne nous enseigne-t-il pas quelque chose comme cela, lui aussi ?

Il reste à définir cette aisance matérielle, et c’est là que la pauvre assoiffée (du fait de mes faibles sources, très certainement !) que je suis attend avec espérance les savants. Encore une fois, si mon aisance matérielle vient de l’appauvrissement, toujours plus grand, de plus d’une moitié du monde, alors là je joue à qui perd gagne. D’autant plus que le danger de voir le dit tiers-monde remettre sa dignité, sa combativité, sa soif de vivre, dans des mains extrêmement religieuses, ne cesse de croître, non ? Je pense très sincèrement que la décroissance (et non la pauvreté, même si celle-ci, dans certains cas qui se caractérisent par le libre arbitre, peut être synonyme de richesse, comme tu te plais à le penser, dis-moi vite si je t’ai bien compris !) est notre seule voie. Apprendre à partager. Remettre en cause son propre comportement. Tu appelles de tes vœux « une période de vaches maigres », comme un cadeau. Moi qui craint la guerre, j’appelle de mes vœux une exploitation équitable et raisonnée des ressources terrestres…

Me voilà bien loin de Keynes, j’en ai bien peur, et quant à la longueur de mon message, bah ! Ne sommes-nous pas sur le forum bleu de DDFC, espace unique où les digressions sont les bienvenues, où les pensées, même maladroites comme les miennes, peuvent s’exprimer un peu n’importe comment ?

Tu as deviné, bien sûr, que je commence déjà à attendre ta réponse, puisqu’Henry, n’est-ce pas, ne pourras pas le faire !

Clopine (euh, dans clopine il y a aussi un petit quelque chose qui boîte, comme Mademoiselle de la Vallière !)

Ah oui, il y a un truc que je n’ai pas pigé dans ton message : c’est quoi « l’histoire actuelle de l’Amérique Latine (qui) nous prouve tous les jours que les peuples sous-développés ne sont pas réellement pauvres, car non encore égoïstes » ??? Fais-tu allusion aux sociétés tribales, réputées non égoïstes car non modernes ?

 
shhhhhhhhhh

24/06/2005
13:30
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Je crains vos excès de vertu.
Ils ont de relents que je n'aime pas.

( au fait Paul, depuis peu que je suis sur ce forum, je n'ai pas changé de pseudonyme encore moins piqué celui d'autrui).


 
Clopine

24/06/2005
13:45
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

chic et panard ! Voilà que shhhhhhhhhh me trouve vertueuse, et à l'excès encore ! Même au catéchisme cela ne m'était jamais arrivé ! Alors, maintenant que je suis devenue une femme sans confession, avouez que c'est carrément inespéré !

Ah je vais pouvoir crâner devant Christine maintenant, si prompte à me reprocher oh, quoi ? Deux (tout) petits coups de ciseaux...

Mais vous même, ô grand shhhhhhhhh, serpent Kâ, ne seriez-vous pas un brin moralisateur, là ?



Clopine
 
shhhhhhhhhh

24/06/2005
14:12
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Je ne vous visais pas particulièrement.
Je m'inlus dans toute cette morale, et ça ne me satisfait pas pas du tout, je ne suis pas forcément content de moi.
C'est le ton général de ce dialogue qui me gêne, j'ai l'impression que nous n'abordons pas les faits de façon très saine. Des demi-vérités, et d'amener nos citations ne nous fait pas avancer.
On parle de besoins mais on ne sait strictement pas ce que c'est.
On parle de gens qui vivent à l'autre bout du monde, mais on place nos pensées dans leur bouche, ce qui est peut-être injurieux, je ne sais pas, peut-être q'ils ne sont pas gentils non plus.



















 
Clopine

24/06/2005
14:33
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

ce serait quoi, d'après vous, une "saine" façon d'aborder les faits ?

Allez, il me semble que je vois ce que vous voulez dire. Ne pas parler en termes généraux, trop vagues, mais préciser. Ne pas dire "l'Afrique", mais parler précisément de la perche du Nil ou de la Sierra Leone....

Définir les "besoins". L'apparition de l'aide sociale, en France, s'est appuyée sur la notion de "besoin alimentaire" mais s'est élargie au fil des ans, jusqu'à englober le sanitaire, le judiciaire, l'éducatif. Mais elle ne s'est jamais départie de la référence première à la faim, tout simplement.

Peut-être, sans amener des citations qui nous font rester sur place, pouvons-nous nous référer à des textes comme celui de Jean-François Laé (revue autrement, mais j'sais plus quel numéro) sur "un minimumm alimentaire" ?

Quant à placer ses propres pensées dans la bouche d'autrui, qui plus est de l'autre bout du monde, certes c'est regrettable mais dites-moi vite comme faire autrement ?

Car d'un bout de fil à l'autre, nous tous qui n'habitons pas pour autant dans des mondes différents, qui parlons peu pou prou le même langage, nous n'arrêtons pas de mettre nos pensées dans la bouche des autres...

Non ?

Clop'
 
shhhhhhhhhh

24/06/2005
14:49
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Oui, mais nous avons aussi besoin d'art, aussi nécessaire et ancestral que manger. Et en matière d'art ça devient carrément indéfinissable.
Et nous voulons l'étranger en tant qu'étranger, pour ce qu'il a de distinct de nous, (c'est pour ça que je dis on ne peut pas placer nos pensées dans leur bouche)

Et puis un peu comme les mouches sur les tableaux nous avons aussi besoin (?) de trouble et de subversion, pour ne pas dire de liberté. (Et que dire de Huysmans, pour lequel j'ai un inavouable penchant).

