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Henry Faÿ

18/08/2003
15:38
devoirs de vacances

Cher Guy, chers amis
Reprenons. J'avais écrit un message dans lequel j'avais dit mon étonnement devant les propos de Francis Crémieux à qui Antoine Perraud avait consacré une émission dans la série "les grandes voix de la radio". Cet homme prétendait qu'en plein coup de Prague, si on n'avait rien à se reprocher, on n'avait rien à craindre de la Police. J'ai donc écrit de cet homme qui des millions de morts après ne regrettait rien qu'il était une "crapule stalinienne".
J'ai reçu quelques réponses indignées, dont celle de Guy. Il ne faut pas dire des choses comme ça, m'a-t-il répondu et il a invoqué, ce qui n'était pas une réponse directe à la question l'opposition qu'il y a entre le vertueux partage et la très répréhensible accumulation capitaliste.
J'ai répondu que partage et accumulation étaient tous deux nécessaires dans une économie, surtout dans une économie moderne et que la répartition entre les deux était une question d'affectation de ressources.
Guy m'a répondu que le partage était vertueux, acte de sainteté puisque Saint François d'Assise et Saint Nicolas, vénéré par les orthodoxes l'avaient pratiqué. Nous devrions suivre ces sublimes exemples.
Je pose alors la question: la sainteté, aussi magnifique, sublime, désirable soit-elle permet-t-elle de fonder une économie moderne? J'en doute beaucoup. En fait c'est une question à laquelle j'avais déjà réfléchi, en particulier en lisant les livres de René Dumont. René Dumont prônait l'austérité, l'égalité par le partage, le travail quasi désintéressé. Il abominait le luxe. Il vitupérait les sièges sociaux des banques et les grands hôtels. Il était surpris et scandalisé de voir que ça ne se passait jamais comme il le voulait et constatait que les seuls à observer ces principes étaient les religieuses et les religieux, dont il ne partagait pas les croyances ainsi que les chinois qui à l'époque étaient animés par l'idéologie maoïste.
Moi ce que je vois, c'est que 99,999 des gens n'ont qu'une idée en tête, gagner de l'argent. Les Saint François d'Assise, les Saint Nicolas, les Saint Martin qui a coupé son manteau en deux pour secourir un malheureux, c'est une infime infime minorité, très précieuse, bien sûr. C'est le sel de la terre. Les gens de tous continents, toutes conditions cherchent à gagner de l'argent et en fait ils n'ont pas le choix, car les contraintes imposées par la société sont implacables. Essayez de ne pas payer votre loyer et quelques taxes et vous verrez les ennuis que vous aurez!
Les gens veulent gagner de l'argent, ils en ont besoin et c'est là dessus que s'appuye sur l'économie. C'est bien pour ça que les gens travaillent, ce n'est pas pour le plaisir, hélas. Je veux dire pour l'immense majorité d'entre eux.
Les gens veulent gagner de l'argent et il ne faut pas leur interdire d'accumuler car épargner c'est accumuler et cette fonction d'épargne est absolument indispensable à la fois aux personnes et à l'économie dans son ensemble. Il serait absurde de la diaboliser.
L'Evangile est un texte admirable entre tous et je sais qu'un certain nombre de personnes axent leur vie sur ses préceptes mais si on voulait fonder une économie sur l'Evangile, on se heurterait à de très très gros problèmes et je ne le recommenderais pas.
Il y a des saints à notre époque comme à toutes les époques. L'ancien propriétaire de Park Center, je ne suis pas sûr qu'il soit un Saint mais il a fait un geste digne de Saint François d'Assise. Il a vendu son entreprise et tout donné à Mère Teresa.
Il y a un homme politique moderne qui sera peut-être béatifié et pourquoi pas canonisé, savez-vous qui c'est? c'est Robert Schuman, le père de l'Europe.
Amen Henry


