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edmond

11/07/2004
00:08
Pour une étude comparée de textes

Pour prendre la mesure de la régression infinie qui s’est effectuée sur France Culture (encore plus qu’ailleurs) entre mars 1997 et aujourd’hui, on comparera fructueusement l’interview de Jean-Marie Borzeix (revue Débat n°95 -1997) et ce truc inqualifiable paru il y a deux jours dans Le Monde (l’interview de Laure Adler).
[Remarque : Il n’y a pas de lien direct sur aucun site sur l’interview de Borzeix – on pourrait suggérer à DDFC de le mettre sur son site –, je vais donc m’attirer les foudres de certains en faisant un copier-coller monstrueux de 10 pages word, mais ce n’est pas grave : quand il y a le feu au château…]
Ci-dessous donc l’interview de Borzeix :

Le Débat. - Vous arrivez à la tête de France Culture en 1984, avec une expérience de journaliste et d'éditeur. Qu'était France Culture à ce moment-là?
Jean-Marie Borzeix. - C'était une radio en train de vivre la plus grande mutation de son histoire. C'était, en effet, l'époque où la radio publique dans ce pays cessait d’être en situation de quasi-monopole. On venait de « libérer » les ondes et la « bande modulation de fréquence », selon l'expression qui s'est imposée au début des années quatre-vingt. Souvent de manière désordonnée et sauvage. Du jour au lendemain, France Culture, qu'on pouvait auparavant entendre à peu près partout dans d'excellentes conditions, est devenue de plus en plus difficile à capter. Beaucoup d'opérateurs privés se sont lancés dans la bataille sans respecter les règles les plus élémentaires, en cherchant à imposer la loi du plus fort. Nos émetteurs étaient souvent submergés et nous avons perdu beaucoup d'auditeurs, notamment dans les zones les plus urbanisées, pour la simple raison qu'ils ne pouvaient plus nous entendre. C'était l'enfer. Nous avions le sentiment à France Culture - comme à France Musique d'ailleurs - que les chaînes culturelles de Radio France étaient menacées de mort par étouffement.
Bien que cette furieuse mêlée ait malheureusement débouché sur plus de conformismes que d'aventures radiophoniques originales, bien qu'elle ait accouché de vulgarités mercantiles affligeantes, bien que les grandes espérances nées des radios associatives se soient presque partout éteintes, ce chambardement a été aussi pour France Culture un défi formidablement stimulant. Notamment parce qu'un nouveau public, pas blasé pour un sou, affluait tout à coup vers la radio.
Mais il faut également se souvenir du contexte idéologique de l'époque. Alors et depuis des années, les hommes politiques à droite notamment ne manquaient pas de s'en prendre à France Culture pour dénoncer à la fois son coût et sa liberté de ton. Une liberté de ton qu'avait su préserver Yves Jaigu pendant la dizaine d'années au cours de laquelle il dirigea avant moi France Culture.
Pour comprendre, cependant, la situation de France Culture au début des années quatre-vingt, il convient de remonter aux origines, à la renaissance de la radio publique au lendemain de la guerre. Celle-ci s'est d'abord appelée R.F. puis R.T.F. et O.R.T.F. En son sein, les différentes chaînes dépendaient d'une direction des programmes commune, elles n'avaient pas d'autonomie. France Culture, héritière en partie de la « chaîne nationale », a gagné son autonomie au début des années soixante. D'abord sous l'appellation assez extravagante de « France Promotion » ! Ça n'a heureusement pas duré. En 1963, la chaîne a pris le nom de France Culture, curieusement à la suite d'un référendum auprès des auditeurs...
France Culture. Ce n'est pas rien, un nom pareil ! C'est lourd à porter. Au début, ce dut être un peu écrasant. Il a fallu progressivement, subtilement, échapper à tout ce qu'une telle appellation implique d'officialité, de convenance, d'académisme. J'ai la présomption de penser que nous nous sommes enfin, au bout de trente ans, libérés de cette pesanteur originelle. Dès le début de la radio après la guerre, des hommes d'une qualité exceptionnelle avaient d'ailleurs montré la voie en incarnant une conception de la culture très libre, peu conformiste, souvent irrespectueuse. Je pense notamment à Henry Barraud, Henri Dutilleux, Paul Gilson, à Pierre Schaeffer et l'équipe de son fameux Studio d'essai. Beaucoup de talents originaux et rétifs à la servilité ont œuvré au lendemain de la guerre pour inventer non seulement une radio, mais un esprit. C'est de ce noyau dur de la radio d'hier qu'est née France Culture. Elle en porte toujours la marque. Et on ne pourra pas écrire l'histoire de France Culture sans citer le rôle qu’y a joué jusqu'à aujourd'hui un homme comme Alain Trutat, lui-même héritier de cette famille originelle, esprit libre, rebelle invétéré.
Il y a donc plus de trente ans qu'existent les deux chaînes culturelles de la radio de service public, France Culture et France Musique, celle-ci confiée dès sa naissance à Jean Tardieu. Et de ce point de vue, la France se trouve dans une situation exceptionnelle. Il n'existe, à ma connaissance, aucune radio au monde semblable à France Culture. Dans certains pays comme l'Allemagne, existent des radios culturelles à dominante musicale. Dans d'autres comme les pays scandinaves, des radios éducatives. Plusieurs radios culturelles étrangères font d'ailleurs un travail remarquable, je pense à une chaîne de la radio australienne, à N.P.R. (National Public Radio) aux États-Unis, à plusieurs en Allemagne... Mais nulle part ailleurs qu’en France n'existe une radio publique dont les programmes sont pour l'essentiel consacrés à la culture et à la parole. C'est un cas unique, et cela mérite réflexion.
