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Henry Faÿ

19/09/2006
13:01
La mémoire des communautés et l'histoire


Émission « du grain à moudre » du 12 septembre 2006
Faut-il faire l’histoire ou le procès de la colonisation ?
**********************************************

L’émission du grain à moudre « faut-il faire l’histoire ou le procès de la colonisation » du 12 septembre avait donné lieu à quelques échanges sur ce forum mais le débat sur les ondes était à ce point confus que je n’avais pas eu l’impression de bien comprendre ce que les différents intervenants avaient voulu dire. J’ai réécouté cette intéressante émission et écrit un compte-rendu que je vous propose.

Intervenants de l’émission :

Jean-Pierre Rioux, auteur de la France perd la mémoire, comment un pays démissionne de son histoire, directeur de la revue XXe siècle
Louis-Georges Tin porte-parole du CRAN, promoteur de la journée de lutte contre l’homophobie et auteur du dictionnaire de l’homophobie
Mamadou Diouf professeur à l’université du Michigan, auteur histoire et identités dans la Caraïbe
Françoise Chandernagor, autoresse de romans historiques à succès

Dans son « chapeau » Julie Clarini fait état du « retour polémique » de l’histoire de la colonisation. La recherche sur ce sujet a-t-elle été faite ? Si elle l’a été, ses travaux ne seraient-ils pas rendus inaudible par un certain nombre de blocages ? C’est ce qu’estime Marc Ferro qui a dirigé en 2004 le « livre noir du colonialisme ». Face à ces blocages, ceux qui veulent faire connaître cette histoire ne trouvent de solution que de convoquer le tribunal de l’histoire. Accusée la France et les institutions qui la représentent. Récemment le CRAN, Comité Représentatif des Associations Noires a demandé au Petit Robert le retrait des 170.000 exemplaires de sa nouvelle édition parce qu’y figure une définition de la colonisation qui ne leur convient pas. Du côté de ceux que ces accusations prétendent viser, on parle d’une démarche contre-productive, d’un excès de repentance défavorable à l’écriture d’une histoire commune.


Brice Couturier : d’une histoire élaborée après que la France ait perdu la guerre contre la Prusse en 1971, une histoire micheletiste écrite par des gens comme Lavisse à la fois officielle et glorieuse dans laquelle la France avait le beau rôle, éclaireuse des nations émancipatrice du genre humain… on est passé à une histoire doloriste faite de chagrins et de regrets mais l’histoire n’a jamais dit son dernier mot et elle a besoin de liberté pour se déployer.


Mamadou Diouf qui enseigne aux États-Unis n’est pas particulièrement francophile, c’est Brice Couturier qui sur ce point le « dénonce » en rapportant ses propos tenus hors micro selon lesquels il n’aurait jamais pu vivre en France, il dit qu’il a passé sa thèse à onze heures à quatorze heures et qu’à quinze heures il était dans l’avion (pour accomplir un pareil exploit, il faut comprendre qu’un hélicoptère l’attendait dans la cour de la Sorbonne). Il a peut-être ses raisons. Pourriez-vous, lui demande Brice Couturier vivre dans un pays où l’histoire se fait à coup de lois ? Est-ce une manie typiquement française ? Le Conseil constitutionnel a dit à propos du sous-amendement Vanneste à la loi du 23 février 2005 qui prétendait faire en sorte que « les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » que le Parlement avait commis une faute mais la loi Taubira elle n’a pas été touchée.
N’y a-t-il pas dans ces ingérences du législateur une maladie française ?


