Archives 2003-2008 du forum de discussions sur France Culture

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DDFC

06/10/2004
11:18
Hommage à Poésie sur parole

J'aimerais proposer sur le site un article / hommage à cette émission qui, comme les Papous, a perdu sa diffusion quotidienne et ne subsiste plus que le dimanche depuis la calamiteuse grille de septembre 2004.

Merci de proposer vos idées, analyses, remarques ou articles complets



PS : L'hommage se trouve à l'adresse http://www.broguiere.com/culture/poesie.htm
 
Nini

06/10/2004
21:12
re : Hommage à Poésie sur parole

André Velter est un être rare. Lui ne colle pas à la sacro-sainte actualité dont on nous rabache les oreilles, et à toutes les sauces.
J'ai acheté, il y'a qques années de cela, ses poèmes pour Chantal Mauduit dans le recueil "L'amour extrême". J'ai bp aimé. Très touchée par cet amour au delà de la mort.
 
josué

06/10/2004
22:11
re : Hommage à Poésie sur parole

Petites intrusions poétiques quotidiennes qui nous font aujourd'hui grand défaut.
 
Gr !

08/10/2004
17:28
re : Hommage à Poésie sur parole


 
Nazdeb

08/10/2004
17:33
re : Hommage à Poésie sur parole

Eloquent, excellent, tragiquement bien vu !


 
AArgh!

08/10/2004
18:29
re : Hommage à Poésie sur parole

Elle est magnifique, cette affiche!
 
Nini

08/10/2004
18:34
re : Hommage à Poésie sur parole

Ah oui, superbe!
 
josué

08/10/2004
23:08
re : Hommage à Poésie sur parole

Yeeeeeees!
ça c'est du smiley!!!
Gr!, comment et à qui diffuser ce tract visuel?

siley998
 
josué

08/10/2004
23:08
re : Hommage à Poésie sur parole

flûte!


 
DDFC

08/10/2004
23:10
re : Hommage à Poésie sur parole

Patience, les diverses images de GR! seront bientôt sur le site DDFC en plusieurs resolutions


 
Nini

09/10/2004
13:57
re : Hommage à Poésie sur parole

Cette affiche est devenue mon fond d'écran. Gr! merci.
 
Andrey Malrau

09/10/2004
16:45
re : Hommage à Poésie sur parole

Avec ce genre d'engin (tract en jpg ou pdf) on peut imaginer une campagne d'envois électroniques ciblés.
 
CA

09/10/2004
17:25
Campagne internetaire

Oui, magnifique et éloquente affiche, hommage à Gr ! et à ses dessins et affiches toujours excellents. (Ici, smiley applaudissant à tout rompre, mais je ne trouve pas, ).

À Andrey Malrau, c'est déjà imaginé, pensez bien. La campagne papier est aussi en bonne voie.

Je suppose qu'avec l'accord de l'auteur on pourrait diffuser l'image avec un texte bien senti pour le rétablissement de la quotidienne de Poésie sur parole. Ça ne ferait pas de mal à André Velter et à Jean-Baptiste Para qui doivent se sentir bien lâchés.

Ne les oublions pas.

CA

 
Andrey M.

09/10/2004
17:44
re : Hommage à Poésie sur parole

CA: {…c'est déjà imaginé, pensez bien. La campagne papier est aussi en bonne voie.}

Ouhlalala… vous attisez ma curiosité!!!!!
 
DDFC

09/10/2004
22:26
re : Hommage à Poésie sur parole

Les images de GR! sont en ligne : http://www.broguiere.com/culture/images.htm


 
Nini

09/10/2004
22:43
re : Hommage à Poésie sur parole

Excellent!
 
Audrey Malran

09/10/2004
22:53
re : Hommage à Poésie sur parole

les images de GR! ne concernant pas que les papous, et risquant d'être enterrées dans les fils du forum, peut-être DDFC pourrait-il tisser un lien vers la page images.html à partit du menu 'documents'??
 
DDFC

10/10/2004
12:00
re : Hommage à Poésie sur parole

Bonne idée, le lien sur la page Documents est fait. Entre temps, un flyer supplementaire pour photocopies NB a été ajouté sur la page Images


 
Agnès

22/02/2005
23:23
re : Hommage à Poésie sur parole, paroles perd

Quel meilleur hommage rendre à André Velter que de poursuivre ici, au fil de l'inspiration, ce qu'il nous dispensait autrefois si généreusement chaque jour sur France Culture?
Voici pour ce soir:
Carmen LXX
NVLLI se dicit mulier mea nubere malle
quam mihi, non si se Iuppiter ipse petat.
dicit: sed mulier cupido quod dicit amanti,
in uento et rapida scribere oportet aqua.

"Je ne voudrais m'unir à nul autre que toi,
Pas même à Jupiter, dit la femme que j'aime",
Mais ce que femme dit à un amant épris,
Ecris-le sur le vent et sur l'eau qui s'enfuit.

Catulle.
(traduction Pierre Feuga, La Différence, collection Orphée)


 
Agnès

22/02/2005
23:31
re : Hommage à Poésie sur parole

Paroles perdues...
 
paul

23/02/2005
16:45
re : Hommage à Poésie sur parole

L'assassinat de la poésie est l'essence même de la nouvelle stratégie dite "libérale". Toute chose étrangère au fonctionnement doit disparaître, c'était la philosophie première de Staline et de Hitler. Même l'opposition gauchiste est la bienvenue tant qu'elle "fonctionne", mais jamais la poésie.
paul
 
Yann

23/02/2005
18:02
My name is Rimbaud, Arthur Rimbaud

Paul, il n'y a sans doute pas de complot de la CIA pour éradiquer la poésie. S'il y a désaffection, c'est parce qu'elle passe par-dessus la tête de gens occupés à poursuivre d'autres choses (sans doutes plus vaines), et la loi du marché veut que le moins populaire soit placé en dernier dans l'ordre des priorités.
Mais la théorie du complot, par pitié... A quand une cellule d'intervention anti-rimailleurs à l'Elysée?
On dit que le système Echelon a perfectionné son procédé d'écoutes au point de pouvoir détecter deux phrases consécutives se terminant par la même sonorité lors d'une conversation téléphonique. Les ingénieurs du contre-espionnage sont en train de perfectionner le système pour détecter les rimes croisées.

Yann (qui fait une pause dans sa lutte contre les bestioles virtuelles)

 
CA

23/02/2005
19:00
Fantasmes

Yann "virus killer" Sancatorze
Yann se bat contre les virus . Courage, vous allez l'emporter.

C'était une parenthèse, mais je souscris entièrement à ce qui vient d'être dit. . Prétendre qu'il y a un complot politique pour "assassiner" la poésie est proprement délirant. S'il y a désaffection ou crise de la poésie (création, édition, public), les causes en sont sans doute infiniment plus complexes.
C.
 
dom

23/02/2005
19:29
re : Hommage à Poésie sur parole

bah pour etre sensible a la poesie il faudrait etre eduquer pour, sinon cela ne reste qu'un tas de lettres alignées, comme ce que je viens d'ecrire.
 
paul

23/02/2005
19:48
re : Hommage à Poésie sur parole

Que signifie "les causes en sont infiniment plus complexes".
Réponse : rien.
Je n'ai jamais dit qu'il y avait un complot contre la poésie, ILS seraient bien incapables de le monter, mais la poésie est comme la mauvaise herbe, (celle de Brassens entre-autres), elle est éliminée instinctivement du paysage. La poésie est tout ce qui reste de l'instinct ontologique de l'être humain, cet instinct gêne toute autre fonctionnement. On gomme sans faire de complot en se disant, comme vous le dites vous-mêmes, que de toute façon la poésie ne concerne qu'un happy few dont on n'a rien à foutre.
Un peu de finesse SVP
merci paul
 
Agnès

24/02/2005
09:10
Hommage à la poésie, à l'usage des &


Éloge de la poésie

Avia Pieridum peragro loca nullius ante
trita solo. iuvat integros accedere fontis
atque haurire, iuvatque novos decerpere flores
insignemque meo capiti petere inde coronam,
unde prius nulli velarint tempora musae;
primum quod magnis doceo de rebus et artis
religionum animum nodis exsolvere pergo,
deinde quod obscura de re tam lucida pango
carmina musaeo contingens cuncta lepore.
id quoque enim non ab nulla ratione videtur;
nam vel uti pueris absinthia taetra medentes
cum dare conantur, prius oras pocula circum
contingunt mellis dulci flavoque liquore,
ut puerorum aetas inprovida ludificetur
labrorum tenus, interea perpotet amarum
absinthi laticem deceptaque non capiatur,
sed potius tali facto recreata valescat,
sic ego nunc, quoniam haec ratio plerumque videtur
tristior esse quibus non est tractata, retroque
volgus abhorret ab hac, volui tibi suaviloquenti
carmine Pierio rationem exponere nostram
et quasi musaeo dulci contingere melle;
si tibi forte animum tali ratione tenere
versibus in nostris possem, dum percipis omnem
naturam rerum ac persentis utilitatem.

Au domaine des Piérides je parcours une région ignorée que nul mortel encore n'a foulée. J'aime puiser aux sources vierges, j'aime cueillir des fleurs inconnues et en tresser pour ma tête une couronne unique, dont les Muses n'ont encore ombragé le front d'aucun poète. C'est que, tout d'abord, grandes sont les leçons que je donne ; je travaille à dégager l'esprit humain des liens étroits de la superstition ; c'est aussi que sur un sujet obscur je compose des vers brillants de clarté qui le parent tout entier des grâces de la poésie. N'est-ce pas une méthode légitime ?
Les médecins, quand ils veulent faire prendre aux enfants l'absinthe amère, commencent par dorer d'un miel blond et sucré les bords de la coupe ; ainsi le jeune âge imprévoyant, ses lèvres trompées par la douceur, avale en même temps l'amer breuvage et, dupé pour son bien, recouvre force et santé.
Ainsi moi-même aujourd'hui, sachant que notre doctrine est trop amère à qui ne l'a point pratiquée et que le vulgaire recule d'horreur devant elle, j'ai voulu te l'exposer dans le doux langage des Muses et pour ainsi dire l'imprégner de leur miel : heureux si je pouvais, tenant ainsi ton esprit sous le charme de mes vers, te faire pénétrer tous les secrets de la nature et te convaincre de l'utilité de ces études.
Lucrèce, "De rerum natura", poème sur la Nature, ouverture du livre IV.
(Traduction de Henri Clouard, Garnier frères)
Smiley 374

 
AArgh!!!

24/02/2005
09:11
à l'usage des épais


 
dom

24/02/2005
23:37
re : Hommage à Poésie sur parole

hem! je reste perplexe...
c'est bien tourné,mais donner des bonbons amers d'arriere gout,si ces derniers camouflent un purgatif, la surprise sera desagreable, d'autant que seules le guêpes sont attirées par le sucre, a moins que le dit miel ne soit encore gardé par les abeilles, ce qui est pire car et avant et apres les picotements douloureux se feront sentir.
 
Agnès

25/02/2005
09:09
piqûres, Epicure...


Ce n'est pas un purgatif , Dom, c'est la philosophie épicurienne, fondée sur la physique matérialiste de Démocrite (Vème-IVème siècle avant JC)lesquelles ne sont pas familières aux Romains, difficiles, et donc pour cela même d'une amertume équivalente à celle de l'absinthe.Il s'agit donc de les "faire passer" à travers le miel du poème, pour libérer les lecteurs des terreurs, celle de la mort, en particulier , entretenues par la superstition et de les faire accéder à une sérénité détachée et quasi "divine". Ca vaut la peine d'essayer!
C'était la minute bas-bleu , promis je ferai plus, mais Lucrèce et Catulle, si différents quoique contemporains, ce sont des types qu'il serait dommage de ne pas fréquenter...
A.
 
w

25/02/2005
13:42
Absinthe

Merci, Agnès, j'ai failli passer à côte, ç'eut été dommage.
Dom, l'absinthe ça sert à ça :
Tonique et apéritive, l'absinthe est utilisée contre la paresse digestive, le manque d'appétit des anémiques et des convalescent. Vermifuge contre les petits vers intestinaux.
Mais faut y aller mollo, c'est toxique.
Valavala, c'était ma minute pouët pouët.

Ici (Anjou), il re- ...


 
clopine

25/02/2005
13:54
re : Hommage à Poésie sur parole

pour moi, l'absinthe, c'est une petite cuillère plate et percée d'ouïes comme un violon. On met un morceau de sucre dessus, et on verse très lentement de l'eau et de l'absinthe sur le morceau de sucre. C'est un truc de grands, de pères par exemple, qui font ça le dimanche devant la marmaille émerveillée. C'est un de mes seuls regrets d'héritière : ne pas avoir retrouvé la cuillère à absinthe. Parce qu'elle était belle et mystérieuse...

Sinon, où donc viens-je de lire que le danger de l'absinthe réside dans un glycol qui occasionne l'épilepsie, mais qu'on vient de trouver un procédé qui évite ce léger désagrément et que donc l'absinthe va être de nouveau légale, dès cette année, chez nos voisins suisses ?

ici(pays de Bray), il , mais avant, nom de dlà, tombe tombe la neige tu ne viendras pas ce soir (snif)

voilà c'était ma minute pouet pouet à moi itou.