Le Débat. - Comment êtes-vous sortis de la crise du début des années quatre-vingt et de la menace mortelle qu'elle faisait peser sur France Culture?
J.-M. B. - Quand Jean-Noël Jeanneney, qui était président de Radio France, m'a proposé, à ma grande surprise, de devenir directeur de France Culture, je ne savais pas ce qui m'attendait ! C'est vrai que la situation de la chaîne dans le paysage audiovisuel était préoccupante. Les difficultés à se faire tout simplement entendre sur les ondes allaient croissant et l'hostilité de principe à cette radio se maintenait dans certains milieux politiques.
Nous avons commencé par perdre beaucoup d'auditeurs parce que, comme je l'ai déjà dit, ils ne nous entendaient plus du tout ou ils captaient notre signal brouillé comme celui de la B.B.C. pendant la guerre, Nous nous sommes battus à mains nues contre des radios privées disposant de moyens considérables et n'hésitant pas à recourir à des arguments scandaleusement démagogiques, Puis, peu à peu, la situation s'améliorant, nous avons regagné une partie de ce public, J'ai l'audace de penser que nous avons aussi gagné de nouveaux auditeurs qui, au cours de leurs pérégrinations sur la bande F.M. ont peut-être découvert que France Culture, elle, était une vraie « radio libre » …Qu'elle était en tout cas différente.
Aujourd'hui, la situation des ondes en France est heureusement beaucoup plus saine, Grâce au C.S.A. qui a rétabli l'ordre, France Culture est entendue convenablement à peu prés partout, Sur les ondes comme ailleurs, la liberté de chacun suppose le respect de celle des autres.
Il s'est produit en outre des événements considérables dans le monde audiovisuel au milieu des années quatre-vingt, Pas tant du côté de la radio que de la télévision, Il y a eu d'abord l'attribution d'un réseau télévisé à Berlusconi dans les conditions détestables que l'on sait, Il y a eu ensuite la privatisation de TF 1, Si curieux que cela puisse paraisse, cela a eu des conséquences importantes pour France Culture. On a assisté très vite, en effet, à une dégringolade du niveau culturel de la télévision en général, à la course à l'Audimat, à l'envahissement des écrans par les paillettes du vulgaire et par de misérables séries américaines.
Je me souviens qu'alors nous avons très vite pris des initiatives pour réagir, à notre mesure, contre cette évolution, Nous avons renforcé nos programmes de début de soirée en créant des émissions ambitieuses dans le domaine de l'histoire ou de la littérature, par exemple, pour montrer ainsi que le terrain ne devait pas être complètement abandonné au « divertissement ». En somme, nous avions renforcé notre prime time, nous qui n'en avions pas. Ou, plutôt, nous avons créé une sorte de contre prime time ! Le courrier des auditeurs nous a donné raison,
Mais l'évolution de la télévision à cette époque nous a accordé bien involontairement aussi une nouvelle légitimité, une nouvelle crédibilité, notamment parmi les décideurs politiques les plus rétifs, Que voulez-vous, il restait alors si peu de chose présentable en matière de culture dans notre audiovisuel que rares étaient
les hommes politiques à se hasarder encore à formuler des jugements négatifs sur France Culture, Après avoir été si longtemps mal aimée, la voilà encensée. Ne nous en plaignons pas ! (Mais il ne faut pas cesser d'être vigilant pour autant: en ces temps de malheur social et de montée du populisme, France Culture n'est nullement à l'abri de nouvelles attaques.)
On peut donc dire qu'à la fin des années quatre-vingt la bataille était grosso modo gagnée, tant du côté du public que des décideurs. Tout pourtant n'était pas joué, car les transformations du paysage audiovisuel ont continué,
Ainsi, avec l'apparition d'Arte puis de la Cinquième nouvelle manière, France Culture a été pour la première fois de son histoire mise en situation de concurrence. A défaut de concurrence radiophonique directe dans le champ culturel - soit dit en passant, je déplore depuis longtemps que pas un seul opérateur privé n'ait eu l'audace de s'aventurer sur ce terrain -, une chaîne de télévision a affiché des ambitions comparables aux nôtres, s'est adressé au même public. Et avec des moyens de promotion sans comparaison avec ceux dont nous disposons !
Eh bien je constate que cette concurrence n'a pas détourné le public de France Culture, et j'ajouterais qu'elle a été pour nous très stimulante, ce qui montre que radio et télévision sont moins rivales que complémentaires. En somme, ni la prolifération des radios privées - elles sont aujourd'hui quelque mille cinq cents -, ni la naissance d'une chaîne culturelle télévisée, ni la multiplication des programmes culturels diffusés sur le câble et le satellite, ni le récent et l'heureux retour de France 3 vers le culturel n'ont eu pour conséquence de faire perdre du public à France Culture. Au contraire.
Le Débat. - Quel est ce public justement?
