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Guillaume

16/12/2003
10:44
Pour Paul Kobisch

Livres
Philosophie


La crise des Facultés
Vérité révélée et vérité philosophique: Libera dénoue le fil de la querelle.

Par Jean-Baptiste MARONGIU
Libération
jeudi 11 décembre 2003

Alain de Libera
Raison et foi. Archéologie d'une crise d'Albert
le Grand à Jean-Paul II
Seuil, 500 pp., 28€.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=164443

Concernant Dieu, la messe semble dite depuis quelques siècles, au moins en notre Occident laïcisé : la foi n'a pas à se mêler de ce qu'en dit la raison, ni celle-ci de ce que croit celle-là. Aussi l'armistice, imposé aux théologiens par des philosophes, qui, en se vengeant des misères endurées au Moyen Age, auraient permis que la modernité soit, tiendrait-il toujours. Aujourd'hui encore, croyants, athées ou agnostiques, spécialistes ou non, partagent ce lieu commun, dont le seul défaut est d'être faux, car le combat titanesque en question n'a pas eu lieu, faute de l'un des deux duellistes présumés, le philosophe justement. De cette thèse quelque peu scandaleuse, Alain de Libera donne une époustouflante démonstration dans Raison et foi. Archéologie d'une crise d'Albert le Grand à Jean-Paul II, un maître-livre qui reprend à bras-le-corps la «crise» de la théologie médiévale pour lui rendre le rôle essentiel qui fut le sien dans l'histoire de la philosophie. Un débat féroce s'est pourtant déroulé autour des régimes de rationalité, touchant la liberté humaine et les lois de la nature voire les limites de la puissance divine, mais il s'est agi plutôt d'une guerre civile sur la place de la philosophie au sein de la théologie elle-même, opposant un groupe de professeurs à un autre groupe de professeurs, tous théologiens, à l'université des arts de Paris, dans le dernier quart du XIIIe siècle.

Le 7 mars 1277, Etienne Tempier, évêque de Paris, condamne 219 thèses enseignées à la Sorbonne, répondant ainsi aux suggestions pressantes du pape lui-même, Jean XXI. Par-delà la variété des propositions censurées, la cible générale a été ce qu'on appelle, depuis, la doctrine de la «double vérité», à savoir la légitimité d'une vérité philosophique face à la vérité révélée. Les choses semblent claires, mais malheureusement personne ne professe dans les facultés une semblable doctrine. N'empêche, des noms sont lachés, notamment celui de Siger de Brabant, un groupe est même désigné, dont il serait le chef : les averroïstes et plus généralement les tenants de la philosophie péripatéticienne arabe. Là aussi, plutôt que s'éclaircir, l'affaire se complique, car Averroès ne soutient pas non plus la double vérité, et, s'il a voulu légitimer la pratique philosophique dans l'Espagne musulmane, c'est bien parce qu'il n'a pas décelé la moindre contradiction entre révélation divine et philosophie. De toute façon, rares sont les théologiens, en ces années-là, qui connaissent quelques bribes de l'immense corpus d'Averroès et aucun ne s'en réclame. Pourtant, Thomas d'Aquin a écrit un livre contre les «averroïstes», et c'est pour les déloger de l'Université que l'évêque de Paris a publié son édit de condamnation.

En démontant la machine à fabriquer une hérésie (nommez l'erreur, les fautifs suivront), Alain de Libera fait venir au premier plan le vrai destinataire de l'opération, le propre maître de Thomas d'Aquin, le dominicain Albert le Grand, qui n'est justement pas un professeur de l'Université (et qu'on ne peut donc pas aller chercher ès qualité). C'est lui qui, sans connaître les positions d'Averroès, trouve une solution semblable à la sienne, quant à la question des rapports entre révélation et science. Albert est le premier à affirmer que l'exigence de scientificité est commune à la métaphysique et à la théologie. Pour l'Occident chrétien, c'est une ouverture proprement révolutionnaire, que les censeurs entendent refermer au plus vite, avant que les maîtres ès arts ne soient tentés de s'y engouffrer. Hors de l'école, à ses marges, les choses se présentent différemment : ainsi, pour Albert, la pratique philosophique, sans s'opposer à la théologie, peut déboucher sur une «félicité mentale», à la croisée de l'intuition mystique et de la quête intellectuelle, et le philosophe prétendre au rôle inouï d'intermédiaire entre Dieu et le monde, «nexus Dei et mundi». Il y a là de quoi hérisser tout honnête théologien !