Clopine
 
CA

25/02/2005
16:15
Moins poétique

Clopine,
URGENT , puis prendre des mesures, puis
CA
 
Yann

25/02/2005
18:38
La poésie dans votre assiette

Dans un style différent, et avec un autre métaphore (pour la même fin):

"L'huître.
L'huître, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C'est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l'ouvrir : il faut alors la tenir au creux d'un torchon, se servir d'un couteau ébréché et peu franc, s'y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles : c'est un travail grossier. Les coups qu'on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de halos.
A l'intérieur l'on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux d'en dessous, pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l'odeur et à la vue, frangé d'une dentelle noirâtre sur les bords.
Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à s'orner."

C'est de Francis Ponge (Le Parti pris des choses).
Pas mal du tout, is it not? (c'est un classique des commentaires composés, pas trop surprenant).
J'essaie d'apprendre par coeur l'éloge de la poésie d'Agnès, mais damned, damnis, damnorum, en latin c'est pas évident.

Yann


 
dom

25/02/2005
22:32
re : Hommage à Poésie sur parole

vouais, ce fil est interressant un peu de pochtronerie sur fond de poesie, ou plutot l'inverse, nous voila avec les huitres, le probleme c'est qu'en principe ,Yann, je t'ouvres une fine de clair en moins de deux avec cet outils nommé couteau a huitre, que l'on orne le gorgerin ( celui la m'a vraiment plu) d'une de ces perles eventuellement trouvée, faut il encore la trouver.
me reviens également a l'image ces souvenirs de l'ile d'Oleron, ou armé d'un galet j'explosais la coque superieurs du coquillage, pour le manger a même le rocher( he oui Paul j'ai mon epoque nehanderthalienne).
mais passons

""C'était la minute bas-bleu , promis je ferai plus, ..."
bien au contraire j'espere bien que tu continuera a nous envoyer ces textes, c'est un réel plaisir de les lire Agnes, bien que mes reponses ne soient pas de la meilleures cuvée, au moins ce que tu exposes changera ou confirmera peut etre ma façon de voir, ne te genes surtout pas.
dom toujours perplexe.
qui sait peut etre reussira tu a vaincre le coté oiseux de ma petite personne.
 
Skakespeare

25/02/2005
22:52
Oui d'accord mais

http://www.basbleu.com ou http://www.basbleu.net ?
Là est la question


 
AArgh!!!

25/02/2005
22:55
Scrongneugneu!

Je venais de mettre un message signé "le bas bleu de service", mais j'avais oublié mon nom, et je tombe sur le lien de Lionel!!!
Je recommence
 
Agnès

25/02/2005
23:08
Catullus, le grand

DICEBAS quondam solum te nosse Catullum,
Lesbia, nec prae me uelle tenere Iouem.
dilexi tum te non tantum ut uulgus amicam,
sed pater ut gnatos diligit et generos.
nunc te cognoui: quare etsi impensius uror,
multo mi tamen es uilior et leuior.
qui potis est, inquis? quod amantem iniuria talis
cogit amare magis, sed bene uelle minus.

Tu disais autrefois ne connaître que Catulle ,
Lesbia. Pas même pour Jupiter, tu ne m’eusses
Laissé. Je t’ai chérie alors, non d’un amour vulgaire
Mais comme un père chérit ses fils et ses gendres.

Maintenant, je te connais ; et si je brûle plus ardemment,
Tu es pour moi beaucoup plus vile et plus légère.
Comment, dis-tu, est-ce possible ? C’est qu’une telle trahison
contraint un amant à une passion plus grande
mais amoindrit sa tendresse.

C'est le poème qui fait suite à celui cité plus haut,une variation sur le même thème. Mais aussi bien plus: en huit vers, ce jeune homme qui ne sait comment exprimer le sentiment intense qui l'unit à sa maîtresse, celle qu'il a appelée plus haut "mulier mea", ma "femme", ce qui ne veut rien dire en latin, l'associe ici au sentiment qui peut l'unir à des hommes, les plus proches, de sa propre famille. C'est l'un des plus beaux poèmes que je connaisse sur ce qui est une borne sur le chemin de l'amour. Et il l'a appelée Lesbia, en hommage à Sappho, fondatrice de la lyrique grecque comme lui fonde la lyrique romaine.
La prochaine fois, un distique, à la même, encore plus beau. (Et plus facile à apprendre, Yann!)
Merci, Dom, pour ton petit mot!
Donc: la bas bleu de service ce soir

 
Oups!

25/02/2005
23:13
BB and BB


Oups! Je n'avais pas ouvert le second lien...

 
dom

26/02/2005
14:58
re : Hommage à Poésie sur parole

arf lionel, plié le 2 eme site est moins mémère!
Oups, mon oeil!
le gorgerin descendait si bas, que le bleu de sa dentelle intime paraissait de mille feux !
ce fil est bien on est mené a la distraction de maniere bien agréable.
bon a dans qq jours
 
lionel

26/02/2005
15:12
re : Hommage à Poésie sur parole

(c'est bien sûr dans un but culturel et en l'honneur de la semaine de l'Espagne que j'ai indiqué un lien olé olé)

Mais c'est bien agréable qu'Agnès nous fasse connaître des poètes latins


 
Agnès

26/02/2005
17:22
rattrapé par les jarretelles

"c'est bien sûr dans un but culturel et en l'honneur de la semaine de l'Espagne que j'ai indiqué un lien olé olé"...

Vous avez dit "jésuite"?



 
Agnès

02/03/2005
14:51
re : Hommage à Poésie sur parole

Puisqu'il neige un peu partout sur la France, au moins au nord, un peu de poésie.

Voilà le plus beau de tous les poèmes de Catulle. Evidemment, il se comprend en référence aux torrents de tendresse et d'invectives qu'il a précédemment déversés sur Lesbia. Mais concentrer en deux vers une telle tension, et la quasi disparition du sujet, c'est magnifique.

LXXXV –
ODI et amo. Quare id faciam, fortasse requiris.
Nescio, sed fieri sentio et excrucior.

Je hais et j’aime. Comment cela se peut-il, demandes-tu peut-être.
Je ne sais mais je le sens et je suis crucifié.



 
dom

02/03/2005
21:46
re : Hommage à Poésie sur parole

hé hé,
L'eusses tu cru qu'il soit possible de manger les cruciferes, parles a Racine.
puisque de crucifié te voila donc ad patrese, ne contemplant plus que les racines.
sans pouvoir ni aimer ni hair.
ainsi va la vie.

pfiou tu parles il ya de la neige jusqua fin fond de l'Espagne, j'en reviens et il fais froid la bas.
 
Agnès

03/03/2005
02:02
Massacreur de Catulle!


 
Agnès

03/03/2005
20:04
La 1ère femme de Lettres française

Une petite ballade de Christine de Pisan, pour réparer le tort de l'avoir oubliée sur le fil "Moyen âge".
J'ai modernisé l'orthographe, à un ou deux mots près, c'est très compréhensible.

Balade LXXVIII

Que ferons nous de ce mari jaloux ?
Je prie à Dieu qu'on le puisse écorcher.
Tant se prend-il de près garde de nous
Que ne pouvons l'un de l'autre approcher.
A male hart* on le puisse attacher, ..............* corde
L'ord*, vil, vilain, de goutte contrefait ! ..............* sale
Qui tant de maux et tant d'ennuis nous fait !

Etranglé puisse être son corps des loups,
Qu'aussi ne sert il, mais* que s'empêcher ! ..............* à part (?)
A quoi est bon ce vieillard plein de toux,
Fors à tancer, rechigner et cracher ?
Diable le puisse aimer ni tenir cher,
Je le hais trop, l'arné*, vieil et défait, ..............(* ce n'est pas un compliment)
Qui tant de maux et tant d'ennuis nous fait.

Hé! qu'il dessert bien qu'on le face coux* ..............* cocu
Le babouin qui ne fait que chercher
Par sa maison ! hé quel avoir ! secoue
Un peu sa peau pour faire aller coucher,
Ou les degrés* lui faire, sans marcher, ..............(*les escaliers)
Tôt avaler*, au vilain plein d'agait, .............. * dégringoler
Qui tant de maux et tant d'ennuis nous fait !



 
dom

03/03/2005
21:27
re : Hommage à Poésie sur parole

C. de Pisan vivait avec un vieux ? pour que ces lamentations de jouvencelles detestent a ce point les chenus.
C'est pas mal, sauf que le coté tuberculose du vieux crachant ses poumons, glaviotant de ci de la ne cache que la dote convoitée par la plaignante.
 
Yann

04/03/2005
00:26
re : Hommage à Poésie sur parole

Euh, oui, enfin, elle est tombée veuve à 25 ans... C'est ce qui l'a motivée à gagner sa vie en devenant "homme de lettres" (femme de lettres, c'était un peu l'ovni du Moyen-Age).

Plutôt que penser à la dot, elle en était bien navrée...:

"Seulete suy et seulete vueil estre,
Seulete m'a mon doulz ami laissiee,
Seulete suy, sans compaignon ne maistre,
Seulete suy, dolente et courrouciee."
Ballade


Yann


 
Agnès

04/03/2005
07:08
re : Hommage à Poésie sur parole

Il faut que je retrouve
"C'est douce chose que mariage
Je le pourrai par moi prouver
Pour qui a mari bon et sage
Comme Dieu me l'a fait trouver...."

mais Christine de PiZan sur la toile, (apparemment, c'est désormais l'orthographe officielle), c'est pas une sinécure!
De toute évidence,elle fait partie des proies de la littérature "de genre" aux USA.
[Non, Dom, la ballade ci-dessus est un poème humoristique, sur un thème très classique au Moyen-âge, le sel étant que l'auteur est une femme.]


 
Visitation

04/03/2005
14:09
Pour en revenir à Poésie sur parole

Faut bien dire que cette émission s'est tuée elle-même dans la routine et la sclérose formelles...Plus prévisible et formatée, tu meurs! Le contraire de la poésie, non?
 
AArgh!!!

04/03/2005
16:46
DDFC= Sainte Elizabeth?

Ma foi, dans ma routine personnelle, entendre de BELLES voix lire brièvement de beaux textes infiniment renouvelés, c'était un plaisir que je recherchais. J'y ai découvert des poètes dont j'ignorais tout, de tous les lieux et de toutes les époques, voyages immobiles dans l'espace et dans le temps. (Des poètes aussi que j'ai détestés, mais pourquoi pas?)
et André Velter et JB Para sont des hommes de passion et de radio, dont les voix absentes se font cruellement sentir dans ce vacarme quotidien de chroliiiiques, de voix criardes ou pseudo-juvéniles, ce débit ininterrompu de leçons en tous genres, routinées d'emblée, mais loin de toute FORME.

 
la reine des belges

04/03/2005
21:14
euh mais quelle routine ?

Hello. Content de trouver un fil où on peut parler de radio.

A "Visitation" : je ne suis pas certain de comprendre la qualification de routine : c'est sur que PSP y avait une sorte de régularité et assez peu de surprise. Mais on peut en dire autant de n'importe quelle collection : les recueils de "poésie-gallimard", ou bien "poètes d'aujourd'hui" chez Seghers, on peut aussi bien les taxer de routinières. Et même les fables de La Fontaine y a aussi de la routine alors tant qu'on y est. la poésie n'en est pas expulsée pour autant.

Donc non, la routine là vraiment je ne comprends pas. Au contraire, l'émission de milieu d'après midi cassait la routine radio...

Laurent Nadot
 
dom

05/03/2005
00:29
re : Hommage à Poésie sur parole

c'est vrai que ce fil est tres calme,Agnes mene le bal alimentant chaque jour une nouveauté, du moins pour moi,tranquille et amusant que ce fil.
j'ai même pas envie de savoir si C De Pizan etait de gauche, des fois que l'on puisse politiser le Moyen Age.

en fait c'est tres bien, moi qui ne suis pas sensible a ce genre de texte, voila que je les lis .
merci Agnes continue.


 
dom

05/03/2005
19:28
re : Hommage à Poésie sur parole

au fait, Agnes ce ne serait pas toi, par hasard, l'auteur du texte en vieux français contre
 
Agnès

10/03/2005
09:09
Le poème du jour

Le portrait d'un solennel imbécile, - inventé par Henri Monnier, M.Prudhomme est le type du bourgeois solennel et pompeux, sentencieux et déclamatoire, qui s'égare dans ses métaphores ("Le char de l'État navigue sur un volcan") – et concentré en un sonnet fort divertissant par un Verlaine très en verve.

Monsieur Prudhomme

Il est grave : il est maire et père de famille.
Son faux col engloutit son oreille. Ses yeux
Dans un rêve sans fin flottent insoucieux,
Et le printemps en fleurs sur ses pantoufles brille.

Que lui fait l'astre d'or, que lui fait la charmille
Où l'oiseau chante à l'ombre, et que lui font les cieux,
Et les prés verts et les gazons silencieux ?
Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille

Avec monsieur Machin, un jeune homme cossu.
Il est juste-milieu, botaniste et pansu.
Quant aux faiseurs de vers, ces vauriens, ces maroufles,

Ces fainéants barbus, mal peignés, il les a
Plus en horreur que son éternel coryza,
Et le printemps en fleurs brille sur ses pantoufles.

Paul Verlaine, Poèmes Saturniens.


 
w

16/03/2005
16:39
Anna ma soeur, ne vois-tu rien venir ?

