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Agnès

30/10/2006
22:37
C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Devient long à charger, le dernier Liseron. J'ouvre donc son successeur par une synthèse, la huitième, ce me semble : Liseron VIII

Liens avec les fils et les synthèses précédents :
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=26 057 Synthèse 7 et ce qui s'ensuit.
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=24 191 synthèse 6
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=23 040 synthèse 5
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=20 825 synthèse 4
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=16 993 synthèse 3
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=14 941 synthèse 2
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=14 004 synthèse 1


http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=18 119 Liseron2
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=12 745 Liseron 1
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=15 08 Un peu de littérature


ROMANS et Nouvelles
David Angevin : Boborama (Paddy)
Stéphane Audeguy : Fils unique (A)
Joseph Boyden : Le chemin des âmes (A)
Régine Detambel : Pandémonium (Pascale)
Fruttero et Lucentini : L'amant sans domicile fixe (A)
François Gantheret : Comme le murmure d'un ruisseau (A)
Bohumil Hrabal : Une trop ardente solitude (lou)
Trains étroitement surveillés (lou)
Jarmilka (Livre de poche, 3429) (lou)
Rencontres et visites (lou)
Nancy Huston : Lignes de faille (A)
Pierre Magnan : Laure du bout du monde (A)
Les charbonniers de la mort
La maison assassinée ; Le mystère de Séraphin Monge
Les courriers de la mort
Le commissaire dans la truffière
Le sang des Atrides…
Francesco Masala : Ceux d'Arasolé (A)
Vladimir Nabokov : Détails d’un coucher de soleil (lou)
Pouchkine : La fille du capitaine (A)
Saki : La fenêtre ouverte (A)
Jørn Riel : La circulaire et autres racontars (A)
Thomas Savage : Le pouvoir du chien (A)
Rue du Pacifique (A)
François Vallejo : Ouest (A)
Evelyn Waugh : Retour à Brideshead (Zx)
Virginia Woolf : Orlando (Pascale)

Romans graphiques et BD
Alan Moore et Dave Gibbons : The Watchmen (Zx) / "Les gardiens".
Francis Masse : l'encyclopédie (shhh)

Romans gothiques
William Beckford : Vathek et ses épisodes, (José Corti). (Zx)


FANTAISIES, FATRASIES, PASTICHES ET POSTICHES

Charles Williams : Fantasia chez les ploucs, illustré par Tardi (Folio junior) (A)
Alain Créhange : L'anarchiviste et le biblioteckel (CA, A)
Le pornithorynque est un salopare

AUTO-BIOGRAPHIES

Tacite : "La Vie d' Agricola" et " la Germanie" dans l 'agréable collection "Classiques en Poche" des Belles Lettres (FV)
Hérodote : L ' Enquête en deux tomes "Folio" (FV)
Pierre Magnan : Pour saluer Giono (A)

"Romans" à ne surtout pas lire…
Jen-Eric Boulin : Supplément au roman national (A)
Alain Fleisher : L'amant en culottes courtes (A)
Camille Laurens : Ni toi ni moi (A)






 
AArgh!!!

03/11/2006
10:40
Stupeur

Est-il bien raisonnable de venir ici parler d'un livre dont je n'ai lu que des fragments ? (cela dit, chaque fragment pèse une tonne...) Je suis dans "Les Bienveillantes", absolument perplexe : Que trouvent-ils donc tous de si extraordinaire à ce bouquin, à part son poids, qui en rend la lecture malaisée ailleurs que devant une table ? Je m'ennuie mortellement. Et je me demande comment on peut prôner la lecture d'un ouvrage qui narre obsessionnellement les moindres petits faits et gestes du personnage ppal, ses moindres conversations oiseuses, avec une débauche de titres allemands qu'on est censés vérifier à la fin dans un lexique au demeurant inutile car la seule chose à comprendre globalement, c'est que tout ça est fort hiérarchisé. J'ai l'impression - pardonnez le sacrilège - de lire du Christine Angot : ce n'est pas de l'auto-fiction, mais l'obsession du détail et de l'accumulation est la même, et l'effet aussi : déréalisant : il est parfaitement possible de lire une page sur deux (celle de droite quant on est au lit, et que le côté gauche est trop léger) sans louper grand chose. Quant aux descriptions de massacres at autres pogromes, l'auteur a beau accumuler les détails de fragments de cervelle et autres joyeusetés anatomiques - et dieu sait si j'ai horreur de la complaisance dans l'horreur - ça me laisse de glace : rien de l'horreur ne passe justement. A part ça, le personnage est très troublé sur le plan familial et sexuel, on y a droit en détail aussi, et c'est pareil, j'attends que ça se passe en lisant une ligne sur 5 ou 10.
L'unanimité de l'admiration semble reposer sur le fait qu'il s'agit d'une réflexion sur le mal qui est en chacun de nous. J'ai lu récemment un tout petit bouquin d'une centaine de pages - Ceux d'Arasolé, dont j'ai fait un compte-rendu ici - qui dans ce domaine me paraît beaucoup plus efficace.
Quant au style, il est informe : anachronismes stylistiques (des personnages disent : "N'importe quoi !", expression post-soixante-huitarde s'il en est, j'ai vu passer le verbe "gérer" avec son emploi bien post années 80, les heures idem : disait-on "17 heures" & so on avant les années 70 ? etc...) POur le reste des phrases plus ou moins longues suivant le degré d'hallucination du personnage, et pas grand chose de notable. Une sorte d'énorme lego informe, fondé pour autant que ma maigre culture musicale me permette d'en juger sur les différents morceaux d'une suite (Toccata, allemandes I&II, courante...) sans que j'aie pu saisir la pertinence de la référence au niveau de la construction narrative. Je vais y retourner, à reculons. Quelqu'un ici aurait-il de quoi m'éclairer de ses lumières ? c'est truffé de références culturelles et de détails historico-pratiques, mais en quoi cela suffit-il à faire un "bon" - sans parler d'un "grand" - roman ???
 
AArgh !!!

05/11/2006
22:20
Oui, ben....

On peut dire que j'ai fini le roman, avec quelques lacunes, entre les pages que je n'ai pas lues entièrement, et les chapitres dont j'ai sauté de grands morceaux, essentiellement par ennui.
Ma perplexité reste entière : J'ai déjà lu des pavés historico-romanesques, Les communistes, par exemple, (après Les beaux quartiers et Aurélien,) que, puis-je l'avouer, j'avais dévoré, ou de larges extraits de Vie et destin (dont l'adaptation en feuilleton sur FQ a été un grand moment de radio), romans où l'on voit passer le souffle de la guerre de 40, des personnages historiques, et une vision du monde et de cet événement, dans un contexte que pour faire vite on va qualifier de "réaliste". Qu'y a-t-il de plus dans Les bienveillantes ? Qu'apporte ce roman sur le plan de la réflexion sur l'Histoire, sur le plan de la construction romanesque, sur le plan du style ??? En quoi le personnage est-il particulièrement intéressant, et pis encore, en quoi la référence à la tragédie grecque est-elle particulièrement pertinente ? Vous aurez compris que je n'en sais rien. Entre les accumulations de tartines + ou - documentaires à côté desquelles Balzac est un bleu, la multitude des passages oiseux ci-dessus évoqués (je vous jure que la référence à Angot n'est pas vaine !), et la relative inconsistance de l'intrigue et des personnages... je n'arrive pas à comprendre comment des écrivains plutôt honorables portent ce pensum aux nues.
Très franchement, Lignes de faille de Huston, c'est mille fois meilleur !
En revanche, excellent somnifère...
 
b.a ba

06/11/2006
11:24
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

pas d'accord : c'est un grand, Littell
 
Zx

06/11/2006
13:03
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Il a gagné d'ailleurs.
 
AArgh!!!

06/11/2006
17:14
C'est un lourd, Littell

Mouais, ben faut croire que les académiciens ont eu peur de louper le train de l'histoire once more, tant on les menaçait déjà d'anathème (cf blog Assouline). Moi, chuis d'accord avec les invités de Nono : Y a eu un complot contre La CA, l'auteurE du siècle, et le Littell, c'est çui qui a tiré les marrons du feu.

 
pascale

06/11/2006
17:19
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Pas lu le Littell mais vous faites très fort en le comparant à Angot, non ?
 
Zx

06/11/2006
18:04
Un prix passé inaperçu ?

Héléna Marienské a, je crois, obtenu le prix "Quinze minutes plus tard" remis au café le K1ze (15, rue Gaillon, Paris 2).


"Le prix :

Le K1ze (café parisien) et la revue littéraire décapage
s’associent pour créer un prix littéraire :“le 15 minutes plus tard”.
“le 15 minutes plus tard” sera remis au K1ze, 15 rue Gaillon (Paris 2), 15 minutes après l’annonce du lauréat du prix Goncourt qui se remet par tradition juste en face, chez Drouant.


Le principe :

L’enjeu du prix réside dans la possibilité de trouver un roman qui saura fédérer les membres du jury. Ils sont écrivains et ont été rassemblés à l’initiative de la revue décapage. C’est un détail qui a son importance. Dans les autres prix, les jurys se forment et se déforment selon les affinités. Pour « le 15 minutes plus tard » nous réunissons des auteurs qui n’ont ni les mêmes goûts, ni les mêmes attentes. Il y a parfois une grande différence entre eux. Que ce soit dans leur travail où dans leur façon d’appréhender la littérature. Et pourtant, ça ne nous empêchait pas d’aimer leurs livres. Dans ces conditions, il est sans doute possible qu’ils tombent d’accord sur un livre. C’est le pari que s’est fixé le « le 15 minutes plus tard ».


Organisation :

Les livres sont choisis par les membres du jury, sous la bienveillance de l’équipe de décapage. C’est-à-dire qu’on va veiller à ce que les membres du jury s’intéressent aux livres de jeunes auteurs. Des livres dont on n’a pas forcément parlé. Chaque membre a proposé deux ou trois coups de cœur. À partir de cette liste nous avaons établi une première liste de 14 livres.


Première sélection du “15 minutes plus tard” :
Itinéraire Spiritueux, Gérard Oberlé, Grasset
Chaos de famille, Franz Bartelt, Gallimard, La Noire
Rhésus, Héléna Marienské, P.O.L.
Impasse, d’Antoine Choplin, La fosse aux ours
Le Patrimoine de l’Humanité, Nicolas Beaujon, Le Dilettante
La Vie est un miracle, Laurent Marty, Le cherche Midi
Ce qui est perdu, Vincent Delecroix, Gallimard
Contour du jour qui vient, Leonora Miano, Plon
Dans la foule, Laurent Mauvignier, Minuit
Marge brute, Laurent Quintreau, Denoël
Le cri, Laurent Graff, Le Dilettante
Les îles éparses, Jean-Louis Magnan, Verticales
Ars Grammatica, David Bessis, Allia
Trans, Pavel Hak, Le Seuil

Le jeudi 19 octobre, vers 21h, les membres du jury se sont retrouvés au K1ze pour établir la seconde liste.


Agenda et sélection :

Seconde sélection d'ouvrages éligibles au prix du 15 minutes plus tard :

Le jeudi 19 octobre, vers 21h, les membres du jury se sont retrouvés au K1ze pour établir la seconde liste du prix du 15 minutes plus tard. La musique était un peu forte, mais chaque juré a pu faire entendre sa voix. Ce fut mouvementé, les témoins en témoigneront. Après trois heures de délibération (on avait finalement fait baisser la musique), 6 livres – sur les 14 que comptait la première liste – ont mis tout le monde d’accord (plus ou moins).

Chaos de famille, Franz Bartelt, Gallimard Série Noire
Rhésus, Héléna Marienské, POL
Ce qui est perdu, Vincent Delecroix, Gallimard
Contour du jour qui vient, Leonora Miano, Plon
Les îles éparses, Jean-Louis Magnan, Verticales
Ars Grammatica , David Bessis, Allia


Composition du jury :

Emmanuel Adely
David Foenkinos
Philippe Jaenada
Serge Joncour
Xabi Molia
Régis de Sá Moreira
Guillaume Tavard
Et l'équipe de Décapage (2 voix)


Dotation :

La Maison Veuve Clicquot Ponsardin offrira un magnum de Brut Carte Jaune en étui Ice Jacket (étui néoprène permettant de conserver le champagne déjà rafraîchi pendant deux heures, avec sa poignée en cuir pour le service...). Veuve Clicquot ne prévoit pas de soutenir la littérature, mais ils ont décidé « de participer pour l’audace que représente ce prix en marge des Prix. ».
Et l’hôtel de luxe Sezz offrira une nuit dans l’une de ses chambres conçue par l’une des têtes d’affiche du design français : Christophe Pillet."




J'espère avoir été précis. Bien sûr, le meilleur reste à venir : ma recension (j'attendais le bon moment, il est venu )
 
AArgh!!!

06/11/2006
18:47
G - a Ga

Mais oui Pascale, je fais fort et alors ? Je n'ai pas le bouquin sous la main, mais par masochisme je vous recopierai des dialogues (disposés sur la page sans retour à la ligne, ce qui donne des pages entières de blocs compacts de caractères) absolument oiseux, à intervalles réguliers, ce bouquin fait quand même presque 900 pages !!!! En plus, il y a cette manie de citer en allemand des tas de titres et de réalités, ce qui donne au texte un étrange aspect babélien. Lu à voix haute, on frise le comique absolu. Quant aux gestes quotidiens, c'est pareil, ils sont évoqués de façon obsessionnelle. Evidemment, ce n'est pas de l'auto-fiction, mais question énorme machin où le monde entrerait sans tri, eh ben, il y a des points communs. Il y a au moins 300 pages de trop dans ce livre, et je maintiens qu'il n'a pas grand chose de romanesque. S'il s'agissait de démontrer qu'on peut faire de la fiction avec l'holocauste, avec un nazi pour "héros", en impliquant le lecteur et contre l'affirmation selon laquelle cet épisode de l'Histoire échappait à la littérature (c'est Adornau, non ?), je trouve que c'est raté, c'est tout. En outre, ce type est censé être un homme lambda, or il est qd même furieusement cogné au départ et ça ne s'arrange pas avec sa balle dans la tête. Il y a beaucoup "d'intention" dans ce bouquin, mais je ne sache pas qu'on fasse un bon roman avec de l'intention, et je répète que la référence à la tragédie grecque me paraît forcée, et peu interprétable en référence à l'Histoire, sans parler de ce qui concerne l'histoire du personnage, qui est meurtrier de sa mère et de son beau-père sans en être conscient.
Allez-y voir, et si vous ne vous ennuyez pas, je vous offre des cacahuètes ! (Et même si vous vous ennuyez, d'ailleurs, avec l'apéro qui va avec !)
Ensuite, j'aimerais être sûre que la seule note d'humour dans ce bouquin ne se niche pas dans les références musicales : le "chapitre" "courante" concerne le siège de Stalingrad, pendant lequel il est question de façon obsessionnelle.... de chiasses.
Je ne suis tout de même pas la seule à trouver ce roman surestimé : il y a eu Lanzmann, avec lequel pour une fois j'étais d'accord, et cet universitaire allemand dans le Monde qui a qd même parlé de roman de "guerre et de gare" !
Je passe sur le style, sur les anachronismes criants, et sur les fautes de langue ("j'écrivai", passé simple du Vb écrire...) Même le correcteur n'a pas pu le relire, on est OBLIGE de sauter des pages ou des lignes !
Bon sur ce, bonne soirée à tous !

 
AA

06/11/2006
18:49
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Zx, comment prononce-t-on "K1ze" ?
 
Zx

06/11/2006
19:16
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

"Quinze"
 
AAAAAAARGH!!!!!

06/11/2006
19:19
Gogole

Aaaaahhhhhhhh!!! Mais il y a une confusion coupable entre le son [un] et le son [in] !!!!
 
AAAHHHHHHHH!

06/11/2006
19:20
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

je lisais : Ka unze...
 
Old Testament

06/11/2006
19:23
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

C'est en face d'un autre bistrot, le A-Belz.

 
Zx

06/11/2006
20:03
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Sinon, puisque j'y pense, il se trouve que j'ai lu dernièrement un roman de 900 pages très réussi et parfaitement romanesque... Tirant le Blanc. J'en parlerai après Rhésus (car, çui-ci de pavé, il était 'achement bien !).

