Archives 2003-2008 du forum de discussions sur France Culture

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Lolita

09/09/2004
20:22
Lelay me choque moins qu'Adler

"Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible."
Patrick Le Lay, pdg de TF1

Cette phrase ne me choque pas : il est dans son rôle de directeur d'un grande chaîne commerciale dont le but est de faire de l'argent.

"La vision de la culture a énormément évolué. La culture, ce n’est plus le patrimoine. C’est l’interrogation de soi-même, une certaine citoyenneté, une manière de s’ouvrir au monde."

Laure Adler, directrice de France Culture

Cette phrase me choque : elle n'est pas dans son rôle de directrice d'une grande chaîne culturelle de service public.
 
Henry Faÿ

10/09/2004
10:09
le "mieux-disant culturel"

En fait, la phrase de Patrick Lelay est inadmissible au plus haut point, même si bien entendu elle n'excuse en rien les aberrations philistino-adlériennes, et tout ceci s'inscrit dans un même contexte de marchandisation effrénée.
Patrick Lelay avoue que les émissions de TF1 ne servent qu'à une chose (à la base, dit-il), mettre en condition les téléspectateurs pour qu'ils gobent les messages publicitaires. C'est épouvantable comme conception, ce qu'elle suppose de mercantilisme, de volonté de manipulation, de croyance en la manipulation, donc d'un écrasant mépris pour les téléspectateurs. Les téléspectateurs, ils les instrumentalise complètement, ce sont pour lui des objets. C'est un matériau sur lequel on peut travailler pour faire payer le plus cher possible les spots publicitaires. C'est proprement hallucinant.

Il faut aussi rappeler que quand Bouygues avait acheté TF1, il y avait une promesse, qui avait un nom, le fameux "mieux-disant culturel" de François Léotard, une formule qui à l'époque avait été très mal comprise, dont on s'était beaucoup moqué. Elle était difficile à comprendre pour tous ceux qui ne sont pas familiers du jargon des appels d'offre auquel elle est empruntée et dans lequel le gagnant est le "mieux-disant", c'est-à-dire, tout simplement, celui qui fait les meilleures propositions. Léotard avait cru malin d'ajouter le culturel à ce mieux disant.
Ce "mieux-disant culturel" voulait dire, traduit en français: la meilleure proposition dans le domaine culturel.
Donc on annonce le "mieux-disant culturel" et des années après, on avoue tranquillement, en invoquant le réalisme, que les émissions, à la base, ne sont faites que pour mettre en condition d'acceptation des messages publicitaires les pauvres gogos consommateurs de coca-cola qui sont scotchés devant le poste.
Outre l'abomination que la formule de Patrick Lelay représente sur le plan éthique, il faut dénoncer une promesse non tenue.

 
lionel

10/09/2004
10:39
re : Lelay me choque moins qu'Adler

Entierement d'accord avec Henry.

Il y a un defaitisme et un cynisme ambiants qui font qu'on admet desormais comme un phenomene inevitable que la TV soit de la merde. Alors on dit: "lelay a le merite d'etre franc"

Mais non ce n'est pas normal que la TV soit devenue de la merde
Non ce n'est pas normal que le CSA accorde des frequences à Lelay

Avec ce même defaitisme, FC sera devenue dans 5 ans la skyrock des produits cuculturels avec de la pub partout






 
Henry Faÿ

10/09/2004
11:03
j'oubliais

Patrick Lelay méprise les téléspectateurs et comme TF1 est comme on dit leader, que les téléspectateurs se comptent en dizaines de millions, cela veut dire qu'il méprise la masse des français, la population française dans son ensemble, la populace, comme il doit dire dans le privé.
Mais ce n'est pas tout et je n'avais pas pensé à le dire dans mon précédent message, il n'a aussi que mépris pour la télévision, pour l'art télévisuel, ce qui dans les fonctions qu'il occupe est proprement sidérant. La télévision, c'est (à la base, dit-il, donc le reste ce n'est même pas la peine d'en parler) un moyen de faire payer très cher des spots publicitaires, donc de gagner le plus d'argent possible, de rentabiliser l'investissement.
Telle est la conception de l'art télévisuel du Président de la plus importante chaîne de télévision de France. Au secours!

PS Sur ce forum, il y a eu des commentaires pas très favorables au dossier consacré par Télérama sur ce sujet mais à bien y réfléchir, il n'est pas mal du tout, ce dossier: il a le mérite de ne pas passer inaperçu (couverture avec la citation du Président et dix pages), de bien poser la question, de donner à Patrick Lelay lui-même et aux pubeux qui le défendent la parole (et à l'occasion, ils s'enfoncent), et il y a beaucoup de commentaires accablants pour le Président de TF1, à la fois par les journalistes de Télérame et les personnalités invitées à donner leur avis.
Il me semble que Patrick Lelay n'en sort pas indemne.

 
w

10/09/2004
11:04
re : Lelay me choque moins qu'Adler

Bien d'accord aussi...
A ce rythme, on va pas tarder à retrouver nos chers bambins avec des écrans en classe, et 10 minutes de pub obligatoires toutes les heures. Ce régime nous pend au nez et se tient prêt à traverser l'atlantique, et pas à la rame.