Je la ramène en la matière, apèrs notre chère Agnès, aux chevilles de laquelle je n'arrive point et de loin, avec le seul et unique bouquin (même si en 3 tomes) bilingue latin-français de ma bibli : L'Enéide de Virgile. S'il m'en souvient, Agnès, c'est bien le livre IV que tu me vantais avec lyrisme, right ? V'la l'début :


At regina graui iamdudum saucia cura
uolnus alit uenis et caeco carpitu igni.
Multa uiri uirtus animo multusque recursat
gentis honos ; haerent inflixi pectore uoltus
uerbaque, nec placidam membris dat cura quietem.
Postera Phoebea lustrabat lampade terras
unemtemque Aurora polo dimouerat umbram,
cum sic unanimam adloquitur mal sana sororem :
« Anna soror, quae me suspensam insomnia terrent !
quis nouos hic nostris successit sedibus hospes,
quem sese ore ferens, quam fortis pectore et armis !
Credo equidem, nec unana fides, genus esse deorum.
Degeneres animos timor arguit. Heu, quibos ille
iactatus fatis ! quae bella exhausta canebat !
Si mihi non animo fixum immotumque sederet
ne cui me uinclo uellem sociare ingali,
postquam primus amor deceptam morte fefellit ;
si non pertaesum thamali taedaeque fuisset,
huic uni forsan potui succumbere culpae.


Mais la reine depuis longtemps blessée d'un mal inguérissable nourrit sa plaie du sang de ses veines et se consume d'un feu caché. Sans cesse la valeur, sans cesse la noble ascendance du héros se représentent à son esprit ; traits du visage, parole restent gravés dans son coeur et le mal dont elle souffre refuse à ses membres l'apaisement, le repos.
Le lendemain, l'Aurore illuminait les terres du flambeau de Phébus, avait, à peine, au ciel dissipé l'ombre humide que, l'esprit égaré, elle s'adresse ainsi à sa soeur, son autre âme : «Anna ma soeur, quelles visions nocturnes m'inquiètent et m'effraient ! Quel est ce nouvel hôte entré dans nos demeures ! Quelle assurance sur son front ; quelle force dans son coeur et dans ses armes ! Oui, je le crois, et sans me tromper, il est bien de la race des dieux. La peur découvre les âmes sans noblesse. Lui, hélàs ! quels destins l'ont éprouvé ! Quelles guerres il nous contait, épuisées jusqu'au terme ! Si je ne retrouvais en moi, gravé dans mon âme, aussi ferme que jamais, le refus de m'unir à un homme dans les liens du mariage, après cette déception d'un premier amour que la mort m'a ravi, si je n'avais pris en horreur l'hymen et ses flambeaux, il est le seul pour qui j'ai pu avoir une faiblesse.

Enéide,
Virgile,
début du livre IV (Tome 1),
Les belles Lettres,
Texte établi et traduit par Jacques Perret
(que je trouve quand même lourdingue notamment sur le début du 2e paragraphe «Le lendemain, l'Aurore illuminait... avait...» et un poil décalé dans l'utilisation de la virgule, mais la critique est aisée).

J'ai hésité avec le fil «liseron», un des miens préférés. Je voudrais surtout pas passer pour une latiniste distinguée : là je viens de ramer grave. Mais c'est histoire d'ajouter une petite brique au soutien du latin et du grec (j'ai rien en VO grecque dans ma bibli, même pas Homère, et quand je me suis trouvée en Grèce actuelle, lire les panneaux routiers, les menus... me faisait ânonner péniblement avant de tenter de traduire ce que je pouvais, c'est à dire pas grand'chose). Tiens, j'avais noté une référence - toujours recommandée par Agnès - du style "le grec pour les nuls" ou "méthode assimil de grec", je l'ai en bas, mais pas sous la main. Ah oui, tout ça serait bien sur «liseron» !

Une question : ça signifie quoi «texte établi par» ? Ca laisse des "libertés" de retouche sur l'original ?

Zaza la Vandale



 
A.

16/03/2005
21:11
re : Hommage à Poésie sur parole

Il y a plusieurs manuscrits, qui présentent des versions (des leçons) différentes du texte, suivant les manuscrits d'origine, et la perpétuation par leurs "descendants" de telle ou telle variante ou erreur. Il y avait même des moines copistes qui ne comprenaient pas ce qu'ils copiaient, alors avec l'extrême économie de "papier" qu'exigeaient les parchemins, comme les mots étaient collés et les lignes serrées les unes contre les autres, c'était une source d'erreurs. L'éditeur est celui qui choisit telle ou telle leçon en fonction de son interprétation du texte, et qui propose des corrections lorsque le texte paraît corrompu. Oualà.

 
w

18/03/2005
14:14
One more traduc'

Je ne trouvais pas la traduction d'une joliesse extatique, "lourdingue", disais-je. Et comme en plus Agnès la trouve "discutable", j'ai fait un tour sur le site de remacle (merci pour le lien, Dom !)
http://remacle.org/
... et je trouve ça plus sexy, j'espère que les sauts de lignes qui respectent les vers ne parasitent pas trop la lecture.

4, 1 Mais la reine, blessée par l'angoisse oppressante de l'amour,

entretient son mal en ses veines, se consume en un feu secret.

Sans cesse lui reviennent à l'esprit la grande valeur, l'immense prestige

de la race du héros, dont les traits et les paroles restent fixés en son coeur ;

4, 5 l'inquiétude ne laisse point à ses membres la douceur du repos.

L'Aurore suivante parcourait la terre portant le flambeau de Phébus ;

elle avait à peine chassé du ciel les ombres humides que, l'esprit égaré,

Didon s'adresse ainsi à sa soeur, son intime confidente :

"Anne, ma soeur, des songes terrifiants me laissent perplexe !

4, 10 Tu vois cet hôte qui vient d'entrer en nos demeures ! Quelle noblesse

il porte sur son visage, avec ce coeur vaillant et ces faits d'armes !

Il est de la race des dieux, je le crois vraiment, et je ne me trompe pas !

La crainte dévoile les âmes viles. Mais lui, comme les destins l'ont malmené !

Et les guerres qu'il nous a contées, vécues jusqu'à l'épuisement !

4, 15 Si en mon coeur n'était arrêtée, fixe et irrévocable, ma volonté

de ne m'unir à aucun homme dans les liens du mariage,

depuis que la mort m'a déçue, me privant de mon premier amour,

si je n'avais pris en horreur la couche et les torches nuptiales,

pour lui seul peut-être aurais-je pu succomber à cette faute.




 
Agnès

18/03/2005
18:14
Un petit point de traduction

Merci, Wanda, celle-ci n'est pas mal, elle est de qui?
et elle a l'avantage de la disposition en vers, qui respecte qqch de la "respiration" du texte.
Mais "Sororem unanimam", c'est magnifique, c'est la soeur avec laquelle elle n'a qu'une seule âme, je dirais "la moitié de son âme"...

 
Louise

19/03/2005
23:45
re : Hommage à Poésie sur parole

Aujourd'hui fut beau et demain, c'est le Printemps
++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++

Impression de printemps Paul Verlaine

Il est des jours - avez-vous remarqué ? -
Où l'on se sent plus léger qu'un oiseau,
Plus jeune qu'un enfant, et, vrai ! plus gai
Que la même gaieté d'un damoiseau.

L'on se souvient sans bien se rappeler...
Évidemment l'on rêve, et non, pourtant.
L'on semble nager et l'on croirait voler.
L'on aime ardemment sans amour cependant

Tant est léger le coeur sous le ciel clair
Et tant l'on va, sûr de soi, plein de foi
Dans les autres, que l'on trompe avec l'air
D'être plutôt trompé gentiment, soi.

La vie est bonne et l'on voudrait mourir,
Bien que n'ayant pas peur du lendemain,
Un désir indécis s'en vient fleurir,
Dirait-on, au coeur plus et moins qu'humain.

Hélas ! faut-il que meure ce bonheur ?
Meurent plutôt la vie et son tourment !
Ô dieux cléments, gardez-moi du malheur
D'à jamais perdre un moment si charmant.
 
Agnès

20/03/2005
06:00
re : Hommage à Christine...de Pizan

Merci Louise, pour ce joli Verlaine ! C’est agréable de sentir passer le cours de la vie et le souffle de l'air printanier sur ces fils !

Quant à moi, j’ai trouvé le poème de Christine de Pizan que je recherchais. Seulement, je le tire d’une vieille anthologie qui a adapté les textes en français moderne – au plus près, pour les rendre lisibles – , je ne suis donc pas sûre de l’exactitude absolue du poème, mais somme toute, ce n’est pas grave !
C’est une ballade.

C’est douce chose que mariage
– Je le pourrais par moi prouver –
Pour qui a mari bon et sage
Comme Dieu me l’a fait trouver.
Loué soit celui qui sauver
Me le veuille, car son soutien,
Chaque jour je l’ai éprouvé,
Et certes, le doux m’aime bien.

La première nuit du mariage,
Dès ce moment, j’ai pu juger
Sa bonté, car aucun outrage
Ne tenta qui dût me blesser.
Et avant le temps du lever
Cent fois me baisa, m’en souviens,
Sans vilenie dérober,
Et certes le doux m’aime bien.

Il parlait cet exquis langage :
« Dieu m’a fait vers vous arriver,
Tendre amie, et pour votre usage,
Je crois, il voulut m’élever. »
Ainsi ne cessa de rêver
Toute la nuit en tel maintien,
Sans nullement en dévier,
Et certes, le doux m’aime bien.

Envoi : Princes, d’amour peut m’affoler
Quand il me dit qu’il est tout mien ;
De douceur me fera crever,
Et certes, le doux m’aime bien.

Et voici la plus célèbre ballade, (citée brièvement par Yann plus haut), où elle pleure la mort de son mari.

Seulette suis et seulette veux être,
Seulette m'a mon doux ami laissée,
Seulette suis, sans compagnon ni maître,
Seulette suis, dolente et courroucée
Seulette suis en langueur mésaisée,
Seulette suis plus que nulle égarée,
Seulette suis sans ami demeurée.


Seulette suis à huis ou à fenêtre,
Seulette suis en un anglet muchée,
Seulette suis pour moi de pleurs repaître,
Seulette suis, dolente ou apaisée,
Seulette suis, rien n'est qui tant me siée*,
Seulette suis en ma chambre enserrée,
Seulette suis sans ami demeurée.

Seulette suis partout et en tout être,
Seulette suis,où je voise ou je siée*
Seulette suis plus qu'autre rien terrestre,
Seulette suis de chacun délaissée,
Seulette suis durement abaissée,
Seulette suis souvent toute éplorée,
Seulette suis sans ami demeurée.

Princes, or est ma douleur commencée :
Seulette suis de tout deuil menacée,
Seulette suis plus teinte que morée*,
Seulette suis sans ami demeurée.

*(seye)
*(ou que j’aille ou m’asseye)
*(plus sombre que la mûre ?)



 
Toufoulkan

21/03/2005
11:08
re : Hommage à Poésie sur parole

En raison de Poésie sur Parole, le Carême protestant n'est plus diffusé à partir du 21 mars.

 
dom

21/03/2005
17:27
re : Hommage à Poésie sur parole

c'est bien ce fil, c'est calme.
 
Agnès

22/03/2005
22:05
Franchement inconvenant...

...ce soir.
Mais délicieusement exprimé.

Madame, je vous donne un oiseau pour étrenne
Duquel on ne saurait estimer la valeur;
S'il vous vient quelque ennui, maladie ou douleur,
Il vous rendra soudain à votre aise et bien saine.

Il n'est mal d'estomac, colique ni migraine
Qu'il ne puisse guérir, mais surtout il a l'heur
Que contre l'accident de la pâle couleur
Il porte avecque soi la drogue souveraine.

Une dame le vit dans ma main l'autre jour
Qui me dit que c'était un perroquet d'amour,
Et dès lors m'en offrit bon nombre de monnoie;

Des autres perroquets il diffère pourtant:
Car eux fuient la cage, et lui, il l'aime tant
Qu'il n'y est jamais mis qu'il n'en pleure de joie.

Isaac de Bensérade (1612 – 1691)


 
w

23/03/2005
10:18
re : Hommage à Poésie sur parole

Pas fait un tour sur le forum depuis qq jours, désolée pour le retard de réponse, Agnès : la traduc est des Remacle boys, c'est celle que j'ai trouvée sur le précieux site que Dom nous a indiqué.
 
Laurent Nadot

23/03/2005
12:40
Il va falloir écrire...

Poésie sur parole n'étant pas détruit, et la suppression de la séquence quotidienne étant très récente, on peut espérer la renaissance de cette dernière si la nouvelle direction entreprend non pas de défaire (lire : refaire) ce que Ginette a fait (lire : démoli), mais simplement si France-Culture est un peu restaurée en accord avec sa vocation et son cahier des charges.

En tous cas, les amateurs de ce fil sont concernés par une rediff de Une vie une oeuvre (autre merveille radio, pépinière de docus peut-être sauvée de peu apr le départ de Ginette) : dans la nuit de lundi à mardi, de 1h à 2h25
Une vie une oeuvre : Claude Hopil
Prod Michel Cazenave. 1ère diffusion : 21/11/99

LN
 
CA

23/03/2005
13:09
Soyons prêts

Oui, je me fais exactement la même réflexion pour PSP que pour les Décraqués et leurs quotidiennes supprimées par diktat adlerien. Dans un cas, comme dans l'autre, il ne s'agit que (que ? ) d'une parenthèse d'un an. Les équipes sont en place (moins Jean-Baptiste Para, moins Bertrand Jérôme), la formule de ces deux émissions est restée inchangée pendant ce temps.

