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paul kobisch

13/01/2004
10:50
L'autocensure politique de Nicolas

Très riche, ce matin, le 7-9, en gauchisme antigouvernemental. Pouououf ! Entre une élaboration scrupuleuse de la situation dramatique de la Recherche et les palotins de JAM, on a eu droit à du vrai Mai68 façon Nicolas ! On ne pouvait faire mieux, ne s'interdisant même pas de parler des lapsi de notre Chirac national, des lapsi si charmant ! merci Jean-Louis, merci. Merci Miguel aussi pour ta tentative (vaine) de titiller JAM là où ça fait mal.
Et pourtant le ver était dans le fruit, gros, gras et bien nourri par une stratégie fine et sans faille. Quel était la Une de nos journaux ? Réponse : le score de la mortalité routière. Que peuvent avoir entendu les oreilles distraites des masses silencieuses ? Ceci : il y a eu 1500 morts de moins en 2003. Point barre. Voilà de la gouvernance chiffrée, comme celle de Sarko, voilà du résultat, voilà du bon, du bien et du crémeux pour le Château, Matignon et la Place Beauvau. C'est là que Nicolas ou l'un de ses mercenaires auraient pu simplement signaler en passant que le trend descendant de cette mortalité a vraiment commencé sous les gouvernements socialistes successifs, le chiffre de référence pouvant être par exemple les 11046 tués en 1983, dont 8048 hommes et 2998 femmes. Chiffres Inserm. Le tournant se situe en 1985 avec 10042 morts, en 1993 nous ne sommes plus qu'à 8773 victimes. Alors merci pour la fanfare Nicolas, mais le journalisme c'est autre chose que de reprendre tels quels les dépêches de l'AFP. A l'AFP on a, peut-être, le droit de ne rien analyser, mais pas toi, confrère.
Et voilà comment passe la muscade, mais c'est tout ce qu'on leur demande, le reste n'intéresse personne...ou presque.
Paul kobisch
 
lionel

13/01/2004
11:19
re : L'autocensure politique de Nicolas

Esperons que le public garde en mémoire les 15000 morts de la canicule. Sinon ce matin Alexandre Adler s'est fendu du neologisme "quasi-dictateur" à propos de Chavez...
 
paul kobisch

13/01/2004
11:29
re : L'autocensure politique de Nicolas

Oui ça ne m'a pas échappé, mais le pauvre Alexandre ne sait plus à quel Saint se vouer. Il ferait bien de prendre du repos et de soigner son asthme et son coeur surpondéré. Tu as cependant raison de souligner ce lapsus-là, qui n'en est pas un, car c'est aussi de cette manière que ces "gens-là" font passer leurs messages de droite subliminale.
Salut Lionel !
Paul
 
paul kobisch

13/01/2004
11:31
re : L'autocensure politique de Nicolas

et pardon pour la faute d'orthographe qui fait mal, mal...
 
Louise

13/01/2004
12:31
re : L'autocensure politique de Nicolas

Oh que si qu'il est toujours d'actualité le débat "Psychanalyse et Politique" et plus largement "Culture et Politique"!
Nicolas Demorand a dit ce matin qu'il n'était pas d'actualité.
C'était particulièrement navrant d'entendre J-A Miller répondre avec le calme feint du psychanalyste :"Je suis l'ami de l'ex-président argentin de l'IPA " quand Miguel Benassayag lui demandait : "Pourquoi vous ne m'avez pas répondu quand je vous ai écrit pour vous demander de ne pas organiser un débat de Psychanalyse à côté des chambres de torture sous la dictature militaire et pourquoi vous l'avez organisé quand même".
la mauvaise foi de J-A Miller est aussi quelque chose d'insupportable : "Monsieur Benassayag a sans doute de très anciens comptes à régler.....etc etc.;"
C'est d'une grande bêtise de vouloir répondre avec un divan dans la tête quand il s'agit de se placer comme citoyen !


 
Henry Faÿ

14/01/2004
12:24
au coeur du déclin de la science...