Je voulais faire un mini cycle sur la chevalerie (tout d'un coup, donc) mais mon travail m'a ratrappé.
 
Agnès

06/11/2006
22:12
D-o d-o dodo

On attend! on attend !
 
Zx

06/11/2006
22:29
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Vous avez encore lu Littell vous
 
paddy

07/11/2006
00:09
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Après tout ce que j'ai lu sur les Bienveillantes via internet je m’interroge sur ce qui a poussé 200.000 (?) lecteurs à vouloir à tout prix se taper 900 pages de détails morbides sur le nazisme.

Quant à l’idéologie de l'introduction qui suggère que tout le monde peut être bourreau sous certaines circonstances par la dilution de la chaîne des responsabilités, c’est d’une part défaitiste sur le genre humain, d’autre part insultant pour tous les gens qui n’ont pas été bourreaux, à commencer par les victimes.


 
Zx

07/11/2006
07:07
Rhésus

J'ai lu 300 000 hier !

Oui, le couplet sur la banalité du mal (poncif qui s'étiole à force d'être rappelé sans guère de précautions et qui, d'authentique concept philosophique, se transforme inexorablement en simple syntagme) passe mal quand, ainsi que l'a souligné Agnès, le narrateur est aussi un matricide incestueux... Au final, ne se réduirait-il pas de plus en plus à des propos de comptoir du type :"d'façon, on est tous capable de faire ça dans les mêmes circonstances, faut pas se voiler la face" ? Mouais. Je crois que le thème de l'inceste fonctionne de la même manière, qui entend souligner, par l'invocation en filigrane du complexe d'Oedipe enrobé dans son universalité, cette propension au mal dont nous serions tous affectés sans exception.

Enfin, je peux me tromper, auquel cas il faudra me corriger, n'ayant aucunement l'intention de lire ce livre.



Je confirme pour Héléna Marienské :

http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/ toutarrive/index.php?emission_id=2506014


Bon, je l'ai donc lu et, en grande partie, appréciée. Il faut dire que l'on a un peu de mal à rentrer dans le roman quand, pour se faire, on interrompt sa lecture de Tirant le Blanc. Le style n'est pas exactement le même. Ou plutôt, le choc est d'autant plus brutal que le récit qui ouvre le livre (car celui-ci présente plusieurs voix par l'intermédiaire de journaux intimes, toutes ayant leur propre style, leur propre point de vue, et même davantage encore - j'y reviendrais) fait penser à du Angot. Pensez donc, des "je" partout, des phrases prosaïques voire carrément plates, un journal... L'explication est simple : c'est un écrivain amateur qui s'y colle pour commencer (deux des voies narratives sont en effet portées par des avatars d'écrivains professionnels : une vieille lesbienne accroc au porno et aux jeux vidéo - comment ne pas l'aimer ? - et un académicien des plus sympathiques). L'histoire ? Difficile de dire qu'il y a "une" histoire. H.M. n'a pas simplement multiplié les points de vue sur une même réalité en jouant sur les différences induites par la subjectivité de chacun. Non, ce sont des réalités différentes qui nous sont narrées. Le récit progresse donc, tout du long, de manière saccadée : le passage d'une chapitre à l'autre produisant une discontinuité et un décalage qui affectent la trame même des événements. Sans doute cela se fait-il au détriment de la cohérence mais en décloisonnant l'espace des possibles, H.M. multiplie les portes de sorties. A cet égard, beaucoup de lecteurs semblent ne pas avoir apprécié l'avant-dernier chapitre et son lot de "révélations". J'utilise les guillemets car de révélations il ne saurait être question dans un univers aussi mouvant : il s'agirait davantage d'alternatives envisageables, de mondes possibles... Chaque embranchement appartient à une réalité et, donc, à un univers différent. Les personnages sont les mêmes mais leur passé, leurs attitudes, leurs motivations, leur destin, eux, ne le sont pas (à ceci près que ce sont des variations sur un même thème ce qui explique que le livre et, plus encore, l'intrigue, se tiennent malgré tout). Libre à vous bien évidemment de privilégier l'un de ces mondes possibles, de "l'axiomatiser", et d'envisager "la réalité" à travers son seul prisme - je pense que tout lecteur agira plus ou moins de la sorte...

Bref, pour en revenir à l'histoire, elle débute de façon toute simple : des vioques dans une maison de retraite attendent la mort, résignés. Dit comme ça... Mais, un ferment de révolte est d'ores et déjà décelable : ils ne sont pas tous les identiques, ont des origines et des personnalités bien marquées et, très vite, avant l'arrivée - tardive - de Rhésus (le bonobo), bien avant même, c'est l'explosion. Ces braves gens, las de cette vie qui n'en a ni la saveur ni les attributs, reprennent goût à l'existence, se séduisent et développent une sexualité assez débridée (elle le sera encore bien davantage dans sa déclinaison simiesque). Le scandale qui s'ensuivra (les héritiers et l'encadrement de l'hôpital ne cachant pas leur consternation devant ces comportements) remontera jusque aux sommets de l'état où deux clones de Sarkozy et Villepin se livrent à une guerre sans merci (la description de "Sinusy" est d'ailleurs assez réjouissante). C'est aussi la guerre à l'hospice et celui-ci se mue en une place forte que tentent d'investir les forces de l'ordre (icarnées par des CRS) quand arrive le messie, Rhésus. A la différence de Théorème, il ne fait pas tout voler en éclat - l'insurrection ne l'ayant pas attendu - mais il apporte aux pensionnaires (et à l'auteur, ainsi qu'elle le confesse dans le dernier récit) l'espoir, le rire, et la légèreté, ses muscles et... des fellations à tout va. Je n'en dis pas davantage (sachez juste que ces incidents auront des répercussions très importantes sur l'organisation de la société ; enfin, d'après Witold...).

On notera également de nombreuses références et citations insérées dans le texte (la liste des auteurs cités apparaît en dernière page).

C'est drôle (surtout les situations qui relèvent de la farce), enlevé, bien vu par moment, parfois on reste aussi sur sa fin (en fonction du tour nouveau pris par le récit - chacun aura son "univers" de prédilection), et l'écriture, forcément changeaqnte pour un tel exercice ne m'a pas non plus rebuté ni déstabilisé (pourtant, j'étais encore sous l'effet du grand style de Martorell...).

Pour un premier roman, c'est bien. Je ne dis pas très bien car, sur les quelques 300 pages que compte le livre, j'en ai apprécié environ 130, ayant eu un peu de mal à rentrer dedans et ne croyant guère à la fin ainsi qu'à ses "rebondissements" et autres "révélations".

Il sera intéressant de suivre H.M. pour voir de quel bois sera fait son second roman...

Voilà.
 
Zx

07/11/2006
07:33
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

(Zzzzut, les fautes !!).

Lorsque je dis que j'ai apprécié 130 de 300 pages, il faut lire, "vraiment apprécié". Le reste ne m'est pas du tout tombé des mains hein !
 
Agnès

07/11/2006
08:51
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci Zx !
Paddy, je suis sûre que les lecteurs ne se tapent PAS les 900 pages, c'est quasi impossible. Et les détails sur le nazisme sont parfois noyés dans les détails tout court, de façon proprement étouffante. Mais cet ouvrage est très bien pour faire sécher des plantes en vue de réaliser un herbier, ou pour assommer un importun, ou encore pour surélever le siège du petit dernier (je me demande même si ce n'est pas son meilleur usage, vu l'importance du côté pile dans cet ouvrage désormais bi-couronné).
Moi, j'ai lu Niourk de Stéfan Wul. Tout à fait reposant après la sélection Goncourt.
Bonne journée !

 
pascale

07/11/2006
11:12
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Agnès : non, je ne vois quand même pas comment le nombrilisme un peu niaiseux de l'Angoissée peut se comparer avec un machin de neuf cents pages sur la responsabilité du mal ! Je sais, il faudrait le lire mais justement vous ne m'en avez pas donné envie !
Zx : J'aimerais bien en savoir plus sur Tirant le Blanc.
 
Zx

07/11/2006
11:37
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Ce sera avec plaisir, je posterai ma "recension" d'ici demain matin
 
Zx

07/11/2006
13:12
Rhésus +

Je reviens juste sur point qui me semble important après lecture des différentes recension de Rhésus, en m'arrêtant sur un passage de la critique que Nelly Kapriélan a consacré à Rhésus (je suis allé faire un tour sur le site de POL et j'ai choisi celle-ci, j'aurai pu en prendre d'autres) :

"la réalité n'existe que dans le langage de chacun, soit dans la narration que chacun s'en fait, et on n'en perçoit donc à chaque fois qu'une infime partie. Et le roman de Marienské ne peut que s'exploser en autant de versions qu'il y a de personnages."

Je crois qu'en fait Rhésus va plus loin et c'est une de ses principales qualités (avec son humour). C'est en vain qu'on chercherait dans ce livre une quelconque confrontation des points de vue à l'instar de ce que W.Collins propose dans "The Moonstone", de laquelle naîtrait la vérité. En fait il y a des réalités. Mieux, cet éclatement n'épargne pas les personnages eux-mêmes : loin de conserver parfaitement intacte leur identité à mesure qu'ils livrent leur version des faits au fil de la narration, ils se déclinent eux-mêmes en des "contreparties" (je reprend le terme de David Kaplan) différentes, ne conservant qu'une part de l'identité que nous leur connaissions (identité au sens large : les tendances et le caractère changent ; les actes, le passé, etc. aussi). Ce qui est essentiel c'est précisément cette tension entre la nécessité de dérouler une trame cohérente pour former une histoire et les changements et révisions qu'impose chaque nouveau chapitre à ses prédécesseurs (dans une perspective autiste et sans appel : les réalités ne dialoguent pas les unes avec les autres, elles imposent leur évidence). A chaque pas accompli, les cartes sont ainsi redistribuées et l'on ne sait plus bien si l'on avance ou si l'on titube. Les deux sans doute !
 
AArgh!!!

07/11/2006
13:57
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Pascale, ce ne sont pas 900 pages sur la reponsabilité du mal. Ce sont 900 pages PARMI lesquelles des passages incitent à s'interroger sur etc...
 
pascale

07/11/2006
17:51
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

D'accord, ne vous fâchez pas !
 
Zx

08/11/2006
12:28
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Pardon pour le retard, j'essaie de faire au plus vite
 
Zx

10/11/2006
10:30
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Bon, parlons de Tirant le Blanc, il est plus que tant. Il s'agit, bien entendu, d'un grand roman de chevalerie et d'amour narrant les aventures de Tirant, un chevalier breton, de l'Angleterre à Constantinople en passant par la "Berbérie" (qu'il convertira au christianisme par son exemple de magnanimité !!!!)

Ne vous attendez pas à des récits de joutes et de tournois à n'en plus finir. On en trouve, certes, mais au début du livre seulement. L'essentiel de l'action se passe sur les champs de bataille où Tirant fait la démonstration de son courage, de sa maîtrise des armes (cela dit, ce n'est qu'un homme !) mais aussi - surtout ? - de son habileté. Car il y a de l'Ulysse chez cet homme-là, lui qui a recours à la ruse autant qu'à la force. Ce qui rend d'ailleurs complexe l'évaluation de ses actes aux yeux du lecteurs moderne : l'Honneur, si souvent mis en avant dans ce contexte - et le roman n'échappe pas à la règle - ne commanderait-il point de ne pas user de stratagèmes ? C'est ce que pensent certains personnages (les méchants en l'occurrence ! ).

C'est d'ailleurs une des composantes du livre que d'opposer, ou d'associer, selon des modalités complexe que je serais bien en peine de retranscrire, des valeurs supposées antagonistes : honneur et habileté, hardiesse et savoir (au cours d'une fameuse joute verbale entre la Princesse et l'Impératrice de l'empire byzantin), amour divin et amour humain...

S'agissant de ce dernier point, je ne résiste pas à la tentation de partager avec vous une citation qui reflète bien, à mon sens, l'attachement du roman aux détails crus, son peu de réticence à parler du corps, des ébats amoureux, etc., le tout dans des termes dépourvus de la moindre ambiguïté, ainsi, dans le même temps, qu'à la religion chrétienne : "Veuille Dieu te laisser satisfaire ton désir en ce monde en t'ouvrant les portes du paradis dans l'autre" dis l'Impératrice à son futur amant (celui-là même qu'elle présente comme le successeur, dans son coeur, de son défunt fils ). C'est, je trouve, une belle manière d'aborder l'opposition "tragique" entre amour humain et amour divin ou chrétien

C'est d'ailleurs sans conteste sur le versant amoureux que s'affirme la présence littéraire du corps bien plus que dans l'âpreté des combats générateurs de souffrances de toutes sortes (même si l'amour, lui aussi, entraîne des souffrance sans nom). On en trouve une très belle illustration par l'intermédiaire de cette statue en formes de femme, commandée par le roi d'Angleterre à l'occasion de ses noces, de laquelle s'écoulent, de ses seins qu'elle presse, de l'eau claire, et de son sexe qu'elle dissimule, un vin blanc très fin. La glorification incessante de l'amour physique coure tout au long du livre, scandée par la formidable demoiselle Plasirdemavie, figure ô combien singulière de la littérature mondiale par son espièglerie, son humour et sa détermination... un personnage unique qui justifierait, à lui seul, la lecture des quelques 900 pages et plus que compte l'ouvrage.

Que ceux qui n'aiment pas les joutes et les lices n'en soient pas dissuadés. On est loin ici de Chrétien de Troyes. Tant qu'il est en Angleterre, Tirant, il est vrai, participe à des tournois mais c'est là le passage le moins intéressant à mon sens. L'absurdité de ces coutumes ressort avec éclat dans le sillage de toutes ces morts qu'elles engendrent au nom de l'honneur. On l'aura d'ailleurs compris, la question du sens pratique est centrale dans ce livre - voir l'épisode où Philippe essaie de se comporter poliment en présence de sa "dulcinée" - sans être jamais pesante. Des réalités plus essentielles prévalent toutefois en dernière instance qui exaltent, une fois de plus, je me répète mais c'est ainsi, le corps, comme en témoigne un court passage (le dernier que je citerai). Ayant choisit Philippe, fils du roi de France, malgré les mises en garde d'un philosophe-devin, voici les derniers mots du chapitre consacré au mariage de l'Infante : "C'est ainsi que l'on fit fête à l'Infante, qui fut très contente de Tirant, mais bien davantage de Philippe : celui-ci la besogna si bellement qu'elle ne l'oublia jamais". Bref, il y a des savoirs plus importants que celui de bien se comporter à table.


Heureusement, les champs clos sont bien vite abandonnés au profit des champs de bataille car, la mission que reçoit rapidement Tirant est à la hauteur de son courage : délivrer l'empire Grec dont les ultimes défenses sont sur le point de rompre. A partir de là, alterneront sans discontinuer les récits de batailles, guerrières ou amoureuses, Tirant tombant amoureux de la fille de l'Empereur. A cet égard, n'allez pas croire qu'il soit du genre guerrier qui, le soir venu, s'occupe de sa belle avant de partir guerroyer le lendemain. Pas du tout ! Note héros freine au contraire des quatre fers son retour sur le champ de bataille car il ne veut pas quitter la princesse tant qu'elle se refuse à lui (de corps et non de de coeur). Je parlais d'Ulysse tantôt, et c'est avec raison je crois, tant le chevalier partage bien des points en commun avec l'homme grec, en particulier celui d'être capable de verser des larmes à foison sans chercher à dissimuler sa peine.