Et tout ça c'est une nécessité.

Et non, je ne sais pas penser à une "saine " façon d'aborder les choses. Il y a toujours cette dualité entre passion et raison, et ce plaisir pervers qu'on peut avoir à dénoncer les pseudo-vérités que la morale nous impose.

Oui, voila, je suis pervers. beurk.


 
shhhhhhhhhh

24/06/2005
15:00
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

A Clopine ..
Mais en ce qui concerne Keynes, ces quelues mots trouvés su
http://www.evene.fr, m'on t quand même bien fait rire.
Peut-être que le personnage est plus sympathique que ceux qui le citent.

Les économistes sont présentement au volant de notre société, alors qu'ils devraient être sur la banquette arrière.
[John Maynard Keynes]

> La situation devient sérieuse lorsque l'entreprise n'est plus qu'une bulle d'air dans le tourbillon spéculatif.
[John Maynard Keynes]

> Tous les hommes politiques appliquent sans le savoir les recommandations d'économistes souvent morts depuis longtemps et dont ils ignorent le nom.
[John Maynard Keynes]



 
paul

24/06/2005
16:14
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

J'adore ce fil où je sens un autre vent que dans les longues tirades sur la croissance et l'inflation. Mais attention quand-même ne me faites pas dire ou penser ce que je ne fais pas :
"(c'est pour ça que je dis on ne peut pas placer nos pensées dans leur bouche)";
pour ma part je ne suis jamais sorti de ma bouche ni de mes impressions. Où me serais-je permis d'entrer dans la conscience d'une africaine "à genou" ? Non , j'ai seulement parlé de MA perception de la pauvreté, que j'ai par ailleurs perçu cruellement, par exemple, dans la Grèce de l'an 60 que j'ai parcourue dans tous les sens, sans moi-même un sou. Là j'ai perçu la pauvreté d'un peuple au passé prestigieux mais qui n'avait, à l'époque, que des tomates, de l'huile d'olive et un peu de feta pour ses repas et qui ne souffrait pas d'avoir faim mais de ne pas pouvoir partager avec moi le peu qu'il avait, et qui se voyait contraint de déroger à sa légendaire hospitalité.

Hayek, Walras, même Keynes dont il ne faut pas rater le fameux petit ouvrage édité par les soins d'Attali sur sa mission de conseiller auprès des puissances qui laissaient l'Allemagne crever de faim en 1919; tous ces savants savent. Mais ils savent quoi ? Ils connaissent comme tu le dis si bien Clopine, des modèles que personne au monde ne vit, exactement comme Marx a écrit un énorme ouvrage de Science-Fiction qui s'appelle le Capital. Or je n'aime plus le roman, trop aimé le cinéma néoréaliste italien, et je reste hégélien sur un plan précis : la science ne peut pas être plus que son temps. Autrement dit elle ne peut pas dépasser, lorsqu'elle est honnête, le constat présent. La preuve en est dans la fiction d'Adam Smith dont le marché se fait bien attendre, non ?

"Mais des enfants qui meurent, des femmes violées, des désertifications, des pertes de lien sociaux ou de culture, les ravages écologiques etc c'est bien de la pauvreté.
C'est même de la barbarie."
Shhhhhhhhhhh, cette vérité figure dans mon texte presque mot pour mot. La pauvreté est liée par essence à la barbarie et elle porte bien plus sur l'angoisse du futur que sur l'absence de pouvoir d'achat.

Toujours Shhhhhhhhhhhh : "j'ai l'impression que nous n'abordons pas les faits de façon très saine".
C'est Durkheim (?) qui disait que les "faits sont faits". Alors laissons tomber "l'abordage" des faits dont nous n'avons tout au plus que des représentations chiffrées ou médiatiquement manipulés. J'aime ce fil parce qu'il semble s'éloigner de l'hypocrisie de ceux qui "savent". Question : que peuvent bien penser de notre "compassion scientifique" les gens dont nous nous permettons de parler. Dois-je suivre dans sa logorrhée pitoyable l'animateur du JT qui me sert à domicile le sentiment qu'il est de bon ton de ressentir à propos de tel ou tel événement ou telle ou telle situation ?
Ca me rappelle ce trafic d'esclaves soudanais "révélé" et même filmé par une télé suisse : personne ne s'est posé la question de savoir combien ce film a rapporté à la secte évangélique qui s'est arrangée avec les esclavagistes pour racheter les esclaves en filmant la scène et en la revendant à la Télévision suisse Romande qui l'a revendue au quatre coins du monde. Gros paquet de fric.

Et enfin, parce que je suis fatigué, pour Casse-Croûte que j'aime bien, tu dis :

"Je ne suis pas convaincu par cette période de vache maigre. C'est un peu comme si on en revenait, encore, au discours selon lequel c'est dans la souffrance que l'on se forge le bonheur. Ca sonne comme le fond de commerce des certaines filiales de la religion chrétienne..."

