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laurent nadot

08/03/2004
17:06
Le bon plaisir

Quelques remarques en tardive réponse à Arnaud Laporte qui doit avoir autre chose à faire que de nous lire. Remarques qui font suite au plaisir éprouvé à écouter les rediffs de nuit de l'émission "Le bon plaisir".

Sa réponse n'est pas si surprenante, à condition qu'on se souvienne que c'est un professionnel qui nous parle. Car un des aspects les plus surprenants, à France Culture c'est la coupure entre ceux qui la font et ceux qui l'écoutent. Et je ne pense pas ici à ceux/celles qui la défont en feignant de la diriger. Alors de quoi s'agit-il ?
- La coupure entre les gens de radio et leur public, on la voit par exemple entre d'un côté un réalisateur qui proteste avec véhémence dans un auditorium où on vient d'entendre une de ses fictions mais avec pas assez de basses dit-il (ou je ne sais quel manque de dynamique ou quelque chose comme ça), et de l'autre côté le public d'auditeurs présents, qui viennent de jouir de cette même écoute dans la circonstance exceptionnelle de l'auditorium, et qui de toutes façons, chez eux, écoutent et apprécient les autres productions du même type sur leur poste à 30 euros…. Ce jour-là l'artiste focalise son intérêt sur le son qu'il s'est défoncé à peaufiner (bravo pour lui), mais pas sur ce que l'auditeur ressent. Mais pour respecter Vermeer faut-il empêcher la diffusion de toutes les photos de ses toiles, les moyennes comme les mauvaises ? Alors de telles réactions, qui sont parfaitement compréhensibles si on se glisse une minute dans la peau du créateur, ça montre tout de même une coupure entre ce dernier et l'auditeur dans la salle qui doit avaler ce flingage consécutif à une écoute qui avait pourtant recueilli ses applaudissements.
- Et il y a aussi une coupure entre le grand Jean Lebrun et son public quand l'homme de radio ironise (amicalement... ?) d'un "non mais vous êtes pas un peu malade ? " en réponse à l'auditeur présent qui vient de raconter avec quelle passion il enregistre des émissions, devant son poste ou quand il est absent, avec plusieurs magnétos et des timers branchés en parallèle etc.

C'est peut-être la même coupure qui est à l'œuvre quand Arnaud Laporte, homme qui valorise la recherche esthétique, déclare Le Bon Plaisir avoir été une émission à bout de souffle en 1999. Mais vu le réservoir d'invités potentiels, s'il y a quelque chose qui plafonne dans LBP, ça ne peut être que dans la forme. Et vu la vocation de l'émission, qui n'est ni la recherche ni l'innovation radiophonique, eh bien ça ne pose aucun problème, que la forme soit toujours plus ou moins la même. Et ce qu'Arnaud Laporte, considère peut-être comme du "déjà vu" c'est au contraire précisément la source du normal renouvellement du plaisir de l'auditeur, content d'être en terrain connu. Ce sont les normales redites d'un genre radiophonique qui avait fini par se trouver. Il y avait dans 3h de Bon plaisir : de la discussion, de l'interview, des intermèdes musicaux, des témoignages, des ambiances, des souvenirs, de l'humour, de la biographie, de l'amitié, de l'émotion non sensationnelle (l'inverse de ce qu'on nous sert maintenant). La palette est assez large comme ça, une fois l'émission mise au point, il fallait continuer à l'exploiter et non pas l'assassiner.

Pour dire un mot du renouvellement des invités du Bon Plaisir, je suggère simplement l'expérience suivante : il suffit de balayer du regard une semaine ou même une journée de programmes de FC pour voir surgir des noms de personnes invitées, ou citées, ou référencées, qui étaient susceptibles de servir de sujet à ces "portaits intimes et subjectifs". La vie intellectuelle, artistique, culturelle, est assez riche pour fournir bien plus de 48 Bons plaisirs par an…

Alors pourquoi avoir stoppé net cette source de plaisir ? Cette émission était bien nommée car ce plaisir était avant tout le notre. Pour qui identifie dans sa disparition un effet de la notoire pathologie des directions des entreprises publiques françaises (cf chefs d'œuvre de décisions chez Bull, SNCF, Télécom, RATP, France télévision), en un sens c'est encore la manifestation d'un Bon plaisir, négatif celui-la... D'ailleurs la raison invoquée à l'automne 99 fut, non les limites proprement radiophoniques atteintes par l'exercice, mais sa durée, jugée excessive, suivant en cela la réduction de 3h à 2h, déjà assez dommageable. A l'époque on ne pouvait pas savoir que la durée n'était un prétexte, on pouvait encore croire que cette décision et cette explication absurdes étaient signes de l'ignorance de ce principe de base, que la radio est faite pour un public, où les calculateurs froids ne savent voir qu'un simple potentiel d'audience, et non un éventail de personnes dont il faut tenir compte en tant que personnes.

La suite de l'histoire a montré que les choses étaient autrement obscures, et nonobstant le point de vue (d'esthète ?) présenté ici par Arnaud Laporte, le Bon Plaisir n'est qu'un exemple d'un phénomène vaste et désolant : la liquidation d'une floppée d'émissions de qualité, au prétexte d'amélioration mais en fait pour des raisons qui probablement nous dépassent et surement ça vaut mieux ainsi.

Laurent Nadot

 
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