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Henry Faÿ

28/08/2006
21:04
un grand absent: l'hédonisme du XVIIIe siècle


Michel Onfray quatrième année est fidèle à lui-même. Ce que je lui conteste, c’est sa prétention extraordinaire de faire une « contre histoire de la philosophie ». Projet démesuré et promesse non tenue. Ça me fait penser aux premières pages de magazines : les secrets des pyramides … ce qu’on vous a toujours caché sur la Reine Elisabeth….

Les « ultras » du XVIIIe siècle sont des auteurs qu’on est heureux de connaître. Il est bien intéressant de voir apparaître les conceptions matérialistes, les projets de réforme sociale et politique qui ont bien préfiguré l’avenir, les idées qui annoncent les théories utilitaristes britanniques. Helvétius est un personnage particulièrement attachant. Mais tout cela est en parfaite continuité avec les idées des encyclopédistes et nos conceptions n’en sont pas bouleversées.

Ce qui m’a déçu, cette année, c’est le manque de sens historique du conférencier. Il a sans doute bûché les auteurs, il n']i)]_[(i[a pas senti le]i)]_[(i[XVIIIe siècle . Le climat philosophique de l’époque, en dehors des auteurs qu’il a retenus, a été traité très sommairement dans la première conférence, et ce en a été dit était plutôt faible. Son hostilité à Voltaire et à Jean-Jacques Rousseau le fait passer à côté des grands thèmes que ces deux philosophes ont développés. Il n’a presque rien dit de la franc-maçonnerie qui a joué à l’époque un rôle de tout premier plan, la franc-maçonnerie française, furieusement à la mode, était une sorte d'imitation de son homologue britannique, celle-ci subissait alors l’influence des conceptions scientifico-mystiques d’Isaac Newton, et il faut savoir qu’elle s’était mise sous la protection des plus grands aristocrates du royaume qui présidaient les grandes loges. Elle faisait flotter un climat assez curieux d’utopie, de rationalisme, de bons sentiments philanthropiques, de déisme et d’ésotérisme.


Michel Onfray prenait les années précédentes la peine de bien nous expliquer que l’hédonisme avait été constamment brimé par le christianisme, qu’il poursuivait tout au long des siècles un long chemin souterrain. Qu’il y avait la philosophie officielle sous influence platonicienne, donc idéaliste, mais que, si on cherchait bien, on pouvait trouver des auteurs plus ou moins maudits qui ont défendu les thèses matérialistes et hédonistes.


En écoutant la série de l’année dernière sur le Grand Siècle, j’ai bien vu que ça ne marchait pas. Il y a bien des auteurs « libertins » mais ils sont peu excitants : Pierre Charron, François de La Motte le Vayer, Gassendi, Charles de Saint-Évremont sont de bien pâles figures à côté des philosophes qui sont au programme.

Le XVIIIe siècle aurait dû faire exulter le philosophe hédoniste : enfin l'hédonisme]i)]_[(i[est arrivé ! Le voici qui sort de l’ombre. Il éclate dans la littérature, dans la peinture, également dans la musique. Pourquoi ne l’a-t-il même pas signalé ? La philosophie du XVIIIe siècle est-elle hédoniste ? Il n’en a presque rien dit. Il s’est surtout plaint qu’elle n’ait pas été assez révolutionnaire à son goût, pas assez athée, trop liée aux intérêts des possédants. L’heure du communisme n’avait pas encore sonné, pas non plus celle de l’athéisme d’État ni même de la laïcité.

Pourquoi le philosophe hédoniste s’est-il abstenu d’une réflexion sur l’hédonisme du siècle le plus hédoniste de tous, le siècle de la recherche effrénée des plaisirs et du plus grand raffinement ? J’ai ma petite idée. Cette recherche du plaisir est au XVIIIe siècle le fait de la noblesse, qui est oisive, dépossédée de son pouvoir par la monarchie absolue qui privilégie la bourgeoisie mais qui est encore très fortunée. Cet hédonisme nobiliaire n’est pas du goût du philosophe qui flirte volontiers avec le paléo-marxisme. Mais s’il ne l’approuve pas, il pourrait en parler. C’est Maurice Lever qui a bien traité son sujet, il explique bien que cette recherche du plaisir est loin d’être approuvée dans toutes les couches de la société. Si certains nobles la pratiquent la bourgeoisie ne goûte guère cette débauche d’érotisme et de libertinage, elle lui oppose la pureté des grands sentiments amoureux, ce qui annonce le romantisme. La révolution française condamne totalement le libertinage et instaure un puritanisme très strict. Si le XVIIIe siècle est bien le siècle du plaisir, cela n’aura duré qu’un temps.


L’hédonisme nobiliaire est représenté par Donatien de Sade mais le personnage est plus qu’atypique. Maurice Lever évoque d’autres grands aristocrates débauchés qui ont défrayé la chronique à l’époque. Ces personnages me font penser au Don Giovanni de da Ponte et Mozart. De Don Giovanni, Michel Onfray, qui se moque de Philippe Sollers, n’a pas dit un mot.




 
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