J.-M. B. - France Culture avait 280000 auditeurs quotidiens en 1984. Aujourd'hui elle en a autour de 500000, qui l'écoutent environ deux heures. D'autres chiffres sont peut-être plus significatifs pour une radio comme celle-ci que beaucoup d'auditeurs écoutent non par habitude, mais en fonction de leurs intérêts spécifiques. Je citerai seulement l'auditoire de la semaine : il est de 3,6 millions,
Ainsi, en dépit des vents contraires et de la concurrence, France Culture a gagné régulièrement des auditeurs. Le pluralisme débridé de la bande modulation de fréquence ne l'a pas plus atteint que la multiplication de l'offre en matière télévisuelle, Elle est sortie fortifiée de cet environnement en apparence hostile. C'était d'autant moins gagné d'avance qu'elle dispose, je le répète, de moyens de promotion dérisoires. Mais France Culture n'a pas gagné seule cette bataille, elle l'a gagnée avec la radio dans son ensemble. Souvenez-vous des prophéties d'il y a vingt ans qui annonçaient l'avènement du tout télévisé, de l'image hégémonique et du déclin inévitable de la radio. Or la radio ne meurt pas, elle prospère, Les jeunes se précipitent vers elle. Je le dis aux hommes de radio qui sont souvent enclins à douter, qui sont nostalgiques: l'âge d'or de la radio n'est pas derrière nous, Il est aussi devant nous, donc non seulement la radio en général se développe, mais en son sein une radio aussi singulière que France Culture gagne du public. Cela ne se sait peut-être pas suffisamment. Mais nous sommes en partie responsables de cette ignorance: NOUS N'AIMONS PAS METTRE LES CHIFFRES EN AVANT, IL NOUS PARAIT DEPLACE QU'UNE CHAINE DU SERVICE PUBLIC COMME CELLE-CI SE VOUE A L'ADORATION DU NOUVEAU DIEU AUDIMAT ET DONNE A CROIRE QUE, CHEZ NOUS AUSSI,LE QUANTITATIF L'EMPORTE SUR LE QUALITATIF !
Le Débat. - Vous avez une idée de l'évolution de votre public?
J,-M. B. -Le public n'a pas seulement crû, il s'est transformé, Et il semble que cette mutation s'accélère. Selon les chiffres les plus récents: ceux de la fin de 1996, 26 % du public de France Culture a moins de trente-cinq ans, 25 % entre trente-cinq et quarante-neuf ans. L'évolution est intéressante à noter: il y a trois ans, les moins de trente-cinq ans n'étaient que 18 %. Il y a donc eu un rajeunissement sensible du public, qui est par ailleurs désormais composé de plus d'actifs que d'inactifs, qui est aussi de plus en plus urbain. Ce n'était pas le cas il y a quelques années. Cette transformation du public tord le cou à quelques rumeurs médisantes selon lesquelles l'auditeur type de France Culture serait un oisif et original vieillard vivant à la campagne...
La majorité des auditeurs de France Culture a fait des études supérieures (64 %), mais prés d'un cinquième d'entre eux sont ce que l'on peut appeler des autodidactes, La disparité du public est sans doute propre à bien des radios, mais elle joue un rôle particulier dans une radio parcourant tous les champs du savoir. Cette disparité, on la mesure chaque jour dans le courrier des auditeurs - qui écrivent beaucoup, plus de mille lettres par mois, et souvent des lettres admirables. Cette disparité, elle nous contraint à faire sans cesse le grand écart entre les gens qui savent parce qu'ils ont fait des études et ceux qui savent en ayant appris par eux-mêmes, ou souvent en écoutant France Culture. Cette disparité du public n'est pas un handicap, c'est notre chance. Il faut s'adresser à tous à la fois. Il arrive à certains producteurs de l'oublier. C'est à moi de le rappeler, et j'aime le faire.
Le Débat. - A qui correspond, selon vous, cette singularité de France Culture?
J.-M. B. - C'est peut-être présomptueux à dire, mais je crois vraiment qu'elle participe, à sa façon, de l'exception française. Nous appartenons à une nation ou il y a un ministère de la Culture, où les intellectuels sont capables de peser sur la vie politique comme on vient de le voir de nouveau, ou les présidents de la République écrivent des livres, un pays qui entretient un réseau culturel sans pareil à l'étranger, en un mot, un pays ou la culture compte plus qu'ailleurs. L'existence de France Culture, dans sa singularité, est un élément de la singularité qui fait que la France est la France,
Le Débat. -De quoi est faite cette singularité en termes de programmes? Comment ceux-ci ont-ils évolué?
J.-M. B. - Cette singularité est faite de plusieurs choses. C'est peut-être d'abord un son, un son très particulier qu'on identifie d'emblée quand on se promène sur la bande modulation de fréquence. Cela implique une grande attention portée à la prise de son, à la mise en onde, à la forme. A France Culture, on parle sans cesse de dramaturgie, de montage, de mixage... La radio se fait comme on structure un livre, un film, un journal ou une revue. C'est un travail d'équipe. Techniciens, auteurs, réalisateurs et producteurs apportent tous leur pierre à l'édifice. Pour eux, la radio ce n'est pas seulement ouvrir un micro devant un invité. Parfois, emporté par l'élan, on en fait même trop, inutilement compliqué dans la forme...
Ce son souvent élaboré est un son qui ne « matraque » pas, à la différence de celui des radios privées. Toutes les radios compressent leur son pour se faire entendre très fort. Pas nous, et cela nous joue parfois de mauvais tours, car il arrive que notre signal sonore soit troublé, voire masqué par le tohu-bohu environnant.