Quasi-dictateur, ce n'est pas si mal trouvé.
Hier, le petit Nicolas a invité l'initiateur de la pétition pour la défense de la recherche française. Ce qui ressortait de ses propos, auxquels le petit Nicolas opinait ostensiblement, c'est que les budgets avaient été massacrés, que l'argent manquait cruellement, que c'était la misère etc etc. Bien entendu, on ne peut qu'être d'accord mais ce qui semblait ressortir, au moins implicitement, c'est que s'il y avait davantage d'argent, tout irait bien, que la science française pourrait reprendre sa marche triomphale. Je crois qu'on peut en douter.
J'ai sous les yeux un article du 24 avril 2003 paru dans Le Monde d'Olivier Postel-Vinay, ancien directeur de la rédaction de la Recheche, intitulé "au coeur du déclin de la science, les syndicats de chercheurs fonctionnaires", qu'on n'est pas obligé de suivre jusqu'au bout mais qui donne des éléments fort intéressants qui corroborent bien d'autres analyses.
La Ministresse de la recherche, Claudie Aigneré a justifié la réduction des crédits accordés à la recherche française car celle-ci serait "celle qui coûte le plus cher au monde pour des résultats minables". Elle a bien dit minables. Une Ministre traitant ainsi le travail de ses administrés... ambiance.
Trève de polémique, il y a quand même de quoi s'inquiéter: la Commission Européenne, l'OCDE, la National Science Foundation ne cessent de publier des indicateurs alarmants sur nos performances en matière de science et d'innovation. L'indicateur moyen des publications scientifiques françaises a subi une dégradation significative sur une longue période. etc etc.
Deux hommes de gauche, (je souligne trois fois en rouge, de gauche) Jean-Hervé Lorenzi et Jean-Jacques Payan ont, dans un livre intitulé l'université maltraitée campé un portrait accablant de l'université française et ont fait de sa réforme leur proposition cardinale.
Qui sont ces deux auteurs? Lorenzi est professeur d'économie à Paris-Dauphine et ancien conseiller de Lionel Jospin.
Payan a été président d'université, directeur général du CNRS et directeur général des enseignements supérieurs. Il est actuellement directeur de la recherche chez Renault.
Les deux auteurs proposent carrément de jeter le système aux orties et ils préconisent une réforme de grande ampleur dont le principal objectif serait de suivre l'exemple des pays qui sont en tête des indicateurs: faire de l'université le véritable poumon de la recherche française.
Cela suppose de mettre les universités en concurrence, en leur donnant une autonomie réelles (tiens, tiens, on y revient), leur permettant de sélectionner leurs enseignants et leurs enseignants chercheurs. Avec comme corrolaire l'extinction du corps des chercheurs fonctionnaires et la réforme du CNRS auquel serait ôté le statut de plus gros organisme de recherche du monde pour en faire une simple agence de moyen.
J'entends déjà les hurlements. Ces mesures seront dites de droite mais il faut bien noter qu'elles sont en vigueur dans les systèmes suisse, belge, néerlandais, britannique et canadien qui eux obtiennent des résultats que nous pourrions leur envier.
L'article indique que ces syndicats de fonctionnaires étant les "profiteurs du système" sont les seuls à condamner une telle approche. Ce sont les syndicats qui aujourd'hui tirent les ficelles. Monsieur Henri Audier, une des têtes du principal syndicat de chercheurs fonctionnaires est membre du Conseil d'administration du CNRS en tant que syndicaliste.
Le petit Nicolas a affirmé que les résultats de la science française étaient somme toute satisfaisants, en terme de citations, de Prix Nobel. De prix Nobel? Le petit Nicolas pourrait-il dire depuis combien et temps la France n'a pas obtenu un prix Nobel scientifique et un prix Nobel scientifique en dehors d'un équipe américaine? Pierre Gilles de Gennes prix Nobel en 1991, Georges Charpak en 1992 et Claude Cohen-Tannoudji en 1997 dans le cadre d'une équipe américaine.


 
Henry Faÿ

14/01/2004
16:46
erratum

lire: leur permettant de sélectionner leurs étudiants et leurs enseignants chercheurs

