Archives 2003-2008 du forum de discussions sur France Culture

Le forum de discussions sur FRANCE CULTURE du site DDFC est fermé mais vous pouvez accéder en lecture aux 35.000 messages d'auditeurs archivés, ainsi qu'aux fameux SMILEYS et DÉCALCOS. Mention légale : les textes, idées et contenus présentés ici n'engagent que leurs auteurs à titre personnel et non le propriétaire du site DDFC.


 La pétition SOS France Culture continue sur le site sosfranceculture.free.fr        Dictionnaire TLF 
 Recherche :
 Dans le fil

Retour à la liste des messages
Agnès

10/02/2008
08:39
C'est en lisant qu'on devient liseron VI

Oui, je sais, je n'ai pas fait de synthèse depuis des lustres. Ça attendra encore un peu. Mais liseron V devient trop long à charger. il est là :http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=30 687
et les précédents sont affichés en début de fil.

Milena Agus : Battement d' ailes | Ali di Babbo *
Un an s’est écoulé et Milena Agus a écrit une nouvelle histoire. Que j’ai achetée, aussitôt que publiée. Et lue, à peine rentrée. Le livre qu’on ouvre sur un coin de table, en urgence, entre les courses et le repas du soir. Puis qu’on emporte au lit, au chaud, pour le finir.
Une histoire, c’est bien ça. Parce que ces livres, je les écoute tout autant que je les lis. Avec un sourire ravi de gosse affamée. C’est tout un univers déjà familier de gens un peu braques, éperdument excentriques et pourtant proches, sur fond somptueux de paysages sardes. Cette fois, c’est Madame l’héroïne "macca", "scimingiada", évoquée par le regard d’une toute jeune fille, adolescente elle aussi un peu égarée, dans un maquis sarde éblouissant et menacé par les promoteurs. Quelques maisons, les voisins bigots et pieux qui « ont autant d’enfants que Dieu le veut » et qui « s’en occupent, mais en général, pas en particulier », avec leur fils aîné qui joue du jazz à Paris, et on raconte à la grand-mère qu’il est « à la Sorbonne, en génie du bâtiment », et le petit dernier Pietrino, qui voit des pierres lumineuses sur les chemins ; et puis la famille de la jeune fille, le père disparu après avoir ruiné la famille, la mère alitée et neurasthénique, la tante qui écrit sur Leibniz et donne des conférences dans le monde entier, les quatre petites sœurs à peine esquissées, et le grand-père, caustique et généreux, prof de philo en retraite que son rationalisme sceptique ne met à l’abri ni du désordre, ni de la magie. Madame est son meilleur ami.
Tout ce monde essaie de s’arranger avec la vie et sa pagaille, l’argent ou son absence (faut-il vendre aux promoteurs ?), et la question du bonheur : tout est-il pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Les monades de Leibniz se promènent parmi les gâteaux sardes, l’amant premier, l’amant second et le blessé (amant troisième) de Madame, à qui sa bonté ardente et sa beauté ne garantissent certes pas une vie sentimentale paisible (elle a bien des traits de la grand-mère de "Mal de Pierres", en particulier cette sexualité en quelque sorte « naturellement » sadique qui n’est pas l’une des moindres étrangetés de cet univers). Il y a aussi le coq, Niki niki, la jument, la voiture (la Ferrarina). Et puis le battement des ailes (des anges, du père ?), et surtout, les mots. Ce style limpide, fluide, oral comme celui d’un conteur, comme un courant de conscience mis en forme par la parole, qui affirme avec simplicité que les histoires sont le seul remède, la seule FORME possible face au dérangement universel.
*"Ailes de papa" ("babbo" est une forme dialectale).