MD, d’une voix un peu caverneuse : c’est une excellente question très très très difficile. Ce n’est pas une maladie française car l’histoire s’est consolidée au XIXe siècle, elle a alors accompagné la formation des nations. L’histoire, vous savez, est dangereuse, elle sert à faire la guerre, c’est Nietzsche qui dit ça.
Ce qui caractérise la situation française, je suis désolé de vous le dire, c’est que la France est provinciale, elle ne s’inscrit pas dans les débats mondiaux. On ne se pose jamais la question comment les historiens vietnamiens, sénégalais camerounais écrivent de l’histoire coloniale.
Si on essayait de faire la comparaison on comprendrait les différentes formules utilisées
L’histoire reste et restera une science au service des communautés.
La question est de savoir comment on gère les tensions entre histoire ses enjeux universitaires et les rapports à l’espace public… Il faut ménager la capacité d’ouvrir des options multiples.
Le problème français c’est une extraordinaire crispation sur la nation et la citoyenneté,
ce que la Grande Bretagne n’a pas. Les historiens indiens ont su aller à l’assaut de leur histoire nationale dans les années quatre-vingt. Moi-même, j’ai fait ma thèse contre les héros nationaux sénégalais pour dire qu’ils ne sont pas des héros nationaux.

Jean-Pierre Rioux dit qu’effectivement, en France, on assiste à une difficile mise en question de la Nation, plutôt de l’État nation. C’est que dans ce fichu pays, L’État et la nation, ça a beaucoup marché ensemble. Nous sommes assez déboussolée dés lors que tout cela semble se déliter. La première forme de lien social se trouve en difficulté. Une collectivité s’invente un récit des origines, un récit fondateur qu’il s’agit de développer dans l’avenir. On va toujours convoquer le passé, c’est ce qu’on a fait quelque part au XIXe siècle, et cette élaboration de l’histoire est toujours allé de pair avec l’idée que cette histoire ainsi faite était scientifique, on en pense ce que l’on veut et cette histoire a été enseignée dans les colonies. C’était une façon brutale, débile peut-être d’assimiler plus vite, pas seulement d’intégrer, une façon que le petit sénégalais ait dans la tête que son ancêtre était un gaulois (était-on si bête à l’époque ? Si les petits sénégalais étudiaient dans des livres où ils pouvaient nos ancêtres les gaulois, c’est tout simplement qu’on n’avait pas jugé bon de faire un tirage spécial à leur intention). Tout cela était conforme avec la vocation de la France non pas au global mais à l’universel et c’est quelque chose que la gauche a porté très vigoureusement jusqu’à la guerre d’Algérie comprise. Aussi critiquable que cela pouvait être, ce n’était pas inscrit dans le cadre légal. Ce qui est nouveau, et dangereux, c’est, depuis quelques années, la volonté de légiférer, toujours à partir d’initiatives parlementaires sous quel lobbying? On inscrit dans la loi pour qu’il n’y ait pas de transgression. Nous savons très bien d’où ça vient, ça vient des progrès du négationnisme sur la Shoah, la loi Gayssot faite pour lutter contre ce négationnisme est la loi mère des lois mémorielles. Il faut pouvoir dire que c’est imprescriptible. Il faut trouver quelqu’un à mettre en accusation.

Julie s’adressant à Louis Georges Tin : on va revenir sur votre dernière attaque contre le Petit Robert, alors, êtes-vous un groupe comme les autres qui défend une mémoire, comme les rapatriés…

Louis-Georges Tin oui, cette vision provincialiste, c’est très vrai, il suffit de sortir de ce pays pour s’en rendre compte.

Et de dénoncer la « vision enchantée de l’histoire nationale » présentée par Jean-Pierre Rioux (qui n’en a parlé qu’en la critiquant), les accidents des massacres par ci par là, seraient des effets collatéraux non voulus, de cet universalisme bien intentionné, on voulu être gentil, et ça ne s’est pas si bien passé que ça.

JPR je n’ai jamais dit ça

LGT je ne vous ai pas interrompu.

JPR c’est extraordinaire !

LGT : cet « universel » s’interprète comme une volonté d’hégémonie. Dire que l’on veut imposer un universel ça ne vaut rien dire, des choses universelles peuvent être bonnes, pas bonnes, tout dépend de ce que l’on met dedans, par exemple, le catholicisme a une prétention à l’universel, l’ultralibéralisme a une prétention à l’universel, ce n’est pas pour ça qu’il est bon ou mauvais, si cet universel c’est imposer la francité c’est autre chose or c’est de cela qu’il s’agissait… Y a-t-il eu assimilation, je ne crois pas, y a-t-il eu égalité, certainement pas.