Bon, je m'arrête-là. Le style ? Du grand style évidemment. Du souffle. Le merveilleux ? Il est présent lui aussi, par toute petites touches, calqué sur les récits de voyages de John Mandeville. L'humour ? Egalement ! Les références à Raymond Lulle, le pionnier de la littérature catalane à laquelle ressortit Tirant ? Idem, le chapitre intitulée (dans l'édition française) "Tirant et l'ermite" emprunte beaucoup au Livre de l'ordre de la chevalerie (traduit en français aux éditions Guy Trénadiel Editeur, 79 p.). Je ne dis pas non plus que de nombreux personnages et épisodes sont tirés de la réalité ce qui nous vaut entre autres choses une mise en scène mémorable de la création de l'ordre de la jarretière par exemple... Non, je ne le dis pas car je devrai également parler, pour faire bonne mesure, de l'importance qu'accordait Cervantes à ce livre, qu'il définit, dans Don Quichotte, comme "le meilleur livre du monde" (meilleur que le sien ? on serait tenté de le croire)... non, non, non, je n'en dirai pas plus. A vous de le lire maintenant. Et, si vous désirez aller plus loin, vous pouvez réaliser le triptyque : Le livre de l'ordre de la chevalerie, Tirant le Blanc, Don Quichotte, vous ne le regretterez pas, foi de moi.

Tirant le Blanc, 987 p., Anarchasis.
 
Zx

10/11/2006
10:31
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Rhôôôôôô "il est plus que temps" bien sûr.

Pfffff, à désespérer parfois.
 
pascale

10/11/2006
19:14
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci, Zx, pour cette recension fabuleuse ! J'ai couru tout de suite me procurer Tirant le Blanc ! Un seul souci : il n'est plus disponible chez Anacharsis. Seulement en Quarto-Gallimard. Pas grave, j'espère ?

 
Zx

10/11/2006
20:08
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci Et pardon pour les coquilles.

Pour la version Quarto Gallimard je crois qu'il s'agit de l'adaptation de Caylus. Voici ce que j'ai trouvé sur Amazon :

"Il ne s'agit pas à proprement parler d'une traduction, mais d'une adaptation, attribuée au comte de Caylus. Cette adaptation ne reprend que très partiellement l'œuvre originale, en omettant plus de la moitié. Il s'agit néanmoins d'un excellent "Reader's Digest" du 18e siècle, dans une très belle langue, forcément datée, mais que l'on lit toujours avec plaisir. En outre, ce travail est fait à partir d'une traduction italienne et non d'après l'original, que Caylus ne connaissait pas. Les nombreuses erreurs que l'on trouve dans ce livre sont dues presque toujours à des erreurs dans la traduction italienne. Ce livre ne s'oppose pas à la traduction intégrale faite d'après l'original et présentée par les éditions Anacharsis, mais peut en être un complément intéressant, toujours agréable."


Je ne l'ai pas eu entre les mains je dois dire donc je ne peux me prononcer. Je sais en revanche qu'il reste 1 (!) exemplaire neuf de l'édition Anarchasis sur Amazon (le site, pas le revendeur car il faut passer par une librairie) et 1 d'occasion (attention, il y a un intrus sur la page en question).


 
lou

11/11/2006
15:09
aveu

Ce dont je suis le plus redevable à FC, c’est d’avoir suscité DDFC.
 
Agnès

11/11/2006
17:39
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Bonjour Lou. Me demandais où vous étiez passé !

 
lou

11/11/2006
19:19
back

Merci, Agnès. J'étais à NY, ma seconde patrie, for a couple of weeks, à nourrir les écureuils de Central Park. Le retour m'inspire ce message d'admiration pour le talent des contributeurs de ddfc.
 
Agnès

11/11/2006
20:24
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

A l'émission d'archives d'A.Perraud, ils ont évoqué un roman de Marcel Aymé que j'adore - et que l'invité a présenté comme un éloge de la maison individuelle contre les grands immeubles, bizarre interprétation ! - C'est Maison basse, ou comment l'unique maison basse d'un quartier d'immeubles dérègle la vie de ce quartier. C'est une construction en puzzle, si mes souvenirs sont exacts, c'est très noir et très bien, je file à table.
Moi aussi, j'ai le sentiment d'avoir retrouvé une communauté sur DDFC !

 
lou

12/11/2006
10:43
Got mit uns!

Une communauté, Agnès ?

Il nous faut mieux : UNE RELIGION.

Je cerne à peu près le dogme de cette religion réformée.
Il se dresse en opposition au dogme de la religion officielle, dévoyé en son Vatican de l’avenue Kennedy par la vente des indulgences par la papesse Jeanne. Son successeur est un Borgia.
Quelle date pour l’acte fondateur, placardé sur la porte du château ? J'ai oublié.

Nous avons un paradis avec des saints : Saint Jean-Marie et Saint Jérôme, l’un ayant été béatifié de son vivant.
Nous avons un martyr, ce malheureux who took away his life, et des sous-martyrs encore de ce monde.
Avec le médiateur, nous tenons notre Judas.
Un tribunal inquisitoire est à nos trousses.
Nous avons un enfer avec notre Grand Satan à nous, la grande diablesse, et ses multiples petits diablotins.
Nous communions à la grand messe du dimanche, à 12h45.

Nous avons un prophète et un clergé.
Je vois un pape, mais je doute qu’il fasse l’unanimité, et des évêques, et des docteurs de la foi, et des clercs.
Nous fustigeons les catécumènes indisciplinés.
Nous avons une Bible sans cesse remise à jour.
Je flaire des hérésies, des excommunions, et une dérive sectaire.
Bref, il ne manque plus à cette religion réformée qu’un nom plus érogène que ddfc, quelques fêtes votives avec procession, et surtout, surtout, un Cantor capable de nous composer des chorals comme ceux du seul, de l’unique, inutile de préciser qui bien sur.

Comme nous sommes sur le fil "liseron", je me permets de dire en vers ma foi naïve en cette nouvelle religion :

Auditeur suis pauvret et ancien,
Qui rien ne sais ; oncques lettre ne lus.
Au moutier vois dont suis paroissien
Paradis peint, où sont harpes et luths,
Et un enfer où damnés sont boullus
L’un me fait peur, l’autre joie et liesse.
La joie avoir me fais, haute Sagesse,
À qui pécheurs doivent tous recourir,
Comblés de foi, sans feinte ni paresse :
En cette foi je veux vivre et mourir.

.


 
Zx

12/11/2006
11:15
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Nous sommes donc des hérétiques. Ca me plais!
 
Zzzzzzzzut

12/11/2006
11:23
se relire avant ou après, that is the question !

"plaît"
 
Zx

12/11/2006
11:30
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

J'indique juste le lien de la table ronde critique, dans Tout Arrive, autour du dernier livre de Jacques Roubaud et d'un essai de Jérôme Prieur sur le roman noir qui a permis de parler de The Private Memoirs and Confessions of a Justified Sinner de James Hogg (bouquin que Gide adorait). Je n'ai pas écouté la deuxième partie. Il faudrait parler de Wieland aussi, le "premier" roman américain qui raconte l'histoire d'un ventriloque qui se fait passer pour dieu, semant mort et confusion derrière lui...

http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/ toutarrive/fiche.php?diffusion_id=46798
 
Agnès

12/11/2006
12:36
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Houlà ls garçons, entre lou qui se voit prophète et Zx qui accumule les lectures... à tout à l'heure !
 
pascale

12/11/2006
17:43
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Vive l'hérésie et vive Jacques Roubaud, quel dommage qu'il ne soit point papou !
 
AArgh !!!

12/11/2006
19:11
ça se discute

"manque plus à cette religion réformée qu’un nom plus érogène que ddfc"
Dédé fessé(e)...
 
pascale

13/11/2006
08:23
je ne devrais pas

Fesse-culte ?
 
lou

13/11/2006
08:37
la fessée

Georges Brassens

La fessée

La veuve et l'orphelin, quoi de plus émouvant ?
Un vieux copain d'école étant mort sans enfants,
Abandonnant au monde une épouse épatante,
J'allai rendre visite à la désespérée.
Et puis, ne sachant plus où finir ma soirée,
Je lui tins compagnie dans la chapelle ardente.

Pour endiguer ses pleurs, pour apaiser ses maux,
Je me mis à blaguer, à sortir des bons mots,
Tous les moyens sont bons au médecin de l'âme...
Bientôt, par la vertu de quelques facéties,
La veuve se tenait les côtes, Dieu merci !
Ainsi que des bossus, tous deux nous rigolâmes.

Ma pipe dépassait un peu de mon veston.
Aimable, elle m'encouragea : " Bourrez-la donc,
Qu'aucun impératif moral ne vous arrête,
Si mon pauvre mari détestait le tabac,
Maintenant la fumée ne le dérange pas !
Mais où diantre ai-je mis mon porte-cigarettes ? "

A minuit, d'une voix douce de séraphin,
Elle me demanda si je n'avais pas faim.
" Ça le ferait-il revenir, ajouta-t-elle,
De pousser la piété jusqu'à l'inanition :
Que diriez-vous d'une frugale collation ? "
Et nous fîmes un petit souper aux chandelles.

" Regardez s'il est beau ! Dirait-on point qu'il dort.
Ce n'est certes pas lui qui me donnerait tort
De noyer mon chagrin dans un flot de champagne. "
Quand nous eûmes vidé le deuxième magnum,
La veuve était émue, nom d'un petit bonhomm' !
Et son esprit se mit à battre la campagne...

" Mon Dieu, ce que c'est tout de même que de nous ! "
Soupira-t-elle, en s'asseyant sur mes genoux.
Et puis, ayant collé sa lèvre sur ma lèvre,
" Me voilà rassurée, fit-elle, j'avais peur
Que, sous votre moustache en tablier d'sapeur,
Vous ne cachiez coquettement un bec-de-lièvre... "

Un tablier d'sapeur, ma moustache, pensez !
Cette comparaison méritait la fessée.
Retroussant l'insolente avec nulle tendresse,
Conscient d'accomplir, somme toute, un devoir,
Mais en fermant les yeux pour ne pas trop en voir,
Paf ! j'abattis sur elle une main vengeresse !

" Aïe ! vous m'avez fêlé le postérieur en deux ! "
Se plaignit-elle, et je baissai le front, piteux,
Craignant avoir frappé de façon trop brutale.
Mais j'appris, par la suite, et j'en fus bien content,
Que cet état de chos's durait depuis longtemps :
Menteuse ! la fêlure était congénitale.

Quand je levai la main pour la deuxième fois,
Le cœur n'y était plus, j'avais perdu la foi,
Surtout qu'elle s'était enquise, la bougresse :
" Avez-vous remarqué que j'avais un beau cul ?
Et ma main vengeresse est retombée, vaincue!
Et le troisième coup ne fut qu'une caresse...

 
Zx

13/11/2006
19:30
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Signalons juste que c'est Léonora Miano pour "Contours du jour qui vient" (Plon) qui a reçu le Goncourt des lycéens.

Je ne l'ai pas lu donc pas de commentaires de ma part


Bon, moi j'ai lu "Mort d'un critique" de Martin Walser. Formidable bouquin. J'en dirai deux mots bientôt.
 
Agnès

14/11/2006
00:46
Musango, c'est la paix

Contours, ce n'est certes pas un immortel chef d'oeuvre, il y a un côté un peu démonstratif dans le texte qui me gêne. Cela dit, c'est un assez beau roman, honnête et parfois très juste. J'ai des élèves (filles et garçons) qui ont adoré, alors que pour les filles, ce n'était pas du tout le genre de littérature qu'elles lisaient auparavant. (Pour moi, c'est l'effet le plus visible et le plus positif de l'aventure : ils ont mûri "littérairement" d'un seul coup. Quasi passés de l'enfance à l'âge adulte.)
C'est l'errance de Musango, petite fille de neuf ans chassée par sa mère qui la hait comme incarnation de son "incertitude" sociale et intérieure. L'enfant, entre solitude et emprisonnement dans une secte d'escrocs qui prostituent des filles, s'adresse intarissablement en moologue intérieur à cette mère haïe et aimée, jusqu'à ce que les retrouvailles avec sa grand-mère la relient à son histoire et à celle - en devenir - de l'Afrique. ça se lit bien. Et le roman précédent, "L'intérieur de la nuit", que j'ai lu hier, pèche par un personnage central un peu incertain, mais il y a des pages assez suffocantes sur l'instabilité politique, les villages dans la tourmente, et les massacres.
Voilà. Au moins ces jeunes gens se sont-ils prononcés pour autre chose que les nothomberies et autres boulineries, c'est un peu rassurant.

 
Zx

14/11/2006
01:37
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

En balayant le net j'ai vu que, le ressac ayant emporté avec lui les premières vagues élogieuses, c'était désormais haro sur le Boulin. Pas de une simple critique, non, c'est la curée ! Les lecteurs, les critiques, les bloggeurs, les lycéens, tous vomissent unanimement le chantre autoproclamé des invisibles.

Finalement, cette rentrée littéraire n'aura guère été favorable pour les Angot, Nothomb et autres J-EB...
 
Agnès

15/11/2006
11:14
Hrabal back

Lien avec le site -version française - de la radio tchèque... Une mine.
Où l'on découvre qu'Une trop bruyante solitude a été adaptée en bandes dessinées.

 
lou

15/11/2006
11:20
cékoi...

... le www.etc/ ?
 
lou

15/11/2006
11:23
oublié...

... d'ajouter: siouplait, m'ame
 
AArgh !!!

15/11/2006
12:27
La cloche intégrale...

http://perso.orange.fr/calounet/resumes_livres/hrabal_resume /hrabal_solitude.htm

http://www.pastis.org/jade/cgi-bin/reframe.pl?http://www.pas tis.org/Jade/nov02/solitude/bruyantesolitude.htm
http://www.radio.cz/fr/article/70700
Voici!

 
lou

15/11/2006
12:39
??????? (spacibo)

ou plutôt: d?kuji / díky
 
lou

15/11/2006
12:41
une lacune de ddfc

L'alphabet cyrillique ne passe pas.
 
Nazdeb

15/11/2006
13:29
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Je n'ai pas réussi à le lire, celui-là. Je cherchais "Trains étroitement surveillés", parce que j'ai trouvé magnifique l'extrait donné par lou, mais ne suis tombé que sur la "bruyante solitude". Pas du tout entré dedans, malheureusement...
Ce livre est-il représentatif de tous les autres formats courts de Hrabal ou bien dois-je persévérer ?



 
pascale

16/11/2006
09:36
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

D'accord avec Agnès (11/10)pour Ouest, de Vallejo : c'est un magnifique thriller, mais à l'ancienne, mitonné au sang, avec des parfums de terroir très forts ; entre le seigneur "rouge" et son garde-chasse, un malaise insidieux grandit ; il devient évident que la mort rôde dans les labyrinthes de la forêt et les dédales du vieux château, tout aussi tordus que que la cervelle délabrée du châtelain ;une pure jeune fille est menacée de sévices ; la folie s'accroît,jusqu'à la scène d'horreur finale, dans le hurlement d'une meute de chiens ! Un bonheur !
 
Agnès

16/11/2006
10:00
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

AAAAAAHHHHHHHHHH ! Bien contente que ça vous ait plu ! C'est de la belle ouvrage.

 
Bécassine

16/11/2006
14:58
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Je m'aperçois que j'ai oublié dans la synthèse VIII le lien avec le fil !!! liseron III : http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=24 191&debut=0#27782&page=1


 
pascale

16/11/2006
16:47
ggrrrh

Labyrinthes, dédales et cervelle dans Ouest : tortueux, pas tordus !
 
pascale

18/11/2006
20:51
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Tirant le Blanc : pour moi, c'est surtout un mélange des genres : le lyrisme courtois tout à fait finissant au 15è siècle(le chevalier parfait, invincible et amoureux de sa Dame inaccessible) essaie de s'allier avec le réalisme cru des fabliaux ; ça donne des marivaudages interminables, suivis d'effeuillages effarants, Tirant et sa princesse quasiment tout nus devant les suivantes et jusqu'à l'impératrice qui commentent leurs "badinages", et la princesse elle-même raconte en direct sa défloration !
C'est curieux et dans l'ensemble agréable(j'avoue que j'ai sauté quelques tournois et batailles) mais je préfère les réinventions contemporaines : le Chevalier inexistant d'Italo Calvino et surtout, les contes du Graal revisités par Jacques Roubaud et Florence Delay avec malice (surtout lui) et tendresse (elle, mais lui aussi) ; on a déjà parlé sur ce fil de Graal Théâtre, quelqu'un disait s'être trouvé entre ciel et terre, et le nom de cet auditeur était : Zx !
 