Une fois que le successeur de la Dingue de la Maison de la Radio sera connu, et que sa ligne éditoriale sera annoncée, il va falloir être sur les starting-blocks pour écrire à la new Direction, et pas seulement ici.

(Quelques signataires de plus sur la pétition pour les Décraqués, , ça serait pas du luxe en ce moment, tiens, http://decraques.ouvaton.org

C.


 
Agnès

09/04/2005
22:22
Pour clore la semaine

Un peu de poésie? dans la veine suggérée par le fil aéré quoique Nadellien:

Marcher d'un grave pas, et d'un grave sourcil,
Et d'un grave souris à chacun faire fête,
Balancer tous ses mots, répondre de la tête,
Avec un "Messer non", ou bien un "Messer si" :

Entremêler souvent un petit "E cosi",
Et d'un "Son Servitor" contrefaire l'honnête,
Et comme si l'on eût sa part en la conquête,
Discourir sur Florence, et sur Naples aussi :

Seigneuriser chacun d'un baisement de main,
Et suivant la façon du courtisan Romain,
Cacher sa pauvreté d'une brave apparence :

Voilà de cette cour la plus grande vertu,
Dont souvent mal monté, mal sain, et mal vêtu,
Sans barbe et sans argent on s'en retourne en France.

***

Veux-tu savoir, Duthier, quelle chose c'est Rome ?
Rome est de tout le monde un publique échafaud*, *scène
Une scène, un théâtre, auquel rien ne défaut
De ce qui peut tomber ès actions de l'homme.

Ici se voit le jeu de la fortune, et comme
Sa main nous fait tourner ores bas, ores haut
Ici chacun se montre, et ne peut, tant soit caut*, *rusé
Faire que tel qu'il est, le peuple ne le nomme.

Ici du faux et vrai la messagère court,
Ici les courtisans font l'amour et la cour,
Ici l'ambition et la finesse abonde :

Ici la liberté fait l'humble audacieux,
Ici l'oisiveté rend le bon vicieux,
Ici le vil faquin discourt des faits du monde.

Joachim du Bellay (1522-1560) "Les regrets"






 
dom

09/04/2005
23:58
re : Hommage à Poésie sur parole

J'avoue Agnes que ce fil est particulierement sympa, je ne peux l'alimenter au sens ou la poesie et moi, ben, je ne peux que me contenter de la lire alors bon accepte cet encouragement; je ne peux pas faire plus.
 
A.

10/04/2005
16:51
re : Hommage à Poésie sur parole



 
Louise

15/04/2005
23:35
re : Hommage à Poésie sur parole

Vieille chanson du jeune temps

Je ne songeais pas à Rose ;
Rose au bois vint avec moi ;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.

J'étais froid comme les marbres ;
Je marchais à pas distraits ;
Je parlais des fleurs, des arbres
Son oeil semblait dire: " Après ? "

La rosée offrait ses perles,
Le taillis ses parasols ;
J'allais ; j'écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.

Moi, seize ans, et l'air morose ;
Elle, vingt ; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.

Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches
Je ne vis pas son bras blanc.

Une eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours ;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.

Rose défit sa chaussure,
Et mit, d'un air ingénu,
Son petit pied dans l'eau pure
Je ne vis pas son pied nu.

Je ne savais que lui dire ;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.

Je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds.
" Soit ; n'y pensons plus ! " dit-elle.
Depuis, j'y pense toujours.

Victor Hugo
http://poesie.webnet.fr/poemes/France/hugo/32.html
 
Agnès

16/04/2005
01:35
En chanson

Il en existe une délicieuse version chantée par Julos Beaucarne.

 
A.

16/04/2005
01:47
re : Hommage à Poésie sur parole

Eh bien voilà, Louise, j'ai répondu par anticipation à la question posée sur le fil "Clair de nuit".
Julos Beaucarne, c'est rudement bien, et il a mis un très grand nombre de poètes français et wallons en musique avec le plus grand bonheur.
Par exemple, "Vous aviez mon coeur" de Marceline Desbordes-Valmore. Chanté par une très pure voix de soprano, c'est magnifique:

Vous aviez mon coeur,
Moi, j'avais le vôtre :
Un coeur pour un coeur,
Bonheur pour bonheur !

Le vôtre est rendu,
Je n'en ai plus d'autre :
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu !

La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L'encens, la couleur,

Qu'en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu'en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?

Comme un pauvre enfant
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant
Que rien ne défend,

Vous me laissez là,
Dans ma vie amère ;
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !

Savez-vous qu'un jour
L'homme est seul au monde ?
Savez-vous qu'un jour
Il revoit l'Amour ?

Vous appellerez,
Sans qu'on vous réponde ;
Vous appellerez,
Et vous songerez !...

Vous viendrez rêvant
Sonner à ma porte ;
Ami comme avant,
Vous viendrez, rêvant,

Et l'on vous dira :
"Personne... elle est morte !"
On vous le dira,
Mais qui vous plaindra ?


Marceline DESBORDES-VALMORE ( Pauvres Fleurs, 1839)


 
Agnès

17/04/2005
00:10
More about Julos

Voilà un autre poème adorablement chanté par Julos Beaucarne, dans son disque "20 ans depuis 40 ans". Je suis allée l'écouter dans une petite salle de province: Ce type est une bête de scène, avec ses pulls arc-en-ciel en mohair tricoté à la main. Un autre de ses chefs-d'œuvre: le commentaire d'une strophe du "Lac" de Lamartine, avec l'accent belge. Et il a un site!!! http://www.julos.be/20ans/s10.html, où j'ai trouvé le poème, et les dates de ses tournées, plus un tas de fantaisies, et un nouveau disque de chansons d'amour, semble-t-il.

LA SOLOGNE
René de Obaldia

Vivement mes dix ans
(Ah! cogne mon coeur, cogne!)
Vivement mes dix ans
Pour aller en Sologne.
En Sologne la neige
Tombe jusqu'au mois d'août,
On y chasse en cortège
On y chasse le loup.

Des loups qui sont tout blancs
Mais avec des dents noires.
Leurs pattes de devant
Ecrivent des histoires.
En Sologne il y a
Princes et troïkas.
C'est un peu la Pologne
Mais en plus délicat.

Loups et Princes sans cesse
Font que fatalement
Surgissent des Princesses
Aux plus petits moments.
Des Princesses de neige
Avec des yeux de loup
Qui vous passent en rêve
Leur bras autour du cou.

L'une, vers moi s'avance
Et me dit en dormant :
Petit homme de France
Tu seras mon amant. "
Ah ! Viennent mes dix ans
Et bien plus davantage.
Qu'un tel frémissement
Fasse avancer mon âge !

Dans les forêts perdues
Quelque part en Sologne
Mon coeur déjà fendu
Bat pour les autochtones.
Mon corps sous les étoiles
Grandit à pas de loup.
Ma Princesse-Sans-Voiles
Dormez ! Je suis à vous.

Je serai fort et brave
Et, vous prenant la main,
Légers et pourtant graves
Irons par les chemins,
Les longs chemins d'automne
Qui mènent aux ronds-points
Où les loups de Sologne
Viennent lécher nos mains.


 
A

17/04/2005
00:15
Marche pas

http://www.julos.be/.
Là, ça devrait coller.

 
Yann

17/04/2005
22:40
re : Hommage à Poésie sur parole

J'ai un peu honte de rompre le charme du poème d'Agnès par celui-ci, qui est un poème d'Henri Michaux. Disons que par les néologismes et les barbarismes employés, on peut à loisir décharger par l'image son agressivité au sujet de ce qu'on veut (...) et revenir rasséréné.

Le grand combat

Il l'emparouille et l'endosque contre terre ;
Il le rague et le roupéte jusqu'à son drâle ;
Il le pratéle et le libucque et lui baroufle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l'écorcobalisse.
L'autre hésite, s'espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C'en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s'emmargine... mais en vain
Le cerveau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille,
Dans la marmite de son ventre est un grand secret.
Mégères alentours qui pleurez dans vos mouchoirs ;
On s'étonne, on s'étonne, on s'étonne
Et on vous regarde,
On cherche aussi, nous autres le Grand Secret.

Henri Michaux


Yann

 
Agnès

18/04/2005
14:23
re : Hommage à HM

J'adore Michaux en général, et "le grand combat" en particulier (in "Qui je fus", recueil publié dans les années 20, et pas repris je crois ensuite, peut-être en pléiade?)
Juste une petite correction de labableue de service:
V10: le cerCeau tombe qui a tant roulé... (ce qui n'exclut pas la traduction subliminale qu'en donne Yann...)
Qui trouve le magnifique contrepet que dissimule ce poème?


 
CA

18/04/2005
16:02
Poésie sans parole

Oh, "Le cerveau tombe qui a tant roulé" n'aurait peut-être pas été renié par Michaux...

"Qui je fus" est publié dans le volume L'espace du dedans (Pages choisies, 1927-1929), en Poésie Gallimard.

Allez, un autre poème bagarreur, dans le même volume, in : Mes propriétés, 1929.

Mes occupations

Je peux rarement voir quelqu'un sans le battre. D'autres préfèrent le monologue intérieur. Moi, non. J'aime mieux battre.
Il y a des gens qui s'asseoient en face de moi au restaurant et ne disent rien, ils restent un certain temps, car ils ont décidé de manger.
En voici un.
Je te l'agrippe, toc.
Je te le ragrippe, toc.
Je le pends au porte-manteau.
Je le décroche.
Je le repends.
Je le redécroche.
Je le mets sur la table, je le tasse et l'étouffe.
Je le salis, je l'inonde.
Il revit.
Je le rince, je l'étire (je commence à m'énerver, il faut en finir), je le masse, je le serre, je le résume et l'introduis dans mon verre, et jette ostensiblement le contenu par terre, et dis au garçon : "Mettez-moi don un verre plus propre".
Mais je me sens mal, je règle promptement l'addition et je m'en vais.

Pas trouvé le contrepet, car comme chacun sait depuis que François Caradec en a établi de façon infaillible la loi, le contrepet (et le cerveau contrapétique), comme la vision du stéréogramme ou la lecture de la carte routière, sont une spécialité toute masculine, hé, hé.

En revanche, et pour revenir au titre de ce fil, s'il y a une émission qui va finir par sombrer dans un silence définitif, c'est bien Poésie sur (ou sans ? ) parole. Elle s'en passerait bien. Il y a eu d'abord les divers Carêmes et comme par hasard, c'est PSP, qui a dû céder la place, la poésie, comme l'humour étant les parties compressibles de la programmation, selon LA. Puis à présent la grève. Jugez-en vous-mêmes.

17/04/2005   Emission non diffusée pour cause de grève  
    10/04/2005   Emission non diffusée pour cause de grève  
    03/04/2005   Pierre Jean Jouve selon Franck Venaille   27/03/2005   Jean Malrieu ; Antoine Emaz  
    20/03/2005   Emission remplacée, VI  
    13/03/2005   Emission remplacée, V  
    06/03/2005   Emission remplacée, IV  
    27/02/2005   Emission remplacée, III  
    20/02/2005   Emission remplacée, II  
    13/02/2005   Emission remplacée, I

Mauvais temps pour PSP et pour André Velter.

Christine
 
baroème

18/04/2005
17:01
re : Hommage à Poésie sur parole


à partir de cause de grève
pour barème protestant
Poésie sur Parole
diffusée en raison
n'est plus
 
Yann

19/04/2005
01:39
re : Hommage à Poésie sur parole

Héhé, il y a de la transmission de pensée, Christine m'a grillé avec le deuxième pouème de Michaux .
(et le contrepet, ben alors, trop faciiiile, vous ne voyez pas? ).
Il y a de la catharsis dans la violence et son spectacle chez Michaux. Dans le Voyage en Grande Garabagne, je crois, elle est souvent ritualisée, donnée à voir comme liant social essentiel...

L'énumération du poème de Christine m'a rappelé un poème étudié il y beau temps en Terminale, de Xavier Forneret (1809-1884), et qui avait soulevé des "gasp", "argl", "euah??" au fur et à mesure que tous finissaient de lire, à leur vitesses différentes:

Le Pauvre Honteux

Il l'a tiré
De sa poche percée,
L'a mise sous ses yeux ;
Et l'a bien regardée
En disant : « Malheureux ! »

Il l'a soufflée
De sa bouche humectée ;
Il avait presque peur
D'une horrible pensée
Qui vint le prendre au cœur.

Il l'a mouillée
D'une larme gelée
Qui fondit par hasard ;
Sa chambre était trouée
Encor plus qu'un bazar.

Il l'a frottée,
Ne l'a pas réchauffée,
A peine il la sentait ;
Car, par le froid pincée
Elle se retirait.

Il l'a pesée
Comme on pèse une idée,
En l'appuyant sur l'air.
Puis il l'a mesurée
Avec du fil de fer.

Il l'a touchée
De sa lèvre ridée. -
D'un frénétique effroi
Elle s'est écriée :
Adieu, embrasse-moi !