Julie : est-ce qu’on a un roman national à dépoussiérer ?

Absolument, (il parle lentement, on voit que ce passage, il l’avait soigneusement préparé) on ne saurait fonder la concorde nationale sur le refoulement, l’humiliation. Encore moins sur l’amnésie. Si nous voulons établir un dialogue national, si nous voulons établir un dialogue international, avec les pays du sud, Il convient d’avoir le sens du dialogue, il faut refuser le solipsisme. Si vous parlez (à qui donc s’adresse-t-il ?) d’une histoire qui nuit à la concorde nationale, c’est au fond invoquer une sorte de la raison d’État selon laquelle il faudrait sacrifier la connaissance sur l’autel de l’ordre public. Il est vrai qu’une pensée de droite se fonde sur l’ordre public qui est considéré comme une valeur supérieure. Pour d’autres personnes on peut penser que la concorde ne peut pas se fonder sur cette humiliation. L’ordre public ne peut pas se fonder sur l’ignorance. On doit penser la concorde sur la base de la connaissance. Prenez, dit-il, un élève d’origine arabe, caïd, musulman, jeune de banlieue, antisémite qui est choqué par les cours sur la shoah, qui pense que c’est de la propagande pour Ariel Sharon. Il serait opportun pour des raisons pratiques, philosophiques de lui expliquer l’histoire de la colonisation, il se dirait, tiens, pour une fois, ça parle de moi, ça m’intéresse. Ce prof que j’exécrais ou que j’ignorais, il m’intéresse. Je voulais brûler cette école, je vais m’y intéresser. Si on parle des juifs et des arabes, il y a égalité. Voila ce que j’appelle une école nationale basée sur la connaissance et non sur la propagation de l’amnésie laquelle est absurde et immorale.

Julie : est-ce que les historiens français ont fait leur boulot ? Y a-t-il ignorance de l’esclavage dans les programmes scolaires aussi dans les préoccupations de l’école historique française ?
Combien de revue d’histoire y ont-elles consacré des articles ? Les historiens se sont-ils mobilisés pour l’ouverture des archives des guerres coloniales, pour la défense des archivistes qui ont ouvert les archives en enfreignant les règles ? Pourquoi pas une réflexion sur une mise à jour des programmes pour faire une plus grande place dans l’enseignement à ces questions ? Ne faut-il pas modifier cette loi verrou de 1979 ?


LGT : Je crois que la question est très claire. Quand j’étais à l’école normale, j’avais songé travailler sur les questions noires, sur Césaire, j’en avais parlé à ma tutrice qui m’a dit je vais voir, je vais interroger mes collègues et la réponse est arrivée tous les collègues pensent comme moi travailler sur ces questions serait « un suicide professionnel ».

Jean-Pierre Rioux dit qu’en terme de recherche universitaire, en terme d’histoire scientifique élaborée à l’université, la France n’a jamais eu d’école d’histoire coloniale. Il y a, admet-il, incontestablement des « retards ».

LGT : ce ne sont pas des retards, ce sont des blocages ce n’est pas la même chose.

JPR : c’est la même chose pour l’histoire ouvrière. Ceux qui ont voulu travailler les questions de la colonisation et de la traite négrière sont partis ailleurs, notamment aux Etats-Unis en prenant leur avion trois heures après ( !!!)
Dans l’histoire enseignée dès la Troisième République, on parlait de la grandeur coloniale en terme universel et colonialiste même si ce n’était pas dit dans les programmes.