Zx

18/11/2006
22:24
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV



Il me semble bien, à cet égard, que c'est vous qui nous avez conseillé ce livre...

"NASCIEN VERMITE : Reprends tes esprits Lancelot du Lac. Pour écouter ce que j'ai à te dire ôte tes armes et suis-moi dans la chapelle.

NASCIEN L'ERMITE: Descendant du roi David et de Joseph d'Arimathie tu étais destiné à faire le salut du royaume de Logres et à achever la quête du Saint-Graal. C'est pourquoi tu avais reçu à ton baptême pour nom caché Galaad. Tu hébergeas dans ton enfance les vertus de virginité de patience de droiture et de charité. L'Ennemi ne trouvant pas comment s'insinuer en toi entra comme un serpent dans la reine Guenièvre qui ne s'était pas bien confessée depuis son mariage. Son venin monta jusqu'à ses yeux et le premier regard qu'elle te jeta grava en toi son image. Telle une idole la reine descendit au fond de ton coeur et là tu l'hébergeas et l'héberges depuis délogeant les belles dames vertus dont c'était la demeure. En adorant la reine tu commenças par enfreindre le premier commandement qui dit : tu adoreras Dieu seul et l'aimeras plus que tout. Puis maître du lieu l'Ennemi vous échauffa. Il manda Luxure défaire ta virginité et tu violas le sixième commandement qui dit : tu ne commettras pas l'adultère. Pire encore. Faux mari de la reine tu devins fausse femme du prince des Îles Lointaines dévot du contre-amour sectateur de Sodome et de la Ryère Vénus. Le poison de tes amours diaboliques va couler de siècle en siècle pervertissant d'autant plus les âmes nobles que grand est ton renom de chevalier. Que d'exploits magnifiques commis au nom d'un amour coupable : la conquête de la Douloureuse Garde la traversée du Pont de l'Épée l'abolition de la charrette d'infamie. Hélas. Raconté dans le livre du démon Merlin le premier baiser que te donna la reine en présence de Galehaut conduira en enfer deux jeunes âmes innocentes Paolo da Malatesta et Francesca da Rimini. Repens-toi Lancelot du Lac. Si Notre Sire voit que tu cries merci que tu renonces à ton passé que tu veux retrouver la pureté qui était la tienne quand la Dame du Lac te conduisit candide et vêtu de blanc devant le roi Arthur ton suzerain il te pardonnera. Repens-toi repens-toi REPENS-TOI.

LANCELOT: De tout ce que j'ai commis de mal père Nascien je me repens. Je reconnais ma faute ma grande faute qui fut l'oubli de Dieu. Il a été souvent absent de mon coeur. Je ne l'ai point suffisamment prié ni adoré de cela je suis prêt à demander pardon et à faire pénitence. Mais si j'ai enfreint le premier des commandements du Père je n'ai jamais failli au seul commandement du Fils qui est le commandement d'amour. L'avez-vous oublié ? L'amour qui meut le ciel le soleil les étoiles est celui que j'éprouve pour la reine. Elle est ma dame et Dieu la fit de ses propres mains. L'amour qui meut le ciel le soleil les étoiles fut celui qu'éprouva pour moi le prince des Îles Lointaines et je le lui rendis. C'est Dieu qui l'ayant fait géant lui donna cet amour immense dont il est mort. Amour exige fidélité. N'appelle-t-on pas infidèles ceux qui ne croient pas en Dieu ? Si un poison me fit trahir ma dame de ce poison est né un fils mon fils, Galaad dont je sais qu'il mènera à terme l'aventure du Graal. Dieu n'a-t-il pas voulu ainsi effacer ma trahison et que du mal sorte un bien ? Père si je renonçais aujourd'hui à la reine comme vous l'exigez si violemment c'est alors que je serais traître et en connaissance de cause. Je serais traître envers les chevaliers et les dames de cour qui suivent les commandements du service amoureux dont la valeur au pays d'Armor et de Logres égale celle des armes. Sans amour l'ordre de chevalerie n'aurait plus lieu d'être.

NASCIEN L'ERMlTE : Alors sois damné."

(Graal Théâtre)



Je suis intrigué par certaines de vos remarques, il faudra que je m'intéresse à l'adaptation/traduction de Caylus, si c'est bien celle que vous lûtes

Par contre, Tirant n'est pas parfait pour moi ! Eg : Plus la princesse se refuse à lui moins il pense à la guerre et laisse son cousin pourrir en prison des années avant (la Fortune aidant) d'aller le délivrer
 
Zx

18/11/2006
22:25
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Pas Vermite mais L'Ermite (mon scanner a fait des siennes je crois !)
 
pascale

19/11/2006
11:07
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

C'est bien Caylus.
 
Agnès

13/12/2006
10:51
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Juste en vitesse : J'ai remis le nez - et plus ne l'en sors - dans Peter Ibbetson de Georges Du Maurier, que nous évoquâmes il y a quelque temps. Si ce n'est que l'édition L'Imaginaire présente des gravures scandaleusement illisibles à force d'avoir été réimprimées, ce livre est merveilleux. Toute l'évocation de l'enfance à Paris est baignée d'un aura littéralement magique très "communicative", avec les langages forgés par les enfants que j'avais autrefois adorés : le frankingle : "Dispeach yourself to ferm the feneeter, Jojo" ou l'Inglefrank : "Veux-tu chutter le vindeau, je sneeze déjà !" et la suite, dont je me souvenais moins : les années de mélancolie en Angleterre, tout ça est parfaitement réussi.
Je file.

 
Agnès

03/01/2007
23:10
Pour saluer l'année nouvelle

Puisque Liseron entame sa troisième année et approche de son deuxième anniversaire, 4 fils, plus de 500 contribes - je n'ai pas compté les bouquins recensés mais il y en a un bon paquet (à peu près 70 dans la dernière synthèse, la VII), je ne voudrais pas commencer l'année nouvelle avec des réticences. Or il y a un roman dont je voudrais vous parler depuis un moment, sans jamais avoir pris le temps de le faire. Problème : il n'est naturellement pas à sa place, j'ai dû le prêter - à qui, je n'en ai plus la moindre idée - je vais donc devoir me fier strictement à ma mémoire.
C'est un pavé, et si j'ai hésité à en parler, c'est, absurdement, parce que c'est aussi une sorte de gigantesque conte de fées, d'un romanesque débridé, et que j'avais presque le sentiment de devoir m'excuser auprès des doctes lecteurs du forum de leur recommander une histoire à ce point merveilleuse. Un produit parfaitement réussi de la pratique américaine des cours d'écriture : l'extrême et minutieuse documentation se fond dans la construction globale d'une intrigue rigoureusement construite et maîtrisée. Trêve de circonlocutions. Il n'y a pas à s'excuser : ce roman est une merveille, il se dévore, et se relit, avec un égal bonheur. On en sort "reconstitué". Il a quelque chose de puissamment tonique, dans la façon dont il construit, au fil de rencontres toutes providentielles, le destin de Claude Rawlings, musicien de génie né dans les sous-sols de New York, années 40.
C'est Corps et âme traduction stricte de l'anglais Body and soul , de Frank Conroy, écrivain américain mort en 2005. Le roman s'ouvre dans le sous-sol misérable et désordonné d'un minuscule appartement où un petit enfant attend des journées entières dans l'angoisse et l'incertitude le retour de sa mère, géante alcoolique, imprévisible et malgré tout tutélaire, habitée par une sorte de rage de la revendication militante contre toutes les injustices. Il y découvre un jour dans le fatras des tracts qui s'empilent un petit piano blanc de bastringue, sur lequel il apprend littéralement à déchiffrer les sons comme une initiation au déchiffrement du monde. Le mystère du piano l'amènera, tout jeune, à quitter le sous-sol pour une boutique d'instruments de musique dans sa rue, où il fait sa première rencontre providentielle : le propriétaire du magasin, un musicien juif polonais, Monsieur Weisfeld (?), qui, découvrant le don du garçon devient en quelque sorte son parrain. C'est Weisfeld qui lui fait rencontrer son premier professeur, pianiste de génie qui lui lègue son piano et une rente, Weisfeld qui lui installe le studio souterrain qui devient la tanière, l'antre, le cœur battant de Claude au fur et à mesure de ses rencontres, de son apprentissage de la vie, de sa découverte de la musique, des êtres – déclassés et marginaux comme sa mère et le balayeur noir dont le nom m'échappe absolument, et qui pourtant offre à la mère et l'enfant sa bonté rayonnante et un équilibre, ou gratin New-Yorkais côtoyé à l'occasion de cours ou grâce à l'un de ses richissimes professeurs ou encore à l'université. Le roman tisse ensemble un contexte réaliste, le New-York des années 40-50 avec ses quartiers, ses cinémas, ses taxis, son métro, ses flics, ses hôtels particuliers luxueux, ses snobs et ses excentriques, la formation musicale de Claude, dont le talent prend forme et force non sans épreuves, sa formation intellectuelle, sa vie affective et sentimentale, des amours d'enfance à son mariage avec une jeune et brillante aristocrate et petite fille de philanthrope. Ne croyez pas pour autant que tout soit rose dans ce destin, qui connaît ses gouffres et ses errances. Je vais peut-être m'arrêter là, avant d'avoir tout raconté. C'est un conte de fées, peut-être, mais sans niaiserie aucune, où tous les personnages sonnent juste. Et l'on avance dans le roman, comme transportés par cette symphonie humaine et musicale.


 
Yann

03/01/2007
23:56
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Oulà, c'est taillé pour moi, ça... Merci!

Yann

 
dom

04/01/2007
00:18
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

salut Agnes, meilleurs voeux , mais sutout merci a toi de me rendre un peu moins con par tes nombreuses contributions, longue vie a Liseron le bien nommé...
 
A.

04/01/2007
09:53
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci Dom ! Meilleurs voeux à toi aussi. J'espère que tu en lis, dans le lot ! http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.georgetown. edu/organizations/opsis/images/commediadellarte/arlequinreverence.gif&am p;imgrefurl=http://www.georgetown.edu/organizations/opsis/images/commedi adellarte/arlequinreverence.htm&h=502&w=307&sz=135&hl=fr &start=52&tbnid=IS8szglyJWEi8M:&tbnh=130&tbnw=80&pre v=/images%3Fq%3Dr%25C3%25A9v%25C3%25A9rence%26start%3D36%26ndsp%3D18%26s vnum%3D10%26hl%3Dfr%26lr%3D%26sa%3DN


 
pascale

04/01/2007
11:32
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Beau travail, Agnès !ça donne vraiment envie de lire Conroy !
 
A.

04/01/2007
13:49
Private quoique dédéefcienne joke

Chic alors, Pascale. (Et vous aurez même droit au passage à la guerre et au nazisme, et à la réflexion sur l'Histoire, le Mal et le Destin, sans les godillots des Bienveillantes ! )
 
Bécassine

04/01/2007
22:39
The stair-minded girl

6/11 19h20 - 19h23 :

AA
06/11/2006
18:49 Zx, comment prononce-t-on "K1ze" ?

Zx
06/11/2006
19:16 "Quinze"

AAAAAAARGH!!!!!
06/11/2006
19:19 Gogole
Aaaaahhhhhhhh!!! Mais il y a une confusion coupable entre le son [un] et le son [in] !!!!

AAAHHHHHHHH!
06/11/2006
19:20 re : je lisais : Ka unze ...

Old Testament
06/11/2006
19:23 C'est en face d'un autre bistrot, le A-Belz .

JE VIENS DE COMPRENDRE....



 
Zx

04/01/2007
22:46
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Moi aussi


 
Yann

05/01/2007
00:10
alias Old Testament

pas trop tôt
 
Agnès

05/01/2007
05:21
La devise du jour

Tout vient à point à qui sait attendre...
 
Agnès

05/01/2007
23:20
Pavé, encore, mais une bio pour changer !

Voici l'autre bouquin, celui par lequel je ne voulais pas ouvrir l'année parce que j'avais des réticences. Exceptionnellement, c'est un bouquin de critique. Enfin, une bio hybride.

Jean-Marc Hovasse : Victor Hugo , tome I, Avant l'exil . C'est un pavissime pavé, si je peux me permettre ce barbarisme (1162 pages ≈ in quarto de texte, sans parler des annexes.) Un pavé un peu trop touffu, qui recompose l'histoire de Victor Hugo depuis les origines généalogiques ( il y a d'excellents tableaux généalogiques originaux sur tous ceux qui touchent à Hugo, Juliette Drouet comprise, en annexe) jusqu'à la fuite en Belgique. Mais il mêle à la biographie proprement dite toutes sortes de perspectives souvent neuves, et des hypothèses psychanalytiques - pour déchiffrer en particulier la construction de l'univers romanesque, et les différentes projections d'Hugo dans ses personnages - qui sont très intéressantes. Se mêlent donc au récit de la vie de VH des analyses de l'œuvre, et des commentaires de texte.
Il y a pourtant qqch d'irritant dans l'ouvrage, parce que l'auteur n'a pas su élaguer son foisonnant propos. [Le tome II, annoncé pour 2002, commémoration oblige, n'est toujours pas sorti ! c'est le signe, me semble-t-il d'une impasse.] Avec un côté excellent élève de Normale Sup qui m'énerve un peu (les transitions super léchées entre les chapitres !) sans parler d'un goût immodéré pour le "calembour-libé" genre "L'art d'être grand pair" que je trouve contraire à la modestie requise de la part d'un vulgarisateur.
Cela dit, c'est passionnant et on y apprend des milliers de choses (qu'on a ensuite beaucoup de mal à retrouver). Par exemple, j'y ai découvert un épisode de la vie d'Hugo dont j'ignorais tout : dans les années 40, il a été surpris sur ordre du mari avec sa maîtresse Léonie Biard, au lit et me semble-t-il au petit matin. Comme il était pair de France, il bénéficiait de l'immunité juridique, mais elle a passé 6 mois en prison ! Quoi qu'il en soit, le récit m'évoquait qqch : eh bien, c'est Balzac qui a réutilisé quasi tel quel l'épisode dans La cousine Bette pour le Baron Hulot et Valérie Marneffe. Et, par une comparaison avec un condamné à mort, Balzac souligne l'emprunt ! ( Le dernier jour d'un condamné ) Marrant, non? ce tissage de la petite histoire des grands hommes et de la littérature !
Je crois en somme que ce qui manque à l'auteur, c'est qqch de la verve du conteur, et qu'il maîtrise mal la synthèse du récit biographique, de l'analyse globale de l'oeuvre - au demeurant, je le répète, très pertinente et pleine de perspectives neuves - et d'un saupoudrage d'explications de textes qui sentent leur école.
Le bouquin est donc infiniment trop long, n'espérez pas le parcourir en quelques heures : il m'a fallu trois jours de "marathon-lecture" pour en venir à bout. Mais l'index est bien fait, et les intuitions sont vraiment riches. Il a fait ça sous le patronage de ce que la France compte de plus distingués comme hugoliens, de Seebacher à Agnès Spiquel en passant par nombre d'autres dont le "groupe Hugo" auquel il dédie son livre. Une somme, indéniablement, un ouvrage de référence et qui se veut tel. J'espère qu'il aura trouvé, pour la suite, comment resserrer son propos, et qu'elle ne se fera plus guère attendre.

C'est de cet Hugo-là qu'il est question, le Hugo glabre des 50 premières années : http://www.comedie-francaise.fr/biographies/ima_bios/hugo.jp g
 
Agnès

05/01/2007
23:25
Grrr!!! Les fantaisies du forum

**1162 pages ≈ in quarto** c'était 1162 pages "à peu près" in quarto, mais j'avais utilisé le symbole typographique.
 
Zx

06/01/2007
08:20
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci pour ce compte-rendu !

A l'origine c'était une thèse je crois (rien d'étonnant d'ailleurs! ). L'ouvrage qui en fut tiré avait été présenté à la télévision à l'époque.

Sur Léonie Biard, j'ai trouvé ceci sur le net : http://groupugo.div.jussieu.fr/Groupugo/05-03-12.htm (du groupe Hugo justement).
 