Ca et ce qui précède c'est carrément méchant, étant donné ma réputation de bouffeur de curés au petit-dèj, mais bon, je vais répondre : tu oublies un peu vite la période de vaches maigres que nous traversons depuis le fameux Choc Pétrolier. Penses-tu aussi cyniquement que les centaines de milliers de paysans et de sidérurgistes qui ont perdu leur statut dans l'existence à cause de l'Europe l'ont fait en chantant alléluia ? Et pourtant ce sacrifice a été nécessaire pour nous permettre de continuer à croître, même si les chiffres ne sont pas si fameux, non ? Contrairement à ce que tu crois je ne suis pas un philosophe du tragique, et ce que j'écris plus haut devrait justement le prouver. Donc, pardonne-moi, mais tu ne comprends strictement rien à ce que j'écris ou alors tu lis trop vite, alors je préfèrerais que tu t'abstiennes de m'insulter avec l'humour du réalisateur de Don Camillo.
Salut.
Paul



 
catherine

24/06/2005
17:33
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

lire le très beau live de Majid Rahnema Quand la misère chasse la pauvreté. Je pense que Paul sera d'accord avec cette référence. Clopine, vous êtes loin d'être une ingnorante en économie. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dîtes mais ne la jouez pas modeste. En quoi Henri Faye est-il plus savant que vous ?¨Parce que son idéologie est en phase avec la classe dominante ? Je dis cela sans acrimonie car je le trouve d'une pondération remarquable même si je ne partage pas du tout son analyse.
 
casse-croûte

24/06/2005
17:45
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Pardon si je t'ai fait de la peine Paul...
Excuse moi, mais ta vision d'une pauvreté guillerette, j'y arrive pas ! Quand je vois des gamins aller chercher de quoi subsister dans une des immenses décharges d'une mégapole, ça ne passe pas. Crois-tu à son bonheur ? Je concède qu'il y a toujours grand besoin de réfléchir à ce terme, mais poser le mot bonheur sur cet exemple là, pris parmi tant d'autres, je n'ai pas le détachement de le faire !
 
shhhhhhhhhh

24/06/2005
18:13
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

"C'est Durkheim (?) qui disait que les "faits sont faits". Alors laissons tomber "l'abordage" des faits dont nous n'avons tout au plus que des représentations chiffrées ou médiatiquement manipulés. "

Oui, mais nous n'avons que les faits pour alimenter notre conscience. Il me parait essentiel de savoir les énoncer, et je parle là aussi bien de la forme que du fond.



 
Henry Faÿ

24/06/2005
18:30
interpellé


J'ai été interpellé plusieurs fois dans ce fil dont j'ai pris l'initiative. Je vais essayer de trouver non pas le temps, du temps j'en ai mais assez de concentration pour y répondre le mieux que je pourrai.

En attendant, je réponds à Catherine:
<< lire le très beau live de Majid Rahnema Quand la misère chasse la pauvreté. Je pense que Paul sera d'accord avec cette référence. Clopine, vous êtes loin d'être une ingnorante en économie.>>


Je n'ai pas lu le livre de Majid Rahnema mais j'en connais l'existence, Guy visiblement admiratif en avait fait une citation dans le fil "Terre à Terre de Ruth Stegassy" à cette citation j'avais réagi, je vous en fais un petit cop'coll:


HF: << Amusez-vous à arrêter la machine à créer des biens et des produits matériels, et vous ferez le bonheur de l'humanité!
*********************************************************

Je suis pleinement d'accord avec ce qu'écrit peh.
***************************************************
Une augmentation frénétique de la consommation dopée par la publicité ne fera certainement pas notre bonheur.
Je n'ai pas lu les livres de Majid Rahnena, je ne connais de lui que les citations qu'en fait Guy et ne suis guère tenté d'aller plus loin.
Il parle de "pauvreté choisie", ce qui n'a rien d'absurde comme choix personnel mais ce choix sera toujours minoritaire et ne cherchez pas à baser une politique là-dessus.

Quand Majid Rannena écrit: "Mais ce n'est pas en augmentant la puissance de la machine à créer des biens et des produits matériels que ce scandale prendra fin, car la machine mise en action à cet effet est la même qui fabrique systématiquement la misère", je vois qu'il se situe dans la mouvance des anti-productivistes, qui ne sont pas dépourvus de bons arguments, je le reconnais, si l'on admet qu'en dernière analyse on ne consomme que des symboles; il suffirait donc, non pas de renoncer à tout système symbolique mais d'en adopter un qui soit moins vorace en travail humain et en énergie, qui rélève d'une certaine frugalité. Au lieu de manger des rumsteack de première classe, on mangerait tout un tas de délicieuses céréales etc etc.
À ceux qui prônent ces belles idées antiproductivistes je conseillerais d'aller faire un tour dans les pays où cette machine à créer des biens et des produits matériels qu'ils vouent aux gémonies ne fonctionne pas et il me diront si beaucoup de personnes qui y habitent en sont satisfaits. C'est ce que j'ai voulu dire.>>


Catherine: << Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dîtes mais ne la jouez pas modeste. En quoi Henri Faye est-il plus savant que vous ?>>
En rien, je saisis cette occasion pour le préciser.

<<¨Parce que son idéologie est en phase avec la classe dominante ? Je dis cela sans acrimonie car je le trouve d'une pondération remarquable même si je ne partage pas du tout son analyse.>>
(i) Mon idéologie? Quelle idéologie? Expliquez-moi ça. J'essaye de m'abstraire de toute idéologie. En revanche j'en vois beaucoup chez mes interlocuteurs. Vous allez me dire que c'est une position particulièrement difficile à soutenir.
(ii) merci pour le compliment, je vois que c'est ma fête aujourd'hui.


 
shhhhhhhhhh

24/06/2005
18:45
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Etes vous réellement en train de dire qu'un débat politique doit porter sur la quantité d'objets à produire ?
 
shhhhhhhhhh

24/06/2005
18:56
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Bon, plus sérieusement, et puisque nous avons parlé de barbarie, je voudrais avoir votre avis, vous tous qui êtes sur ce fil, sur cette conception cyclique de l'histoire de Vico selon laquelle les sociétés humaines progressent à travers une série de phases allant de la barbarie à la civilisation pour retourner à la barbarie.
Et Vico donne la deuxième barbarie pour particulièrement destructrice.