MD c’est lié à un problème très très très simple, si on a un espace public qui est dominé toujours (par quoi ?), s’il y a passage de l’assimilation à l’association puis à l’intégration cela crée une espèce de fragmentation, les gens sont toujours à la marge de l’espace civique français. On continue de dire les fils d’immigrés alors qu’ils sont français. Quand on dit qu’ils sont français, il faut « ouvrir un espace ». Il faut reconnaître une culture civique différente qui ajoute à la culture française. (il me semble que c’est bien ce qui se passe avec la musique, le rap, par exemple, mais ce n’est pas de la culture « civique » ; on ne leur ouvre pas un espace, ils s’ouvrent un espace ). Si on fait ça, on est obligé de construire une mémoire qui sert, on doit ouvrir le travail historique. La mémoire historique sert à construire des communautés. Que ces communautés se racontent des histoires n’est pas important. Je suis capable de lire les gens qui écrivent sur l’Égypte noire. ( !!!) J’adore ça, même si je ne suis pas d’accord. Je le défends. On s’invente ce qu’on veut pour créer sa culture mais on l’invente à partir du moment où on est capable d’accepter le pluralisme et la différence. Ce que le pluralisme donne c’est d ‘ouvrir des possibilités.

(Propos ahurissants de la part de quelqu’un qui se prétend historien et qui enseigne à l’université).

Brice : le pluralisme poussé jusqu’ai relativisme intégral, c’est grave ce que vous dites là.

MD C’est pas très grave c’est une manière d’interpréter les choses

Julie : on est provinciaux mais on croit à encore à la volonté historique

Brice appelle Françoise Chandernagor
La loi a-t-elle vocation à intervenir sur les mémoires ? En fonction des idéaux du moment mais surtout des rapports de force établis entre les communautés. Le sous-amendement Vanneste a été voté pour venir au secours de la mémoire des rapatriés et des harkis mais la mémoire des communautés noires s’est révélée plus puissante.
On ne peut pas à la fois faire de l’histoire un tribunal et tenir le discours le plus cynique du rapport de force. Faire de l’histoire un tribunal et faire jouer la concurrence entre les « narratives » en fonction du poids des communautés. On ne peut pas fonder l’histoire sur le rapport des forces.

FC : La République choisissait ses manuels, on peut dire que c’est regrettable mais les autres pays ont fait pareil. Ce à quoi nous assistons est très différent, depuis une quinzaine d’années, c’est la pénalisation. Il s’agit de lois qui disent la vérité historique. C’est nouveau, c’est unique, c’est regrettable.
C’est quelque chose d’unique dans les démocraties il n’y a qu’en Allemagne et en Autriche qu’on voit des choses comme ça. Et ça a continué, loi Taubira, le génocide des Arméniens, l’ amendement Vanneste et il nous pend au nez une quantité de lois de ce type qui viennent de toutes parties du monde car on profite du fait que la France accepte ce genre de revendications.
C’est une pénalisation. La vérité est celle-là et toute personne qui dira autre chose sera poursuivi devant les tribunaux. Qui va poursuivre ? Non pas l’État mais par un jeu de textes de lois successifs l’action est entre les mains d’associations communautaristes lobbyistes inévitables. L’historien est menacé dans sa recherche.
J’étais dans l’école publique, dans l’histoire de la Révolution jamais on ne m’a parlé de la guerre de Vendée. Il a fallu que j’arrive dans l’enseignement supérieur pour découvrir qu’il y avait eu quelque chose, de 300.000 à 600.000 morts, en un an sur cinq départements français, la plus grande guerre civile française. Pourquoi ce silence ? On ne veut pas réveiller les vieilles blessures.
Mais les gens qui faisaient des recherches sur la guerre de Vendée question n’étaient pas traînés devant les tribunaux quand même le chercheur ne risquait rien. Avec les lois qui ont succédé le chercheur sera traîné devant les tribunaux.

L’association liberté pour l’histoire que nous avons du fonder a fait reculer le collectif antillais qui voulait faire condamner un auteur que nous avons défendu avec une action à la fois au civil et au pénal. Il s’agit de l’affaire Olivier Pétré-Grenouillaud.(je n’ai toujours pas bien compris ce qu’on lui reproche à celui-là).
C’est plus grave que les dérives de la Troisième République et de son histoire officielle. C’est une atteinte fondamentale à la liberté d’expression et de pensée.