Agnès

07/01/2007
08:39
Un petit dernier

C'est le second bref roman sarde que je lis en quelques mois. Le précédent datait des années 60, traduit 30 ans plus tard, celui-ci a été publié et traduit en 2006. Milena Agus, Mal de pierres , Mal di pietre , Mali de is perdas en dialecte sarde, chez Liana Levi. La voix de la narratrice, jeune femme éperdue d'amour pour sa grand-mère, retrace, recompose, retisse la vie de celle-ci : dans les années 40, grâce et gaucherie infinies mêlées, elle est au village celle que l'on courtise puis que l'on fuit étrangement, celle qui n'arrive pas à se faire épouser, aimée avec perplexité de son père et de ses sœurs, haïe de sa mère. Scandale : elle écrit des poèmes et des déclarations enflammées à ses soupirants. Folle, et atteinte du mal des pierres, coliques néphrétiques qui la terrassent régulièrement. Jusqu'à cette année 43 où, fuyant Cagliari détruite par un bombardement qui a anéanti sa famille et sa maison, arrive avec sa valise celui qui trouve refuge au village chez les arrière-grands-parents, et un mois plus tard épouse la grand-mère, malgré elle, qui ne l'aime pas. Naît alors un étrange couple au village puis à Cagliari, l'homme communiste et athée, attentif et indifférent à sa femme, elle qui découvre la splendeur de la lumière sur le paysage de ville et de mer, la fraternité avec les voisins pauvres et chaleureux, et qui perd tous ses bébés à cause du mal des pierres. Jusqu'à son départ sur le continent pour aller faire une cure, dans un endroit si dépourvu de charme et de soleil "qu'elle pens[e] être arrivée dans l'au-delà", avant de croiser, le soir-même, le Rescapé avec sa jambe de bois.
Mêlant alors les fils de son histoire propre avec celle de la grand-mère, et la langue sarde (restituée telle que dans son étrangeté radicale à qui connaît un peu d'italien - j'ai vu passer un verbe grec Macca esti , elle est folle - et traduite en bas de page) avec la langue italienne, la narratrice, seule à entretenir avec sa grand-mère une relation d'harmonie et d'amour sans arrière-pensées, fait ressurgir autour d'elle son fils miraculeusement né et musicien, l'épouse d'icelui, l'autre grand-mère, Lia, murée dans son silence, son âpreté, son sens du devoir. Jusqu'à renouer et retisser tous les fils de sa généalogie et de sa géographie. C'est sobre, très "vocal" et intense. C'est beau. Lisez-le.

 
A.

07/01/2007
08:41
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

PS : Merci Zx, pour le lien !

 
Zx

07/01/2007
09:12
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci pour cette présentation !

Celle de l'éditeur :

http://www.lianalevi.fr/litterature/mal_pierres.htm

Moi je n'ai pas de nouveaux livres à présenter en ce moment : je lis tout Shakespeare en anglais et je pense que les oeuvres de Willie n'ont guère à se recommander de mon maigre concours.
 
Agnès

12/01/2007
21:54
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Bon alors, personne n'a encore lu Mal_de_pierres ? Je l'ai déjà prêté à deux amies et offert à une troisième. La quatrième, c'est pour demain...
J'ai oublié de vous dire qu'il y avait aussi dans le roman une dimension de drôlerie, liée à une sexualité pour le moins excentrique. Ce n'est pas une de ses moindres originalités.

 
Zx

13/01/2007
17:07
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Je prends l'émission en cours mais il me semble bien qu'on en parle actuellement dans l'émission de Joseph Macé-Scaron, Jeux d'Epreuve.
 
A.

13/01/2007
18:36
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Raté, merci, tant pis !
 
A.

13/01/2007
18:37
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

(Au passage, le bouquin est en réimpression. Il est sorti la semaine dernière. Ce doit être le bouche à oreille !)
 
marielu

02/02/2007
08:33
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Quelle surprise il était question de "mal de pierres" dans tout arrive, bravo A.!!!!
j'attends avec impatience le compte rendu de vos dernières découvertes,pour ma part j'ai passé un bon moment avec "l'heure et l'ombre" de Pierre Jourde j'ai savouré cette langue peut-être trop classique pour certains, j'ai même dû chercher quelques mots dans le dico..cela devient tellement rare que cela valait la peine d'être noté.
 
Agnès

02/02/2007
14:27
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci à vous. L'écoute de Tout arrive m'est impossible quasiment toute la semaine, sauf le mercredi mais Nono m'énerve tellement que je ne l'écoute guère. J'espère qu'ils en ont dit du bien, et des choses intelligentes, et sans raconter la fin !
Jourde, j'ai récemment abandonné "L'Oeuvre du propriétaire" dès le début. Je ne suis pas entrée dedans. Je préfère le Jourde pamphlétaire, qui m'amuse.
Quant à moi, je viens de lire d'un trait le dernier roman de Bernhardt Schlink, Le Retour. Je n'ai pas le temps d'en parler maintenant, d'autant moins que je voulais auparavant et depuis longtems présenter Le Liseur (1996), magnifique et sobre roman que j'avais adoré. A plus tard donc.

 
Agnès

11/02/2007
22:20
Pour faire remonter le fil des lecteurs

Je mets ici le compte-rendu un peu adapté d'une rencontre avec Léonora Miano, qui est décidément un auteur intéressant. Après Contours du jour qui vient, j'ai lu L'Intérieur de la nuit, livre assez suffoquant, mais puissant et généreux.

Nous avons rencontré Léonora Miano mardi dernier (6/02) pour une bonne heure et quart d’échanges, puis encore 3/4h pour les dédicaces.
En vérité, l’expérience a été particulièrement riche et agréable. Miano est une jeune femme d’une trentaine d’années, d’origine camerounaise, qui vit en France depuis l’âge de 18 ans. Elle écrit depuis longtemps, même si elle n’a commencé à publier – avec succès, puisqu’elle peut depuis peu en vivre - qu’il y a deux ans, avec L'Intérieur de la nuit, 1er volet d’une trilogie dont Contours du jour qui vient, est le 3ème. Le second, Les Aubes écarlates, a été écrit mais elle ne l’a pas publié, pour une raison de « tempo » d’un des personnages, dont elle n’était pas satisfaite. Cette trilogie, dont les volets sont reliés de façon un peu lâche par des personnages récurrents – sans la moindre influence de Balzac, elle s’est dite très ignorante en littérature française – se déroule dans le pays imaginaire d’Afrique qu’elle a nommé le Mboasu (« chez nous », en douala), pendant et après une guerre semblable par bien des traits à celles qui déchirent l’Afrique centrale, sans stigmatiser un pays ni un peuple en particulier. Elle travaille à présent à un roman qui n’a pas pour cadre l’Afrique.

Elle s’est montrée très disponible, bienveillante, même si parfois un peu abrupte. Nous l’avons accueillie par la lecture de quelques extraits du roman, choisis par des élèves lecteurs, puis elle s’est prêtée avec bonne grâce et générosité au jeu des questions et des réponses, plus informelles et improvisées au fil de l’entretien. D’où il est ressorti qu’elle a été particulièrement sensible au fait que les jeunes jurés du Goncourt aient mis l’accent sur l’universalité du message humain qu’elle délivre dans ses romans, la violence, la brutalité, l’indifférence que font naître les guerres n’ayant rien de spécifiquement africain. (Alors qu’elle a été très stigmatisée, en Afrique en particulier, pour avoir mis en scène un sacrifice humain dans "L’intérieur de la nuit", comme si elle entretenait l’image d’une « sauvagerie spécifiquement africaine »). Elle a dit avoir écrit Contours pour la jeune génération dont elle espère qu’elle aura la vitalité d’émerger des scléroses et des dépendances dont l’Afrique est la victime, sans pour autant imaginer pour elle d’avenir précis. D’où l’impossibilité pour l’heure de donner une suite à Contours, bien que le personnage de Musango ait suscité des sympathies nombreuses et qu’elle se soit vu réclamer à plusieurs reprises la suite de son histoire. Personnage dont elle a dit qu’il était sans doute celui dans lequel elle avait mis le plus d’elle-même, petite fille qui en fait n’en est pas une, qui incarne la lucidité et la souffrance, mais aussi la vitalité ardente d’une génération dont les parents n’ont su assumer ni l’éducation, ni la transmission des valeurs anciennes, ni un regard responsable sur le monde nouveau qu’aurait pu ouvrir la décolonisation. Revendiquant avec âpreté de ne pas être une « spécialiste » de l’Afrique, Miano en parle cependant avec force et émotion. Contours évoque entre autres (au cours d’une scène très brutale et désespérée dont Musango est le témoin) le lien rompu entre les Africains d’Afrique et ceux des Antilles, considérés avec mépris comme des « sans généalogie ». Elle souligne avec colère la responsabilité des Africains eux-mêmes dans l’esclavage, et considère qu’il est urgent pour eux d’envisager cet aspect des choses, sans se référer toujours aux Européens. Contours est à ce titre, aussi, une sorte de requiem pour les milliers d’âmes sans sépulture qui sont restées « sous l’eau ». Miano dit ne pas écrire pour les gouvernants des pays d’Afrique, qui n’ont que faire des romans, elle s’adresse aux jeunes gens et aux « hommes de bonne volonté », jetant ses œuvres comme des bouteilles à la mer. Pouvoirs du roman, en dehors de toute lecture « idéologique », importance de la spiritualité (le texte biblique, œuvre de spiritualité universelle selon elle, irrigue sa prose lyrique, prophétique, poétique) et méfaits des religions dévoyées que sont les sectes, omniprésentes et tout à fait officielles en Afrique, importance aussi de la construction musicale, du rythme, du tempo dans ses romans, l’entretien a été pour nous tous un moment fort de découverte d’une réflexion complexe, généreuse et engagée sur le roman contemporain. Les dédicaces sont à l’image du personnage : une phrase, différente pour chacun, mettant en relief le thème du jour qui vient, le chemin de l’ombre vers la lumière.
Lisez Miano. Même si ses personnages ont parfois quelque chose de schématique ou d’un peu démonstratif, c’est une voix puissante, originale, celle d’une raconteuse d’histoires qui touchent et qui accompagnent le lecteur bien au-delà de sa lecture. Son univers est très sombre, mais il n’est jamais complaisant dans le désespoir, et si l’on en sort touché ou heurté, on a toujours le sentiment, précisément, d’une aube possible.

 
Zx

12/02/2007
01:20
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci Agnès !
 
bon-vent

18/02/2007
14:02
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Bonjour à tous,

ce soir sur radio suisse romande de 20H à 22H une émission consacrée à Malcom Lowry, pour plus de détails :

http://www.rsr.ch/espace-2/sonar

et bon dimanche !

 
Agnès

18/02/2007
14:48
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci !
Belle pièce, semble-t-il, le Lowry, d"après la petite photo !
 
shhh

18/02/2007
15:27
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci bon-vent.
Et puis il y a ce blog http://www.incipitblog.com/index.php/2005/08/22/malcolm-lowr y-au-dessous-du-volcan-1947/ où un certain fredolvq en parle si bien.


 
Agnès

24/02/2007
18:49
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Le mec de la tombe d'à côté de Katarina Mazetti, chez Gaia, les livres au pages de littérature nordique ( Mazetti, c'est un nom suédois...). Pas un immortel chef d'oeuvre, non. Mais un petit roman à deux voix, indéniablement divertissant, où j'ai souri, souvent, et ri parfois. Deux trentenaires dépassés, elle veuve, lui célibataire, elle bibliothécaire & intello, lui agriculteur & débordé, se rencontrent au cimetière. Deux monologues sur la difficulté d'aller vers l'autre quand il est si radicalement différent, et si infiniment désirable. Le ton est léger, et fait mouche, ce n'est pas si fréquent. Une bonne lecture de samedi pluvieux.


 
AArgh!!!

24/02/2007
18:51
Grrrrrrrrrrrrrrr!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

...les livres auX pages roses de littérature nordique...
 
Agnès

26/02/2007
10:22
Liseur, lisons, liserons

Je viens de relire, avec la même émotion et la même admiration qu’il y a dix ans, Le Liseur, de Bernhardt Schlink. Il y a longtemps que je voulais en faire ici un compte-rendu, mais le bouquin avait disparu de la maison - one more, comme tous les livres qu’on aime et qu’on prête, à qui ? – et je l’ai donc racheté. J’espère qu’il y en a parmi vous qui ne l’auront pas lu, pour pouvoir découvrir cette histoire prenante, cette sombre réflexion sur l’amour, l’érotisme, le droit, et les liens qu’entretient le peuple allemand avec la dernière guerre. Je rassure ceux qui pousseraient un soupir à voir mentionner ce dernier thème : aucune complaisance dans l’horreur, ni dans le ressassement. Rien sur la "banalité du mal" – sinon la mention d’Hannah Arendt au détour d’une bibliographie et le fait que « l’héroïne », si c’est le terme propre, s’appelle Hannah, justement - .
Le narrateur revient, adulte, sur la liaison qui a marqué à tout jamais sa vie. À quinze ans, il a rencontré Hannah, une femme saine et solide, receveuse de tramway, de vingt ans plus âgée que lui, qui lui a porté secours alors qu’atteint d’une jaunisse, il vomissait dans la rue. Devenu son amant, il a appris d’elle l’érotisme, l’indépendance, le goût des études, et le plaisir de la lecture à voix haute, qu’elle lui réclame insatiablement. Elle apporte dans sa vie la saveur, les odeurs, un ancrage robuste et naturel, mais aussi une inquiétude constante due à ses étranges sautes d’humeur, à ses accès de silence buté, à certains refus inexplicables. La jeunesse de Michaël et l’autorité qu’Hannah exerce sur lui ancrent le jeune homme dans un sentiment de culpabilité et d’incompréhension qui culmine au moment où Hannah disparaît, sans un mot, le laissant en quelque sorte étranger au monde et à autrui.
Devenu juriste, marié, puis divorcé à cause de cette étrange impossibilité à vivre sa propre vie autrement qu’en spectateur, il retrouve Hannah – son dos, si familier – au cours d’un procès dont il doit rendre compte. Elle est l’accusée la plus en vue d’un procès de femmes-kapo, qui, au cours de leur fuite du camp, ont laissé brûler les prisonnières enfermées dans une église. Dignité et incertitude, l’attitude d’Hannah irrite autant le tribunal que ses co-accusées, mais finit par offrir à Michaël la clé de toutes ses apparentes incohérences, le liant plus encore à cette femme à laquelle il n’a pourtant plus adressé la parole.

C’est ce que j’ai lu de plus fort sur l’Allemagne en proie aux séquelles de son histoire. On en sort saisi, troublé, sans la moindre possibilité de prendre une position manichéenne. Le personnage d’Hannah, impérieuse, lointaine et douce, est bouleversant, alors même qu’il n’est pas sympathique. Et il continue à hanter le lecteur, comme le héros du roman, que son histoire avec elle a mis pour toujours en porte-à-faux avec la vie, à la fois lucide et incertain, incapable à tout jamais de « juger », lui qui est juriste.
Rien à voir avec les facilités gore de certain pavé dont il fut abondamment question ici il y a peu. Les personnages de Schlink ont, dans leur apparente indifférence, une épaisseur humaine intense, dont son écriture blanche et juste saisit, à travers d’infimes détails, les failles et les forces avec une grande subtilité.
Lisez Le Liseur


 
Zx

26/02/2007
23:01
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

J'ai acheté Mal de pierres aujourd'hui. J'espère pouvoir en dire du bien quand je le recevrai (vous devinez peut-être le nom de mon vendeur ?! :ph34r:)

Sinon, j'ai entendu M.Schneider faire l'éloge de la droite libérale chez Couturier. Ce type est pire que tout (l'éloge du libéralisme est une chose, sa contenance hautaine, une autre). Ce type est imbuvable. Evidemment, cet imbécile de Couturier l'a adoré. Affligeant !
 
Zx

26/02/2007
23:04
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Au fait... merci Agnès !
 
Nazdeb

27/02/2007
12:51
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Salut Agnès, salut Zx
Décidément FC est devenue une radio d'économie et de politique servies au quotidien, il n'y a que les week-ends qu'elle (où elle ?) reprend sa teinte culturelle.
Et encore... N Kaplan et JB Pouy, chez les papous d'avant-hier, ont eu un échange un tantinet tendu sur l'interprétation politique du texte d'Apollinaire, les levains de polémique (pro/anti-coco) n'ont pas gonflé heureusement, mais ils gisaient là...
(Tiens bon Jibé !)