Guy m'a répondu que le partage
 
guydufau

19/08/2003
11:16
re : devoirs de vacances

D'abord pourquoi le message d'Henry est-il interompu?
Le devoir de vacances je m'y attèle,il va nous faire parler d'économie.Le schéma adopté,par Henry-pour le moment?- est vraiment trop simpliste,trop binaire:il y a partage,il y a accumulation,les deux se complètent,c'est une question de dosage.
Concernant l'accumulation,elle va toute seule,avec la cupidité,la rapacité,elle est propulsé à grande vitesse.Quand au partage,c'est autre chose,c'est même l'inverse,quand un chien a un os il est difficile de le lui prendre,il y a beaucoup d'angélisme pour croire que ce système,est naturel,et qu'il faut le laisser fonctionner tout seul (je concède qu'Henry parle de dosage)
La réalité est plus complexe:
La"science" économique est récente,elle est née il y a moins de deux siècles,je vais emprunter ce qui suit à un article de Simone Weil,morte en 1943,et intitulé "Quelques méditations concernant l'économie".(écrit vers 1937)
Il y a deux phénomènes liés et presque aussi vieux que la monnaie elle-même,se sont le crédit et la redistribution du capital.Proudhon,dans son lumineux petit livre "Qu'est ce que la propriété?" prouvait que la propriété était non pas injuste,non pas immorale,mais impossible,il entendait par propriété non le droit d'user exclusivement d'un bien,mais le droit de le prêter à intérêt,quelque forme que prenne cet intérêt:loyer,fermage,rente,dividende...
Dès lors que le capital foncier ou mobilier(1) est rétribué,dès lors que cette retribution figure dans un grand nombre de comptabilités publiques et privées la recherche de l'équilibre financier est un principe permanent de déséquilibre.Cest une évidence qui saute aux yeux.Un intérêt à 4% quintuple un capital en un siècle,mais si le revenu est réinvesti ...la progression avec un intérêt de 3%,un capital est centuplé en deux siècles".
les quelques 265 individus qui possèdent autant que 40% de la population de notre planète prouvent que Proudhon avait vu juste.
Henry dit que 99,999% des gens pour subvenir à leurs besoins:payer un loyer...doivent gagner de l'argent sauf les illuminés tels que François,Nicolas ou Martin (2)j'y ajouterai les 265 voraces cités plus haut,qui ne sont pas acculés à gagner de l'argent,pour avoir la possibilité de vivre.

Comment l'économie est envisagée ,aujourd'hui par ceux qui ont le pouvoir politique et financier,la pensée libérale les habite:les hommes sont méchants,toutes ces méchancetés s'annulent pour créer une harmonie sociale,il est inutile,donc, de s'occuper de protection sociale.
is nos libéraux,bonnes âmes,à la manière des dames patronesses d'autrefois,autorisent la charité,même si éventuellement cete charité dérape vers la coruption (je plaisante)
Je termine en citant l'opinion de Robert Musil,rapportée par Jacques Bouveresse:"le philosophe et le réel"Hachette
Le capitalisme est le système le plus rationel,le plus efficace,le plus flexible et le plus productif d'exploitation et d'organisation de l'égoisme humain.C'est ce qu'il appelle"la spéculation à la baisse":la spéculation sur ce qu'il y a de plus inférieur en l'homme,et par conséquent aussi de plus sûr.Il n'y a jusqu'à présent que ce système qui ait réussi à produire entre les hommes un mode de coexistence à peu près supportable,mais à un prix extrèmement élevé.Le capitalisme,dit Musil,engendre le progrès,mais il ne peut engendrer aucun ordre,et surtout aucun ordre humain.Ce qu'il engendre est au contraire,comme on le constate aujourd'hui(3) de plus en plus la dissolution du lien social et la disparition des solidarités traditionnelles
(1)Il manque le capital financier, de loin le plus important aujourd'hui
(2)Que j'avais confondu avec François
(3)Début des années 1930

P.S. DDFC va devoir mettre un point d'interrogation devant Devoirs de vacances
 
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