LGT, moqueur : après la vision enchantée de l’histoire présentée par Jean-Pierre Rioux, c’est une vision apocalyptique de la mémoire post-coloniale brimés par les collectifs qui nous est présentée, avec une avalanche de lois mémorielles, les historiens vont être embastillés demain. Je propose une vision plus sereine.
Il faut prendre conscience que l’histoire de France est singulière, elle est faite de concentration, de constrictions, de contorsions pour que tout le monde au fond aille dans une pensée unique, se coule dans un moule. Il doit y avoir équilibre entre unité et diversité.
Voyez les Pays-Bas, la Suisse, dans ces pays qui ont une tradition de fédéralisme, la pluralité est acceptée. Je ne suis ni pour le tout unitaire ni pour le tout pluraliste. Il faut tenir le milieu ça veut dire il faut changer de cap. Il faut éviter monopole. Rejeter dos à dos la Loi Taubira votée à l’unanimité et le sous-amendement Vanneste, je trouve ça odieux. La loi Taubira est quelque chose dont on peut s’en enorgueillir en France à droite comme à gauche.

Brice plaintif: ici personne ne répond à mes questions. J’avais posé une question sur le poids respectif des communautés.

LGT : Je vous écoute. Je pense qu’on a répondu à vos questions (faux)

MD : ces récits sont dosés en fonction des poids des communautés

LGT Un minimum de pluralité permet la liberté. Lorsqu’il y a plusieurs récits disponibles l’existence la coexistence permet d’une liberté, en France l’histoire est monolithique

MD moralisateur et emphatique : les gens qui ont le plus appris aux autres sont les français. En même temps les français ceux qui ont le moins appris de leurs penseurs ( !). C’est vrai, une société ne peut pas vivre en fait sur le culte de la diversité permanente. Il faut établir des équilibres instables. Il y a lutte des mémoires. Pourquoi ne pourrait-il pas y avoir plusieurs mémoires qui vivent ensemble ?
Ce que vous dites des États-Unis, c’est une caricature. Aux Etats-Unis, il y a un axe idéologique fort, ils ont l’idée d’une « destinée manifeste », cette société est équilibrée parce qu’elle accepte le déséquilibre.

JPR il est difficile de dire que la France a été régentée par la pensée unique, par l’unité à tout prix. C’est un des États nations qui a connu les pires des ensanglantements, des guerres franco-françaises des guerres de religions à la guerre d’Algérie

LGT c’est le refus du pluralisme qui conduit à la guerre

Julie Est-ce que le modèle républicain est à foutre à la poubelle ? C’est la question qui est sous-jacente.

JPR l’opposition Paris-province… La France n’est pas s si jacobine que ça. Il y a eu des soubresauts dont les historiens mesurent les effets par exemple l’effet retour en métropole de l’aventure coloniale.

MD cette question a été réglée depuis vingt ans en Grande Bretagne

Julie s’adressant à Jean-Pierre Rioux: ces revendications mémorielles font le jeu des communautarismes, ça vous dérange ?

JPR que le pluriel devienne communautaire, il y a une là vraie question. La logique nationale n’a jamais été l’intégration par le communautarisme. Ça passe par citoyenneté non citoyenneté.

Françoise Chandernagor intervient, pas très contente qu’on ne lui ait pas plus tôt donné la parole : quand on est au téléphone, on est décalé par rapport aux intervenants
La loi Taubira, dites-vous, a été votée à l’unanimité, or toutes les lois de ce type ont été votées à l’unanimité y compris l’amendement Vanneste, ça ne coûte pas cher de faire passer ce type de loi, l’unanimité, ce n’est pas un argument. Dans la vision de l’histoire de Monsieur Mamadou Diouf, il peut y avoir histoire plurielle. C’est du relativisme historique. Oui, tant que ce sont des mémoires, il y a une mémoire des harkis, une mémoire du FLN, une mémoire des soldats du contingent, une mémoire des rapatriés. Mais l’histoire ne peut pas être plurielle il y a à un moment donné on peut atteindre la vérité. L’histoire ne doit pas être au service de la nation. Mamadou Diouf, vois dites que l’histoire est une science au service des communautés mais en France la nation, est une communauté.
Ainsi, toutes les communautés minoritaires auraient droit à la parole, pas la communauté majoritaire tout ça ne doit pas être un rapport de force.
Tout ça me paraît malsain…
Qu’il n’y aurait pas possibilité de faire une histoire globale…
Je crois que l’histoire doit être au service de l’homme, pas des comunautés