Il l'a baissée,
Et après l'a croisée
Sur l'horloge du corps,
Qui rendait, mal montée,
De mats et lourds accords.

Il l'a palpée
D'une main décidée
A la faire mourir. -
- Oui, c'est une bouchée
Dont on peut se nourrir.

Il l'a pliée,
Il l'a cassée,
Il l'a placée,
Il l'a coupée,
Il l'a lavée,
Il l'a portée,
Il l'a grillée,
Il l'a mangée.

Quand il n'était pas grand, on lui avait dit :
Si tu as faim, mange une de tes mains.





Douloureux, non?
J'espère qu'on n'aura pas comme dernier recours à manger Poésie sur Parole...

Yann (qui compte ses dolipranes sur ses doigts)


 
Agnès

19/04/2005
05:13
Autre amoureux de la poésie

J'ai découvert le poème de Forneret il y a .... dans le bouquin dont je crois qu'il m'a ouvert la porte de la poésie: "Le livre d'or de la poésie française" de Pierre Seghers, à l'époque chez Marabout université, avec au milieu du gros volume très mal relié et qui partait rapidement en feuilles éparses (c'est encore pire aujourd'hui!), des pages et des pages de photos et dessins des poètes cités et brièvement présentés avec passion et justesse. Il y a eu ensuite une édition sur plus moche papier et sans les photos, et à présent, il est épuisé. Seghers, c'était un extraordinaire transmetteur de poésie. Sa collection: Poètes d'aujourd'hui, petit format carré avec une photo sur la couverture, était un voyage amoureux toujours renouvelé.
(Alors qu'on trouve toujours la détestable et académique anthologie de Pompidou en poche: poèmes tronqués en dépit du bon sens etc.., le contraire d'un lieu de découverte.)

 
w

19/04/2005
15:28
Baobabs, baobabs, Baobabs...

J'entends le nom de Michaux, et je vois des baobabs partout.

Le livre d'or de la poésie française est disponible (via Amazon) d'occasion, entre 10 et 15 neurones l'exemplaire, selon les tomes et le reste. Notamment chez Marabout poche.

Dépêchez-vous tant qu'il en reste !

I.


 
Agnès

21/04/2005
18:00
Un peu de lyrisme humaniste

Pour Josué, qui est saisi d'un accès de misanthropie, qui pour être justifiée, n'en est pas moins amère.
Ça date un peu, mais j'aime bien.

Credo

Je crois en l'homme cette ordure,
Je crois en l'homme ce fumier,
Ce sable mouvant, cette eau morte.
Je crois en l'homme ce tordu,
Cette vessie de vanité.

Je crois en l'homme cette pommade,
Ce grelot, cette plume au vent,
Ce boute-feu, ce fouille-merde,
Je crois en l'homme, ce lèche-sang.

Malgré tout ce qu'il a pu faire de mortel et d'irréparable,
Je crois en lui, pour la sûreté de sa main,
Pour son goût de la liberté
Pour le jeu de sa fantaisie
Pour son vertige devant l'étoile.

Je crois en lui pour le sel de son amitié
Pour l'eau de ses yeux
Pour son rire
Pour son élan et ses faiblesses

Je crois en lui à tout jamais
Pour une main qui s'est tendue
Pour un regard qui s'est offert

Et puis surtout et avant tout
Pour le simple accueil d'un berger.

Lucien Jacques (in Pierre Seghers, "Le livre d'or de la poésie française contemporaine")
(1891-1961)
Né en Lorraine en 1891, il vit sa jeunesse à Paris. Il se découvre une vocation artistique pour la peinture, la gravure et l'écriture. Il ouvre une boutique à Saint-Germain et créé les "Cahiers de l'artisan". En 1921, il s'installe dans le Sud-Est. Pendant la guerre, il est berger au Contadour et à Montlaux. Lorsqu'il tient une chronique dans la revue La Criée, il tombe sous le charme des poèmes de Jean Giono. Une correspondance s'engage entre les deux écrivains qui s'épaulent et se conseillent. Naît entre eux une longue et profonde amitié. Pacifiste, passionné par les arts, Lucien Jacques dit dans ses poèmes sa foi en l'homme.
Tombeau d'un berger, l'artisan, 1953, réédition Mane, Alpes de lumière, 1999



 
josué

24/04/2005
04:50
re : Hommage à Poésie sur parole

Ah merci!
de me remémorer ce poème
je te rassure, ça va beaucoup mieux
(d'ailleurs ces accès, heureusement, ne durent que quelques instants: le temps que ça sorte)
j.
 
Agnès

03/05/2005
04:59
re : Hommage à Poésie sur parole

En 1913 paraissait un texte à tout jamais insolite et neuf, dans sa forme poétique comme dans sa forme matérielle. Publié aux éditions « Des hommes nouveaux » par l’auteur soi-même, génial, torturé, fauché, auteur, sujet et éditeur d’un ouvrage qui allait provoquer dans le petit milieu parisien un scandale dû avant tout à l’incompréhension, au préjugé et à l’ignorance : « le premier poème simultané », annonçait le prospectus, mince bande de papier peinte au pochoir par Sonia Delaunay, née Terck, russe d’origine et amie de Blaise Cendrars, car c’est de lui qu’il s’agit.
« La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France », immense dépliant de 2m de long sur 36 cm de large, prévue pour être tirée à 150 exemplaires, l’édition originale atteignant ainsi la hauteur de la Tour Eiffel. A droite, le texte, imprimé en divers caractères colorés de tailles diverses, à gauche, un ruissellement de couleurs, une composition, transposition colorée inspirée à Sonia Delaunay par le récit d’un voyage initiatique. La traversée en Transsibérien de la Russie à feu et à sang pendant la guerre russo-japonaise de 1904/5 par un adolescent à feu et à sang, qui trouvera dans le poème son nom et son écriture. J’ai découvert ce texte adolescente dans l’anthologie de Seghers. Depuis, il ne m’a plus quittée. J’ai eu la chance de le voir « en vrai » : immense dépliant, poème tableau, « ruissellement de couleurs » « bariolé / comme ma vie », dit le poète. 449 vers, si j’ai bien compté cet accordéon rythmique hanté par le rythme du train, du monosyllabe au verset de plus de 50 syllabes, de Moscou à Kharbine, puis à Paris, de l’adolescence tourmentée à un âge d’homme plus apaisé.
C’est en poésie-Gallimard, in « Du monde entier », il n’y reste rien de la magie du livre originel, mais la musique du poème y vibre avec toute sa force.

Blaise CENDRARS
PROSE DU TRANSSIBERIEN ET DE LA PETITE JEANNE DE FRANCE

Dédiée aux musiciens

En ce temps-là j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J’étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était alors si ardente et si folle
Que mon cœur, tour à tour, brûlait comme le temple d’Éphèse ou comme la Place Rouge de Moscou
Quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j’étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu’au bout.

Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare
Croustillé d’or,
Avec les grandes amandes des cathédrales toutes blanches
Et l’or mielleux des cloches...
Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode
J’avais soif
Et je déchiffrais des caractères cunéiformes
Puis, tout à coup, les pigeons du Saint-Esprit s’envolaient sur la place
Et mes mains s’envolaient aussi, avec des bruissements d’albatros
Et ceci, c’était les dernières réminiscences du dernier jour
Du tout dernier voyage
Et de la mer.

Pourtant, j’étais fort mauvais poète.
Je ne savais pas aller jusqu’au bout.
J’avais faim
Et tous les jours et toutes les femmes dans les cafés et tous les verres
J’aurais voulu les boire et les casser
Et toutes les vitrines et toutes les rues
Et toutes les maisons et toutes les vies
Et toutes les roues des fiacres qui tournaient en tourbillon sur les mauvais
pavés
J’aurais voulu les plonger dans une fournaise de glaives
Et j’aurais voulu broyer tous les os
Et arracher toutes les langues
Et liquéfier tous ces grands corps étranges et nus sous les vêtements qui
m’affolent...
Je pressentais la venue du grand Christ rouge de la révolution russe...
Et le soleil était une mauvaise plaie
Qui s’ouvrait comme un brasier.

...
 
A

03/05/2005
05:01
Ouverture

Il s'agit des trois 1ères strophes...

 
Agnès

09/05/2005
22:05
Suite du poème

En ce temps-là j'étais en mon adolescence
J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de ma naissance
J'étais à Moscou où je voulais me nourrir de flammes
Et je n'avais pas assez des tours et des gares que constellaient mes yeux
En Sibérie tonnait le canon, c'était la guerre
La faim le froid la peste le choléra
Et les eaux limoneuses de l'Amour charriaient des millions de charognes
Dans toutes les gares je voyais partir tous les derniers trains
Personne ne pouvait plus partir car on ne délivrait plus de billets
Et les soldats qui s'en allaient auraient bien voulu rester...
Un vieux moine me chantait la légende de Novgorode.

Moi, le mauvais poète, qui ne voulais aller nulle part, je pouvais aller partout
Et aussi les marchands avaient encore assez d'argent
Pour aller tenter faire fortune.
Leur train partait tous les vendredis matin.
On disait qu'il y avait beaucoup de morts.
L'un emportait cent caisses de réveils et de coucous de la Forêt Noire
Un autre, des boites à chapeaux, des cylindres et un assortiment de tire-bouchons de Sheffield
Un autre, des cercueils de Malmoë remplis de boites de conserve et de sardines à l'huile
Puis il y avait beaucoup de femmes
Des femmes des entre-jambes à louer qui pouvaient aussi servir
Des cercueils
Elles étaient toutes patentées
On disait qu'il y a avait beaucoup de morts là-bas
Elles voyageaient à prix réduits
Et avaient toutes un compte courant à la banque.



 
sam s.

09/05/2005
22:45
re : Hommage à Poésie sur parole

aveuglement complet... André Velter est un type assez ridicule et l'un des premiers soutiens de Laure Adler! Il s'en tape de la poésie (sauf si elle peut lui payer des voyages exotiques...)

 
CA

09/05/2005
23:03
sam suffit pas

Eh bien, au moins, voilà des propos, à 22h45, qui ne reposent pas sur du jugement à l'emporte-pièce. Merci de vous être donné la peine d'argumenter vos affirmations, fallait pas vous donner tout ce mal. Un plaisir de vous lire, vraiment. Le genre de contribe qui fera date. Mais si ça vous suffit, vous, ça ne nous suffit guère, voyez-vous, car l'habitude ici, c'est que chacun à sa façon, se donne la peine de développer son avis (Je dis cela parce que vous avez l'air d'être un néo-connecté, il faut vous mettre au courant ).

Ben dites-donc, quel scoop.Velter soutien de Laure Adler ? Poésie sur parole privée de quotidienne, Para dans les choux...

Vous avez l'air si sûr de vous, que nous ne doutons pas un seul; instant que vous ayez des infos fondamentales à ce sujet, dont nous autres pauvres béotiens ne disposont pas. Merci de nous les faire partager et de nous dessiller les yeux.

Une aveuglée.


 
pat

09/05/2005
23:35
re : Hommage à Poésie sur parole

Ben avec une amie comme Laure, Velter n'a plus besoin d'ennemis !

Plaisanterie mise à part, ici c'est un forum d'auditeurs et donc on ne juge pas la cuisine interne (faute d'infos) mais le résultat à l'antenne : disparition des poèmes quotidiens et disparition de JBPara (à moins que FQ estime faire de la poésie sonore en repetant ad nauseum des jingles débiles?)

La poésie est tellement déconsidérée que c'etait vraiment une signature forte de FQ d'avoir des poèmes dans la grille.
 
pg

10/05/2005
10:44
re : Hommage à Poésie sur parole

cher sam
dîtes en un peu plus. "aveuglement complet" c'est un peu fort.
Que savez vous d'André Velter qui justifierait que l'on ne respecte pas (même un peu) son travail sur FC. Vos allusions ont des airs de mesquineries de voisinage.
L'argument d'un soutien à Laure Adler ne tient pas trop la route, car la beaucoup des actuels auditeurs mécontents pourraient être de ce lot.
Et il peut bien "s'en taper de la poésie" que je m'en tape aussi, mais j'ai du mal à y croire.
L'important c'est ce qu'il produit comme émission, et ce qu'on nous a sucré.
Et le reproche des voyages, alors là, c'est vraiment digne d'un propos de commère.
Vous avez le droit de ne pas aimer, mais il faudrait nous dire pourquoi calmement plutôt que d'allusionner.
Et éventuellement, vous pouvez faire de belles suggestions pour le fil "livre d'or".
 
Agnès

15/05/2005
17:02
re : Hommage à Poésie sur parole

Voici un dimanche où j'ai pu écouter, pour la 1ère fois depuis bien longtemps, l'émission du "type assez ridicule", sur la poésie marocaine contemporaine, avec Abdellatif Laabi, auteur d'une récente anthologie de ladite depuis l'indépendance, chez La Différence.
D'où il ressort que
*j'aime beaucoup le "type assez ridicule", et même sa voix si familière quoiqu'un peu voilée et sans doute un peu trop juvénile,
* j'ai toujours plaisir à écouter son émission, mais elle a perdu beaucoup en perdant ses brèves quotidiennes, qui créaient une sorte de "bain" poétique dont l'émission du dimanche était la caisse de résonnance (ou l'inverse). Toute seule, elle a qqch d'un peu didactique qui atténue le plaisir.

