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Nazdeb

30/03/2004
18:16
Bilan de la guerre au "terrorisme"


Je ferai cadrer ce qui suit à l'objet du forum (la radio) en disant que cela parle d'un fait à propos duquel j'ai écrit à plusieurs reprises à Alexandre Adler et une fois à Alain-Gérard Slama pour connaître leur opinion, sans jamais recevoir de reponse : le bilan en massacres humains des guerres des Etats-Unis contre le "terrorisme".

Lassé d'un tel silence, l'amateur parfait que je suis en est venu à pondre le texte que je me permets de poster ci-dessous (à l'attn de DDFC : pas de risque de poursuites, personne n'est nommé !).

Nazdeb

* * *

De l'art et du mérite de regarder en face le bilan de la guerre au "terrorisme"

Le nombre de civils qui ont été tués dans le cadre d’opérations de guerre engagées par les Etats-Unis et leurs alliés depuis le 11 septembre 2001, en additionnant ceux tués en Afghanistan à partir de l’automne 2001 et ceux qui sont morts au cours du conflit déclenché en Irak en 2003, peut être estimé à un minimum d'environ 14 000.

Ce bilan est près de quatre fois plus élevé que celui des victimes d’attentats attribués dans la même période à des agents islamistes et contre lesquels les guerres du président George W. Bush sont supposées lutter (11 septembre 2001 compris).

Pour faire une image, c’est comme si un juge décidait de venger le meurtre d’une personne un tuant le meurtrier et par-dessus le marché quatre membres de sa famille, enfants compris... A ceci près que, dans le cas de l’Irak, le coupable désigné, même s'il s'agissait de quelqu’un de peu sympathique, n’était pas réellement responsable du crime - Washington a reconnu que le régime irakien n’était pas impliqué dans les attentats du 11 septembre.

Si l’on tient compte des pertes militaires - plusieurs milliers de combattants talibans et entre 15 000 et 45 000 soldats irakiens seraient morts - le bilan toutes victimes confondues se situe, d'une manière très approximative mais réaliste, entre quelque 30 000 et 70 000 personnes environ. Cette fourchette est entre cinquante et cent fois plus élevée que le nombre de Kosovars tués en 1999 par les forces armées serbes et qui figurent dans l’acte d’accusation de l’ancien président Slobodan Milosevic devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, soit environ six cents personnes.

Il vaut la peine de rappeler que les auteurs de cette performance, les dirigeants états-uniens, sont considérés comme les représentants les plus puissants et les plus farouches de la religion chrétienne, c’est-à-dire des individus supposés servir la doctrine d’un personnage mythique qui enseignait le pardon, disait aux hommes de s’aimer les uns les autres, de tendre l’autre joue, etc.

On peut également constater le silence qui est réservé à ce bilan un peu partout dans le monde. La presse occidentale (à l'exception du journal britannique The Independent, source pour le présent texte) est absolument muette sur l'ampleur de ce désastre. Les éditorialistes et chroniqueurs y conspuent légitimement la violence terroriste, la barbarie des attentats, sans avoir un seul mot pour les victimes bien plus nombreuses des bombardements américains.

Cette indifférence est un déni de mondialisation, de justice et de bon sens. Elle est d'autant plus injustifiable que les guerres menées par les Etats-Unis en Afghanistan et en Irak sont parties prenantes dans la logique de la “guerre au terrorisme”. Dans cette logique, les malheurs des uns sont la conséquence directe et brutale de la vengeance des autres. Les définitions y sont univoques et n'ont de sens que si elles valent la même chose pour tous : la vie y est sacrée, il n’y a aucune justification au meurtre d’innocents, etc. La mort d’une personne est aussi grave qu’elle résulte d'un attentat dans un train de banlieue de Madrid ou d'un raid de bombardiers.

Il est vrai que, dans notre confortable Europe, on n'est pas naturellement porté à mettre sur un même plan les victimes de la guerre et celles du terrorisme. Ce sont là des phénomènes incomparables du point de vue des registres de destruction et d'implication politique qu'ils supposent. De plus, la guerre ne nous menace pas, c'est un phénomène qui fait partie de notre passé, tandis que le terrorisme représente un danger actuel, surgit dans un quotidien partagé par tous, etc. Notre empathie va donc plus facilement aux victimes des attentats de Madrid qu'à des habitants de Bagdad déchiquetés par une bombe à fragmentation. Qui plus est, nous avons massivement protesté contre la guerre en Irak : nous avons dit tout ce qu'il y avait à dire à son propos avant qu'elle ait lieu, il semble inutile et assez vain de réinvestir le sujet maintenant, etc.