MD Nietzsche dit que l’histoire est dangereuse. Ce qui fracture l’histoire ce sont les mémoires
L’histoire est une discipline universitaire régie par des procédures institutionnelles pour précisement montrer que les mémoires sont quelque fois défectueuses, quelque fois fantaisistes c’est là ce que je disais est important ( notez le bien, ce qu’il dit est important enfin, c’est lui qui le dit)
L’histoire comme l’Assemblée Nationale ne régira jamais la mémoire des gens la manière dont ils vivent leur vie.
Quand les féministes ont décidé de fracturer la citoyenneté républicaine ( !) (les féministes apprécieront, mais il n’a peut-être pas tort), le débat sur les quotas, c’était un débat politique, on ne peut pas mettre ensemble le débat politique le débat historique, ce n’est pas sur sur le même terrain.
(je dirais exactement le contraire, les débat historique et le débat politique sont bien sur le même terrain, comme le prouve le débat présent dans lequelle il n’est bien évidemment question que de politique)

JPR On essayera de ne pas faire une histoire par quota

MD en France le gros problème, c’est qu’on veut légifer sur ça, aux Etats-Unis personne ne légifère, les associations n’ont qu’à trouver l’argent ( !) et régler leur petite soupe communautaire. Si vous laissez les gens trouver l’argent, vous n’aurez pas ces problèmes (eh bien, c’est du joli, en voila une conception de l’histoire !)
En France c’est l’État qui paye pour tout le monde donc tout le monde revendique une situation où l’État sanctionne.

LGT moi je suis étonné par le discours de Françoise Chandernagor, il y aurait des historiens transcendants qui pourraient réguler des mémoires forcément naïves et fallacieuses comme si la communauté des historiens n’existait pas aussi même si elle est divisée. Cette neutralité chimérique, je n’y crois pas forcément.

FC on doit y tendre sinon on est fichu

LGT comme si les autres n’y tendaient pas je trouve ça arrogant. Quand vous dites qu’il y aurait une sorte de crise de la pauvre majorité brimée par des minorités tyranniques vous inversez complètement les polarités. Les minorités ont été contraintes au silence. C’est bien parce que les historiens professionnels n’ont pas fait leur travail que ces associations que vous vous critiquez protestent, ce n’est pas de la négligence ou du retard c’est du blocage.

Brice c’est du refoulement

Brice on a déconstruit le roman national c’est une bonne chose mais si c’est pour le remplacer par la juxtaposition des romans des communautés tout aussi héroïque trompeur et erroné qu’est-ce qu’on y gagne ?

LGT ce que j’ai dit, je l’ai répété c’est que la concorde ne peut exister que dans l’équilibre instable. Voyez que vous n’écoutez pas ma réponse je l’ai déjà répété plusieurs fois. Ce roman national était fondé sur une unité imposée fallacieuse et douloureuse pour ceux qui n’étaient pas conformes à cette norme dominante, il excluait. Il s’agit de trouver un équilibre entre unité et diversité.

Brice : et la diversité imposée par la loi, vous trouvez pas ça tout aussi… ? ?


Julie chacun son tour

LGT : il faut trouver l’équilibre entre l’unité et la diversité jusqu’ici la diversité n’a pas eu de droit de cité du tout. C’est cet équilibre qu’il s’agit de restaurer. La réalité c’est que les minorités sont la majorité. Il n’y a que des minorités, les femmes, les provinciaux, les noirs les arabes les juifs, les homosexuels les ouvriers (petits rires en forme de gloussement de Julie en arrière fond) cette majorité n’a pas de sens.
Cette diversité est la réalité. C’est dans cette diversité qu’il peut y avoir une unité et non pas dans le mépris.