 
paul kobisch

14/01/2004
18:35
re : L'autocensure politique de Nicolas

Je ne vais pas hurler, Henry, mais je ne m'en inscrirai pas moins en faux contre ton argumentation et pourtant je partage la même analyse que toi sur les syndicats. Il me semble, cependant, que le véritable problème de la recherche n'est pas du tout la compétitivité par rapport à X ou Y. La recherche de la vérité se passe de toute compétition, mais il vaudrait mieux dire que la compétition se passe en réalité de toute vérité...
Non, le vrai problème de la Recherche (avec un grand R) c'est son objet (en gras et en italique). La crise de la recherche n'est pas française, dites-moi donc un peu ce que produit la planète en-dehors des grandes puissances occidentales qui ne s'intéressent qu'à la matière et qui ne font qu'accumuler des manières et de modes de la traiter et de la vendre, surtout de la vendre. id est que toute recherche non branchée sur le marché n'a aucune chance.
Bon, et qui va financer la recherche philosophique, anthropologique, des sciences humaines bref, et de tout ce qui ne rapporte apparemment rien ? La différence entre un gouvernement de droite et un gvt de gauche tient en ce seul mot : l'objet de la recherche. La gauche a péniblement mis sur pied un statut pour les psychologues, que fait la droite ? Elle le met en pièce. La gauche a sauvé l'Université de la régionalisation inégalitaire, et que deviennent alors les cerveaux qui ont le malheur de naître dans les bras morts de l'économie française ? La France est le seul pays (à ma connaissance) à posséder un CNRS qui paye des philosophes ! Et ne venez pas me répondre que les meilleurs philosophes sont en Amérique, non, nos penseurs un peu bons et avides d'argent ou paresseux vont en Amérique, il y a nuance. Derrida, l'abbé Girard, Lupasco et j'en passe, font autorité dans les States, mais ils ont appris leur métier ici, en France, dans nos grandes écoles et dans nos universités. Flute à la fin.
La crise de la recherche c'est la crise de l'objet de la recherche : les hommes se détournent de plus en plus massivement de la méditation de leur être-là, or cette attitude est, comme le dit Heidegger, ce qui enrichit leur pauvreté d'esprit. Alors de grâce, ne détruisons pas le dernier outil qui s'occupe officiellement et avec l'argent du contribuable de la seule question qui nous préoccupe tous, autant que nous sommes, notre destin en ce monde. La démocratie, Henry, c'est avant tout un théâtre dans lequel on a le droit de tout jouer, essayer, exhiber, tant qu'on respecte la Constitution, ce n'est pas le chemin royal du marché mondial. Flute. Et reflute.
Salut
Paul
 
Henry Faÿ

15/01/2004
23:02
la recherche, crise française ou crise mondiale?

Je pense que la compétitivité est un problème pour la recherche car il n'y a que la meilleure qui est utile. C'est un domaine où il n'y a de place que pour les premiers.
Dire que la recherche soit la recherche de la vérité, c'est une formulation qui la décrit de manière trop globale, son activité se présente sous des aspects plus modestes et cette formule ne rend pas compte de la grande diversité de ce qu'on met sous cette dénomination.
Il est vrai que quand il y a compétition, celle-ci entre nécessairement dans des formes bien précises, afin que les règles du jeu soient bien fixées, il y a alors ritualisation et une part de jeu mais cette compétition est aussi une forme de vérité, elle est pour ceux qui s'y livrent une manière d'exercer leur intelligence et leurs capacités.
Il y a peut-être une crise de la recherche au niveau mondial mais il y a bien des faiblesses proprement françaises car la science ne va pas bien dans notre pays, elle perd du terrain, selon certains critères facilement acceptables, qui reposent sur la mesure de l'influence des travaux produits auprès des scientifiques du monde entier. C'est ce qui fait problème et qui interdit qu'on se satisfasse de la situation présente ou de réponses insuffisantes du type "donnez-nous davantage d'argent et tout ira bien".
Les grandes puissances occidentales sont les grands acteurs de la recherche mais elles n'en ont plus le monopole, le rôle de la Chine devient de plus en plus important et le Japon est un pays qui politiquement appartient à l'Occident mais qui géographiquement n'en fait pas partie; culturellement, c'est plus discutable, je ne saurais comment le classer.
"Les grandes puisances occidentales ne s'intéressent qu'à la matière et ne font qu'accumuler les manières de la traiter et surtout de la vendre".
C'est une grande et noble tâche que de s'intéresser à la matière; en découvrir les secrets est un immense défi, une immense et sublime aventure dans laquelle l'humanité se trouve engagée depuis des siècles. Il serait fou d'y renoncer et de ne pas y consacrer les plus grands efforts. Cela fait partie de la grandeur de l'homme, depuis les origines, de traiter cette matière, de la transformer, d'en faire des biens, utiles et beaux. Ces biens, outre leur utilité et leur beauté sont pour les hommes un moyen d'exercer et de révéler leur intelligence et leurs talents.
Il n'est pas illégitime de chercher à convaincre d'autres hommes que ces produits sont utiles et beaux et cette activité est elle aussi un moyen d'exercer son intelligence.
Que toute recherche non branchée sur sur la marché n'ait aucune chance, ce n'est pas du tout ce qu'on observe, ni aux Etats-Unis, ni en Europe, ni sans doute ailleurs.
Je n'ai jamais vu que les recherches anthropologique philosophique et en sciences humaines ne trouvaient pas leur financement. Que leurs adeptes se plaignent de ne pas avoir assez de mayens c'est possible mais ces disciplines existent et ont leur place dans la société.
Si on n'a pas la chance de trouver pas ce qu'on cherche dans sa région, on ira dans une autre. C'est quand même moins difficile que de traverser l'Atlantique.
Il est vrai que l'objet de la recherche n'est pas donné une fois pour toute et qu'il doit être questionné.
Que les hommes se détournent de la méditation de leur être-là, est-ce que cela dépend vraiment du système de recherche en vigueur dans tel ou tel pays? Les solutions, s'il y en a, dépendent-elles de la puissance publique?
Les Etats-Unis d'Amérique attirent quantité de chercheurs du monde entier et les meilleurs d'entre eux, c'est un fait indiscutable. Cela représente pour nous un réel danger comme il a été expliqué dans une récente conférence de l'Université de tous les savoirs de Danièle Blondel sur la répartition des ressources cognitives car ce genre de phénomène est fortement cumulatif. Dire flûte à la fin ne suffit pas, il faut s'interroger sur les causes de cette capacité qu'ont les américains de faire venir à eux les personnes les plus douées pour la recherche. On peut supposer que les chercheurs iront là où ils seront bien accueillis, y compris financièrement, là où ils retrouveront d'autres chercheurs de haut niveau et là où ils trouveront des équipements et des moyens pour travailler là enfin où l'ambiance intellectuelle sera la plus stimulante.
Que la démocratie soit un théâtre dans lequel on a le droit de tout jouer, je suis bien d'accord, c'est pourquoi il est si important de donner aux plus doués les meilleures conditions possibles d'exercer leurs talents et ne pas les enfermer dans un carcan administratif indigne dans lequel ils ne pourront qu'étouffer et qu'ils chercheront à fuir.