C'est perdre de vue une chose : le meilleur argument contre la guerre est précisément le fait qu'elle tue des gens. Dire les désastres qu'elle engendre est sa plus mauvaise publicité. C’est la vision de la souffrance des victimes qui a conduit une partie de l’opinion américaine à réclamer dans les années 1970 la fin de la guerre au Viêt-nam.

Victimes de la guerre et victimes du terrorisme sont sur un même niveau de comparaison, un pied d'égalité où la différence de regard porté sur les victimes selon leur appartenance nationale ou selon le nom que leurs meurtriers donnent à la façon dont ils les tuent ne devrait pas avoir sa place. Si tout le monde se mettait à dénoncer et à faire connaître le drame humain vécu par ceux qui ont subi les guerres récentes, les victimes des futurs bombardements que les bureaux américains de planification militaire réservent au monde auraient peut-être une chance d'échapper à leur destin.

Sources :

- "The terrible human cost of Bush and Blair's military adventure : 10,000 civilian deaths" (The Independent, 8 février 2004)
http://news.independent.co.uk/uk/politics/story.jsp?story=48 9082
http://www.iraqbodycount.org
- "The innocent dead in a coward’s war", Seumas Milne (The Gardian, 20 décembre 2001)
http://www.guardian.co.uk/afghanistan/story/0,1284,622000,00 .html
- Attentats attribués à Al Qaida depuis 1993 (Wikipédia)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Al-Qaida#Liste_des_attentats_at tribués_à_Al-Qaida_ou_revendiqués_par_Al-Qaida< br /> - "La guerre en Irak aurait fait entre 21 000 et 55 000 morts" (Pax Humana, 12 novembre 2003)
http://www.paxhumana.info/article.php3?id_article=363
- Acte d'accusation de Slobodan Milosevic devant le TPIY
http://www.un.org/icty/indictment/french/mil-2ai011016f.htm< /A>

 
Nazdeb

30/03/2004
18:19
re : Bilan de la guerre au "terrorisme"

Heu je précise "personne n'est nommé" à part George Bush bien sûr...

 
Louise

30/03/2004
22:21
re : Bilan de la guerre au "terrorisme"

Merci Nazdeb de nous rappeler ces faits. Ce sont des FAITS que Slama et Adler ont du mal à prendre en compte.
Pourquoi?
 
anonyme

31/03/2004
00:11
?

Je ne nie rien a ton discours Nazdeb, mais comment percois tu, si je suis ta ligne de conduite, tu dois etre une fervent defenseur de l'abolition de la peine de mort(fait que je partage), le fait que des organisations terroristes puissent au gré de leur fantaisie condamner a mort des civils? et au hasard.
La guerre n'est que la resultante de la condamnation precitée.


arf! nazdeb deja qu'on va se retrouver en taule a cause de Paul si en plus tu dis qu'on va avoir des proces on n'a pas fini? mais quest ce qu'on aura rigolé!
dom
 
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31/03/2004
00:16
Nous avons les moyens de vous retourner


 
Nazdeb

31/03/2004
10:08
re : Bilan de la guerre au "terrorisme"


Mon opinion à propos du fait que des activistes de tous bord tuent des civils au gré de leur fantaisie est clairement déductible de ce que j'ai écrit là :
« les éditorialistes et chroniqueurs conspuent légitimement la violence terroriste »
là : « il n’y a aucune justification au meurtre d’innocents »
ou encore là : « la mort d’une personne est aussi grave qu’elle résulte d'un attentat dans un train de banlieue de Madrid ou d'un raid de bombardiers ».
Bref, je trouve bien évidemment le meurtre de civils révoltant dans tous les cas.

Quant à l'idée que la guerre ne serait que la conséquence de la "condamnation precitée" (l'acte terroriste), elle est retracée par la métaphore du meurtrier dont on tue toute la famille et qui montre assez bien la démesure de la chose. Dans ma culture et ma vision des choses, la seule façon de sanctionner un acte de violence est d’arrêter ses auteurs et de faire un procès. Et puis il y a cette importante nuance que, Bagdad n'ayant rien à voir avec le 11 septembre et ne s’apprêtant pas non plus à attaquer l’Occident avec des ADM, la guerre en Irak fut une "résultante" manipulée, injustifiée et illégitime.

Et puis il y a tout de même cette question hyper cruciale à laquelle il va bien falloir répondre un jour : pourquoi diable donc crénom d'une buse les terroristes n’attaquent-ils pas Ibiza ou la Nouvelle-Zélande ? Ce sont pourtant de petits paradis du démon capitaliste et judéo-chrétien non ?

Nazdeb

 
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