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edmond

04/08/2007
14:06
re : Peut-on être nietzschéen de gauche?

Comme le nietzschéisme de gauche a repris ses quartiers d’été sur France Culture, réactivons donc ce fil.

Quelques objections donc (desquelles la problématique de la casse de France Culture n’est pas absente) aux objections ci-dessus :

1/ La prétendue innocence des sciences sociales :
[[« Refus de toute extension de la science à la société, ça voudrait dire qu’il n’y a pas de sciences sociales, mais c’est tout le contraire, dans notre société « bourgeoise », les sciences sociales se portent plutôt bien, merci pour elles. Aux Etats-Unis, elles se portent encore mieux. »]] […]
[[« Ce qui voudrait dire que si on reconnaissait l’extorsion de la plus-value, il n’y aurait plus de privilèges. Mais c’est le délire le plus total, c’est se payer de mots, c’est du abracadabra, c’est le comble de la naïveté ! Il y a eu des tonnes et des tonnes d’études sur cette fantomatique plus-value »]]
Faisons un détour explicatif par France Culture. Notre frottement (de bientôt 8 ans) à la dégradation de cette radio de service public culturelle nous a permis de dégager quelques points dont nous avons une connaissance sinon totale, du moins très approfondie. Appelons cette dégradation programmée, ce hold-up fait aux auditeurs, l’extorsion du sens et notre état consécutif d’auditeur floué, l’aliénation de l’auditeur.
Mais d’autres instances prétendent aussi ou ont prétendu à une connaissance des changements sur France Culture, en se réclamant d’une approche scientifique ou d’un travail d’experts. Ainsi des études médiamètriques biaisées (ne prenant en compte que le passage de l’auditeur sur la chaîne et non le temps qu’il y reste), des rapports de commande orientés (rapport Ténèze), des enquêtes bidonnées (enquêtes de l’AFC qui s’occupaient en 2000 de calculer l’âge moyen de l’auditeur et la couleur de la chemise du capitaine quand alors il y avait le feu au château France Culture).
Appelons reconnaissance, notre connaissance d’auditeur, enrichie de toutes les déterminations vécues de l’intérieur par rapport à cette radio. Et appelons connaissance formelle (ou morte) cette connaissance « scientifique » amputée de toutes ces déterminations.
Quelqu’un d’extérieur à la radio, qui connaît un peu France Culture comme tout le monde mais n’en ai pas un auditeur, se fiera à ces études « scientifiques », à ces rapports d’experts et il n’ira pas plus loin. Et face à quelqu’un qui lui parlera de l’extorsion du sens sur France Culture depuis 8 ans, il lui rétorquera qu’il y a eu « des tonnes et des tonnes d’études », de rapports d’experts sur ces changements, sur cette « fantomatique » extorsion du sens… Il illustrera parfaitement ce que dit Hegel : « Tout ce qui est bien connu en général, justement parce qu’il est bien connu, n’est pas connu ».
Reconnaître l’aliénation de l’auditeur de France Culture, au contraire, ce serait que le débat contradictoire soit instauré, organisé librement dans la presse, à l’antenne de France Culture sur les bienfaits ou non des changements de la chaîne. Nul doute alors que ces changements n’y survivraient pas tellement la contradiction apportée par les auditeurs serait tsunamique et emporterait tous les arguments vides et mondains qui ont prévalu et cautionné ces changements. L’audience du procès de Lubrina en fut une parfaite illustration : ces gens-là ont besoin d’interdire tout débat contradictoire pour se conserver et ceci de plus en plus (verrouillages médiatiques de plus en plus complets comme on l’a vu récemment pour affermer aussi Rue89 et Libération). Ouvrons une parenthèse à ce sujet car je crois que ça n’a pas été dit : aucun membre du personnel de Radio France n’est venu à ce procès pour leur témoigner leur soutien, ce qui est quand même très révélateur de leur solitude pour faire ce boulot de casse. Toute la salle était acquise à Lubrina. Fermons la parenthèse.
On est dans le même cas de figure pour l’extorsion de la plus-value organisatrice de l’aliénation de l’homme en régime capitaliste. En effet, cette distinction entre connaître et reconnaître, opératoire donc au niveau très local de France Culture, l’est à fortiori bien plus (les enjeux étant bien plus grands) au niveau global de l’aliénation de l’homme en régime capitaliste. Les sciences sociales y ont pour fonction de neutraliser la reconnaissance de l’extorsion de la plus-value comme organisatrice de l’aliénation de l’homme, par des études formelles ou fragmentantes, tout comme les études médiamètriques biaisées, les rapports Ténèze orientés, les enquêtes bidonnées de l’AFC ont pour fonction de masquer l’extorsion de sens sur France Culture génératrice de l’aliénation de l’auditeur.
De la même manière, reconnaître l’aliénation de l’homme consécutive à l’extorsion de la plus-value, ce serait faire en sorte que le débat contradictoire soit instauré, organisé dans la presse, les sciences, à la radio sur la redistribution effective des fruits du travail à ceux qui l’ont effectivement produit et sur le fait que ceux-ci puissent décider de leur consommation et non pas subir la consommation abêtissante, aliénante imposée par le capitalisme. De tels moments se produisent à des moments de l’histoire de France et ils aboutissent à des avancées qui vont tendanciellement dans ce sens d’une reconnaissance critique de l’extorsion de la plus-value et d’un recul consécutif des privilèges (1789, le CNR à la Libération, les accords de Grenelle, etc.) même si ces avancées sont regagnées, regrignotées après par la réaction, etc.