 
paul kobisch

17/01/2004
10:46
re : L'autocensure politique de Nicolas

"C'est une grande et noble tâche que de s'intéresser à la matière; en découvrir les secrets est un immense défi, une immense et sublime aventure dans laquelle l'humanité se trouve engagée depuis des siècles. Il serait fou d'y renoncer et de ne pas y consacrer les plus grands efforts. Cela fait partie de la grandeur de l'homme, depuis les origines, de traiter cette matière, de la transformer, d'en faire des biens, utiles et beaux. Ces biens, outre leur utilité et leur beauté sont pour les hommes un moyen d'exercer et de révéler leur intelligence et leurs talents."

Je ne commenterai que ce passage de ta longue et vigoureuse réponse, car il me paraît contenir l’essentiel du malentendu qui nous sépare quant au sens que peut contenir l’expression « recherche sur la matière ». Pour ma part, la recherche sur la matière n’est en rien ce qu’elle devrait être, c’est à dire un questionnement sur le mystère de son Être, mais plutôt ce que Heidegger appelle un arraisonnement, c’est à dire une exploitation aveugle du monde comme stock. Cette exploitation est au contraire un pénétration brutale dans les diverses formes de la matière, par exemple par le moyen d’appareillage comme le cyclotron de Grenoble. Et ce dans le but de découvrir, non pas une vérité sur telle ou telle forme de matière, mais sur de nouvelles possibilités d’usage. Le monde est ainsi conçu comme un stock de valeurs d’usage immédiates, dont l’immédiateté nous confronte déjà avec la pénurie qui se profile pour quelques unes d’entre-elles, le pétrole par exemple. Tu sais, comme moi, que le pétrole contient virtuellement un usage beaucoup plus intéressant que sa pure et simple crémation dans nos moteurs, et pourtant rien n’arrêtera cette folie de production intensive d’automobiles et de machines volantes jusqu’à ce que la crise de l’énergie fossile soit totale. Rome s’est ainsi délitée par sa soif d’or. Si tu connais les Asturies, tu connais aussi ces paysages désolés et désolants. Cause : Rome avait besoin d’or, et par un dynamitage diabolique de la montagne asturienne, ils en ont produit des quantités incroyables quitte à transformer les Asturies en désert. Nous faisons pareil en Afrique où la bande sahélienne se désertifie à la vitesse de 30 km par an, agriculture intensive oblige. C’est tout le symbole de ce à quoi se consacre notre recherche sur la matière. Ma vie entière est marquée douloureusement par cette faute d’interprétation de l’énergeia d’Aristote en force motrice, et j’ai vu se former le pullulement de ces moteurs à la surface de mes conditions d’existence. Que dire de l’energia nucléaire et de ses conséquences ? Rien à voir avec la recherche qui se dispose modestement devant le mystère de l’étoffe de l’Être telle qu’elle se montre dans la matière et qui me parle, elle, de mon destin. Seuls les poètes et quelques philosophes ont saisi toute la portée d’une telle recherche et la Science, héritière de la Religion, ne fait que flatter l’être-là des hommes en les transformant en consommateurs de futilités. La République avait encore le souvenir du questionnement qui l’avait elle-même fondée, questionnement qui n’est en rien différent de celui qui interroge la matière. Au demeurant, les sciences humaines ont également pris le chemin d’une matérialisation de leur corpus et de leur objet, contrainte qui ne fait qu’exprimer le parallélisme du destin de l’homme et de celui de la planète qu’il habite.
Par bonheur, je suis convaincu que la pauvreté vers laquelle nous filons tous à grande vitesse saura nous réveiller et nous enrichir par force face au défi spirituel de notre existence. La parole de Malraux était juste, et les chronomètres tournent inexorablement. Aucune fuite dans l’espace ne nous protégera du néant que vise l’arraisonnement aveugle de notre maison commune.
Salut.
Paul



 
Henry Faÿ

18/01/2004
11:26
au delà de la perplexité