Mais Lolita a tout à fait raison en disant que «La vision de la culture a énormément évolué. La culture, ce n’est plus le patrimoine. C’est l’interrogation de soi-même, une certaine citoyenneté, une manière de s’ouvrir au monde.», ça sent le pâté ! Tout comme vouloir faire de FC «une radio soeur, une radio du coeur» ! Elle nous prend vraiment pour des truffes !


 
josué

10/09/2004
11:22

Hier (ou avant-hier?), dans sa petite chronique, relatant le conflit opposant des étudiants canadiens à leur université (à propos d'implantation de distributeurs de CocaCola™), Albert Jacquard explique que dans le CocaCola™ il y a, tout comme dans les cigarettes, des produits tenus secrets ayant pour but "d'accrocher" le consommateur, de le rendre dépendant au produit et donc contraint de l'acheter.
Entre TF1 qui prépare les cerveaux et la chimie de l'acoutumance qui trifouille le métabolisme, comment en réchapper?
Dans toutes ces affaires il y a une logique de l'industrialisation de l'humain qui rappelle tout simplement celle des camps.
 
CA

10/09/2004
11:53
Gardons-nous des excès

Excusez-moi, Josué, de réagir au quart de tour. Mais vous ne trouvez pas que vous y allez un peu fort avec votre comparaison ? Que je sache vous êtes libre de ne pas allumer votre télévision, comme vous êtes libre de ne pas en avoir du tout (on s'en passe très bien), de même que vous êtes libre ou non de vous intoxiquer au Coca. Votre dépendance dépend aussi de vous. Il faudrait peut-être ne pas tout amalgamer.
Tout à fait d'accord avec les contributions d'Henry Faÿ et de Lionel. Le cynisme est une défaite de la pensée critique.
CA
 
josué

10/09/2004
13:35
j'assume à donf !

Euh… non. Je n'ai pas le sentiment d'être dans l'excès en établissant la comparaison (sur le plan exclusif de la dimension industrielle de déshumanisation, entendons-nous bien).

C'est bien dans les camps que nous avons vu naître la dimension industrielle d'une réduction de l'humain en objet. C'est tout ce que je dis. Je ne dis pas que TF1 ou CocaCola™ visent la solution finale.

Quand à la (relative) liberté de faire ceci (regarder la télé) ou ne pas faire cela (boire du CocoCola™), c'est valable pour l'adulte à peine instruit que je suis, mais il existe des cibles bien plus fragiles et moins autonomes. Voir à ce sujet les travaux des stratèges publicitaires sur les "interstices de vigilance" parentales ou éducatives, ou d'autres études démontrant que l'on peut rendre un enfant dépendant d'un produit commercial, en le plaçant au coeur du processus de socialisation par exemple (ex: pokémon). Voir aussi comment les marques se refilent le bétail, d'âge en âge, WaltDisney™ à MacDonald™, MacDonald™ à Nike™, Nike™ à AbsolutVodka™, etc. jusqu'au tombeau si possible.

Quand aux adjuvants caféïnés ou cocaïnés, et autres introduits artificiellement volontairement pour crées la dépendance ou augmenter la consommation de millions de personnes au détriment de leur santé, et que l'ont trouve jusque dans les barres chocolatées, ça me rappelle certaines expériences, dites médicales, sur l'humain rabaissé au rang de matériau pseudo-scientifique et statistique.

J'espère que ces précisions vous permettront, chère CA, de comprendre que le paralèlle ou la comparaison n'est PAS l'amalgame.

Par ailleurs, si les camps deviennent un tabou carément interdit d'énonciation, si l'organisation concentrationnaire qui fut un des sommets de l'horreur de l'humanité ne peut plus être évoqué, ne serait-ce que dans les mots, pour réfléchir justement à ce que cela ne se reproduise pas, alors vraiment oui, les supliciés juifs, tziganes, communistes, homosexuels, etc. seront morts en vain.
 
guydufau

10/09/2004
14:12
re : Lelay me choque moins qu'Adler

-Hommage doit être rendu à Télérama pour son enquète et pour la grande place réservée à l"affaire Le Lay"
-Hommage doit être rendu à cette journaliste de l'AFP,Chritine Pouget qui débusqua les propos tenus,en catimini,sous la houlette d'Ernest-Antoine Seillière (un autre cynique)(1).
-Honte au président du CSA,Dominique Baudis,qui interrogé s'est contenté de bredouiller "Je n'ai pas l'habitude de commenter les déclarations des directeurs de chaîne"
-Honte au ministre dela Culture,qui a gardé le silence
Et interrogation sur tous ces français qui font le succès de la télé-poubelle de Le Lay (2).
Je suis d'accord avec les contributions d'Henry,de Lionel et aussi de Josué,les comparaisons qu'il a établi sont valables : de part leur caractère universel elles concernent toute la société.
(1)Imaginez si,un journaliste,sans citer sa source,avait écrit que TF1,manipulait le cerveau humain au profit de Coca-Cola,quel sort aurait été réservé à ses propos,par des confrères,bien intentionnés et bien en place.
-(2)Mes fréquentations et ce que j'entend,me fait dire que le succès de TF1 est aussi établi par des téléspectateurs très éduqués,ces derniers affichant un constant mépris pour France Culture et pour ARTE.
 