Et je pense que la misère que nous évoquions précédemment relève précisément de cette 3ème phase.

 
Henry Faÿ

24/06/2005
20:55
les utopies anti-productivistes, non merci


<< Etes vous réellement en train de dire qu'un débat politique doit porter sur la quantité d'objets à produire ?>>
à qui s'adresse la question? Si c'est à moi j'y ai déjà largement répondu.

 
sh

24/06/2005
21:08
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

C'est à cause de ceci:
"Une augmentation frénétique de la consommation dopée par la publicité ne fera certainement pas notre bonheur.
Je n'ai pas lu les livres de Majid Rahnena, je ne connais de lui que les citations qu'en fait Guy et ne suis guère tenté d'aller plus loin.
Il parle de "pauvreté choisie", ce qui n'a rien d'absurde comme choix personnel mais ce choix sera toujours minoritaire et ne cherchez pas à baser une politique là-dessus."

J'ai supposé a contrario que vous indiquiez par là qu'on pouvait concevoir un débat politique sur la présence ou l'absence des biens ou produits matériels dont vous parliez plus loin, mais que bien sûr selon vous, bien peu feraient ce choix.

J'en ai conclu que vous donniez une connotation politique à la consommation.

Tant mieux si je me trompe.


 
paul

24/06/2005
22:11
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Vico n'est pas le seul à voir une nécessité dans la récurrence de la barbarie, Camus pensait aussi que cette barbarie "fertilisait" régulièrement la civilisation. Le seul problème est que ni Vico, ni Camus ne parlait de la vraie barbarie, celle à laquelle nous ont initiés les Nazis : la barbarie n'est pas une réalité del'Antiquité que nous aurions progressivement évacuée grâce au progrès de la démocratie, elle est au contraire un résultat, la réalisation du concept dans l'Histoire humaine qui arrive au plus profond de la pauvreté spirituelle (voir Primo Levi là-dessus). Vico ne pouvait donc parler que des mouvements hégémoniques qui mettaient aux prises les nations et les continents, la barbarie restant simplement la qualification de ceux qui ne parle pas la langue du pays.
C'est pourquoi il faut chercher l'origine de cette réalisation du concept dans le technique, dans la fonctionnalisation de l'existence humaine, conséquence d'un choix métaphysique lointain programmé le plus clairement et le plus exhaustivement chez Aristote.
paul



 
Henry Faÿ

24/06/2005
22:33
la consommation, c'est politique


Bien entendu je donne une connotation politique au mode de consommation. Plus qu'une connotation, la consommation est un véritable enjeu politique. Oui, on peut convevoir un débat sur la consommation et comment: moins de viande plus de céréales, pas de fruits hors saison, moins de graisses, moins de sucre, moins d'alcool, davantage de produits bios, moins de tabac, moins d'emballages, moins, beaucoup moins de voitures, plus de vélos et de transports publics, moins de climatisation, des logement mieux construits, ampoules électriques plus économes, moins de télévision, davantage de conversation, davantage d'activités artistiques, lutte contre la surconsommation médicale, lutte contre toutes les formes d'obsolescence artificielle, haute qualité environnementale des habitations etc etc.
Quand je pense qu'on en est à discuter la présence des distributeurs de sucreries dans les écoles...
Je n'entends pas apporter de restriction à la liberté de consommer ce que bon vous semble. Les mesures doivent être purement incitatives, par la fiscalité, par exemple.
Je compte sur les initiatives civiques, les associations de consommateurs.

 
Henry Faÿ

24/06/2005
22:35
et le commerce équitable


J'avais oublié le commerce équitable!

 
shhhhhhhhhh

25/06/2005
06:37
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Paul, je n'avais pas compris cette histoire cyclique de la même façon que vous.
J'aurais du être plus précis:
"La première phase appelée l'« âge des dieux » est celle de l'émergence de la religion, de la famille et d'autres institutions de base ; à la phase suivante appelée l'« âge des héros », le peuple est maintenu sous le joug d'une classe dominante de nobles ; à la dernière phase, l'« âge des hommes », le peuple s'insurge et conquiert l'égalité, processus qui marque cependant le début de la désintégration de la société."

Cette deuxième sorte de barbarie est de nature différente de la première qui porte en elle une reconstruction. La deuxième ou 3ème phase est une désintégration de la société.

Dans ce que vous dites, vous parlez de la 1ère barbarie.

Si je transpose cette histoire cyclique à nos temps moderne, je verrai assez bien le 19ème siècle comme le triomphe de la bourgeoisie, puis le 20ème comme l'instauration d'une nouvelle barbarie, et la décomposition d'une société. Je ne crois pas que le nazisme le maoisme ou le stalinisme soient des accidents de notre histoire, mais que notre époque les porte en elle comme des issues possibles aux crises qui la secouent. Cette tentation je la vois toujours présente.

Je ne sais plus dans quel fil quelqu'un vous répondait en demandant ironiquement : "est-ce la fin de l'histoire" ?