Au delà de la perplexité que peut susciter en moi un tel message, je dois dire que je ne suis pas du tout en désaccord avec ce qu'il exprime. Ce serait mesquin de signaler qu'il ne répond guère à la question que j'avais posée dans mon précédent message, qui portait sur les causes du déclin de la science française et sur l'inquiétude qu'elle suscite en moi.
Il me semble que malgré tout, la recherche sur la matière contient toujours, même si c'est en filigrane, un questionnement sur le mystère de son Etre. Il me semble que les plus grands savants (et les moins grands) ne sont pas du tout indifférents à cette question et ce serait injuste de leur reprocher de ne pas l'avoir assez fait avancer, si colossal est le défi auquel ils se trouvent confrontés.
Je trouve un peu naïf, tellement naïf que je me demande si j'ai vraiment bien lu, de se chagriner sur une pénétration trop brutale de cette pauvre matière qui serait bousculée par nos grands colliders. Des collusions en tous genres, la matière, dans les galaxies, dans les étoiles, elles en a vu d'autres et il n'est pas exclu qu'elle aime ça.
Que cette recherche scientifique ne soit pas orientée vers une recherche de la vérité, disons que les scientifiques ne soient pas animés par une telle préoccupation, je crois que c'est un mauvais procès d'intention fait aux hommes de science. Leurs publications prouvent assez le contraire. Pour ce qui est de la recherche d'applications pratiques, je persiste à penser qu'elle n'est en rien illégitime, au contraire.
Pour ce qui est du pullulement des moteurs et de toutes les dégradations, on retrouve une question très dissertation pour classes terminales sur le fait de savoir si la science peut être tenue responsable de ses applications. Moi je répondrais par la négative.
"La recherche qui se dispose modestement devant le mystère de l'étoffe de l'Etre telle qu'elle se montre dans la matière et qui me parle de mon destin. Seuls les poètes et quelques philosophes ont saisi toute la portée d'une telle recherche".
Je ne suis pas contre cette manière de voir, je suis même pour et fort intéressé. Ce que je ne vois pas, c'est ce qui pourrait empécher une telle posture, dans n'importe quel pays, n'importe quel contexte et dans n'importe quelle langue y compris les plus inattendues.
"La science, héritière de la religion, ne fait que flatter l'être-là des hommes en les transformant en consommateurs de futilités".
(i) je ne comprends pas bien
(ii) pour le peu que je comprenne (la deuxième partie de la phrase), ça me paraît injuste et faux. La science ne transforme pas les hommes en consommateurs de futilités et si elle semble le faire c'est à travers tellement d'intermédiaires qu'elle ne saurait être tenue pour responsable. Je dirais que Branly n'est quand même pas reponsable de Loft Story.
"La République avait elle-même souvenir du questionnement qui l'avait elle-même fondée, questionnement qui n'est en rien différent de celui qui interroge la matière". Là, pour moi, ça devient totalement imbittable!
Reprenons: que la science soit modeste devant son objet, je suis d'accord mais tant de talents, tant d'affects, tant d'enjeux, tant de moyens mis en oeuvre ne peuvent pas toujours porter à la modestie.
Que la science ait des application pratiques dont les enjeux économiques militaires médicaux sont vertigineux il ne faut jamais le perdre de vue et on ne risuqe guère de le faire car c'est bien ce qui rend la science si excitante mais je n'y vois pas un motif pour la condamner.
Je ne suis pas en désaccord avec la conclusion optimiste du message et il y a déjà des indices. J'ai appris que les petits jeunes qui s'orientent vers la carrière scientifique marquent une nette préférence vers les programmes qui ont quelque chose à voir avec la préservation de l'environnement, ce qui ne manque pas d'inquièter et de chagriner les maîtres actuels de la recherche qui sont aux commandes.
Tiens, je suis entrain d'entendre Yves Michaud qui s'élève contre la bureaucratisation infernale de la science française mais il précise que c'est de l'anecdote. Il parle de syndicats ossifiés.