 
Agnès

16/05/2005
23:19
un peu de lyrisme, envers et contre tout

Or, un vendredi matin, ce fut enfin mon tour
On était en décembre
Et je partis moi aussi pour accompagner le voyageur en bijouterie qui se rendait à Kharbine
Nous avions deux coupés dans l'express et 34 coffres de joailleries de Pforzheim
De la camelote allemande "Made in Germany"
Il m'avait habillé de neuf et en montant dans le train j'avais perdu un bouton
- Je m'en souviens, je m'en souviens, j'y ai souvent pensé depuis -
Je couchais sur les coffres et j'étais tout heureux de pouvoir jouer avec le browning nickelé qu'il m'avait aussi donné
J'étais très heureux insouciant
Je croyais jouer aux brigands
Nous avions volé le trésor de Golconde
Et nous allions, grâce au Transsibérien, le cacher de l'autre côté du monde
Je devais le défendre contre les voleurs de l'Oural qui avaient attaqué les saltimbanques de Jules Verne
Contre les khoungouzes, les boxers de la Chine
Et les enragés petits mongols du Grand-Lama
Alibaba et les quarante voleurs
Et les fidèles du terrible Vieux de la montagne
Et surtout contre les plus modernes
Les rats d'hôtels
Et les spécialistes des express internationaux.

Et pourtant, et pourtant
J'étais triste comme un enfant
Les rythmes du train
La "moëlle-chemin-de-fer" des psychiatres américains
Le bruit des portes des voix des essieux grinçant sur les rails congelés
Le ferlin d'or de mon avenir
Mon browning le piano et les jurons des joueurs de cartes dans le compartiment d'à côté
L'épatante présence de Jeanne
L'homme aux lunettes bleues qui se promenait nerveusement dans le couloir et me regardait en passant
Froissis de femmes
Et le sifflement de la vapeur
Et le bruit éternel des roues en folie dans les ornières du ciel
Les vitres sont givrées
Pas de nature!
Et derrière, les plaines sibériennes le ciel bas et les grands ombres des Taciturnes qui montent et qui descendent

Je suis couché dans un plaid
Bariolé
Comme ma vie
Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle
Écossais
Et l'Europe toute entière aperçue au coupe-vent d'un express à toute vapeur
N'est pas plus riche que ma vie
Ma pauvre vie
Ce châle
Effiloché sur des coffres remplis d'or
Avec lesquels je roule
Que je rêve
Que je fume
Et la seule flamme de l'univers
Est une pauvre pensée...

Du fond de mon coeur des larmes me viennent
Si je pense, Amour, à ma maîtresse;
Elle n'est qu'une enfant que je trouvai ainsi
Pâle, immaculée au fond d'un bordel.

Ce n'est qu'une enfant, blonde rieuse et triste;
Elle ne sourit pas et ne pleure jamais;
Mais au fond de ses yeux, quand elle vous y laisse boire
Tremble un doux Lys d'argent, la fleur du poète.

Elle est douce et muette, sans aucun reproche,
Avec un long tressaillement à votre approche;
Mais quand moi je lui viens, de ci, de là, de fête,
Elle fait un pas, puis ferme les yeux - et fait un pas.

Car elle est mon amour et les autres femmes
N'ont que des robes d'or sur de grands corps de flammes,
Ma pauvre amie est si esseulée,
Elle est toute nue, n'a pas de corps - elle est trop pauvre.

Elle n'est qu'une fleur candide, fluette,
La fleur du poète, un pauvre lys d'argent,
Tout froid, tout seul, et déjà si fané‚
Que les larmes me viennent si je pense à son coeur.
Et cette nuit est pareille à cent mille autres quand un train file dans la nuit
- Les comètes tombent -
Et que l'homme et la femme, même jeunes, s'amusent à faire l'amour.


 
AArgh!!!

06/07/2005
13:54
Quittons la gnangnantise...

XIII

Roses,
Presque lèvres,
Presque corps,

Roses,
Plus que fleurs,
Presque porte à l'entrée
Du corps qu'on touchera,

Près de vous je sais mieux
Ce que c'est que des lèvres
Et ce qu'apporte un corps.

Eugène Guillevic - "Terre à bonheur"
 
NB

06/07/2005
14:14
Cendrars - Guillevic

Il va de soi que le qualificatif "gnangan" concerne les messages de "mamn", et pas la poésie de Cendrars!

 
Agnès

07/07/2005
01:36
Un autre, tiens, pour la route...



J'ai vu le menuisier
Tirer parti du bois.

J'ai vu le menuisier
Comparer plusieurs planches.

J'ai vu le menuisier
Caresser la plus belle.

J'ai vu le menuisier
Approcher le rabot.

J'ai vu le menuisier
Donner la juste forme.

Tu chantais, menuisier,
En assemblant l'armoire.

Je garde ton image
Avec l'odeur du bois.

Moi, j'assemble des mots
Et c'est un peu pareil.

Eugène GUILLEVIC




 
LRDR

07/07/2005
01:39
Les rocs ...

Ay qué dommage... je suis trop loin de chez moi.
Je n'ai pas mon Guillevic par Tortel sous la main.

Agnès par pitié : mettez nous les Rocs sivoplit...
(après je serai sage. promis)

"Il ne le sauront pas...
Et toujours ils n'auront...."

Allez un bon mouvement quoi...

La reine des rocs
 
A.

07/07/2005
01:51
Rocs

Sorry, la reine, je ne connais pas ce poème, et je ne sais pas où est mon Guillevic. Je cherche.


 
La reine des pierres

07/07/2005
01:56
Le club des planeurs

Seigneur je ne suis même pas sur de savoir dans quel recueil. Terraqué peut-être.

Une dizaine de strophes aussi ramassées que des haïkus.
 
LRDB

07/07/2005
03:03
Restons dans le minéral

Impossible de trouver "Les rocs" sur le net, Damn it...
En revanche j'ai trouvé "Icebergs".
Très approprié en ces temps de gel radiophonique...
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Icebergs

Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture, où de vieux cormorans abattus et les âmes des matelots morts récemment viennent s'accouder aux nuits enchanteresses de l`hyperboréal.

Icebergs, Icebergs, cathédrales sans religion de l'hiver éternel, enrobés dans la calotte glaciaire de la planète Terre. Combien hauts, combien purs sont tes bords enfantés par le froid.

Icebergs, Icebergs, dos du Nord-Atlantique, augustes Bouddhas gelés sur des mers incontemplées. Phares scintillants de la Mort sans issue, le cri éperdu du silence dure des siècles.

Icebergs, Icebergs, Solitaires sans besoin, des pays bouchés, distants, et libres de vermine. Parents des îles, parents des sources, comme je vous vois, comme vous m'êtes familiers...

HM (La Nuit remue)
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La reine des glaces
 
Agnès

07/07/2005
09:34
Brisants

Je n'ai trouvé que des fragments, des éclats de rocs, des récifs émergés...
C'est bien dans "Terraqué", que je n'ai pas.

"Ils ne le sauront pas les rocs qu'on parle d'eux, et toujours ils n'auront pour tenir que grandeur, et que l'oubli de la marée, des soleils rouges".

[...]

La danse est en eux,
La flamme est en eux,
Quand bon leur semble.

Ce n’est pas un spectacle devant eux,
C’est en eux.

C’est la danse de leur intime
Et lucide folie.

(...)

Mais le pire est toujours
D’être en dehors de soi
Quand la folie
N’est plus lucide.

D’être le spouvenir d’un roc et l’étendue
Vers le dehors et vers le vague. "

Et aussi:
..."Mais c'est bon pour les rocs
D'être seuls et fermés
Sur leur travail de nuit

Et peut-être qu'ils savent
Vaincre tout seuls leur fièvre
Et résister tout seuls."
("Avec")


 
PC

07/07/2005
17:51
re : Hommage à Poésie sur parole

Icebergs : splendide poème, dont j'avais oublié la beauté...Merci
 
Louise

07/07/2005
23:24
re : Hommage à Poésie sur parole

Le forumeur invisible a encore frappé.
Il a écrit un message à 22:36,
Il n’aura existé que là :

Sujet Expéditeur Réponses Date
Arnaud Laporte Question 20 07/07/2005 - 22:53
Hommage à Poésie sur parole DDFC 100 07/07/2005 - 22:36

ou peut-être 22:34 , car vous l'aurez remarqué, il y a des sauts de minutes entre l'écriture et l'envoi, c'est comme pour les fautes d'orthographe, personne n'en fait (sauf les personnes qui se corrigent) elles se font malicieusement pendant l'envoi.



 
DDFC

08/07/2005
00:00
re : Hommage à Poésie sur parole

Le forumeur invisible, c'était moi car en voyant ce fil réapparaître, j'ai eu envie de rajouter un PS dans mon message initial du 6 octobre. L'insertion du PS a fait remonter le fil à 22h36.

Quant au décalage des horloges, c'est un mystère...


 
La reine des biblio

08/07/2005
00:44
-thèques municipales

Les Rocs :

- I -

Ils ne le sauront pas les rocs,
Qu'on parle d'eux

Et toujours ils n'auront pour tenir,
Que grandeur

Et que l'oubli de la marée,
Des soleils rouges.

- II -

Ils n'ont pas le besoin du rire
Ou de l'ivresse.

Ils ne font pas brûler
Du souffre dans le noir

Car jamais
Ils n'ont craint la mort.

De la peur
Ils ont fait un hôte

Et leur folie
Est clairvoyante

- III -

Et puis la joie

De savoir la menace
Et de durer.

Pendant que sur les bords
De la pierre les quitte.

Que la vague et le vent grattaient
Pendant leur sieste.

- IV -

Ils n'ont pas à porter leur face
Comme un supplice.

Ils n'ont pas à porter de face
Où tout se lit.

- V -

La danse est en eux,
La flamme est en eux,
Quand bon leur semble.

Ce n'est pas un spectacle devant eux,
C'est en eux.

C'est la danse de leur intime
Et lucide folie.

C'est la flamme en eux
Du noyau de braise.

- VI -

Ils n'ont pas voulu être le temple
Où se complaire.

Mais la menace est toujours là
Dans le dehors.

Et la joie
Leur vient d'eux seuls.

Que la mer soit grise
Ou pourrie de bleu.

- VII -

Ils sentent le dedans,
Ils savent le dehors.

Peut-être parfois l'auront-ils béni
De les limiter :

La toute puissance
N'est pas leur faible.

- VIII -

Parfois dans leur nuit
C'est un grondement
Qui longtemps résonne.

Et leur grain se noie
Dans un vaste effroi :

Ils ne savaient plus
Qu'ils avaient une voix.

- IX -

Il arrive qu'un bloc
Se détache et tombe.

Tombe à perdre haleine
Dans la mer liquide.

Ils n'étaient donc bien
que des blocs de pierre.

Un lieu de la danse
Que la danse épuise.

- X -

Mais le pire est toujours
D'être en dehors de soi
Quand la folie
N'est plus lucide.

D'être le souvenir d'un roc et l'étendue
Vers le dehors et vers le vague.


(Eugène) Guillevic - Terraqué (1942)
 
Agnès

08/07/2005
02:04
re : Hommage à Poésie sur parole

Thanks. Très beau poème.

 
P.

08/07/2005
09:05
re : Hommage à Poésie sur parole

D'accord, Agnès !
 
Agnès

09/07/2005
08:35
"Chants d'en bas"

En hommage aux nombreux morts dont ce forum a évoqué le souvenir ces derniers temps, ce poème de Philippe Jaccottet, le dernier du recueil "Leçons", inspiré par l'agonie et la mort de son beau-père et ami.


Toi cependant,

ou tout à fait effacé,
et nous laissant moins de cendres
que feu d'hiver au coin d'un foyer,

Ou invisible habitant l'invisible,

ou graine dans la loge de nos cœurs,

quoi qu'il en soit,

demeure en modèle de patience et de sourire
tel le soleil dans notre dos encore
qui éclaire la table, et la page, et les raisins.

 
Agnès

03/09/2005
09:15
Nos frères les animaux

(..)
- et le chien fauve et souple
Qui avalait si bien le lait
Quand il nous vint;
Qui l'acceptait de nous, qui paraissait
Jouer franc jeu avec nos mains.

Et qui se révéla bête des grands chemins
Et du hasard, bête à batailles,
Bête à mettre en lambeaux
Celui qui siffle gai et qui demande qu'on l'accompagne.

Le chien qui nous narguait,
Qui se savait plus fort,
En vertu d'une loi
Dont bleuissaient ses yeux.

Qui aimait la volaille chaude
Et tout détruire.

La bête au souffle chaud, bête à dents et à muqueuses,
Le compagnon peut-être ans les champs
Des guêpes terrifiantes qu'il allait joindre
Ou commander.

Gardien d'on ne sait quoi
De nocturne et du sang
Contre l'humain.

Guillevic – ("Terraqué")
Poème dédié à Audiberti

 
Agnès

12/09/2005
00:00
Changement de ton

Une petite épigramme de Martial, revue et corrigée par Marot:
Pauline est riche et me veut bien
Pour époux. Je n'en ferai rien,
Car tant vieille elle est que j'en ai honte;
S'elle était plus vieille d'un tiers,
Je la prendrai plus volontiers
Car la dépêche en serait prompte.



 
Agnès

11/10/2005
10:01
Obstinément

Sans illusions, notre poète au nom si joliment évocateur...