Il n'y a pas seulement le son qui soit singulier, mais aussi un rythme, un tempo très particulier. Il existe heureusement à France Culture des émissions de formes et de formats très divers, mais nous prenons le risque de programmer chaque jour des émissions de longue durée (une heure et demie), chaque samedi une émission de trois heures, « Le Bon Plaisir », chaque été des émissions d'une durée encore plus longue. Et des séquences qui durent au sein d'émissions qui durent. De ce point de vue, au moment ou le temps des médias est de plus en plus émietté et désarticulé, France Culture se singularise vraiment. J'ai lu récemment les propos du responsable d'une émission culturelle qui vient d'être créée à la télévision: « Nous avons appris qu'à la télévision la circulation de la parole doit être rapide. Une intervention de plus de deux minutes, cela devient un tunnel intolérable.» Voilà qui est édifiant. Mais ce n'est rien d'autre que la vulgate de trop de professionnels de l'audiovisuel contemporain.
Bien entendu, nous avons le souci de ne pas ennuyer, d'offrir des moments d'alternance entre les tons et les formats, mais nous avons aussi le souci prioritaire de « donner du temps au temps », comme disait François Mitterrand. Car on sait bien que se soumettre à la loi de la vitesse, du live, de l'immédiat, du temps sans durée, c'est se détourner du sens, c'est capituler. J'ai la conviction que ce sont les mêmes qui ne supportent pas le tempo de France Culture et qui ne lisent pas de livres. Raison de plus pour persévérer.
Mais la singularité de France Culture réside aussi dans l'étendue du champ que couvrent ses programmes, paradoxalement plus vaste que celui des radios généralistes, un champ au fond illimité. Dans l'appellation « France Culture », il faut, bien sur, entendre le mot « culture » au sens anglo-saxon. Tous les sujets peuvent être abordés, à condition de les traiter d'une manière, certes difficile à préciser, mais différente des autres. Tel est, en tout cas, l'idéal vers lequel nous tendons, avec de belles réussites et beaucoup d'échecs ! C'est pourquoi il est inexact de dire, comme on le fait trop souvent, que France Culture est une radio thématique culturelle. Si l'on veut la définir, je crois qu'il serait plus juste de la désigner comme une radio généraliste à dominante culturelle. Ce qui rend parfois le dialogue compliqué avec les collègues responsables de radios culturelles à l'étranger, car le spectre de leurs programmes est beaucoup moins étendu que le nôtre.
Cette ouverture se traduit par des programmes qui font place à tous les modes d'expression radiophonique: d'abord de grands documentaires souvent très élaborés qui supposent reportages, recherches dans les archives, dramaturgie, important travail de montage, grands documentaires dont nous avons désormais la quasi-exclusivité; ensuite, de nombreuses fictions sous forme de pièces radiophoniques, de lectures, de feuilletons, d'enregistrements de théâtre, etc. France Culture diffuse près de dix heures par semaine de fiction radiophonique dont plus de la moitié consacrée à des textes originaux, ce qui en fait une des premières entreprises de spectacles de France. Ce qui me frappe, c'est que les mille cinq cents radios privées qui existent aujourd'hui dans notre pays ont délaissé le terrain de l'imaginaire. Comme si seuls l'écrit et l'image pouvaient assumer l'imaginaire. Quelle démission !
Mais la singularité de France Cul!ure, c'est aussi de proposer des émissions régulières qu'on chercherait en vain ailleurs: poésie et science chaque jour à des heures de forte écoute; chaque semaine, archéologie, éthique, francophonie, architecture, jeux de langue, histoire de la musique... Je pourrais multiplier les exemples, ce serait fastidieux. Je veux seulement montrer que si cette radio existe encore aujourd'hui et qu'elle se développe, c'est parce qu'elle a su imaginer des programmes spécifiques. SI NOUS NOUS METTIONS A COPIER LES AUTRES, A SUBIR LES MODES ET A SUIVRE DES RECETTES MIRACLES, NOUS SERIONS FICHUS. Pardon de me répéter: on n'existe que parce qu'on a l'audace d'être différent.
Je ne résiste pas, à ce propos, à la tentation de vous citer quelques temps forts des programmes en ces premiers jours de mars où a lieu notre entretien: « Marguerite Duras » ou le ravissement de la parole (trois heures d'archives merveilleuses), une semaine d'entretiens avec Robert Castel, un documentaire et un débat sur l'affaire Kravchenko, un autre documentaire sur Kim Novak, une série scientifique sur les plantes et le développement, une évocation du chevalier Bayard, un long monologue inédit de Roland Barthes, « Œdipe à Colonne » dans une traduction de Jacques Lacarrière, une série de reportages en direct à l'université de Lille... J'interromps à regret cet inventaire. Mais si je suis devenu amoureux de cette radio, c'est peut-être d'abord pour son éclectisme. Lieu de liberté - au fait, vous ai-je déjà dit que je n'ai jamais été aussi libre qu'ici ? -, lieu de rencontre et de débat, France Culture se caractérise aussi par la place qu'elle réserve aux cultures étrangères. Près d'un tiers des programmes est consacré à l'étranger sous tous ses aspects, de la géopolitique à l'ethnographie, de la littérature au tourisme, Je tiens beaucoup à cette ouverture internationale qui fait aussi notre singularité.