 
Agnès

28/02/2007
23:47
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Salut les garçons.
La Voix , c'est le dernier Arnaldur Idridassen, , l'auteur de polars islandais. L'inspecteur Erlendur a toujours une forme olympique : cette fois, puisqu'on y a tué le Père Noël, il s'installe à l'hôtel où celui-ci exerçait les fonctions de portier et d'homme à tout faire, dans une chambre glacée où sa fille junkie à peine repentie vient lui faire quelques visites. Ça se lit bien, même si l'intrigue s'étire un peu, et si le tressage des voix et des fils du roman est un peu lâche. Une lecture possible, en somme, mais pas indispensable.
 
Bécassine

01/03/2007
00:00
Décryptage

Euh, Zx, là, je cale : ** :ph34r:) **
Au début, une langue tirée ?
A la fin, un sourire ?
mais entre les deux ???

Moi, j'achète mes livres CHEZ LE LIBRAIRE !!!! (Oui, je sais, archaïque. Mais tellement plaisant, juste après le marché !
 
w

01/03/2007
09:52
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

J'ai d'excellents libraires... à 30 km de chez moi. Certes j'adore y traîner, musarder, discuter et passer des commandes.
Il m'est arrivé de jeter la pierre aux cyber-distributeurs, mais si Zx et moi passons par le même passeur sachant passer, il faut savoir qu'il travaille avec quelques gros libraires, mais aussi avec une foultitude de petits/micro libraires les plus inattendus (j'ai une fois reçu un opus provenant d'une péniche-petite librairie-lieu de vie anar d'un coin que j'ai bien connu). Ils ont de plus un cahier des charges assez éthique et prennent une marge fort appréciée des libraires.
Je crois savoir que c'est le seul gros distributeur travaillant à ces conditions. Du coup, certains petits libraires spécialisés en incunables ou autres raretés sortent de leur isolement et en sont ravis.
Comme quoi c'est pas la zone. Surtout quand on a plus de chances de croiser un sanglier qu'un libraire.

 
Zx

01/03/2007
11:43
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

"il faut savoir qu'il travaille avec quelques gros libraires, mais aussi avec une foultitude de petits/micro libraires les plus inattendus (j'ai une fois reçu un opus provenant d'une péniche-petite librairie-lieu de vie anar d'un coin que j'ai bien connu). Ils ont de plus un cahier des charges assez éthique et prennent une marge fort appréciée des libraires.
Je crois savoir que c'est le seul gros distributeur travaillant à ces conditions. Du coup, certains petits libraires spécialisés en incunables ou autres raretés sortent de leur isolement et en sont ravis."

Exactement, et je ne me prive pas de faire appel à eux. En fait, en passant par ce dealer , je commande beaucoup plus de livre à des petits libraires qu'une personne qui n'irait qu'à la FNAC* par exemple. Justement, il y en a une près de chez moi, et c'est elle surtout que je ne supporte plus : devant cet amas de livres, j'éprouve une sensation d'étouffement et, noyé sous les piles amassées, j'oublie immanquablement ce qu'à l'origine j'étais venu chercher. Acheter chez XXX me permets d'individualiser mes choix, de les accomplir de manière posée et réfléchie. De surcroît, lisant beaucoup de livres américains introuvables en France (même dans les librairies spécialisées, je tiens à le préciser), je n'ai parfois pas le choix.

*avant j'allais chez Vrin mais je ne supporte plus non plus. Allez comprendre...




Autrement, je lis le dernier Cadiot en ce moment. A ce stade (un gros premier tiers parcouru) je ne le recommande pas.

Sinon, en matière de métafiction-polardisante-rigolotte, y-a-t-il, par hasard, des lecteurs de Jasper Fforde ?
 
Zx

01/03/2007
11:48
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

J'allais oublier le :ph34r: !!

La parenthèse qui forme un sourire est une erreur de ma part. :ph34r: est un smiley.

http://img359.imageshack.us/my.php?image=ph34r2bj6.gif

 
lionel

01/03/2007
12:09
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Mais de quel libraire en ligne parlez-vous : alapage, chapitre, amazon?


 
Bécassine

01/03/2007
12:16
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

J'allais poser, en privé, la même question à Wanda !
 
w

01/03/2007
14:53
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Je viens de te l'envoyer, M'dame.
Je préfère éviter de citer ici, mais revoilà mon mail pour éviter des recherches plus antiques sur le forum pour ceux que ça intéresse.

 
pascale

01/03/2007
19:19
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Et si on parlait de Michon, dont je viens de commencer l'Empereur d'occident, délectable, mais pourquoi si court ?
 
Zx

01/03/2007
20:14
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Je me le suis procuré aussi et j'attends de finir le Cadiot pour m'en délecter
 
AArgh !!!

06/03/2007
20:11
Pour éviter un coup de sang

Mort de trouille est un Westlake. Le dernier paru, semble-t-il & que je n’avais pas lu. C’est chose faite, et j’en suis bien désolée. Indéniablement pas un grand cru, du Westlake alimentaire. Une histoire de type, un petit escroc, qui se fait passer pour mort pour permettre à sa femme de toucher l’assurance-vie. Mais l’histoire se passe essentiellement au Guerrera, le pays d’origine de sa belle, pays imaginaire d’Amérique du Sud dont Westlake avait créé un spécimen hilarant dans Aztèques dansants . C’est là que Barry a choisi de disparaître avec la complicité de la famille de sa Lola, si ce n’est que tout se met à foirer comme toujours chez Westlake, que le type s’embarrasse dans ses multiples identités, dans sa méconnaissance de la langue espagnole, et que tous les cousins de la belle (le pays entier semble-t-il) se mettent de la partie pour le pire plutôt que pour le meilleur. Rien à dire si le héros n’avait été parfaitement inconsistant, c’est à peine si on a envie de le voir s’en sortir, et le reste des personnage ne vaut guère mieux, de Lola qui disparaît à peine arrivée, à la catastrophique (nous dit-on) cousine Luz ou à la sculpturale sculptrice Maria, pour le côté féminin, & aux méchants divers, cousins, flic ou enquêteur de la compagnie d’assurance, tous esquissés et abandonnés en cours de route. Ce n’aurait été qu’un moment de déception légère, - et peut-être n’en eussé-je pas parlé – s’il n’y avait pas eu la traduction : J’ai vraiment sursauté p44 en lisant : « Nous nous ***asseyâmes*** » !!!!!!!! Après, il y en a eu d’autres, dont un « s’y » orthographié « si » mais j’ai la flemme de rechercher, la lecture n’en vaut pas le coup. C’est truffé de maladresses, en outre, et tiré vers une langue à mon avis inutilement argotique. Rivages, et François Guérif ont, à ma connaissance, racheté tous les droits de Westlake. Si c’est pour le faire « traduire » par cette Nathalie Beunat qui ne maîtrise même pas le français, ce n’était peut-être pas la peine… [(i[Kahawa, ]i)]_ c’était J.P.Manchette, le traducteur ! (très bien, [(i[Kahawa, ]i)]_ c’est un roman d’entourloupe & d’espionnage qui se déroule dans l’Ouganda d’Idi Amin Dada.) En jetant un œil sur les Westlake qui sont à leur place, c'est-à-dire pas mes préférés, je vois que les traducteurs sont presque toujours différents. C’est dommage. En tout cas, il serait souhaitable que pour un auteur qui a une incontestable dimension littéraire, on ait recours à autre chose qu’à de seconds couteaux, passablement ébréchés, en outre !
 
w

07/03/2007
11:01
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Ben aut'chose qu'on peut dire, c'est que la Nathalie Beunat ne maîtrise même pas un correcteur orthographique !!!!!
 
A.

08/03/2007
05:33
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Georges Bonnet : Les Yeux des chiens ont toujours soif, au Temps qu'il fait.
C'est le troisième roman d'un octogénaire. La rencontre amoureuse et la jalousie, la tendresse la solitude et les ravages de l'habitude vus à hauteur de septuagénaires et de rencontres dans les squares. C'est très sobre, et très prenant.
Il paraît qu'il n'a pas eu l'an dernier le prix FQ - Téléramoche parce que "l'auteur n'avait pas d'avenir"...
 
shhh

16/03/2007
18:22
un grand merci

Oui, c'est ça, un grand merci à vous, Agnès, pour "le liseur".
J'ai eu tout au long de sa lecture le sentiment que l'auteur était tout près d'une sorte de compréhension; autant un roman qu'un essai, m'a t-il semblé. Il m'a un peu fait penser à Musil, à cause de cette fine lucidité affleurante, une sorte de doute incisif, un peu douloureux. Oui vraiment, un livre plein de chaleur, et dénué de préceptes moraux.
Eh bien, je vais remonter le fil, et suivre vos traces.
 
Agnès

16/03/2007
19:29
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci shhh. C'est un plaisir de vous voir resurgir ! Je suis en train de faire un compte-rendu de son dernier roman, Le Retour, et c'est une tâche difficile...
 
Agnès

17/03/2007
08:20
Schlink again

C’est un peu le défaut de son récent roman, Le Retour . Autre bouquin prenant que je n’ai lâché qu’après l’avoir terminé. Autre quête du passé de l’Allemagne à travers la quête du passé du héros, qui à nouveau, passe dans le roman de l’enfance à l’âge adulte. Mais c’est un roman curieusement construit, dont les différentes parties s’emboîtent les unes dans les autres sans qu’il y ait véritablement de centre. On a, après lecture, une curieuse sensation de déséquilibre, comme si chaque partie engendrait la suivante qui se développait de façon autonome et menait sa propre vie. La première partie, qui évoque ses vacances heureuses chez ses grands-parents suisses, est très belle. Tendre, et lumineuse. Elle tient dans le roman une sorte de rôle à part, puisqu’elle introduit, avec les grands-parents, les romans d’éducation populaire, dont ils sont correcteurs, et dont l’un va bientôt hanter le jeune homme jusqu’à l’obsession : c’est, sur fond de guerre de 40, une variation sur l’Odyssée, nuancée de mystère et d’interdit : les grands-parents ont défendu au garçon de lire les épreuves qu’ils lui donnent à titre de brouillon. Il n’en a donc que des fragments, qu’il a dévorés, et ce récit résonne en lui de façon beaucoup trop familière. Le roman devient donc le récit d’une quête, qui se met à dévorer sa vie de juriste scrupuleux, et d’amoureux hésitant : quête des fragments manquants du roman, & quête de son auteur, qui se mêle et se brouille de façon troublante avec celle du père mort ou disparu. La troisième partie se déroule aux États-Unis, où le narrateur est confronté à de très complexes et difficiles questions de sens du Droit : c’est la partie la plus bizarre, car elle est si riche en rebondissements de l’intrigue et en réflexion technique et philosophique sur le droit qu’elle empêche une lecture sereine : je l’ai lue en deux fois : la première pour « savoir la fin », la seconde pour digérer l’espèce d’essai sur le sens du droit qu’elle intègre. Lecture inconfortable donc, mais passionnante. Je dirais que la forme en est moins aboutie que celle du Liseur, et donc peut-être la résonance moindre, mais c’est un livre fort, et oserais-je radoter, beaucoup plus intéressant encore que certain pavé….
Je ne suis pas contente de ce compte-rendu, qui témoigne de mes difficultés face à ce livre. Mais je vous le livre tel que, espérant que je vous aurai malgré tout donné envie d’aller y voir ! - la réflexion théorique n’empêche pas que tous les personnages y soient dessinés fermement, et « incarnés ».


 
Agnès

21/03/2007
10:07
Liseron IX

Dans l’état actuel de mes recensions, il semblerait que la neuvième synthèse puisse vous proposer les titres suivants :

Synthèse IX

Liens avec les fils et les synthèses précédents :
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=28 061 Synthèse 8

http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=26 057 Synthèse 7 et ce qui s'ensuit.
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=24 191 synthèse 6
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=23 040 synthèse 5
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=20 825 synthèse 4
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=16 993 synthèse 3
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=14 941 synthèse 2
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=14 004 synthèse 1

http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=24 191 Liseron III
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=18 119 Liseron II
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=12 745 Liseron I
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=15 08 Un peu de littérature


ROMANS et Nouvelles
Milena Agus : Mal de pierres (A)
Marcel Aymé : Maison basse
Georges Bonnet : Les Yeux des chiens ont toujours soif au Temps qu'il fait
Conroy : Corps et âme (A)
Georges Du Maurier Peter Ibbetson (A)
James Hogg : Confession du pêcheur justifié, (Zx, Gide)
Arnaldur Idridassen : La Voix
Héléna Marienské : Rhésus (Zx)
Katarina Mazetti : Le mec de la tombe d'à côté (A)
Léonora Miano : L’Intérieur de la nuit (A)
Contours du jour qui vient (A)
Bernhard Schlink : Le Liseur (A)
Le Retour (A)
Vallejo : Ouest (A, Pascale)
Martin Walser : Mort d'un critique (Zx)

Romans de chevalerie
Tirant le blanc (Zx, Pascale)

AUTOBIOGRAPHIES
Jean-Marc Hovasse : Victor Hugo, Avant l'exil, tome I

"Romans" à ne surtout pas lire…
Jonathan Littell : "Les Bienveillantes" (A)
Westlake : Mort de trouille (A)


 
Zx

21/03/2007
16:35
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci Agnès !
 
w

21/03/2007
19:05
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV


 
pascale

23/03/2007
09:49
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci Agnès ! Et puis, je rajoute quelques mots sur Michon (Je suis paresseuse, mais c'est difficile à raconter). L'Empereur d'Occident.Se passe à l'extrême fin de l'empire romain. Il y est beaucoup question d'arianisme (une hérésie qui subordonne le Fils au Père dans la Trinité), de filiation terrestre aussi, et d'une certaine musique qui entraîne de grands personnages comme une force nécessaire et surnaturelle et ressemble beaucoup au désir d'écriture. C'est très beau, mais trop court. On a envie de dire à l'auteur : Pierre Michon ! Arrêtez de jeter toutes ces pages ou de les effacer de votre ordinateur, même si vous les jugez "ratées", vous n'avez pas le droit d'en priver vos lecteurs !
 
w

23/03/2007
10:48
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Alors ça ! You know what, Pascale ? Je l'ai acheté il y a quelques jours !
Mais j'ai pas encore plongé dedans.
Verdier poche, 4,50 €.
 
pascale

23/03/2007
19:16
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV


 
La reine des Belges

31/03/2007
16:11
c'est pas du sommet litteraire mais c'est jubilant

Le dernier DLA ouvert par Agnès dans le forum bleu me remet en mémoire que Marie-Claire Bancquart, historienne spécialisée dans les évocations littéraires de la capitale, a été reçue le 8 novembre dernier par Veinstein, et le 10 janvier à Métropolitains pour son dernier livre "Paris dans la littérature française après 1945".
Les liens pour réécouter ces deux interviews de qualité :
Métropolitains :
http://www.tv-radio.com/ondemand/france_culture/METROPOLITAI NS/METROPOLITAINS20070110.ram

Du jour au lendemain 1ère et deuxième partie :
http://www.tv-radio.com/ondemand/france_culture/JOUR_LENDEMA IN/JOUR_LENDEMAIN20061108.ram
http://www.tv-radio.com/ondemand/france_culture/JOUR_LENDEMA INB/JOUR_LENDEMAINB20061109.ram

Signalons encore qu'on trouve aisément un de ses livres précédents, celui de 1977 sur paris-Belle époque, édité chez Adam Biro, en voie de réédition peut-être chez la diff ???. Le bouquin est disponible en pile à prix soldé dans l'une des deux librairies jumelles situées à qques mètres en contrebas de la Sorbonne, soit à portée d'oreille de la statue de Montaigne, place Paul Painlevé, non c'est pas à Ploudalmézeau c'est à PARIS.