Sonnet des gestes des Dames

S'habiller bravement, s'ombrer de fards menteurs,
D'un mauvais mot nous feindre une éloquence,
Apprendre à bégayer, n'aller qu'à révérence,
Et n'être aucunement sans servants serviteurs,

Recevoir le poulet, le plumer par humeurs,
Porter un éventail qui sert de contenance,
Avoir plus d'appareil que de vraie contenance,
Et hiéroglyphiquer en bizarres couleurs,

Naviguer à tous vents, adorer la fortune,
Faire bien les yeux doux, faire toujours la jeune,
Babiller, brocarder, médire nuit et jour,

Se mirer à toute heure haussant la chevelure,
Mettre en parlant d'amour des pièces sans couture,
Ce sont les actions des Dames de la Cour.
Marc de PAPILLON DE LASPHRISE (1555-1599)






 
AArgh!!!

11/10/2005
10:02
re : Hommage à Poésie sur parole

Oups! Le pingouin est arrivé là en fraude... Apprendre à bégayer!

 
Agnès

16/10/2005
18:27
Petite gourmandise dominicale

Plat de poissons frits

Goût, vue, ouïe, odorat... c'est instantané :
Lorsque le poisson de mer cuit à l'huile s'entr'ouvre, un jour de soleil sur la nappe, et que les grandes épées qu'il comporte sont prêtes à joncher le sol, que la peau se détache comme la pellicule impressionnable parfois de la plaque exagérément révélée (mais tout ici est beaucoup plus savoureux), ou (comment pourrions-nous dire encore?)... Non, c'est trop bon! Ça fait comme une boulette élastique, un caramel de peau de poisson bien grillée au fond de la poêle...
Goût, vue, ouïes, odaurades: cet instant safrané...
C'est alors, au moment qu'on s'apprête à déguster les filets encore vierges, oui ! Sète alors que la haute fenêtre s'ouvre, que la voilure claque et que le pont du petit navire penche vertigineusement sur les flots,
tandis qu'un petit phare de vin doré -qui se tient bien vertical sur la nappe- luit à notre portée.
Francis Ponge,"Pièces".

 
Agnès

20/10/2005
02:12
Monomanie chronique

L'homme insulté qui se retient
Est, à coup sûr, doux et patient,
Par contre l'homme à l'humeur aigre
Gifle celui qui le dénigre.
Moi, je n'agis qu'à bon escient:
Mais gare aux fâcheux qui me scient!
Qu'ils soient de Château-l'Abbaye
Ou nés à Saint Germain-en-Laye,
Je les rejoins d'où qu'ils émanent,
Car mon courroux est permanent.
Ces gens qui se croient des Shakespeares
Ou rois des îles Baléares!
Qui, tels des condors se soulèvent!
Mieux vaut le moindre engoulevent,
Par le diable, sans être un aigle,
Je vois clair et ne suis pas bigle.
Fi des idiots qui balbutient!
Gloire au savant qui m'entretient!

(Alphonse Allais, encore!)


 
Agnès

20/10/2005
17:59
Fragments d'Apollinaire

Un peu de Chanson du Mal-Aimé, puisque Nazdeb parle d'Apo.
C'est envoûtant, quoique sibyllin.
[...]
Mon beau navire ô ma mémoire
Avons-nous assez navigué
Dans une onde mauvaise à boire
Avons-nous assez divagué
De la belle aube au triste soir

Adieu faux amour confondu
Avec la femme qui s'éloigne
Avec celle que j'ai perdue
L'année dernière en Allemagne
Et que je ne reverrai plus

Voie lactée ô soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses

Je me souviens d'une autre année
C'était l'aube d'un jour d'avril
J'ai chanté ma joie bien-aimée
Chanté l'amour à voix virile
Au moment d'amour de l'année

AUBADE
CHANTÉE A LAETARE, UN AN PASSÉ

C'est le printemps viens-t'en Pâquette
Te promener au bois joli
Les poules dans la cour caquètent
L'aube au ciel fait de roses plis
L'amour chemine à ta conquête

Mars et Vénus sont revenus
Ils s'embrassent à bouches folles
Devant des sites ingénus
Où sous les roses qui feuillolent
De beaux dieux roses dansent nus

Viens ma tendresse est la régente
De la floraison qui paraît
La nature est belle et touchante
Pan sifflote dans la forêt
Les grenouilles humides chantent

[...]



 
Agnès

23/10/2005
08:22
re : Hommage à Poésie sur parole

Encore un peu de Chanson du Mal-Aimé, beaucoup moins lyrique!
[…]
Devenez-mes-sujets-fidèles
Leur avait écrit le Sultan
Ils rirent à cette nouvelle
Et répondirent à l'instant
A la lueur d'une chandelle

RÉPONSE DES COSAQUES ZAPOROGUES
AU SULTAN DE CONSTANTINOPLE

Plus criminel que Barrabas
Cornu comme les mauvais anges
Quel Belzébuth es-tu là-bas
Nourri d'immondice et de fange
Nous n'irons pas à tes sabbats

Poisson pourri de Salonique
Long collier des sommeils affreux
D'yeux arrachés à coup de pique
Ta mère fit un pet foireux
Et tu naquis de sa colique

Bourreau de Podolie Amant
Des plaies des ulcères des croûtes
Groin de cochon cul de jument
Tes richesses garde-les toutes
Pour payer tes médicaments […]


 
dom

23/10/2005
13:28
re : Hommage à Poésie sur parole

arf! lol! genial! ca me plait!
a mettre en musique ce truc!

Ta mère fit un pet foireux
Et tu naquis de sa colique

c'est joli et imagé!arf!

 
LN

23/10/2005
14:05
souvenir de mon âge néo-adulte

Au mois de Juin ou Juillet de l'an de grâce 1980, dans l'émission Vagabondages produite pour Antenne2 par Marcel Jullian, ce dernier a raconté comment, avec son vieux copain Pierre Miquel, ils s'échangeaient ces mêmes vers des cosaques zaporogues chaque fois qu'ils se croisaient dans je ne sais plus quel ascenseur.

Ensuite ils ont dit le texte à deux devant la caméra, en se balançant réciproquement les douceurs des cosaques, et en se payant le luxe d'expliquer ce que fut la Podolie. Outre l'effet comique et un trésor en VHS (pieusement conservé depuis), de cette petite heure de poésie certains ont pu gagner une addiction immédiate à la CHanson du mal-aimé. Comme quoi la loufoquerie et même la scatologie, pour peu qu'elles soit puissantes et inspirées, ouvrent parfois la porte qui donne sur la poésie.

Il n'y eut que 2 ou 3 numéros de la série Vagabondages, sur les 6 prévus. La culture était -déjà- en recul sur la télé nationale (la seule qui existât alors).

En juin 1980 il y avait des Marcel Jullian et de la télé culturelle.
En octobre 2025, aurons-nous encore une radio culturelle ?

Laurent.
 
Agnès

25/10/2005
22:17
Curiosa, en liaison avec le forum bleu

Le séminariste
à jean Chouquet

Je fus au séminaire au temps de mon enfance
On savait s'amuser en ce temps un peu vieux
On disait des paters on faisait pénitence
Le Dimanche on sortait pour aller voir les vieux

Devant un crucifix on disait des prières
Quand la tonsure est fraîche le cœur est tout joyeux
On mangeait du bouillon, on buvait de l'eau fraîche
Le Dimanche on sortait pour aller voir les vieux

Le vicaire général nous invitait souvent
A entendre sa mère chanter "Mamzelle Nitouche"
Tout en l'accompagnant sur son piano à vent
Il faisait le clairon, c'est dur, avec la bouche

On était un peu diable au soir du réveillon
Et l'on se permettait de parler dans les douches,
On avait droit au vin - coupé d'eau - et au thon
On faisait le clairon, c'est dur, avec la bouche.


A.Frédérique, in Histoires Blanches


 
pascale

26/10/2005
17:39
re : Hommage à Poésie sur parole


 
Agnès

02/11/2005
08:35
Et un p'tit coup de Renée Vivien

complètement jetée, la Pauline Tarn, et encore aujourd'hui objet d'un culte lesbien débridé. Mais ça traduction en vers impairs de Sappho, même si elle respire le symbolisme tardif, est fort belle. Voici le texte tel qu'elle le propose, d'abord en prose, puis en vers :
[Il s'agit d'un poème célébrissime, quoiqu'inachevé, cité par Longin dans le "Traité du sublime", et imité tout au long de l'Antiquité, entre autres par mon cher Catulle. On le retrouve ensuite sans cesse dans la littérature, ce qui a suggéré à Philippe Brunet un joli petit ouvrage aux éditions Alia : "L'égal des dieux, cent versions d'un poème de Sappho". – "Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue / Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue / Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler / Je sentis tout mon corps et transir et brûler", dans "Phèdre", c'est encore ce poème de Sappho!]

Ode à une Femme aimée

Il me paraît l’égal des Dieux, l’homme qui est assis dans ta présence et qui entend de près ton doux langage et ton rire désirable, qui font battre mon cœur au fond de ma poitrine. Car lorsque je t’aperçois, ne fût-ce qu’un instant, je n’ai plus de paroles, ma langue est brisée, et soudain un feu subtil court sous ma peau, mes yeux ne voient plus, mes oreilles bourdonnent, la sueur m’inonde et un tremblement m’agite toute ; je suis plus pâle que l’herbe, et dans ma folie je semble presque une morte… Mais il faut tout oser…

L'homme fortuné qu'enivre ta présence
Me semble l'égal des Dieux, car il entend
Ruisseler ton rire et rêver ton silence,
Et moi, sanglotant,
Je frissonne toute, et ma langue est brisée :
Subtile, une flamme a traversé ma chair,
Et ma sueur coule ainsi que la rosée
Âpre de la mer ;
Un bourdonnement remplit de bruits d'orage
Mes oreilles, car je sombre sous l'effort,
Plus pâle que l'herbe, et je vois ton visage
A travers la mort...

Je renouvelle ici à ceux qui ont envie de la découvrir le conseil de lire le chapitre qui lui est consacré dans "Le pur et l'impur" de Colette, un étrange essai consacré aux moeurs sexuelles.





 
Gloups!

02/11/2005
08:36
re : Hommage à Poésie sur parole

"SA traduction" !!!

 
Agnès

04/11/2005
17:28
Semaine Marcel Aymé

Le forum de DDFC vous invite à participer à sa semaine Marcel Aymé…. (Sorry, Paddy! )

De mémoire, parce que je n'en ai trouvé nulle part les paroles, une très belle chanson, musique de Guy Béart, chantée par icelui et par Pia Colombo.

La Chabraque

Une blonde-malabar les yeux durs
J'peux pas mieux dire la découpure
En plus de son accent chabraque
Qu'avait Maryka la polaque,
Elle restait rue du Pont-aux-choux
Sous les toits avec un chien-loup
Qui lui avait léché les mains
Un soir dans la rue Porte-foin

Refrain
La Chabraque, la Chabraque,
Qu'avait d'la défense et d'l'attaque,
La Chabraque, la Chabraque,
Qu'avait un chien fou,
Un chien-loup…

Des années elle est restée sage,
Elle supportait pas l'badinage
Ni des paumés ni des richards:
J'l'ai vue sonner à coups d' riflard
Un grossium du Carreau du Temple
Qu'en pinçait pour ses vingt printemples….
Et puis un soir, elle s'est toquée
D'un minable qui l'a r'luquée

Refrain
La Chabraque, la Chabraque,
Qu'avait d'la défense et d'l'attaque,
La Chabraque, la Chabraque,
Qu'avait un chien fou,
Un chien-loup…

Il est v'nu rue du Pont-aux-choux
Ça pouvait pas plaire au chien-loup
Tout d'suite il a montré les dents,
Mais quand il a vu l'soupirant
Serrer contre lui la Chabraque
Il lui a sauté au colback
Tellement la bête a mordu fort
V'la le minable saigné à mort

Refrain
La Chabraque, la Chabraque,
Qu'avait d'la défense et d'l'attaque,
La Chabraque, la Chabraque,
Qu'avait un chien fou,
Un chien-loup…

Les hirondelles qui pédalaient
Le long du boulevard Beaumarchais
Sur le coup d'trois heures du matin
Ont croisé une fille et un chien,
Une grande bringue qu'avait l'air pressé
Le chien la suivait tête baissée
Dans la brume ils se sont perdus
Et la Chabraque, on l'a plus r'vue.

Refrain
La Chabraque, la Chabraque,
Qu'avait d'la défense et d'l'attaque,
La Chabraque, la Chabraque,
Qu'avait un chien fou,
Un chien-loup…










 
Chien Fou

05/11/2005
08:20
re : Hommage à Poésie sur parole

J'aime beaucoup cette chanson aussi...
 
Agnès

08/11/2005
08:51
Dans un autre genre

beaucoup plus précieux et évanescent, mais c'est une si belle scène :

La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au coeur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.


Stéphane Mallarmé. Poésies.


 
Agnès

08/11/2005
12:02
Du même, plus humoristique

Pour le repas, avec un peu de fromage de chèvre?

L'ennui d'aller en visite
Avec l'ail nous l'éloignons.
L'élégie au pleur hésite
Peu si je fends un oignon.