 
Agnès

02/03/2008
20:36
re : C'est en lisant qu'on devient liseron VI

"Seule une histoire peut empêcher nos descendants de trébucher comme des mendiants aveugles et de se déchirer aux épines des cactus". (Chinua Achebe)
C’est l’épigraphe – à laquelle je souscris, ô combien, même si cactus il n’y a pas partout ! - de Ma Soeur , mon amour ("Sister of my heart") de Chitra Bannerjee Divakaruni.
Voilà que mon chemin de lectrice a croisé l’Inde, trois fois en quelques semaines, cependant qu’hier matin, après une fin de nuit passée à avaler ce roman, France Culture, pour une fois digne de son nom, consacrait l’émission "Concordance des Temps" à Christophe Jaffrelot, passionnant spécialiste de ce pays et de son histoire.
J’avais découvert Chitra Bannerjee Divakaruni, il y a deux ans. Une amie m’avait offert "La Maîtresse des épices" (alors chez Picquier), dont je n’ai jamais pris le temps de parler, mais que j’ai offert depuis, plusieurs fois. "Ma Sœur, mon amour" m’a donc tiré l’œil, à cause de l’auteur, et d’une couverture où une paume de femme s’ouvre sur un fouillis de voiles orangés et un collier d’œillets du même ton. C’est une histoire qui regorge d’histoires. Deux sœurs d’élection – sont-elles au moins cousines ? – à Calcutta, dans une somptueuse demeure de famille (brahmane ? il n’est guère fait mention des castes dans cette Inde-là) en plein effritement – marbre, clôture dense de figuiers centenaires, et la terrasse de briques où les fillettes, puis les jeunes filles dorment, rêvent, et se racontent en épiant les étoiles filantes -. Elles ont trois mères, et pas un père, les deux sont morts au loin le jour de leur naissance, les frappant d’opprobre et de malchance. Ainsi grandissent-elles, strictement élevées dans le sens du devoir, à la maison et à l’école religieuse, loin du monde extérieur, gorgée d’histoires par leur troisième mère Pishi. Sudha est belle, timide, intuitive et romanesque. Anju déborde d’intelligence et d’esprit de rébellion. Chacune est à l’autre sa sœur d’âme, jusqu’à ce que la vie les entraîne vers leurs destins imprévus, toutes deux précocement mariées, l’une en Inde, l’autre en Amérique.
C’est construit sobrement, selon les voix alternées de l’une ou l’autre des deux filles. "La Princesse dans le Palais des serpents" devient "La Reine des épées" (le conte, encore ! comme cœur battant de l’univers romanesque). Rites, étoffes, bijoux, saveurs, odeurs, épices… au-delà des mots, on cherche à découvrir la saveur des mets.
C’est chez 10/18, encore, source inépuisable de découvertes étrangères –Divakaruni écrit en anglais, et vit en Californie), même si l’on peut en regretter la minceur des marges et l’absence totale de notes explicatives à l’abondant lexique indien.
C’est une histoire d’amours et d’exils, subtile, profonde, émouvante et captivante. Je ne l’ai pas lâchée avant de l’avoir finie, pour découvrir, en passant chez le libraire, que l’autre volume du même auteur qu’il proposait, "La Liane du désir" ("Vine of desire"), en constituait la suite. Catastrophe. Encore une nuit passablement ébréchée. J’en parlerais une autre fois.
Le dernier roman de l’autrice "The Palace of illusions", vient de paraître aux USA.
http://www.chitradivakaruni.com/
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/ concordance/index.php?emission_id=8



 
AArgh !!!

02/03/2008
20:41
Erratum

gorgéeS d’histoires...
J’en parleraI une autre fois.

 
Agnès

03/03/2008
11:51
Riel, once again

Je me suis offert ce matin une petite récréation en relisant, car c'est aussi un plaisir infini que de relire, "La Passion secrète de Fjordur et autres racontars", que j'ai racheté faute de l'avoir retrouvé (comme tous les livres aimés, Riel est singulièrement absent de nos étagères). C'est un délice. On y découvre après débauche d'hypothèses au sujet de sa réclusion et de son absence d'hospitalité les raisons de la muflerie de Fjordur (Accès de religion ? onanisme ? ivrognerie ? ah ! les interminables discours savants de Mads Madsen le raisonneur), c'est le volume où est narré le "combat de gueule" de Lause et du Lieutenant Hansen consécutif à un débat sur l'art du service à table, et le séjour de l'arrogant et dogmatique inspecteur chez Bjorken suscite chez le lecteur une indignation au moins égale à celle des chasseurs... Il y a une histoire d'ours, une histoire de chien fidèle - Laban, pas Lassie - la découverte du mal de mer et du sens de la vie par un avocat bedonnant, la musique et la fraternité des solitaires...
J'ADORE ces histoires, contées avec talent, drôlerie, générosité, une immense affection pour les hommes et le sens absolu des infinies richesses du langage et du récit.





Note du webmaster : les critiques littéraires du Liseron continuent sur le blog Convolvulus

 
Retour à la liste des messages

Page générée en 0.05 seconde(s) par la technique moderne