Les ouvrages de Marie-Claire Bancquart sont parfaits pour les lecteurs doublement accros de littérature et histoire parisienne. Il semble qu'elle ait parcouru maintenant la totalité du sujet au moins pour l'époque moderne, et qu'elle doive dorénavant repartir dans l'autre sens chronologique
- Paris "Belle Epoque" par ses écrivains - Eds Adam Biro - 1977
- Paris "fin-de-siècle" - La Différence - 2002
- Paris des surréalistes - La Différence - 2004
- Paris dans la littérature française après 1945 -
La Différence - 2006

la reine
 
lrdb

31/03/2007
21:30
rectifions les inexactitudres

sauf que j'y suis passé à 19h, le livre prétendument de 77 date de 97 ce qui fait une rectification en une ligne oufe
 
Agnès

01/04/2007
11:55
Un ptit coup de ringardise franchouillarde

Thanx pour les tuyaux, Laurent. Alléchant.

Après Maison Basse, j’ai poursuivi ma lecture en grappillant dans le volume II des Oeuvres romanesques de Marcel Aymé illustrées par Topor. Laissé de côté La Jument verte, que j’aime beaucoup (avec une affection particulière pour Déodat, qui « est un bon facteur » et qui sait marcher) et le Puits aux images, (très sombre nouvelle), j’ai lu dans le désordre les nouvelles du Nain, d’où était issue la nouvelle Le dernier – « Il y avait un coureur cycliste appelé Martin qui arrivait toujours le dernier », objet d’un DLA il y a quelque temps -.
Et je me suis régalée. La lecture de Marcel Aymé, ça me donne le sourire. Il y a cette nouvelle, La Liste , où Noël Tournebise est obligé sans cesse de se référer à la liste de ses innombrables filles à marier, de Barbe 90 à Véronique 1917, pour leur répartir les tâches à accomplir et ne pas les oublier, jusqu’à ce que certaines s’égarent ou disparaissent parce que la liste, usée, s’est coupée, ombres besogneuses réduites à incanter leur désir nues dans la brume nocturne. Barbe 90, qui a 44 ans, est un double de la puissante Germaine Mindeur de La Vouivre , une dévoreuse d’hommes qui terrifie le curé et dont les confessions ameutent l’église… d’ailleurs je n’ai pas le temps tout de suite, mais La Vouivre , quel beau roman.
Bref, dans Le Nain, , on croise, outre cette honorable famille paysanne, un nain qui a grandi, un gentleman cambrioleur oublieux de son identité initiale, un bougnat puceau à la quarantaine, une enquête à la Sherlock Holmes avec le détective O’Dubois, deux assassins au clair de lune… Allez-y voir. Ce doit être, désormais, chez Quarto. C’est excessivement français, franchouillard penseront les bien-pensants, mais fi des bien-pensants, Marcel Aymé n’est pas pour eux !


 
Agnès

01/04/2007
19:43
Monomane, today

Trouvé en passant sur Gogole ceci :
"Dans sa préface (2 pages)[à une édition Biblos, chez Gallimard 1989, des nouvelles,] Patrick Modiano cite Marcel Aymé comme l’un de ces « écrivains [qui] occupent une place privilégiée dans notre cœur ».

« Leurs livres ont le pouvoir, comme un parfum ou une chanson, de nous restituer un moment de notre existence », écrit Modiano, qui évoque alors sa propre enfance :

« L’autre jour, j’ai retrouvé chez un libraire les deux tomes des Contes du chat perché avec des illustrations de Nathalie Parain, ces volumes reliés à tranche verte que je lisais vers 1952. Une partie de mon enfance m’est revenue : un bois, un château, une petite école, un village que la banlieue a maintenant enserré dans ses filets de béton, mais où l’on rencontrait, à cette époque, Delphine et Marinette.
Plus tard, dans les collèges où l’on restait enfermé pendant toute son adolescence, la lecture et la rêverie étaient les meilleurs remèdes contre le cafard. (…) On écoutait Marcel Aymé nous dire que la vie n’était pas aussi grise que cela et que tout était possible.
(…) A vingt ans, je me suis mis de nouveau sous la protection de Marcel Aymé. »

La préface s’achève par un appel direct à la lecture : « Assez de bavardages. Les nouvelles de Marcel Aymé ? Il faut les lire. Un point c’est tout. »"
Dommage qu'il n' y ait pas toute la préface.



 
paddy

01/04/2007
22:10
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Je viens de terminer "Histoires désobligeantes" de Léon Bloy. C'est un recueil de nouvelles, caustique et plein de verve sur la société de la fin du XIXème. Il y a une férocité de plume assez réjouissante :

<< Il eût été difficile de prononcer laquelle des deux l'emportait en immondices. C'était une émulation de saleté, un assaut de crotte, un antagonisme de taches et de sédiments impurs, une compétition de pulvérulences, un conflit de déchirures et de pendeloques, un tournoi d'exhalaisons renardières, de remugles, de relents et d'empyreumes.

Ces deux créatures s'aimaient, d'ailleurs, sans aveuglement et se jugeaient, en toute occasion, avec une extrême indépendance.
- Cette Pénélope est vraiment par trop cochonne, claironnait la du Tesson. Il faudrait une drague pour la nettoyer.
- Je ne conçois pas, flûtait à son tour miss Magpie, que notre chère Cléopâtre se néglige à ce point. C'est à croire qu'elle a résolu d'inspirer le dégoût. L'administration de la voirie devrait bien lui envoyer une équipe.

À cela près, elles se trouvaient infiniment bien et leur amitié marchait à ravir.>>

L'ironie présente dans tous les textes repose en général sur un choix d'adjectifs particulièrement délicieux :

<< Depuis longtemps, la jeune fille rêvait de lire les pages émollientes et philharmoniques de ce Moscovite relâché.>>

A compléter par la lecture d'"Exégèse des lieux communs"








 
LRDB

01/04/2007
22:15
Le tiercé gagnant

... et si tu y ajoutes "Belluaires et porchers" c'est carrément la Sainte Trinité...
http://www.broguiere.com/culture/forum2/index.php3?lecture=4 017&debut=0&page=1

 
paddy

02/04/2007
10:14
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

De Léon Bloy le pamphlétaire il y a aussi "Je m'accuse" qui est une critique drôle et féroce d'Emile Zola et de ses derniers romans parus en feuilleton, en particulier 'Lourdes' (trilogie des trois villes : Lourdes, Rome, Paris) et 'Fécondité' (série des Quatre Évangiles : Fécondité, Travail, Vérité, Justice)

<< J'ai cherché un mot pour caractériser la sottise de Zola. Elle n'est pas seulement exorbitante. Elle est étrange et sale. C'est une sottise qui aurait servi à rincer quelque chose.>>

Cette dernière phrase me fait éclater de rire à chaque fois!


 
Agnès

02/04/2007
10:51
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Fécondité , c'est l'ouvrage qui sert à Marie-Jeanne, dans Bergère_légère évoqué naguère en forum bleu (DLA), à convertir le curé du village belge à Zola. Il y pioche des arguments pour ses sermons. C'est pour avoir lu cet allègre roman que je me suis précipitée sur Fécondité , un jour où je l'avais trouvé sur les rayons d'une bibliothèque amie : c'est ahurissant de moralisme, dépourvu de la moindre inventivité narrative, dans l'oeuvre de Zola, cela représente une régression sidérante : de l'idéologie anti-amour-libre et anti-fantaisie à l'état pur : en gros et pour autant que je m'en souvienne, ceux qui baisent dans le respect de la famille et du mariage croissent et se multiplient (ça se termine par un banquet de plus de 200 personnes, comme dans Astérix) et les autres sont punis par le destin... C'est involontairement assez drôle. Le commentaire de Bloy est désopilant .
Thanx Paddy !

 
AAgh !!!

02/04/2007
11:36
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Je DETESTE l'anthologie de la poésie française de Pompidou, une anthologie académique faite à coups de ciseaux, même dans Verlaine !

 
Agnès

15/04/2007
15:42
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

« Il y a certainement à être fou un plaisir que [(i[seuls les fous connaissent.» (Dryden, Le Moine espagnol, II, i)
C’est l’épigraphe du bouquin que j’ai avalé hier, du crépuscule à la nuit, en riant tellement que j’ai failli réveiller la maison. Gérald Durrell, Ma Famille et autres animaux, chez Gallmeister, une maison d’édition qui a l’air spécialisée dans l’écolo militant, ce que n’est certes pas l’ouvrage en question. (1ère édition anglaise, 1956)
Gérald Durrell est le frère de Lawrence, l’auteur du Quatuor [(i[d’Alexandrie,]i)]_ pour ceux qui auraient lu (ce que je fis, il y a quelques années-lumière. Il me reste une impression d’exotisme et de lyrisme oriental). Il était naturaliste, et l’a, semble-t-il, été de naissance. L’ouvrage était donc à l’origine destiné à célébrer la faune et la flore de Corfou, où l’auteur séjourna avec sa famille de l’âge de 10 ans à celui de 15 ans. Mais comme il le dit lui lui-même dans le « plaidoyer pro domo » qui ouvre le livre, « je commis la grave erreur d’y introduire les membres de ma propre famille dès les premières pages. Une fois sur le papier, ils s’y installèrent et invitèrent divers amis à partager avec eux les chapitres suivants. C’est avec la plus grande difficulté et avec beaucoup d’astuce que j’ai réussi à leur arracher quelques pages et à les consacrer aux animaux. »
Ouvrage d’un naturaliste, le bouquin restitue donc avec le même regard mœurs animales et mœurs familiales, la sienne étant une authentique famille d’anglais excentriques, au sens … anglais du terme. Cela donne des moments intensément poétiques comme ses explorations dans les olivaies de Corfou avec son chien Roger à la découverte des pièges de mousse aux gonds de soie tissés par les mygales, les rites des mantes religieuses ou la description des rives du lac Antiniotissa à la saison des lis, et j’en passe ; depuis les moeurs de tortues locales jusqu’à celles des holoturies, il y a une évocation de la nature et de ses hôtes animaux qui mêle une sorte de familiarité essentielle à des connaissances très précises - alors en cours d’élaboration, avec l’aide de l’hésitant et calembourdeux docteur Stephanidès, un érudit local devenu son mentor et son ami. Mais il y a aussi une mise en scène absolument désopilante de la vie familiale, des rencontres avec les corfiotes, (leur chauffeur et ange gardien Spiro, tonitruant et magnifique) et des dialogues à se tordre qui ponctuent les innombrables épisodes loufoques et catastrophiques survenus au cours de leurs cinq années sur l’île. Gerry ayant la manie de rapporter à la maison – l’une de leurs trois villas avec salle de bains, au fil de trois déménagements rocambolesques - le fruit de ses observations animales, il s’ensuit des avalanches de gags assortis d’échanges acides et drôles entre frères et sœur et l’inénarrable autant qu’inébranlable mère de cette tribu extravagante.

« Assemblée dans la véranda, la famille observa l’animal qui avançait vers elle en se dandinant dans l’allée, les yeux à fleur de tête, ses courtes pattes s’agitant frénétiquement, les oreilles battant furieusement l’air, et s’arrêtant de temps à autre pour vomir dans un massif de fleurs.
- Oh, qu’il est mignon ! s’exclama Margo.
- On dirait une holothurie, dit Leslie.
- Mère ! dit Larry, examinant Dodo avec répulsion. Où as-tu déterré ce Frankenstein ?
- Qu’a-t-il d’extraordinaire ? demanda Margo.
- Ce n’est pas « il », c’est « elle », dit Mère, regardant avec fierté sa nouvelle acquisition. Elle s’appelle Dodo.
- Dodo est un nom horrible, dit Larry, et introduire une femelle dans une maison où il y a déjà trois débauchés est aller au devant des pires ennuis. Et regardez-moi ça ! comment est-elle devenue ainsi ? A-t-elle eu un accident ou est-elle née comme ça ?
- Ne dis pas de sottises, mon chéri. C’est la race.
- Voyons, Mère, c’est un monstre. Qui songerait à laisser vivre un chien aussi difforme ?
Je fis observer que les bassets avaient la même forme et qu’ils avaient été croisés spécialement pour leur permettre de poursuivre les blaireaux dans leurs terriers. Il était probable que les Dandy Dinmont avaient été croisés dans le même but.
- Elle a surtout l’air d’avoir été croisée pour descendre dans les égouts, dit Larry.
- Ne sois pas grossier, mon chéri. Ce sont de gentils petits chiens, et très fidèles.
- J’imagine volontiers qu’ils soient fidèles à qui leur montre de l’intérêt, car ils ne doivent pas avoir beaucoup d’admirateurs. (…) »
C’est l’arrivée à la maison de la chienne Dodo, exceptionnellement amenée par « Mère », chienne sujette au mal des transports (d’où ses vomissements) et origine d’une suite inépuisable d’épisodes désastreux et burlesques.
Voilà. Je vais ranger cet ouvrage dans la liste des « bouquins reconstituants » dont je voudrais que mon libraire fasse un rayonnage d’accueil en ces temps sombres. C’est un merveilleux hymne à la joie de vivre.

 
w

15/04/2007
16:22
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV


 
pascale

15/04/2007
18:01
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

en effet
 
LRDB

17/04/2007
02:59
Westlake en rediff

Westlake étant une des stars de ce fil, je signale ici les prochaines rediffs des 2 numéros de "Mauvais genre" que François Anglier lui avait consacré en 2005 (alors signalés sur ce forum d'ailleurs) :

- Jeudi 19 avril de 1h01 à 2h05 : Mauvais Genre - Westlake 1 (31 décembre 2005)

- Vendredi 20 avril de 01h01 à 02h05 : Mauvais Genre - Westlake 2 (01 janvier 2006)

L.


 
A.

17/04/2007
09:15
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Merci Laurent. J'avais écouté le premier, un peu déçue d'ailleurs, non par Westlake, mais par Angelier.
A propos de Westlake, j'ai appris que Pierre qui brûle (The Hot rock) chez Folio venait d'être republié chez Rivages sous le titre de Pierre qui roule (moins bon titre), avec une jolie photo de Redford en hélico dans le film de Peter Yates (Les 4 malfrats, selon la notice de Folio). Me demande quel rôle il jouait, Redford, d'ailleurs. Dortmunder ? Un peu trop vivace pour le rôle, me semble-t-il. Peut-être Kelp ? En tout cas, c'est un grand Westlake. Sans May, au demeurant, qui apparaît dans le suivant(?) Jimmy the kid.

 
Agnès

22/04/2007
23:38
Pour changer des elections, tiens....