(De mémoire)

 
Laurent NAdot

08/11/2005
12:11
Ah le joli poeme de circonstance

Délicieux indeed ...

Et la nuit prochaine à 3h45
- Poésie sur parole : Benjamin Fondane, par André Velter (juin 2003)

Et il y en aura d'autres dans le mois qui vient.)
Il faut acheter un Timer, vous dis-je..

L.
 
Laurent Nadot

17/11/2005
09:50
nostalgia

Il y a régulièrement des Poésie sur Parole dans les Nuits :

- La nuit prochaine : Marie Huot (30/1/04)
- Dimanche : Benjamin Fondane (12/2/04)
- 6 décembre : Les sonnets de Pasolini et ceux de Boris Vian.

2 remarques :
- Dans les Nuits, ce qui tombe fichtrement bien, ce sont les rediffs des anciens PSP de Velter & Parra. Des textes lus (et presque toujours bien lus, càd sans cabotinage)
- Evidemment, le problème c'est qu'on aimerait encore mieux le retour de la pause de 15. Les 5mn de poésie sabrées par Ginette probablement que ça l'avait "presque faite pleurer" une fois de trop et zzzzou, li-qui-dée la polésie.

On peut toujours rêver..

Laurent
 
Agnès

20/11/2005
15:34
re : Hommage à Benjamin Fondane

Thanks again.

http://www.fondane.org/
http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/fondanebenjami n.html

PRÉFACE EN PROSE (1942)
C'est à vous que je parle, hommes des antipodes,
je parle d'homme à homme,
avec le peu en moi qui demeure de l'homme,
avec le peu de voix qui me reste au gosier,
mon sang est sur les routes, puisse-t-il, puisse-t-il
ne pas crier vengeance!
L'hallali est donné, les bêtes sont traquées,
laissez-moi vous parler avec ces mêmes mots
que nous eûmes en partage –
il reste peu d'intelligibles!

Un jour viendra, c'est sûr, de la soif apaisée,
nous serons au-delà du souvenir, la mort
aura parachevé les travaux de la haine,
je serai un bouquet d'orties sous vos pieds,
-alors, eh bien, sachez que j'avais un visage
comme vous. Une bouche qui priait, comme vous.

Quand une poussière entrait, ou bien un songe,
dans l'oeil, cet oeil pleurait un peu de sel. Et quand
une épine mauvaise égratignait ma peau,
il y coulait un sang aussi rouge que le vôtre!
Certes, tout comme vous j'étais cruel, j'avais
soif de tendresse, de puissance,
d'or, de plaisir et de douleur.
Tout comme vous j'étais méchant et angoissé
solide dans la paix, ivre dans la victoire,
et titubant, hagard, à l'heure de l'échec!

Oui, j'ai été un homme comme les autres hommes,
nourri de pain, de rêve, de désespoir. Eh oui,
j'ai aimé, j'ai pleuré, j'ai haï, j'ai souffert,
j'ai acheté des fleurs et je n'ai pas toujours
payé mon terme. Le dimanche j'allais à la campagne
pêcher, sous l'oeil de Dieu, des poissons irréels,
je me baignais dans la rivière
qui chantait dans les joncs et je mangeais des frites
le soir. Après, après, je rentrais me coucher
fatigué, le cour las et plein de solitude,
plein de pitié pour moi, plein de pitié pour l'homme,
cherchant, cherchant en vain sur un ventre de femme
cette paix impossible que nous avions perdue
naguère, dans un grand verger où fleurissait
au centre, l'arbre de la vie...

J'ai lu comme vous tous les journaux tous les bouquins,
et je n'ai rien compris au monde
et je n'ai rien compris à l'homme,
bien qu'il me soit souvent arrivé d'affirmer
le contraire. Et quand la mort, la mort est venue, peut-être
ai-je prétendu savoir ce qu'elle était mais vrai,
je puis vous le dire à cette heure, elle est entrée toute en mes yeux étonnés,
étonnés de si peu comprendre
-avez-vous mieux compris que moi?

Et pourtant, non!
je n'étais pas un homme comme vous.
Vous n'êtes pas nés sur les routes,
personne n'a jeté à l'égout vos petits
comme des chats encor sans yeux,
vous n'avez pas erré de cité en cité
traqués par les polices,
vous n'avez pas connu les désastres à l'aube,
les wagons de bestiaux
et le sanglot amer de l'humiliation,
accusés d'un délit que vous n'avez pas fait,
d'un meurtre dont il manque encore le cadavre,
changeant de nom et de visage,
pour ne pas emporter un nom qu'on a hué
un visage qui avait servi à tout le monde
de crachoir!

Un jour viendra, sans doute, quand le poème lu
se trouvera devant vos yeux.

Il ne demande
rien! Oubliez-le, oubliez-le! Ce n'est
qu'un cri, qu'on ne peut pas mettre dans un poème
parfait, avais-je donc le temps de le finir?
Mais quand vous foulerez ce bouquet d'orties
qui avait été moi, dans un autre siècle,
en une histoire qui vous sera périmée,
souvenez-vous seulement que j'étais innocent
et que, tout comme vous, mortels de ce jour-là,
j'avais eu, moi aussi, un visage marqué
par la colère, par la pitié et la joie,

un visage d'homme, tout simplement.



 
Pascale

20/11/2005
17:15
re : Hommage à Poésie sur parole

Une découverte très, très intéressante - merci !
 
w

21/11/2005
11:08
Chabraque

La version de Pia Colombo en son est là :

http://www.virginmega.fr/default.aspx?FicheTitre=100313917
 
AArgh!!!!

21/11/2005
23:36
re : Hommage à Poésie sur parole

Y 'en a qu'un tout petit bout!!! Voix ravissante, mais c'est hyper frustrant! (J'avais cette chanson sur une cassette audio depuis des lustres foutue).
Merci quand même, Wanda!

 
Agnès

23/11/2005
23:58
Quel genre d'enfant etiez-vous?

GENRE BIOGRAPHIQUE

Déjà, à l'âge de trois ans, l'auteur de ces lignes était
remarquable : il avait fait le portrait de sa concierge en
passe-boule, couleur terre-cuite, au moment où celle-ci,
les yeux pleins de larmes, plumait un poulet. Le poulet
projetait un cou platonique. Or, ce n'était ce passe-boule,
qu'un passe-temps. En somme, il est remarquable qu'il
n'eut pas été remarqué: remarquable, mais non regret-
table, car s'il avait été remarqué, il ne serait pas devenu
remarquable; il aurait été arrêté dans sa carrière, ce qui
eût été regrettable. Il est remarquable qu'il eût été
regretté et regrettable qu'il eût été remarqué. Le poulet
du passe-boule était une oie.

Max Jacob - Le Cornet à dés

 
Agnès

27/11/2005
23:05
Puisque j'ai rate les Papous,

Un p'tit Queneau, tiens!

Ce soir,
Si j'écrivais un poème
pour la postérité?
fichtre
la belle idée


je me sens sûr de moi
j'y vas
et à la postérité
j'y dis merde et remerde
et reremerde
drôlement feintée
la postérité
qui attendait son poème

ah mais

(Art poétique)

 
Agnès

05/12/2005
22:22
re : Hommage à Poésie sur parole

Allons, un peu de légèreté, ça nous changera. Un ravissant petit Verlaine, dans Les]i)]_[(i[fêtes galantes :

Les coquillages

Chaque coquillage incrusté
Dans la grotte où nous nous aimâmes
A sa particularité.

L'un a la pourpre de nos âmes
Dérobée au sang de nos coeurs
Quand je brûle et que tu t'enflammes ;

Cet autre affecte tes langueurs
Et tes pâleurs alors que, lasse,
Tu m'en veux de mes yeux moqueurs ;

Celui-ci contrefait la grâce
De ton oreille, et celui-là
Ta nuque rose, courte et grasse ;

Mais un, entre autres, me troubla.

 
LAurent Nadot

08/12/2005
22:20
redif d'un PSP hélas récent...

Ah tiens j'ai justement sous les yeux le programme de la nuit à venir :

De 2h à 2h35 : POESIE SUR PAROLE
Spécial Sonnets - Pier Paolo Pasolini/ Boris Vian
par André Velter
Réalisation : Patrick Molinier
1ère diffusion : 11/9/05

 
Agnès

09/12/2005
00:30
Hommage tardif

Continuons dans le madrigal. D'ailleurs Hugo avait adoré les Coquillages, il l'a écrit à Verlaine.

Ave dea, moriturus te salutat.

La mort et la beauté sont deux choses profondes
Qui contiennent tant d'ombre et d'azur qu'on dirait
Deux soeurs également terribles et fécondes
Ayant la même énigme et le même secret.

Ô femmes, voix, regards, cheveux noirs, tresses blondes,
Brillez, je meurs! Ayez l'éclat, l'amour, l'attrait,
Ô perles que la mer mêle à ses grandes ondes,
Ô lumineux oiseaux de la sombre forêt!

Judith, nos deux destins sont plus près l'un de l'autre
Qu'on ne le croirait, à voir mon visage et le vôtre ;
Tout le divin abîme apparaît dans vos yeux,

Et moi, je sens le gouffre étoilé dans mon âme ;
Nous sommes tous les deux voisins du ciel, madame,
Puisque vous êtes belle et puisque je suis vieux.

Victor Hugo – Toute la lyre , V, 34 (1872)

Poème adressé par Victor Hugo à Judith Gautier, fille de Théophile, avec laquelle il eut une liaison.



 
AArgh!!!

17/12/2005
06:49
Eloge des suidés

Tiens, puisqu'on est dans le sujet :

Pique, pique le porc ! et bafoue les bas-fonds,
Au port, képi qui pue, tu piques et tu fonds
En fou frou-frou fendant le flot philosophique ;
Oh, le gentil cochon ! tu te fonds et tu piques.


Morose et mal rasé, en rase-mottes rare,
Tu hasardes ton groin dans les plis de la mare !
Tu bouges en grognant dans ton Gange de fange
Et ton ventre se vautre au creux du grand Mélange.


La pluie peuple, en palpant, ta boue de plats bacilles
Tu remues en soufflant cette boue qui t'habille,
Tout en t'y enfonçant comme dans du pâté...


Ton lard est englouti, las d'avoir trop lutté ;
Tu vois s'accumuler en tranches ton jambon,
Digéré. - Et Dieu vit que cela était bon.


08.01.2002

http://www.eleves.ens.fr/home/meles/poesie/poemes4mains
 
Agnès

29/12/2005
21:21
Puisqu'on est dans le vin du rhin

Nuit rhénane

Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées

Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire



Guillaume Apollinaire - Alcools

 
Nazdeb

30/12/2005
11:44
re : Hommage à Poésie sur parole

Aaaaaaaaahhh Agnès merci, c'est ma préférée, la meilleure, la plus ensorcelante ! J'en rabats les oreilles de mes amis, ils souffriront demain soir.
Les cheveux verts de ces filles de l'eau, on les trouve aussi dans Clotilde mais je ne le rapporte pas car il n'est pas de circonstance. En revanche est de circonstance "A mon verre" d'Antoine DESAUGIERS
(voir le site http://www.vignobletiquette.com/padv/poem/men_poem.htm)< br /> ... on y trouve à boire et à manger humf humf...)

A MON VERRE

de Antoine DESAUGIERS 1808

Quand je vois des gens ici-bas
Sécher de chagrin et d'envie,
Ces malheureux, dis je tout bas,
N'ont donc jamais bu de leur vie !
On ne m'entendra pas crier
Peine, famine, ni misère,
Tant que j'aurai de quoi payer
Le vin que peut tenir mon verre.

Riche sans posséder un sou,
Rien n'excite ma jalousie ;
Je ris des mines du Pérou,
Je ris des trésors de l'Asie,
Car sans sortir de mon taudis,
Grâce au seul Dieu que je révère,
Je vois et topaze et rubis
Scintiller au fond de mon verre.

Tout nous atteste que le vin
De tous les maux est le remède,
Et les dieux n'ont pas fait en vain
Un échanson de Ganymède,
Je gage même que ces coups
Que l'homme attribue au tonnerre
Sont moins l'effet de leur courroux
Que du choc bruyant de leur verre.

Chaque jour l'humide fléau
Des cieux ne rompt-il pas les digues ?
Si les Immortels aimaient l'eau
Ils n'en seraient pas si prodigues ;
Et quand nous voyons par torrent
La pluie inonder notre terre,
C'est qu'ils rejettent en jurant
L'eau que l'on verse dans leur verre.
Le bon vin rend l'homme meilleur
Car du monarque assis à table
Vit-on jamais le bras vengeur
Signer la perte d'un coupable ?
De son coeur le courroux banni
N'obscurcit plus son front sévère.
Armé du sceptre, il l'eût puni ;
Il lui pardonne, armé du verre,

Je ne sais par quel vertigo
Ou quelle substance extrême,
Narcisse, en se mirant dans l'eau,
Devint amoureux de lui-même :
Moi, fort souvent je suis atteint
De cette risible chimère
Mais lorsque je vois mon teint
Pourpré par le reflet du verre,

Dieu du vin, dieu de l'univers,
Toi qui me fis à ton image,
Reçois ce tribut de mes vers :
Et, pour couronner ton ouvrage,
Fais jusqu'à mes instants derniers
Que dans ma soif je persévère,
Et qu'à ma mort mes héritiers
Ne trouvent plus rien dans mon verre.



 
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