2/ La prétendue innocence idéologique du capitalisme :
[[« Et le grand amalgame, de plus en plus délirant, continue. Le capitalisme en plein désarroi aurait inventé pour assurer sa survie (i) les saignées patriotiques, (ii) l’antisémitisme, (iii)le fascisme, (iv) l’idéologie du désir ( !), (v) Le Pen, (vi) Harlem Désir, (vii) Jack Lang, (viii) Bernard Kouchner, (ix) l’écologie, (x) les changements sur France Culture (xi) la récente « Grande Rupture de Nicoléon ». Il en a des ressources, ce capitalisme ! »]]
Là encore, pour un enjeu infiniment moins important, à savoir la persistance d’une radio de service public culturelle de qualité comme France Culture, on a vu avec quelle force, le brouillage idéologique a été organisé. Personne ne jugera délirant, je pense, d’en rappeler les opérateurs : actuocentrisme, jeunisme, entrisme journalistique, promotionisme culturel, magazinisme, etc. Alors a fortiori, pour un enjeu bien plus important que France Culture, à savoir la reconnaissance de l’extorsion de la plus-value comme organisatrice de l’aliénation de l’homme, il est encore moins délirant de poser la nécessaire existence d’un brouillage idéologique. Les opérateurs n’en sont plus alors l’actuocentrisme, le jeunisme, l’entrisme journalistique, le promotionisme culturel, le magazinisme mais sont des opérateurs d’un autre ordre (philosophique) : négation de l’histoire, négation de la production, négation de la dialectique. Ces grandes catégories philosophiques du brouillage idéologique se redistribuent alors, en se recombinant entre elles au besoin, pour aboutir à des concrétisations sociétales idéologiques neutralisantes effectivement comme le surréalisme, la psychanalyse, l’antisémitisme, le fascisme, l’existentialisme, le structuralisme, l’idéologie du désir, Le Pen et Harlem Désir, Jack Lang, Bernard Kouchner, l’écologie, le dénigrement de la transmission des savoirs, etc.

3/ [[« Je ne suis pas sûr que la bourgeoisie soit une catégorie pertinente s’il s’agit de philosophie. »]]
Non, la bourgeoisie n’est pas une catégorie philosophique : c’est une catégorie sociale qui instrumentalise des catégories philosophiques (exemples : Nietzsche, Onfray et tous les autres) pour se conserver. « Les idées de la classe dominante sont toujours les idées dominantes. (…) La classe qui dispose des moyens de production matérielle dispose donc en même temps, des moyens de production intellectuelle, si bien qu’à celle-ci se trouvent globalement assujetties les idées de ceux qui manquent des moyens de production intellectuelle. » Marx.

4/ Le sens de l’histoire :
[[« Cette notion de sens de l’histoire, hautement suspecte et empreinte de religiosité »]] […] [[« Le sens de l’histoire de l’humanité n’est pas une notion rationnelle, c’est une notion pseudo-religieuse. »]]
Je pense au contraire que c’est la notion d’ « histoire sans sens » qui est empreinte de religiosité. Les religions animistes adoptent plutôt le temps circulaire comme « vision du monde », calée sur la circularité immuable des saisons, le temps dont on ne sort pas, l’Eternel Retour. Cette notion est récupérée par toute la pensée réactionnaire de la négation de l’histoire, car ce qui est visé par cette posture idéologique de critique du « sens de l’histoire », c’est la notion de progrès (social s’entend) pour lui retirer toute légitimité philosophique.
C’est d’abord les monothéismes, c’est vrai, qui marquent clairement un sens qui nous arrache justement à cette circularité, aux diktats de la nature, qui nous arrachent à… cette religiosité. En cela entre autres ils pointent un progrès même s’ils ne sont qu’un moment de ce progrès. Les monothéismes sont l’antichambre du socialisme et Nietzsche les stigmatisera de la même manière que le socialisme (morales d’esclaves).
Par ailleurs, s’il n’y avait pas de sens à l’histoire, c’est qu’elle serait soit un chaos stochastique, une entropie généralisée, soit une pure circularité. Or tout le dément. On pourrait enchaîner de multiples séquences qui illustrent le contraire, telles que :
Empereur tyran (Pharaon, Chine)-> Noblesse féodale->Bourgeoisie->Communisme
Animisme->Polythéisme->Monothéisme->Athéis me
Oralité->Ecriture hiéroglyphique->Ecriture alphabétique
Anthropophagie->Esclavage->Servage->Salariat
Cheval->Train->Avion
Papyrus->Codex->Livre imprimé->Internet
Etc., etc.
Et puis d’ailleurs, ce qui fonde l’homme par rapport aux animaux, c’est bien d’être un être téléologique : il a la capacité de se fixer des buts, de se projeter mentalement dans l’avenir afin de planifier l’exploitation de la nature, ce qui lui a donné l’avantage sélectif que l’on sait sur les animaux. Le sens est donc dès le départ chevillé à l’homme, que çà soit pour son histoire personnelle comme pour son histoire collective. Vouloir l’en séparer sous prétexte de connotation de religiosité est par conséquent au mieux absurde, à moins de vouloir prôner la régression à la bête.

 
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