Un immeuble de six étages, au 7 rue de Grenelle. Des appartements de riches, entre 200 et 400 m2, un conseiller d’État, un ex-ministre, des notables… l’occasion de savoureux morceaux de bravoure, comme la conjonction du chien Neptune et de la chienne Athéna à la sortie de l’ascenseur à grille, et l’entorse subséquente de l’une de leurs dignes maîtresses ; l’épouse du ministre socialiste vaporisant ses plantes vertes avec une concentration quasi mystique ; la morgue de la normalienne obnubilée par son médiocre mémoire de mastère ; la verve de l’altière bonne portugaise et pâtissière émérite…
Il y a deux narratrices, dont les voix se tressent : Paloma, 12ans ½, le style et la réflexion d’une adulte caustique, c’est la plus jeune fille du ministre, elle veut mourir le jour de ses treize ans pour échapper au non-sens de la vie et à l’absurdité d’un destin tout tracé. Elle tient un double journal : l’un constitué de ses « pensées profondes », rédigées sous forme de « hokkus » (une variété du haïku, la subtilité de la distinction m’échappe), qui tirent la substantifique moelle d’anecdotes du quotidien, l’autre de ses réflexions sur les corps et le mouvement.
L’autre narratrice est la concierge, Renée – la bien-nommée -, 54 ans, veuve, vieille, moche et archétypale car telle elle s’est voulue. Enterrée depuis 27 ans dans la loge de cet immeuble de luxe où elle officie, invisible aux regards, elle dissimule ce qu’elle est vraiment : une dévoreuse de livres, de films, de musique, passionnée de Tolstoï – son chat s’appelle Léon – de natures mortes, des films d’Ozu ; l’amie de Manuela, la bonne des de Broglie et des Pallières, avec qui elle partage deux fois par semaine la cérémonie du thé accompagné de douceurs exquises ; une moraliste, à qui son masque confère une existence sociale qui lui permet, une fois la porte fermée et la télé-prétexte du chat allumée, de vivre la vie qu’elle s’est choisie : lectures, art, amitié.
L’immeuble va donc son train, entre mœurs des snobs et satires dans la loge, ou dans la chambre obscure des pensées de Paloma, jusqu’à la mort du critique gastronomique du 4ème, et la vente de son appartement à un Japonais sexagénaire, souriant, esthète – et lecteur passionné de Tolstoï, Monsieur Ozu…
Faisons tout de suite litière des objections des lecteurs grognons (rumoresque lectorum severiorum/ omnes unius aestimemus assis) : non, l’intrigue de ce roman n’est pas vraisemblable : la fillette parle comme un livre, et disserte de la beauté de la grammaire avec une maturité et une distance admirables, la concierge, fût-elle autodidacte, a une culture gigantesque et pond à l’occasion un cours sur Husserl ou sur Tolstoï, sans parler d’une réflexion sur l’Université qui, pour être fort pertinente n’en sent pas moins le sérail, les coïncidences sont tellement nombreuses qu’on a du mal à douter de l’existence d’un Dieu bienfaisant - dont les protagonistes, au demeurant, n’ont que faire… en outre, l’auteur situe son roman dans un univers de riches, de nantis - dont certains, qu’ils soient de droite ou de gauche, sont gentils ! et elle témoigne d’une inconscience politique rare en caricaturant sans vergogne une famille de socialistes-caviar . Soit. Les censeurs ont raison. Et pourtant, j’ai dévoré ce livre avec bonheur, en une soirée. Parce qu’il est écrit avec une plume acide et agile, parce qu’il est inventif, parce que, s’il regorge d’aphorismes sur la société ou le cœur humain, il témoigne d’un regard aigu, vif, et rieur. Parce que l’on sent que l’auteur aime ses personnages, qu’elle leur a fourgué le maximum d’elle-même et de ses préoccupations sur le monde avec générosité. Que, malgré les invraisemblances plus haut mentionnées, les personnages sont de chair, et que l’on y croit : on vibre, on rit, on s’indigne et on souffre avec eux. Bref, c’est écrit, c’est composé, c’est un regard sur le monde, c’est intéressant ET CE N’EST PAS GLAUQUE. D’aucuns trouveront cela mièvre : ça manque de sang, de sperme, de perversions et de tortures. L’homme n’y est pas associé à la « banalité du mal » (même s’il trinque copieux, quand même !) et il n’y est je crois jamais question de la shoah ni de quelqu’autre génocide. Quoique truffé de réflexions sur la culture, sur l’art ou la philosophie, ce n’est pas un roman d’intellos : c’est un roman de rencontres, un roman de fraternité, un roman d’âmes-sœurs et enfin, osons l’avouer, c’est un roman d’amours. À ranger sans hésiter sur le rayon des ouvrages reconstituants, et parmi les surprises plaisantes de la rentrée littéraire de septembre dernier. C’est « L'Élégance du hérisson » ( même le titre est réussi) de Muriel Barbery, chez Gallimard.


 
Ginette

23/04/2007
17:49
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Nan ! On veut du sang, du sperme et des tortures ! Et des larmes ! Et du génocide !
 
Agnès

24/04/2007
13:55
Grognon, aujourd'hui

Comme je l’ai lu, je vous en parle. « Le Soleil des Scorta » de Laurent Gaudé, désormais chez J'ai Lu, que m’avait recommandé un collègue, c’est aux antipodes du « Hérisson ». Il y a une idée romanesque intéressante. Mais c’est une idée, qui n’arrive pas à s’incarner, ni dans un style, ni dans des personnages convaincants. Même pas dans les lieux (le brûlant soleil des Pouilles).Ça se lit sans difficulté. Mais sans plus. Pas nécessaire.
 
paddy

05/05/2007
11:49
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Je viens de lire le fameux roman Clochemerle de Gabriel Chevallier (1934). C'est l'histoire de la folie qui s'empare peu à peu d'un village du Beaujolais lorsque le maire, soucieux de sa réélection, décide de faire installer un urinoir public proche de l'église...

Une belle galerie de portraits, à la fois leste, ironique, cruelle, lucide et drôle: le maire, l'instituteur, le curé, sa bonne, la châtelaine, les couples de commerçants, le notaire, le pharmacien, le cantonnier, l'évêque, le ministre, le député, les militaires...

Extrait (la fille du notaire Girodot) :

"De ces deux monstres de laideur, aggravée chez l'un de prétentieuse bêtise bourgeoise, et chez l'autre d'imposante friponnerie, comment était née la pure, la charmante Hortense, on ne se fait pas fort de l'expliquer. Sans doute faudrait-il invoquer la spirituelle fantaisie des atomes, parler d'une revanche des cellules trop longtemps victimes d'accouplements immoraux, et qui, lasses de s'agréger en Girodot détestables, s'épanouirent un beau matin en une Girodot adorable."


 
Zx

05/05/2007
16:57
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

"lasses de s'agréger en Girodot détestables, s'épanouirent un beau matin en une Girodot adorable"


 
Agnès

07/05/2007
10:10
En vrac

Jamais lu, Clochemerle, j'ai dû voir "le" film !
Va falloir que je.
L'autre soir, à propos de film, il y a eu à la télé une remarquable transposition par Pierre Boutron du "Voyageur sans bagage" d'Anouilh, avec Jacques Gamblin (remarquable), Micheline Presle et Danièle Lebrun (extraordinaire dans le rôle d'une duchesse-patronesse folledingue). C'était noir à souhait, terriblement "écrit" (mais qu'est-ce que c'est bien, les textes écrits, ça repose des petites phrases blanches), un vrai bonheur.

Et puis un petit roman lu en vitesse, même si les lecteurs se font rares, sur le fil Liseron ! C'est Ferme les yeux de François Gantheret :
Poursuivi par la sonnerie du téléphone portable de sa femme, peintre de talent récemment suicidée – lorsqu’il décroche, un silence béant – Jean Latran, romancier et directeur de collection discret, finit par rencontrer au bout de la ligne et au fond d’une impasse paisible une femme aveugle et inquiétante. Entre douleur et curiosité, il se sent peu à peu entraîné au-delà de son propre contrôle. Mais, présence discrète à ses côtés, sa secrétaire Eva veille.
Le ton est sobre et juste. L’histoire est bien menée, sans effets excessifs. C’est un peu court de souffle et d’invention, peut-être, mais c’est une bonne lecture - de week end électoral, par exemple.



 
A.

07/05/2007
10:17
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Après vérification sur Gogole, il yen a deux, de films : 1947, Pierre Chenal et 2004 Daniel Losset. J'ai dû voir le 1er.

 
pascale

08/05/2007
15:32
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

C'est vrai, ça repose bien des petites phrases blanches, les textes écrits... En ce moment je relis la série des Jeunes filles de Montherlant : c'est atrocement misogyne, ah ça oui ! mais c'est quand même drôle par moments !
 
Agnès

08/05/2007
16:23
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

bonjour Pascale !
Les jeunes filles ! Je crois que, au temps de ma jeunesse, c'est le bouquin qui m'a le plus donné le sentiment de percevoir ce que pouvait être un regard d'homme - très misogyne !!! - sur les femmes... Et quelque chose comme l'idée de deux univers presque irréconciliables. Documentaire, et féroce. Je crois que je l'avais cité quelque part en DLA sur le forum bleu. La scène du 1er concert de Costals et Solange, qui me fait vraiment beaucoup rire.
Moi, j'ai lu "Une odeur de gingembre" de Oswald Wynd et c'est une merveille de romanesque torrentiel et cependant retenu, mais je n'ai pas le temps d'en parler maintenant.
later on !

 
pascale

08/05/2007
16:41
les plaisirs du désaccord

Un documentaire, les Jeunes filles ? Pas d'accord du tout ! un joyeux délire machiste, plutôt !
 
shhh

08/05/2007
17:20
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Et après le liseur, j'ai lu le retour, du même Bernhardt Schlink, et puis je me suis demandée où il voulait en venir avec ce récit de recherche, comme qui dirait entre deux eaux, et puis après je suis dit que l'auteur non plus ne savait pas où il allait. Alors ça m'a fait l'effet, après le liseur, d'un souffle trop court, d'un essai qui n'a pas été transformé. Mais d'une certaine façon c'est aussi bien qu'un essai n'aboutisse pas. Disons quand même qu'il m'a semblé approcher du tranchant du couteau avec le liseur, puis s'en éloigner avec le retoiur.
Allons, je vais quand même lire ses romans policiers, à moins que quelqu'un me dise que c'est inutile.
 
Agnès

09/05/2007
09:06
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Pascale : Documentaire, pour MOI : c'est sans doute l'auteur qui a exprimé de la façon la plus extrême ce que pouvait être la misogynie (mais il ne l'appelle pas ainsi, évidemment) d'un point de vue masculin. En gros, Montherlant fait partie, pour moi,des auteurs "virils" sans nuance. Comment dire : On peut s'identifier à Costals, pas à Solange, si ? Mais je le trouve plus lisible que Malraux, qui relève selon moi de la même catégorie, et qui m'ennuie au-delà de toute expression. J'admets volontiers que mon propos n'est ni clair, ni idéologiquement correct...
Quant au Retour, c'est vrai que c'est un texte étrange et infiniment moins abouti que le précédent, mais c'est aussi que le personnage du père est tellement insaisissable... Du coup le fils ne peut pas se définir clairement, et reste face à une interrogation, nous avec.
J'ai dû lire un polar de Schlink : Brouillard sur Manheim. Je n'en ai pas un souvenir impérissable, mais c'était après le Liseur... En revanche, le recueil de nouvelles, Amours en fuite, est très bien.
 
pascale

09/05/2007
09:40
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Agnès, pour moi la différence avec Malraux, c'est que ce dernier se prend terriblement au sérieux ! Montherlant, dans les Jeunes filles, presque jamais : il sait qu'il a un public de femmes, ce sont elles qui lisent le plus de romans, et ce sont en majorité des bourgeoises bien pensantes et au coeur sensible : d'où sa jubilation, de sale gosse, à faire le plus fort possible pour les scandaliser : "une des horreurs de la guerre, c'est que les femmes y soient épargnées", c'est de la gaminerie ! Mais je continue à trouver ça très drôle,très daté mais tellement politiquement incorrect !
A part ça, je vais commencer le Liseur.
 
w

09/05/2007
09:58
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Le fait que Le liseur se termine en point d'interrogation me semble salutaire pour le magistrat qu'est l'auteur.
Je suis néanmoins restée sur ma fin-faim avec les dernières pages diluées en questions en boucles, qu'on avait déjà eu l'occasion de se poser peu avant.
J'ai pensé dans un tout autre registre à André Cayatte, qui a consacré pas moins de huit (faut que je vérifie, je dis ça de tête) films sur la justice des hommes, le droit au doute (en justice), et contre la peine de mort. Cayatte venait aussi du droit.

(Ah non, on va pas reparler de Malraux, les filles !)
 
w

09/05/2007
10:39
Justice des hommes

J'ai un peu de mal à avoir assez d'infos pour faire le compte, mais pour ce qui concerne Cayate, il semblerait que je sois en-dessous de la vérité avec le chiffre huit.
 
A.

09/05/2007
11:13
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Oui, oui, Pascale, moi aussi je trouve M. drôle. C'est pour ça que j'avais proposé l'extrait suivant
http://www.broguiere.com/culture/forum2/index.php3?lecture=3 787&debut=0&page=1
en DLA. Autrement dit, c'est un auteur viril LISIBLE, et même avec plaisir (mais curiosité aussi), tandis que l'autre...
Wanda, je préfère S. à Cayatte ! Beaucoup moins manichéen!
 
pascale

09/05/2007
11:20
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Ah, le concert "sublime" où C. pelote Solange pour la première fois!
 
Agnès

12/05/2007
22:32
Lecture recommandee aux amateurs de romanesque

1903. Embarquée à 20 ans pour aller se marier avec un attaché militaire en Chine, Mary MacKenzie commence à tenir son journal, qui enregistre au large de la Somalie les premières fissures dans ses certitudes de jeune Écossaise de bonne – quoique modeste - famille. C’est ensuite Pékin, juste après la révolte des Boxers puis pendant la guerre Russo-Japonaise, - le monde cosmopolite et figé des diplomates et des militaires, l’étrangeté radicale de la Chine. Mary découvre sans plaisir la vie conjugale, met au monde une petite fille, se réchauffe à l’amitié des Chamonpierre, l’attaché d’ambassade Français et son épouse Marie. Celle-ci, brillante et attentive jeune femme, décèle bien avant Mary elle-même sa singularité, et deviendra sa confidente épistolaire, pour la vie.
Mais la vie de Marie a aussi croisé fugitivement le Comte Kurihama, silencieux et fascinant colonel japonais, dont elle se trouve enceinte. Chassée par son mari, elle est embarquée pour le Japon, où elle choisira de vivre envers et contre tout.
Les 2/3 du roman poursuivent donc, de 1905 à 1942, le journal intermittent de Mary, ponctué de rares et longues lettres à son amie. C’est la chronique de sa vie au Japon, femme solitaire, étrangère et marginale, qui assume sa singularité et construit son existence à travers douleurs, rencontres, amours et amitiés – et un indéniable génie du commerce.
Il y a quelque chose de Scarlett O’Hara – quoique plus incertaine – chez Mary, qui jamais ne se paye de mots ni de préjugés, et va résolument son chemin difficile. Mais Une_Odeur_de_gingembre est un roman plus bref, plus elliptique, remarquable de tension et de retenue. C’est un beau portrait de femme, qui croise une galerie de personnages secondaires tous très fermement esquissés et incarnés. C’est à la fois terriblement romanesque, remarquablement retenu et dépourvu de tout pathos. Absolument passionnant, tant pour le contexte historique et humain que pour l’intrigue et les personnages. C’est un roman de 1977, traduit et publié en France en 1991. Apparemment le seul roman traduit en Français d’Oswald Wynd qui aurait donné l’essentiel de son œuvre sous forme de thrillers signés Gavin Black. C’est très dommage, si le reste est du même tonneau que ce texte-là, qu’attendent les éditeurs ?


 
Agnès

20/05/2007
09:28
re : C'est en lisant qu'on devient liseron, IV

Pour info :
A Etonnants_voyageurs , Ariane Ascaride lit L'Elégance_du_hérisson, & Nancy Huston Lignes_de_faille . Pour ceux qui peuvent...
http://www.etonnants-voyageurs.net/spip.php?article222&v ar_recherche=ascaride
http://www.etonnants-voyageurs.net/spip.php?article2182& var_recherche=ascaride

La page d'accueil : http://www.etonnants-voyageurs.com/

 
w

21/05/2007
11:01
Ça donne envie !

«Une odeur de gingembre», Oswald Wynd (1913-1998), Quai Voltaire (épuisé à La Table Ronde), 384 pages, 21 euros, ISBN : 2710327228 mais aussi en poche Folio, 7,70 euros ISBN-10: 2070309053 pour mâcher tout le taf à votre libraire.

Unique roman qu'il a publié sous ce nom, étonnant.
L'auteur est né à Tokyo où ses parents étaient expatriés (né en 1913, il retourne en Ecosse avec ses parents en 1932). Il intègre l'université d'Edimburg, puis pendant la WWII, il fera successivement partie de la Garde Ecossaise, des services secrets en Malaisie, sera attaché à l'armée indienne pendant l'invasion japonaise (en Malaisie de l'est) jusqu'à la retraite de sa brigade à Singapour. Laissé seul - suite à la surprise de l'attaque japonaise - dans la jungle de Johor, il sera fait prisonnier pendant trois ans, pendant lesquels il participera à des expéditions en tant que traducteur pour d'autres prisonniers.
Suite et fin en Ecosse où il décède en 1998.

Sous le pseudonyme de Gavin Black il a écrit tout ça :
http://www.classiccrimefiction.com/gavin-black.htm

Il ne va pas intégrer de suite ma pile en souffrance de lecture, mais ça ne devrait pas tarder.
 
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