 
paul kobisch

13/03/2004
10:16
re : L'autocensure politique de Nicolas

Je comprends parfaitement ta réaction à mon texte et je peux même, paradoxalement, souscrire à la plupart de tes propositions, notamment pour tout ce qui concerne l'honnêteté de la science et des savants, d'autant qu'à l'instar de Martin Heidegger, j'estime que la science est la servante de la technique et non l'inverse, ce qui est l'opinion courante. Ce que je voulais faire passer est tout autre chose : la science peut bien perforer la matière et lui extorquer de nouveaux savoirs quant au mouvement (voir Descartes) et à la formalisation de l'énergie (voir Aristote), ce qu'elle ne peut pas faire c'est parler de mon destin. La métaphysique de l'objet a produit un sujet séparé, non seulement abandonné par son dieu ou ses dieux, mais exclu de la physis, cette nature transformée par l'écologisme en chimère paradisiaque (une sorte de nid de Marsupilami....). Or les Grecs ne concevaient pas la physis dans une altérité objective mais comme la maison commune de l'Être, maison que nous ne faisons pas qu'habiter trivialement parce que nous sommes nous-mêmes habités par elle. La vérité (Wahr-heit) n'est pas un trésor qui se trouve au fond d'un puits et qu'après l'avoir découvert nous pourrions livrer à l'usage ou à la consommation, ou bien encore plus naïvement en attendre un quelconque salut, elle est la garde (voir l'origine du mot Wahr-heit) de la maison commune où un destin nous a placés devant une question, celle de cet Être qui nous parle à travers nos propres paroles. L'amoralité fondamentale de la science, mais encore bien plus de la technique, est bien le signe de l'indifférence au sens, c'est à dire à la direction que nous prenons dans notre histoire. Autrement dit la science ne nous apprend rien sur le bien, le mal, les options fondamentales, à moins que l'on ne se paye des illusions du matérialisme positiviste qui nous présente un progrès comparable à la construction d'une ruche d'abeilles ou de termites. Voilà pour l'ontologie.