Julie, la grande vestale : Ces mémoires de plus en plus fortes et les abus sont entrain de fracturer le modèle républicain. Nous sommes attachés à ce modèle qui a fait preuve de son efficacité.

MD je ne dis pas qu’il faut jeter à la poubelle la République et la conception…
Bien sûr la République est une communauté mais peut-on continuer à penser le citoyen français dans cette abstraction incroyable sans saveur, sans odeur, aucune couleur est-ce qu’on peut le faire et si on peut le faire à quelle condition va-t-on le faire ?
La fiction de la communauté unique indivisible elle a toujours été là mais les institutions ont toujours composé.
Aujourd’hui le problème n’est de pas savoir s’il est possible de composer. ( ?)
En comparaison avec l’Amérique, l’Amérique fait le chemin inverse. Il y a un débat sur la queston de savoir s’il faut imposer l’anglais comme langue nationale.
Les Français disent toujours que la question, c’est les immigrés, c’est pas vrai. C’est les angoisses françaises dues à la globalisation, la globalisation européenne couplée à la décentralisation. La structure jacobine, elle est mise en cause à l’intérieur depuis l’élection de Mitterand par la décentralisation, à l’extérieur par la construction européenne. Il faut que les Français règlent ce problème.
(en voilà des leçons de la part de quelqu’un qui a défié les lois de la physique pour ne pas rester une minute de plus dans un pays où sans doute il a fait ses études).

LGT : l’argument du communautarisme c’est un concept qu’il convient de déconstruire. Il y a de nombreuses communautés. La rhétorique anticommunautaire ne vise pas toutes les communautés elle vise certaines communautés comme par hasard toujours les mêmes, les arabes, les juifs, les noirs. Je n’ai jamais entendu critiquer la communauté des habitants du XVIe arrondissement (en arrière fond protestation de de Jean-Pierre Rioux, c’est pas possible cher ami)
C’est une logique à deux vitesses le communautarisme c’est toujours les autres.
Ricanements appuyés de Julie en arrière-fond.
Cet argument du communautarisme, d’où vient-il ? Il vient des États-Unis de l’extrême droite ce discours est repris par la droite et la gauche, le « travail de déconstruction » n’a pas été fait c’est une manière de discriminer davantage les groupes qui le sont le plus en France.
Quand on dit communautarisme juif c’est une manière plus élégante de parler du lobby juif.

JPR on n’a jamais dit communautarisme juif, on dit le peuple juif

LGT : il y a des gens qui utilisent cette expression. Cette rhétorique est embarrassante.

JPR : je récuse totalement l’idée que l’histoire de la France est une histoire de développement par la force d’une pensée unique ça a été une histoire conflictuelle diverse. Je récuse que les communautés ont été l’élément moteur et dirimant. Communauté n’est pas un mot républicain, il a des attendus historiques contradictoires. Il faut maintenir l’idée qu’il y a quelque part une règle du jeu. Il a une élaboration minimale qui fait qu’il y a des parcelles de vrais sur lesquelles tout le monde doit tomber d’accord. quitte après à s’étriper.

Ce dont ils ne sont pas privés.


 
Henry Faÿ

19/09/2006
15:16
que penser de tout cela?


Que penser de cette discussion riche et animée?

On y a entendu des choses surprenantes. Jean-Pierre Rioux et Françoise Chandernagor ont eu raison de dénoncer le danger des lois qui imposent une vision de l’histoire ainsi que les dérives communautaristes, également de proclamer leur foi en la possibilité d’une vérité historique.