josué

10/09/2004
14:27
la liberté selon CA

Je reviens pour préciser que la liberté de regarder ou non TF1 est du même ordre que celle d'écouter ou non NRJ.

Réunis justement sur ce forum par la disparition progressive (mais réelle) d'une radio d'exeption, et par sa normalisation (même pensée unique, même experts médiatiques, même formule ringarde, même sonorité clinquante…) on voit bien que la liberté d'écouter ou de regarder ou de consommer des choses différentes se réduit, un peu comme la biodiversité (écologie, radiophonie, même combat?)

Tant qu'existait France culture oui, j'avais la sensation d'une liberté et d'un choix, depuis quelque temps l'espace vital se rétrécit, l'oxygène mental se raréfie (logique puisque ça ne tenait plus qu'à UNE station!!!).

Je me rappelle avoir abandonné la télé il y a une quinzaine d'année, ne supportant pas les couleurs criardes qui commençaient à dominer dans les décors des émissions. Couleurs basiques et saturées comme celles des jouets pour bébés. Signe évident qu'on allait désormais prendre les spectateurs pour des êtres frustes à actionner par stimulis visuels basiques. (Quand je vois ce qu'est devenu la télé depuis, je me dis que pour une fois je ne m'étais pas trompé).
Ce qui se passe sur le plan acoustique est équivalent. Priver les auditeurs des subtilités sonores des émissions élaborées pour les assigner à la pauvreté du direct, c'est (pour moi, pour moi…) prendre éfrontément le chemin de l'inculture et de la barbarie. La forme traduisant le fond inavoué de la pensée (quoique Patrick Le Lay vient enfin de cracher le morceau).

Et entièrement d'accord avec Henry pour dire que cette phrase de Le Lay (et plus encore tout ce qu'elle recouvre de pratique quotidienne) est profendément scandaleuse, inadmissible, intolérable!
Pour Patrick Le Lay, la télévision n'est qu'un instrument de matraquage et de gavage et les citoyens-spectateurs considérés comme troupeaux de bétail à mener tantôt à l'auge, tantôt à l'insémination, tantôt aux champs de bataille.


Bon allez, il fait beau en ce vendredi provençal et rien ne sert de s'énerver.
 
CA

11/09/2004
00:27
Je ferme la parenthèse

Merci, Josué, d'avoir pris la peine de cette longue explication et de toutes les précisions que vous apportez. Juste un petit mot pour fermer la parenthèse, en tout cas, en ce qui me concerne.

Je ne vous surprendrai pas si je vous dis que vous ne m'avez pas convaincue. Vous écrivez que la comparaison vous semble pertinente et que vous l'utilisez "pour réfléchir", ce dont je vous fais volontiers crédit. Admettez cependant que dans sa formulation initiale, votre rapprochement entre Coca-cola et les camps a quelque chose d’intempestif (« Dans toutes ces affaires il y a une logique de l'industrialisation de l'humain qui rappelle tout simplement celle des camps. »).

Bêtement sans doute, j'ai appris que l'on ne comparait que des choses comparables. Excusez-moi, mais si matraqué, gavé, conditionné que soit le consommateur, si assujettis que soient ses choix à des déterminations dont il n’a pas conscience, si modifié que soit son métabolisme par l'ingestion d'adjuvants chimiques propres à développer la dépendance, je doute encore que la "logique de l'industrialisation de l'humain" que vous décrivez conduise à l'extermination à échelle industrielle du consommateur. N'exagérons rien, on perd le sens de la proportion en faisant appel à certains parallèles. La liberté du consommateur, spectateur-auditeur a beau être amputée de tous côtés – on peut vous suivre facilement sur ce constat- il reste que vous êtes libre de votre vie et de votre mort, ce que d’autres hommes ne furent pas, c’est ce que je voulais dire quand je parlais de liberté. Votre comparaison me semble intellectuellement irrecevable par sa disproportion. J’y ai vu , peut-être à tort, une expression de plus d’une banalisation hélas courante. Et ce n’est pas brandir un tabou pour intimer le silence que de s’interroger sur la pratique du raccourci.
Pour le reste, pas de problème, je vous suis bien volontiers dans vos analyses, notamment celles de votre dernier message.

Christine


 
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