Vous ne lui avez pas répondu, et c'est vrai que je ne l'aurai pas fait non plus. Reste que la question reste intéressante.


 
paul

25/06/2005
08:19
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Shhhhhhhhh,
Dans le menu de mon site, il y a un essai intitulé Atopie, qui développe exactement ce que tu résumes en quelques phrases. En effet, je pense que notre siècle est celui du commencement de l'Assomption de l'individu sous sa forme originelle, c'est à dire nomade. La marchandise a créé elle-même des flux qui détruisent minute par minute l'ancien état fixiste des sociétés. Tu répètes ce que je dis sur la barbarie, à la nuance près que je ne pense pas que l'on puisse comparer celle de l'Antiquité et la nôtre qui en est le concept parvenu à la manifestation. Auschwitz est l'idée de la barbarie parvenue à son objectivité à l'intérieur d'un développement relativement homogène où la théologie domine de part en part l'idéologie qui inerve cette histoire. Le moteur de l'histoire présente est ...religieux, au sens où il faut en finir avec cette théologie qui étend son empire sur l'ensemble de nos moeurs. Onfray a raison de présenter l'enjeu du siècle comme la lutte de l'athéisme contre la théologie. Jean-Paul II pourrait bien avoir été le chant du cygne de la puissance religieuse.
Si tu ne connais pas mon site, qui figure dans les anciens fils de DDFC, le voici :
http://perso.wanadoo.fr/paul.kobisch
paul


 
shhhhhhhhhh

25/06/2005
09:38
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

J'ai lu, une première fois le texte proposé.
Je vais le lire une deuxième fois, car comme toujours la typographie informatique et l'absence de papier ( j'ai pas d'imprimante sous la main) rend ce genre de texte difficile à lire à l'écran.

Cependant il me semble percevoir que tu dépeins plutôt un grouillement des activités humaines à l'intérieur d'une sorte d'immoblisme de l'histoire des peuples. Des constantes qui parcourent l'histoire. Et sur ce point je ne suis pas sûre qu'il en soit ainsi, car les activités des hommes ont transformé le monde jusqu'à l'abolition de la nature. Et ont ainsi renvoyé à une autre donne des rapports entre les hommes.

On peut parler de la théologie, qui a été certainement un moteur de l'histoire, je crois qu'elle a permis l'avènement d'une société manufacturière, en nourrissant l'esprit d'un questionnement auquel des réalisations techniques pouvaient répondre partiellement.

Pour ce qui est des idéologies (des, pas une) elle sont les formes instatanées du discours du pouvoir, c'est de nature différente. Elles sont inventées au fur et à mesure des besoins. Je citerai pour exemples la croissance, l'écologie, le changement climatique, etc... Je ne les crois pas nourries de théologie, plutôt du cadavre de la théologie.
Et ce sont bien les cadavres qui nous encombrent, sur ce point je te rejoins. Du reste, je pense qu'on parle bien des mêmes choses, mais je maîtrise très mal les échelles du temps. Les fils conducteurs se rompent, et tout est à nouveau à re-connaître.

Mais cette histoire cyclique est assez chatoyante, comme modèle. Passablement utilisée en économie, non ?

 
paul

25/06/2005
19:18
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Je trouve ton premier commentaire remarquable, surtout dans sa dernière partie concernant la théologie et son rapport aux idéologies. L'idée de "cadavres" théoriques me plaît particulièrement. L'image est saisissante et elle convient exactement à mon propos.

J'ai plus de mal à saisir ce que tu veux dire ici :
"tu dépeins plutôt un grouillement des activités humaines à l'intérieur d'une sorte d'immoblisme de l'histoire des peuples."
A la place de ce que tu nommes immobilisme, j'ai plutôt tenté de montrer comment la naissance des peuples et leurs différences apparentes recouvrent en fait une seule et même dynamique, celle du cycle qui contraint l'homme à retourner au nomadisme après avoir "tenté" de fonder la Cité et sans savoir si cette fondation lui a rapporté quelque chose dans le domaine de la Question de l'Être. Je n'ai aucune prétention à parler de la nature que je ne connais pas, et que personne ne connaît autrement qu'à travers la théorie (dont nous savons que pour l'essentiel elle est théologique). En revanche je pose, c'est mon pari, la question de l'Être, c'est à dire celui du sens de la réalité perçue, comme le moteur de la dynamique qui s'avère désormais cyclique. La question à laquelle j'apporte une réponse plutôt optimiste est de savoir si le nomadisme retrouvé peut trouver son degré d'organisation aléatoire nécessaire, au moins aussi puissant que celui qui a précédé l'option sédentaire. Ce que je montre en particulier c'est précisément que tous les peuples, à quelques degrés près, sont saisis par un mouvement qui leur échappe à cause de ce que Heidegger appelle l'oubli de l'Être, oubli qui est aussi l'accouchement de la théologie.
Merci pour ta réponse si rapide et si pertinente.
Salut
Paul
 
shhhhhhhhhh

25/06/2005
20:12
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

C'est un vieux problème éléate je crois, celui de l'immobilité de l'histoire. Mais c'est vrai qu'ainsi que je le disais ma lecture de Atopie ( au fait pourquoi ce nom ?)était très certainement trop hative. L'immobilisme de l'histoire, je le vois dans une perception qui va du début à la fin des temps, et de l'inscription de la dynamique des peuples dans cette échelle là.