VOUS COMPRENDREZ QUE POUR MAINTENIR CELLE-CI, IL FAUT RESISTER A BIEN DES TENTATIONS. A COMMENCER PAR LA PLUS REDOUTABLE QUI SERAIT DE SUBIR LE DIKTAT DE L'AUDIMAT. Je suis ravi d'apprendre que nous avons gagné des auditeurs, mais je peux témoigner de ceci: NOUS N'AVONS JAMAIS DECIDE DE PROGRAMMER TELLE OU TELLE EMISSION POUR GAGNER DU PUBLIC, NOUS N'AVONS JAMAIS RENONCE A UNE EMISSION AU MOTIF QU'ELLE N'AURAIT PAS DE PUBLIC. Il faut préserver cette chance exceptionnelle dont nous sommes redevables à notre statut de service public. RIEN NE SERAIT PLUS DANGEREUX QUE DE CROIRE QU'ON PEUT CONNAITRE LES DESIRS SUPPOSES DES AUDITEURS AUXQUELS IL FAUDRAIT SERVIR CE QU'ILS SONT SUPPOSES ATTENDRE.
Au fond, je pense que le succès de France Culture vient à la fois de rendez-vous réguliers comme « Culture matin », « Le Panorama » ou « Les Nuits magnétiques » et de ce que l'ensemble de ses programmes ménagent sans cesse des surprises. On peut écouler cette radio comme on feuilletait autrefois « Le Magasin pittoresque ».
Le Débat - Quelle est la part de la dimension éducative dans vos programmes ? Où passe la différence entre culture et éducation ?
J.-M, B. - France Culture n'est pas une radio éducative. Et c'est parce qu'elle n'est pas éducative que cette radio est singulière. Nous faisons d'abord une radio contemporaine, moderne, attentive à ce qui se passe aujourd'hui dans le monde, avec des bulletins d'Information et un « habillage d'antenne », comme toutes les radios. Et nous mêlons sans cesse le plus inactuel au plus contemporain.
Si l'on compare avec la presse, on peul dire que France Culture est à la fois un quotidien, un hebdomadaire et une revue. J'ai tenu à inscrire ces trois rythmes dans les programmes de la semaine. Chaque matin de bonne heure, nous faisons un quotidien soucieux de l'actualité la plus chaude. Puis durant la matinée, vient le temps de la revue (transmission du savoir, réflexion sur notre temps et sur la durée). L'après-midi, c'est le moment de l'hebdo, l'actualité de la semaine, la première distance à l'égard de l'immédiat.
Vous m'interrogez sur notre fonction éducative, je vous réponds en évoquant nos parentés avec la presse. Il me semble, en effet, que si France Culture devenait un simple relais de la parole universitaire, elle serait menacée de mort. Cela dit, j'ajoute aussitôt que nous jouons bien sûr, mine de rien, le rôle d'une université populaire et que nous sommes particulièrement attentifs au monde étudiant. Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple, nous venons de diffuser plusieurs émissions consacrées à Rousseau parce qu'il est au programme de concours nationaux. Mais notre rôle n'est pas d'être Radio Sorbonne. Si nous voulons faire une radio vivante, qui touche tous les publics, il faut se garder de tout didactisme affiché.
Notre rôle est d'établir un va-et-vient permanent entre l'actualité immédiate et le savoir le plus intemporel. France Culture comme navette, j'aime bien cette image. Comme navette aussi entre culture savante el culture populaire.
On a vu ces dernières années qu'on ne pouvait rien comprendre à la crise de l'ex-Yougoslavie si l'on ignorait l'histoire de l'Empire ottoman et de l'Empire austro-hongrois, les origines de la guerre de 14, la culture des Slaves du Sud, les rapports entre orthodoxes et musulmans, etc. Nous avons essayé de fournir toutes ces clefs. A vous de dire si nous faisons ainsi œuvre d'éducateurs. J'ajouterai seulement que notre pédagogie, si pédagogie il y a, est fondée sur la séduction. Au fond, nous cherchons toujours à éveiller du désir pour l'inconnu et l'inattendu.
Le Débat - Quel équilibre visez-vous entre ce qui relève de l'écho donné à l'actualité culturelle du moment et la part de création à France Culture ?
J.-M. B. - Vous mettez le doigt sur l'entre-deux où nous vivons, et qui n'est d'ailleurs pas toujours commode à vivre. Nous pratiquons le mélange des genres. France Culture est, en effet, à la fois un vecteur de ce qui se passe et un acteur culturel. Nous informons, nous rendons compte comme n'importe quelle radio, mais nous prenons des initiatives, comme une institution culturelle. Ainsi France Culture joue depuis longtemps un rôle important au sein du festival d'Avignon. Ainsi, au festival de Radio France et de Montpellier, France Culture organise chaque été les « Rencontres de Pétrarque » qui constituent désormais un moment notable de la vie des idées en France. Ce ne sont que deux exemples parmi bien d'autres.
Mais le plus intéressant, me semble-t-il, c'est la capacité que nous avons de réagir à des événements, à des mutations culturelles, politiques ou sociales dans les programmes mêmes. Ce fut le cas avant et après la chute du mur de Berlin quand nous avons consacré une dizaine de journées exceptionnelles à l'Europe centrale et orientale.