Plus prosaïquement, le problème de la science en France ne fait que révéler les problèmes que pose la mutation profonde de la mondialisation ou de l'économie-monde. Aujourd'hui, la richesse du centre ne provient plus de sa productivité ou de ses ressources naturelles, mais de l'innovation. Or l'Europe prend du retard sur l'Amérique, et en prendra bientôt sur la périphérie la plus lointaine, la Chine. La question qui se pose donc est de savoir si l'imitation de la méthode américaine est non seulement possible pour nous mais bénéfique. Là-dessus je serais très prudent, car l'Amérique nous donne l'image qu'elle veut mais non pas la réalité. La puissance créative des Etats-Unis ne provient nullement d'un secteur privé concurrentiel, mais d'une centralisation encore plus poussée de la recherche que la nôtre. L'un des conflits en cours à l'OMC est bien le fait que Washington finance par Pentagone interposé les trois-quart de la recherche américaine, notamment pour tout ce qui concerne la recherche spatiale et l'avionique (d'où le conflit avec Airbus qui demeure tout ce qu'il y a de privé malgré ce qui se pense dans l'opinion). Alors où est la différence avec le CNRS et les quelques centres de recherches où on ne trouverait que des bureaucrates et des syndicats ? Quelle naïveté ! La vérité est que nos décideurs politique n'ont aucune vision à long terme, même pas celle d'un Reagan dont la guerre des étoiles produit aujourd'hui encore des innovations bel et bien financées par le contribuable américain. Reagan a enfoncé son pays dans une récession insondable, mais il a fertilisé son avenir en jouant cette partie de poker historique : tout l'argent à la recherche. La crise de la Silicone Valey et du secteur Hi-Tech en général provient avant tout de l'abandon partiel de ce projet pharaonique par Clinton et si Bush était réélu, ce serait principalement parce qu'il a repris cette lubie fructueuse de Reagan.
J'arrête là pour aujourd'hui car j'ai un travail à finir
qui porte précisément sur les dangers de la mondialisation, et là aussi c'est du côté de l'immatériel qu'il faut chercher et non pas se cantonner dans l'antique géopolitique de la puissance matérielle.
bien à toi
paul




 
lionel

13/03/2004
22:22
re : L'autocensure politique de Nicolas

"Sapience n’entre point en âme malivole, et science sans conscience n’est que ruine de l’âme."
Rabelais - Pantagruel, chapitre VIII (lettre de Gargantua à son fils Pantagruel).

Petite citation (merci Google) que m'inspire la première partie du message de Paul.

La deuxième partie m'inspire l'idée que les zélateurs naïfs du libéralisme US n'ont pas la moindre idée du protectionnisme retors que pratique bien entendu ce grand pays (pourquoi se géner quand on est le plus fort?).

C'est ainsi que les USA ont pu menacer de copier le medicament allemand anti-anthrax lors d'une crise (bien mysterieuse et oubliée) qui a fait 5 morts tout en interdisant farouchement la copie des médicaments US anti-sida malgré les millions de malades concernés.

 
Henry Faÿ

15/03/2004
23:00
à propos de la science

Que la science ne nous apprenne rien sur le bien, le mal, les options fondamentales, je suis d'accord et c'est à peu près ce que dans mon langage je disais dans le précédent message; je récusais en particulier l'idée que la science pût être tenue responsable de ses applications, cette idée n'est guère originale. Que la science soit à la source d'une méditation philosophique, c'est ce que nous apprend l'histoire de la philosophie depuis et c'est un des enjeux de la recherche, je crois que nous sommes d'accord là-dessus.
Pour ce qui est de la mise en oeuvre de cette recherche, aux Etats-Unis, il y a surtout des budgets, de très gros budgets. Il y a de très gros budgets publics et aussi de très gros budgets privés, par exemple celui d'Intel qui est je crois l'avoir entendu égal à la moitié du budget public de la recherche en France, cela paraît assez incroyable et serait à vérifier.
Il faudrait poser la question à des spécialistes mais je ferais le pari que ces budgets ne sont pas gérés de manière si bureaucratique que ça en tout cas pas comme chez nous. Il y a aux Etats-Unis de très grosses organisations sans doute aussi grosses sinon plus que le CNRS mais en gestion, les américains, reconnaissons le, en connaissent un rayon. Je crois qu'ils maîtrisent mieux que nous les grosses organisations et c'est important si l'on songe aux immenses sociétés qui ont fleuri chez eux.
Pour traiter du sujet des mérites et des défauts de la science française, on ne peut pas indéfiniment se cantoner à une comparaison entre ce qui se fait en France et ce qui se fait aux Etats-Unis. Il y a bien d'autres pays qui peuvent servir de référence or on voit que les pays qui ont de bons résultats selon certains critères reconnus comme le nombre de citations dans les publications n'ont pas les blocages bureaucratiques dont nous souffrons.
Ce n'est pas se laisser obnubiler par les méthodes américaines que d'aspirer à de meilleures conditions pour l'épanouissement de la science en France. Se défaire de quelques oripeaux n'est pas se soumettre à des modèles importés et pour cela détestés. Ce n'est pas renoncer à notre originalité bien au contraire.
Comme j'en avais exprimé l'opinion dans les précédents messages, je ne vois pas de vraie coupure entre le matériel et l'immatériel; un objet exprime de l'immatériel, en l'occurence l'intelligence qui l'a suscité.





 
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