Si tu poses l'être comme le sens de la réalité perçue, tu poses aussi la réalité bien sûr. Il n'est pas exlus que nous ne la changions pas elle-même en la percevant. D'ou parfois ses interventions brutales dans notre existence. L'homme n'a pas seulement tenté de fonder la cité, il l'a fondée. Et la cité est devenue une réalité observable, et particulièrement tyranique dans le mouvement qu'elle nous impose.Je croirais volontiers que la théologie est née de la Cité, tout comme l'idée de dieu.

Dans mon système, nous créons à chaque instant les conditions de notre existence. Il ne peut alors y avoir oubli de l'Etre . Mais nous pouvons nous tromper lourdement, et la sanction ne tarde pas.

L'option de la sédentarisation a été prise, sur quoi te fondes tu pour faire le pari d'un possible nomadisme retrouvé ? si ce n'est sur la certitude que quelques chose est immuable, et que l'option du nomadisme est encore présente, parce qu'elle l'a été. Je ne peux voir l'histoire, que dans le moment que je vis.





 
casse-croûte

26/06/2005
01:27
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

... Mais comment en est-on arrivé là en partant de JP Fitoussi ? ...
 
paul

26/06/2005
10:00
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Pour Casse-croûte : c'est plus raccord que tu ne crois si tu connais un peu Attali, mais ici on a le droit de digresser comme on veut, non ?
---------------------------

Retour au sujet.
"Il n'est pas exclus que nous ne la changions pas elle-même en la percevant. D'ou parfois ses interventions brutales dans notre existence."
Je ne veux pas te renvoyer à mon texte d'ontologie, mais sur sa base tu comprendrais que je ne peux pas distinguer l'homme de l'Être. Nous sommes de l'Être et donc de la réalité. En bon Eléate, précisément, il faut exclure l'altérité ou la "doublure" de l'être introduite par la Sophistique et que la dialectique tente deséspérement de refermer en boucle non-jointive, laissant ouverte une porte sur le "progrès" ou les eschatologies de toute sorte, y compris le communisme.
Cité = théologie = dieu = communisme etc.., tout à fait. Le tout est inséparable, comme le patriarchat est inséparable de la cité.
Ta question se donne à elle-même sa réponse : nous se sommes jamais sortis du nomadisme et c'est ce que montrent mes commentaires historiques sur chaque époque. Qu'est-ce que le Temps de Heidegger sinon le mouvement, ce qui donne à l'Être lui-même un statut nomade, erratique. Mais idéologiquement nous sommes restés en contradiction avec ce statut ontologique. L'espoir d'un éclaircissement provient de la foudroyante progression des communications, phénomène issu de la guerre, c'est à dire de ce qui sans cesse critique de l'intérieur le système sédentaire. Cette progression qui comprend par exemple Internet, abolit brutalement des frontières au demeurant restées imaginaires, romanesques au sens de Cervantes. De Parmenide à Platon il y a une lutte entre la Parole et le Sophisme, sophisme dont la cité a besoin pour légitimer son "péché originel", sa trangression de la loi naturelle. Ce débat est aujourd'hui au coeur du fonctionnement de la communication sous toutes ses formes, médiatiques, économiques, politiques et surtout personnelles. Internet reformate les paramètres d'identification réciproque car il n'a pas besoin a priori du mensonge. Bien sûr, nous sommes encore aux balbutiements de ces échanges qui restent ancrées dans des réalités parfois contradictoires. Je me souviens de mes premiers échanges internautiques partis dans l'enthousiasme et qui disparaissaient brutalement pour ne jamais plus paraître. Je dirais qu'il s'invente une nouvelle "pédagogie sans pédagogue", où les mosaïques culturelles se reconstituent comme un puzzle. Aujourd'hui nous partons sur une base atomisée largement encombrée par les cadavres dont nous parlions plus haut, mais on peut percevoir ici et là des ententes tacites plus fortes que des théories, des ententes qui manifestent ce que le sacrifice de la Cité a engrangé, par exemple les Droits de l'Homme que seuls quelques fauves attardés osent remettre en cause ouvertement. Je fais le pari que la puissance d'Internet dépassera bientôt l'ensemble des forces militaires des cinq continents. J'ajouterai encore que la course haletante qui oppose le libéralisme et son contraire, deux cadavres qui galopent, ne fait que rythmer la montée en puissance d'un mode de communication qui peut élever la démocratie au plan mondial sans représentants et sans institutions. Utopie ? Certes, car il n'est pas sûr que l'objet de la communication, la question de l'Être, reprenne la place qu'elle avait lorsque les hommes ont fondé les temples où ils l'ont enfermée. C'est pourquoi l'éducation est au centre de tout mouvement social ou politique : la réforme des programmes de philosophie dans les années soixante a fait plus de mal en profondeur que les aspects douteux de la Constitution de 58 et les coups tordus du Général.
Encore un mot : le fameux Axe franco-allemand est beaucoup plus philosophique que trivialement politico-économique. Kohl et Mitterrand chez Jünger c'est pour moi l'image la plus forte de l'Europe, plus forte que celle de Verdun. Le livre de chevet de Mitterrand était Plutarque. Si les Haiku nippons font réellement le bonheur de Chirac, alors il reste une marge inconnue. hi hi !
vale
paul

 
shhhhhhhhhh

26/06/2005
11:06
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Mets des interlignes bon sang!
T'imagines comme c'est difficile à lire ?