Mamadou Diouf est un personnage étonnant, un sénégalais passé par l’université française complètement reformaté par les Etats-Unis, en fait un américain eu nom sénégalais qui ne prend pas de gants pour dire à quel point le mépris qu’il a pour notre notre pays, tout en voulant lui donner toutes sortes de leçons. Il a franchi le mur du son pour le quitter au plus vite, ce qu’il a bien fait de faire, car il serait assez mal vu, son doctorat en poche. Très inquiétant, ce qu’il dit. Il a une bien piètre idée de la discipline qu’il pratique. Les communautés peuvent se raconter toutes les histoires qu’elles veulent, aucune importance, si c’est bon pour leur moral. Comme si l’histoire, c’était pour flatter les égos communautaires. De toutes façons, ce n’est pas grave, c’est du folklore, ce n’est pas ça qui pourrait entamer l’idéologie dominante de la destinée manifeste qui elle est en béton. La vérité historique ne l’intéresse pas. Il est vrai que l’université impose quelques règles, on peut bien s’en accommoder. Et l’histoire est au plus offrant, les associations n’ont qu’à faire un peu de fund raising pour faire prévaloir leurs idées. Qui achète-t-on avec ça ? Des profs ? des Chaires. C’est du joli. Même les plus grandes supercheries, l’Égypte noire, une tentative de la part de certains noirs de récupérer la civilisation pharaonique qui a fait d’énormes succès de librairie trouve grâce à ses yeux, comme si un historien des religions mettait le Da Vinci Code dans sa bibliographie.
Julie Clarini a eu bien raison de lui dire on est peut-être provincialistes mais on croit encore à la vérité historique.

Louis-Georges Tin a de la tchatche, de l’insolence même et il a pas mal bousculé Brice Couturier. Sur le plan des principes, on ne peut que lui donner raison encore faudrait-il savoir si ses prémisses sont justes. Il dit qu’il est contre l’amnésie, mais quelle amnésie ? On a l’impression en l’écoutant que la France actuelle ressemble à l’Espagne franquiste. Or nous sommes dans un pays où le corps professoral n’est pas particulièrement situé à droite et ça m’étonnerait qu’il ait quelques tendresses pour le colonialisme, c’est d’ailleurs sans doute ce qui a suscité ce détestable sous-amendement Vanneste qu’il a fallu retirer. On pourrait se demander de quoi Louis-Georges Tin se plaint et sa démarche tout à fait injustifiée contre le Petit Robert ne plaide pas en sa faveur.
Pas assez d’enseignement sur le passé colonial ? Pour en juger, il faudrait faire une enquête. L’enquête a été faite, j’ai un petit article paru dans le Nouvel Observateur signé Marco Mosca du 8 décembre 2005 qui récapitule le nombre de pages consacré à la colonisation dans les différents manuels :
1ere L-ES Nathan 23 pages (sur combien, ce n’est pas précisé) Citation : « la lutte contre l’esclavage débouche sur la servitude générale du continent »
1ere L-ES Bréal 25 pages avec comme citation : « la xénophobie se cristallise sur ces populations immigrées marquée par des stéréotypes issus du passé colonial »
Terminale L-ES Nathan 30 pages avec un chapitre sur les zoos humains
Terminale L-ES Magnard 21 pages « l’État refuse toujours de s’interroger sur les ordres donnés et sur les responsabilités des acteurs de l’époque ».








 
Zx

19/09/2006
15:38
re : La mémoire des communautés et l'histoire

"Même les plus grandes supercheries, l’Égypte noire, une tentative de la part de certains noirs de récupérer la civilisation pharaonique qui a fait d’énormes succès de librairie trouve grâce à ses yeux, comme si un historien des religions mettait le Da Vinci Code dans sa bibliographie. "

Sur RFI, récemment, on a pu entendre dire que toute la philosophie venait d'Egypte et, donc, d'Afrique noire. Que des philosophes tels que Platon avait été de bons passeurs de la pensée noire. La question de l'être de l'étant (dixit) étant une question africaine, ainsi que celle de la rationalité dans son ensemble.

Bref, le mouvement est en marche et personne ne moufte.
 
Zx

19/09/2006
15:40
Personne ne moufte...

sur RFI du moins !!
 
Martin Luther

19/09/2006
15:57
Black Jesus

http://www.religion-cults.com/art/black-jesus.html
 
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