De même, au moment de la guerre du Golfe, quand France Culture a organisé de nombreux débats afin de mettre en perspective les immenses enjeux de la crise. Autre exemple: constatant qu'une coupure néfaste s'était installée peu à peu entre les hommes politiques et les intellectuels, j'al décidé de créer « Le Rendez-vous des politiques », émission régulière où des intellectuels dialoguent avec un homme politique sur un mode très différent de celui des autres médias. Il ne s'agit pas là de guetter la « petite phrase », mais d'établir les conditions d'une vraie conversation. Je voudrais citer encore une initiative, plus récente celle-là. Quand nous avons constaté que le débat autour de la citoyenneté, de l'identité nationale et l'immigration risquait d'être dévergondé, que surtout l'imaginaire national risquait d'être accaparé par les nationalistes les plus obtus, nous avons créé l'émission « Lieux de mémoire ». Mettant à profit la grande entreprise menée par Pierre Nora, cette émission a l'ambition de faire connaître ce que l'école ne transmet plus, ou mal: notre imaginaire national passé et contemporain.
Cette radio en acte est consubstantielle à France Culture. Nous sommes spectateurs, informateurs, commentateurs, mais nous devenons à notre tour un acteur parmi les autres.
Le Débat - Que représentent les nocturnes dans votre programmation ? Depuis quand existent-elles ?
J.-M. B. - Nous les avons créées avec Jacques Fayet en 1985. Auparavant, les programmes s'interrompaient à minuit avec « La Marseillaise », puis on s'enfonçait dans la nuit silencieuse. Les programmes nocturnes mêlent désormais émissions anciennes et récentes. Toul de suite, elles ont connu un succès considérable dont témoigne le courrier, à défaut de mesure d'audience. Il faut dire que l'écoute de la nuit est la plus attentive, la plus exigeante. Mais je reste stupéfait par le nombre d'insomniaques dans notre pays !
Le Débat - Ces voix disparues ne font-elles pas beaucoup pour la séduction et la légitimation de France Culture? Elles constituent un lien avec le passé, une sorte de musée original.
J.-M. B. - Je ne veux pas que France Culture soit un musée, même si personne n’est plus attaché que moi à la vocation patrimoniale de cette radio. Cela dit, il faut prendre conscience d'une réalité: la radio a désormais un passé. Naguère, seul l'écrit avait un passé, accessible dans les bibliothèques. Nous disposons aujourd'hui de masses énormes d'archives sonores dont certaines datent de plus d'un demi-siècle. Ces archives, conservées pour l'essentiel à l'I.N.A., France Culture les exploite tous les jours. Et il n'y a pas de mois où nous ne fassions des découvertes merveilleuses. C'est notre rôle de les donner à entendre, de leur redonner vie. Au sein d'émissions documentaires ou bien dans des espaces spécifiques comme l'émission hebdomadaire « Radio archives ». Et puis Radio France coproduit avec l'I.N.A. certains grands moments de la radio d'hier sous forme de cassettes ou de disques compacts. Je songe notamment aux fameux entretiens avec Giono, Cendrars, Léautaud. Viennent de sortir les entretiens avec Malraux et quatre disques magnifiques consacrés à Marguerite Duras, quatre autres à Vilar. C'est un secteur qu'il faudra encore développer.
Mais le rôle de France Culture, c'est d'abord de constituer les archives du futur. Nous sommes, par exemple, sur le point de réaliser le cinquantième numéro du « Bon Plaisir ». Toute notre histoire culturelle est contenue dans cette série d'émissions. Nous avons diffusé par ailleurs plusieurs centaines de « Mémoires du siècle », autre mine pour demain. Chaque jour, nous ajoutons quelque chose au stock existant. C'est effectivement une mission centrale pour France Culture que d'exhumer les trésors anciens et de continuer à les enrichir.
Le Débat. - Comment va pouvoir se faire l'accès à cette masse d'archives ?
J.-M. B. - Pour l'instant, le public éprouve une grande frustration. Certains auditeurs extraordinairement attentifs et méticuleux enregistrent les émissions qu'ils souhaitent, ils les échangent avec leurs amis. Mais cela reste un bricolage périphérique. La plupart des auditeurs ont le sentiment que les émissions anciennes et récentes sont inaccessibles. Et il est vrai qu’elles sont presque inaccessibles pour un auditeur moyen.
Mais demain tout sera possible. Personne n'en doute. Grâce aux moyens informatiques et aux réseaux en ligne, les « bibliothèques sonores » vont s'ouvrir aux chercheurs et aux curieux qui pourront sans doute avoir chez eux directement accès a ces trésors. Ce sera un moment extraordinaire. Certes, tout cela devra bien entendu se faire avec l'I.N.A. qui est, conformément a la loi, propriétaire de nos émissions au bout de trois ans. Et cela suppose que soit réglée au préalable l'épineuse question des droits. Mais j'en suis convaincu, on découvrira bientôt un Himalaya sonore dont nous-mêmes ne soupçonnons pas l'ampleur.
Le Débat. - Comment sont élaborés les programmes de France Culture? De quelle manière procédez-vous?
J.-M. B. - Venant du monde de l'écrit, de la presse et l'édition, j'ai été très surpris de découvrir que la radio était un autre monde. Vous allez me dire qu'il fallait être bien naïf pour penser le contraire, mais c'est ainsi ! J'ai découvert tout bonnement que la matière sonore était très peu saisissable, toujours rebelle a la prise, volatile.