Le problème c'est que dans la communication, on ne sait jamais qui prend la parole. La marchandise ? ou les hommes ? Et sans la critique, comment savoir ? Et sans la philosophie, comment être critique, et d'ou vient que nous ayons collectivement renoncé à la philosophie, et pas seulement par la réforme des programmes de philosophie des années 60, laquelle était le reflet de notre volonté.

"Internet reformate les paramètres d'identification réciproque car il n'a pas besoin a priori du mensonge. "
Voila qui n'est pas certain. Né dans les années même ou disparaissait l'enseignement de la philosophie, il propose un mode d'échange qui se dispense du sensible. Je ne touche rien, je ne sens rien, je me cache sous mon pseudonyme, je mens non ?




 
paul

26/06/2005
16:26
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Le mensonge sur Internet fait partie des maladies infantiles de l'instrument. L'important ne sont pas les individus qui se parlent librement, mais le discours qui peut un jour se former ou se coaguler dans le sens du vrai. Personnellement j'entretiens un "blog" depuis presque dix ans et je m'épuise à militer pour faire passer le questionnement sur l'oubli de l'Être comme véritable identité de notre humanité. J'avoue que le traitement journalistique de l'évènement monde me vaut plus de gratitude ou de reconnaissance que le rappel de la problématique du sens. Aussi plus d'adversaires et même d'ennemis. Cela provient d'une radicalité naturelle de la pensée ontologique qui se transmet sans compromis à la réalité. Parfois je me plante comme tout le monde, mais je n'ai aucune honte à le reconnaître. Un exemple classique que tu connais sans doute, c'est la réponse de Heidegger à qui on demandait ce qu'il pensait d'Auschwitz, il répond en substance que "la fabrication de cadavres dans les camps d'extermination était la même chose que l'agriculture industrielle".
paul
 
shhhhhhhhhh

26/06/2005
17:56
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

Be oui, l'extrême droite est anti-capitaliste. On est pas toujours en bonne compagnie.
Et à vrai dire si il y a un philosophe que je connais que par ouï dire, c'est bien Heidegger. Méfiance-méfiance.
Mais ton site je le regarde de temps en temps, et je persiste à dire qu'il FAUT DES INTERLIGNES !
 
casse-croûte

27/06/2005
09:45
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

En effet, je ne connais pas ce truc qu'a édité Attali.

Par contre, quand tu dis que "Marx a écrit un énorme ouvrage de Science-Fiction qui s'appelle le Capital" et que personne ne vit réellement dans le monde décrits par tous ces savants-économistes, je n'y crois pas.

Leur pensée ne couvre pas précisément nos cas particuliers, et si on rejette leur oeuvre, c'est souvent par égocentrisme. Ca n'est pas forcément leur rôle de rendre pragmatique leur pensée, jusqu'à avoir des conséquences sur notre quotidien. C'est le rôle de la politique de faire suivre ces analyses d'effets sur la cité. A Marx le marxisme, à Bakounine l'anarchie, à Keynes le keynesianisme. Ce sont ces -ies et ces -ismes qui ont une réalité sensible, mais n'en dénigrons par les inspirateurs; ne les considérons pas non plus comme des "héros".

Tu critiques particulièrement leurs tentatives d'anticipation sur les événements postérieurs à leur analyse : "(...) la science ne peut pas être plus que son temps. Autrement dit elle ne peut pas dépasser, lorsqu'elle est honnête, le constat présent." Mais c'est tout de même bien le propre de la démarche scientifique, que de prévoir ce qui va se passer si ... Une démarche qui se contente de décrire un événement présent, court le risque de ne pas être transférable sur d'autres événements. Pourtant, tout l'intérêt tient à être capable de généraliser le plus possible les champs d'application de nos raisonnements. Prévoir à partir d'un raisonnement est le principal moyen que l'on a pour justifier ses hypothèses et la pertinence logique de ses enchaînements d'idée. A l'inverse, l'erreur commise prouve la fausseté de l'un ou l'autre.

Juste un exemple : Penser que la terre était plate (pourquoi la considérer comme ronde, a priori ?) amenait à prévoir qu'un voyageur arrivé au bout du monde tomberait dans le vide. Le premier tour du Monde est analogue à la preuve expérimentale que ce modèle est faux.

 
Clopine

27/06/2005
11:44
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

je voudrais répondre au messge de Catherine de 17 h33 du 24 .


Catherine me demande de ne pas jouer la modeste, ajoutant que je ne suis pas une ignorante en matière d’économie. Je prends cette déclaration pour un compliment, certes, mais je voudrais quand même lui préciser que je n’ai pas prétendu à l’ignorance : j’ai annoncé la couleur en indiquant que j’avais une base de culture générale en économie, disons allez niveau baccalauréat.

Pourquoi revenir sur ce point, me direz-vous ? Parce que j’en ai un peu assez d’entendre tout autour de moi décrier le baccalauréat « qui ne représente plus rien », et les lamentations sur le niveau de l’enseignement secondaire en France. Voyons, si j’y réfléchis, (et en laissant de côté le primaire qui enseigne les bases élémentaires), entre la sixième et la terminale, j’ai eu droit à environ dix professeurs par an dans des disciplines aussi diverses que l’histoire, la géographie, le sport, le dessin, le français, l’anglais, l’espagnol, les maths, les sciences de la vie, l’économie, la musique, la physique, la chimie, et enfin la reine, la philosophie, pour une année seulement mais quand même …

Soit environ 10 X 7 = soixante-dix professeurs, oui soixante-dix personnes différentes qui ont toutes, avec plus ou moins de talents et de conviction certes, mais qui ont toutes cherché à m’inculquer un savoir qu’elles possédaient, et pas moi.