A quoi sert un directeur des programmes dans une radio? Il décide des grandes lignes de la grille des programmes, il choisit les producteurs des émissions, il les oriente, il réagit a l'air du temps, il prend l'initiative de lancer telle opération exceptionnelle, de s'associer a telle manifestation. Et puis il écoute - quand il peut - les émissions pour en faire le commentaire critique. Le grand problème est de trouver le temps d'écouter ce flux sonore ininterrompu. Mais dès que l'accord est conclu avec le producteur de l'émission, c'est a lui d'en assumer la responsabilité. La radio suppose une extraordinaire délégation de confiance faite a ceux qui sont les producteurs. Rien à voir avec les journaux et les revues où les rédacteurs en chef lisent les articles avant publication, les corrigent, les font refaire. A la radio, il est assez exceptionnel qu'on écoute les émissions avant diffusion. Quand il s’agit du direct, l'écoute préalable est par définition impossible. Quant aux émissions enregistrées, comment suivre leur fabrication? A France Culture, certaines émissions sont fabriquées pendant plusieurs mois en des lieux multiples, à des moments différents. Heureusement, je ne suis pas seul pour suivre et contrôler cette dispersion organisée, je suis aidé par une petite équipe très motivée, très professionnelle, à commencer par Laurence Bloch, vers qui tant de choses convergent.
Le Débat. - Vous utilisez un nombre de producteurs important ?
J.-M. B. - France Culture emploie une centaine de producteurs responsables d'émissions régulières et une cinquantaine d'autres auxquels sont confiées des émissions isolées. Ce nombre s'explique par la nature de nos programmes et l'étendue des champs qu’ils couvrent. Les émissions de France Culture exigent des compétences très variées, de vrais savoirs, des recherches et des préparations souvent longues et complexes.
Aux producteurs, je le répète, nous faisons confiance pour mener à bien leur tâche en toute liberté. Et après plus de dix ans d'expérience, je continue d'être émerveillé par ce pacte conclu entre la direction et eux. Finalement, il y a ici peu de rapports hiérarchiques, à la différence de ce qui se passe dans la rédaction d'un journal. Mais je voudrais surtout qu'on ne se méprenne pas sur ce terme de « producteurs ». Rien à voir avec les producteurs de cinéma faisant leur tour de table financier, havane aux lèvres ! Les producteurs de France Culture sont des cachetiers, donc dans une situation professionnelle plutôt précaire, et leurs revenus ne sont nullement mirifiques !...
Le Débat. - Si vous mesurez le chemin parcouru depuis treize ans, de quoi êtes-vous le plus satisfait dans le rôle qu'a su jouer France Culture?
J.-M. B. - Je dirais d'abord que France Culture s'est davantage enracinée dans le temps présent, et que c'était souhaitable. Elle s'est débarrassée en grande partie de quelques défauts qui continuent à alimenter les conversations de ceux qui ne l'écoutent pas: l'académisme, la pédanterie, le côté guindé et vieux jeu. Devenant une radio plus contemporaine et plus vivante, elle peut mieux qu'hier jouer un rôle de passeur auprès des jeunes auditeurs qui 1’ont rejointe. Dans une société qui perd sa mémoire, ses repères et ses valeurs, elle est aujourd'hui en mesure de faire quelque chose d'essentiel: transmettre, transmettre pour inventer.
Par ailleurs, je crois pouvoir dire que France Culture a favorisé et accompagné depuis le début des années quatre-vingt l'émergence d'un nouveau débat intellectuel, Nous avons été de ceux qui ont mis un terme à la guerre civile idéologique qui déchirait ce pays. Des gens qui ne se parlaient pas ont retrouvé le chemin du dialogue. « Les Rencontres de Pétrarque » ont joué leur rôle dans cette évolution. Je suis assez fier de cela.
Le Débat. - Quel est le problème le plus grave ou le plus lourd qui se pose aujourd'hui à France Culture?
J.-M. B. - Je l'ai déjà dit, France Culture est dans l'entre-deux. À la fois entre le présent et l'intemporel, à la fois entre l'immédiat de l'information et la durée de la création, de la réflexion. France Culture est à la fois un mass media, une entreprise audiovisuelle et une institution culturelle, une entreprise de spectacle. Les programmes sont confiés selon leur nature à des journalistes, à des universitaires ou à des créateurs. Nous sommes décidément entre deux mondes.
Cet entre-deux fait que l'image de la chaîne peut paraître floue. Ceux qui ne l'écoutent pas ont du mal à saisir son identité subtile.
Ce qui n'arrange rien, c'est l'hégémonie de l'image que nous subissons tous. Vous avez évidemment noté que les postes de radio ont peu à peu disparu des chambres d'hôtel et ont été remplacés par des postes de télévision, bien qu'il soit, vous en conviendrez, plus facile de se brosser les dents en écoutant la radio qu'en regardant la télé! Avez-vous remarqué que lorsqu'un homme politique parle de l'audiovisuel, il ne pense jamais à la radio mais toujours à la seule télévision? Par ailleurs, dans les journaux, les articles consacrés à la radio sont presque partout relégués dans les recoins submergés par ceux consacrés à la télévision sous toutes ses formes, hertzienne, câblée ou satellitaire. Et si la radio parle beaucoup de la télévision, celle-ci l'ignore superbement. Dans la bataille du faire-savoir, la radio ne combat pas à armes égales.