Et chacune de ces soixante-dix personnes « portait » en elle l’enseignement de ses propres professeurs ! 4 900 individus à chaque génération des profs ! La base de données que cela représente !Et l’accès facilité au monde que cela permet! Et l’argent, ma pôv’dame, l’argent que cette montagne de savoirs qu’on a mise à portée de ma main a dû coûter !

J’en ai largement profité, et si j’ai aujourd’hui ce que sans fausse modestie (n’est-ce pas Catherine ), je peux appeler une bonne culture générale, elle a sans aucun doute été constituée de toutes les paillettes de savoir distribuées par tous ces profs. Et si je suis nulle en certaines matières, c’est bien ma faute et non la leur. Qui a décrété, du haut de ses quinze ans, qu’elle serait toujours rétive à la physique-chimie ? Qui a acheté tous les devoirs de ces matières à Philippe P. , en payant avec les plans « clés en main » des dissertations françaises, et qui se rétamait donc logiquement la gueule à chaque devoir sur table ? Mmmmh ?

Bon, s’il y a un seul domaine où je suis d’accord avec Finkelkraut, c’est bien le déplorable enseignement du français aujourd’hui (paraît qu’il y a un numéro des « Débats » là-dessus). Mais à part ce catastrophique loupé, il me semble qu’aujourd’hui comme hier l’enseignement secondaire public est une formidable richesse. Et j’en ai marre d’entendre les pleureuses !

Et l’ascétisme ouvrant la porte à la richesse intérieure, décrit par Paul, ne peut absolument pas faire l’impasse de ces acquisitions-là, de la culture, du savoir. Il faut certes avoir l’estomac plein pour permettre au cerveau de fonctionner. Mais il faut également nourrir ce cerveau. Ce qui donc devrait nous mettre d’accord sur l’urgence absolue et prioritaire à mettre en place dans le tiers-monde : l’instruction, et on pourrait étendre l’exigence : accompagner chaque action de charité publique et/ou internationale d’une action pédagogique ; pas un sac de blé sans un germe de savoir. Pas de vente d’armes sans une somme au moins équivalente dédiée à l’éducation nationale…

Clopine la Candide du forum, qui pense aussi contre tous les Pangloss qu’il faut, très littéralement, cultiver son jardin…et qui retourne donc finir ses confitures de groseille… dans la grande cuisine rouge et chaude, où les hyménoptères, enivrés, volent non loin de la bassine, dans les vapeurs délicieuses du sucre et des fruits cuisant à petit feu …

 
casse-croûte

27/06/2005
12:09
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres

raaaaaa!!!!! de la confiture de groseille !!!!!
 
catherine

27/06/2005
15:09
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres


Oui, Clopine, c'était un compliment, car je trouve vos propos très pertinents et vous semblez douée pour l'écriture et la vie. Merci.
 
paul

27/06/2005
15:20
re : Jean-Paul Fitoussi et les autres


Shhhhhhhhhhhhh,
On ne connaît rien par ouï-dire, c'est l'illusion la plus dangereuse de notre société médiatique qui fabrique de la culture en mosaïque (le concept est d'Abraham Molles), le fond le plus commun à tous ceux qui aujourd'hui pensent penser.

Heidegger, justement, montre assez bien comment le projet métaphysique a "arraisonné" le monde pour le projeter dans le technique. L'homme s'est arrogé la maîtrise et la possession de la "nature" à ses risques et périls. Tu seras d'accord pour admettre qu'aujourd'hui les risques équivalent le profit éventuel, profit qui est loin de s'identifier à une sorte de progrès qui nous transformeraient tous en "porcs d'Epicure". Il est vrai que l'expérience projette dans le futur, mais toujours sur la base d'une hypothèse présente. Ce qui fait que le succès ou l'échec de l'expérience n'est que la traduction du réel présent.

Pour Clopine : je n'ai nulle part parlé d'ascétisme, mais d'expérience de la pauvreté, ce qui est totalement différent. L'ascétisme est toujours la conséquence d'une option théologique ou egocentrique (comme dans le cas du Yoga), mais jamais un instrument pour enrichir sa pensée. Maître Eckart pensait d'ailleurs le contraire : l'ascétisme consistait à tout faire pour vider l'exprit de tout contenu, créant ainsi un vide qui ferait place à la présence divine.
Pas mon trip.

Enfin, si vraiment le QI dépendait du nombre protéines engloutis dans l'enfance, alors nous serions tous encore très proches de l'animalité la plus fruste. Il faut se méfier de l'instinct mimétique qui fonctionne à l'envers : notre compassion se fonde sur un manque chez les autres qui est en réalité notre propre manque. J'ai enseigné assez longtemps chez les sous-alimentés pour savoir que la passion du savoir, et je ne dis pas l'intelligence dont je ne sais pas grand chose d'autre que les théories bourgeoises de Binet et Simon, auteurs des tests dits d'intelligence, mais qui ne reflètent en définitive que le degré d'adaptation au discours ambiant et dominant.

A propos, Catherine a parfaitement raison de t'accuser de modestie intempestive. Moi-même j'avais lu Marx et Hegel avant d'avoir mon deuxième Bac, et pas pour mon bonheur d'ailleurs. Comme quoi les +++ au bac ne riment pas à grand chose.

Bises

Paul
 
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