Cette situation de domination est une épreuve pour ceux qui travaillent à la radio. Par exemple, les fictions radiophoniques qui font appel aux meilleurs auteurs et aux meilleurs comédiens n'ont le plus souvent droit à aucun article critique dans la presse, au moindre écho, parce que l'image envahit tout l'espace public et hypnotise les organes de presse les plus vigilants. Pour une radio comme France Culture, il est cependant essentiel, vital, d'alerter les auditeurs sur des programmes qu'ils aimeraient écouter et qu'ils n'écoutent pas pour la simple raison qu'ils en ignorent l'existence. Qu'on me comprenne bien: je ne dis pas que la télévision nous fait du tort intentionnellement, qu'il existerait une sorte de complot de l'image, je constate seulement que la télévision nous fait une grande ombre.
Le pire danger serait cependant de se résigner à chercher son salut du côté de l'image, à s'accrocher à la télévision, à vouloir adopter ses recettes. ET FINALEMENT, A CONFORMER, PAR MIMETISME, SES PROGRAMMES AUX DEMANDES SUPPOSEES DU PUBLIC. C'est un danger qu'il faut éviter à tout prix, un danger d'autant plus redoutable qu'il couve en nous-mêmes.
France Culture doit continuer à aller à contre-courant. Je suis convaincu que sa grande chance est d'affirmer sa singularité en s'inscrivant à la fois au centre de la vie culturelle nationale et sur ses marges, en accueillant chaque jour les formes d'expression les plus minoritaires : la parole des écrivains, des cinéastes, des chercheurs, des peintres... les moins connus, les moins exposés, qui sont souvent les plus originaux et les plus prometteurs. Le seul moyen pour France Culture de croître et embellir, c'est de rester un lieu unique de résistance à une conception utilitaire et mercantile de la culture dont on subit partout les ravages. À condition, cela va de soi, que cette radio dispose enfin de moyens de promotion décents, à la mesure de ses objectifs.
Vous m'interrogez sur les menaces, j'aurais aimé aussi vous parler des atouts et des espoirs. Permettez-moi d'en dire un mot.
J'ai déjà évoqué l'ouverture à tous, demain, des bibliothèques sonores, perspective exaltante car les émissions deviendront immédiatement des instruments de réflexion, de travail, à la fois pour les professionnels et les amateurs. France
Culture doit devenir, par ailleurs, la maison mère de plusieurs chaînes thématiques proposant ses programmes en multidiffusion par le biais du câble, du satellite et de la diffusion numérique. Les trésors accumulés ne demandent qu'à être visités, aussi bien par les individus que par les institutions, à commencer par l'école. Un public immense attend qu'on lui en ouvre les portes.
Mais je vais vous faire un aveu. France Culture dispose d'un atout unique: elle est d'abord et toujours une radio. Non, ce n'est pas une lapalissade ! A la différence de la télévision qui hypnotise le spectateur, la radio a pour elle d'être fluide et mobile. On écoute, bien sûr, France Culture dans son fauteuil, mais aussi en conduisant, en faisant la cuisine, en se promenant dans la campagne avec un baladeur sur les oreilles. Un seul sens étant mobilisé, comme lors d'une lecture, l'auditeur conserve tout son esprit critique et laisse libre cours à son imagination. C'est un média culturel idéal pour les individus qui désirent, dans nos sociétés nomades, échapper au conditionnement général. .





 
Louise

11/07/2004
01:22
re : Pour une étude comparée de textes

Non Edmond, pas les foudres pour le copier-coller, mais une grande tristesse à cette lecture quand je me souviens que bien sûr, France-Culture c'était cela: "éveiller du désir pour l'inconnu et l'inattendu"
Cette radio s'est mise à coller aux modes, à l'audimat et la prophétie de Jean-Marie Borzeix s'est réalisée, c'est fichu.

 
guydufau

11/07/2004
11:46
re : Pour une étude comparée de textes

Nous,qui sommes "avides d'informations,de décryptages des événements de l'actualité...et qui sommes les auditeurs les plus intelligents qui soient et aussi les plus intelligents",c'est Laure Adler qui l'affirme,comment peut-elle croire que nous allons la féliciter de l'arrivée de Valéry Giscard d'Estaing sur l'antenne de France Culture ? C'est en 1964,qu'est créée l'ORTF,placé sous la tutelle du ministre de l'information ! et Valéry Giscard d'Estaing est alors ministre des affaires économiques dans le gouvernement Pompidou.Quatre ans plus tard l'ORTF se couvre de ridicule en censurant les événements de mai 68,et en licenciant ensuite les quelques rebelles qui n'avaient pas accepté cette domesticité.
En 1974,autre coup bas,la partition de l'ORTF en sept sociétés publiques ou établissements publics et VGE est ministre de l'économie et des finances.
En qualité d'ancien ministre des finances,dans ses futures émissions sur FC,cet éminent personnage ,pourrait conseiller l'Union européenne pour qu'elle émette un emprunt,semblable à l'"emprunt Giscard",indexé sur l'or,qui a coûté à la France quelque 70 milliards de francs,sans aucun rapport avec l'argent récolté,un record en la matière.
 
guydufau

11/07/2004
18:04
re : Pour une étude comparée de textes

Il y a quatre fils pour dénoncer le sabotage de France Culture :"Peut-on descendre plus bas", "Les ambitions de Laure Adler", "Mon seul juge","Pour une étude comparée des rextes".
Je bats ma coulpe,j'en ai créé un,de plus j'ai placé des contributions sur des fils mal choisis.Il faudrait n'en conserver qu'un,je propose que cette initiative soit effectuée par DDFC.
 
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