La crise du XIIIe siècle est une crise d'acculturation, car, ce qu'on découvre chez Albert, est «un monde de textes, d'auteurs, d'énoncés plus ou moins bien attribués, assimilés, interprétés ; un monde océanique où les apocryphes d'Aristote se comptent par dizaines, où les philosophes grecs et arabes circulent sur plusieurs identités (...); un monde exotique et merveilleux où la diversité des lexiques et des codes, les calques linguistiques, le vertige des mots nouveaux emportent le savant dans une sorte d'ivresse sémiotique permanente, née de la manipulation quasi enfantine des corpus inédits, des théories rares et des curiosités militantes». Ce monde cherche et trouve des états inédits de rationalité, qui débordent infiniment la culture universitaire. Mais, insiste Alain de Libera, c'est dans les facultés que s'est institutionnalisée la contradiction entre les doctrines admises et les nouveaux savoirs qui les contestent. Cela fait toute la grandeur de l'Université, et fixe la différence fondamentale entre la chrétienté latine médiévale et les univers culturels contemporains, musulman ou byzantin, qui n'ont pas connu d'institutions comparables. Il est tout de même paradoxal, cependant, que Jean-Paul II ait pu placer Fides et ratio ­ son encyclique de 1993 appelant à une nouvelle alliance entre la foi et la raison ­ sous le signe d'Albert le Grand, celui-là même que le Magistère de l'Eglise avait voulu mettre hors-jeu quelques siècles plus tôt.

© Libération

 
Michel

16/12/2003
11:04
Paul Kobisch


 
paul kobisch

17/12/2003
16:12
re : Pour Paul Kobisch

Ce Guillaume me rappelle l'autre, celui d'Occam pour qui je professe une immense admiration, mais je n'ai aucune raison de répondre à un article de journal, cher Guillaume, même s'il pointe avec une grande pertinence le coeur du débat. Mais à ce propos, il ne fait guère plus que des promesses publicitaires pour un livre. Il est impossible, par ailleurs, que ce De Libera ne soit pas un Jésuite...
Bien à vous
PK
 
Michel

17/12/2003
17:20
re : Pour Paul Kobisch

Vous voyez des ennemis partout ! De Libera, un Jésuite...
 
dom

17/12/2003
18:05
re : Pour Paul Kobisch

C'est quoi un Jesuite? une bête féroce?en plus sincerement je croyais que cela n'existait plus.
Marrant d'ailleurs dans mon activité commerciale je n'ai jamais vu quelqu'un venir et me dire bonjour je suis Jesuite, pourtant j'avais une gamme de clentele tres variée, pourtant je peux vous assurrer que j'en ai vu des illuminés de tout bord,Paul L'Opus Dei serait sur ce forum,soyons serieux,on est confiné dans la confidentialité, qui pourrait croire a une perspective de ce genre...
DDFC serait ce un repere de conspirateurs ici?il Manquerait plus que des francs Macons, des Juifs ,desolés j'en oublie, et demain on fait la une des journaux a scandales,non Paul ca je n'y crois pas.
forum de raleur ca c'est sur et je le revendique aussi!

 
Henry Faÿ

17/12/2003
18:08
la deuxième mort des jésuites

Que ceux qui détestent les jésuites se réjouissent, que ceux qui les aiment et les admirent se désolent. J'ai entendu sur une autre radio, c'était radio-courtoisie, je crois que les jésuites en France n'avaient que six (je dis bien six, trois + trois) novices. Autant dire que les jésuites c'est fini, au moins pour la France. S'il y a encore des jésuites, ils viendront de Corée ou du Congo ou de je ne sais où. C'est la deuxième mort des jésuites, la première date de 1773 sous le pontificat de Clément XIV.
Je crois que Félix en est tout affligé.

 
dom

17/12/2003
18:35
re : Pour Henry

Henry la question n'est pas de savoir si on aime ou pas mais a quoi ils servent!apres on pourra savoir si on aime ou pas, si cela peut servir a quelque chose.
penses tu que le commun, dont je fais partie, y comprend quelque chose, d'abord c'est la premiere fois que je te li affligé


 
Henry Faÿ

18/12/2003
08:56
ad majorem dei gloriam

à quoi ils servent? à faire joli, je suppose.

 
dom

18/12/2003
09:58
amen!

des décorateurs?un Jesuite reçois donc cette formation, eh be toute ces sectes pour faire joli, alors pourquoi c'est si moche dans l'ensemble humain? cela rejoins ma theorie du sapin patienter jusqu'a la mort avec de belles prommesses, une sorte d'assurance espoir,mais bon il y a la vie et ca c'est bien rien que de pouvoir ecrire ici, et de te mettre des petites musiques on se marre.
Carpe Diem, in vino veritas, vitis vinifera non silvestris Bachuus fecit, humanitat bibit ou bibere(jene me rapelle plus) et a ta santé

 
paul kobisch

18/12/2003
09:59
re : Pour Paul Kobisch

Comme d'habitude le fil s'interrompt sur un aspect parfaitement anecdotique que représentait mon trait d'ironie à propos de la casuistique de ce De Libéra. Mais lorsque Henry nous fait part de la nécessité de faire son deuil des Jésuites, je tique. Ce ne sont pas les bons pères qui sont en question, mais bien cette casuistique qu'ils ont laissé derrière eux, astucieusement reprise par les militants de l'Opus Dei, mais avec tellement moins de talent qu'ils ressemblent davantage à des militants SA qu'aux hommes de grandes qualités qu'étaient les Jésuites. C'est que l'impératif de la productivité a détruit la longue maturation qu'exigeait la formation d'un Père Jésuite,(onze ans si je me souviens bien, bien plus qu'un médecin spécialisé) maturation qui était acculturation de haut niveau et de spécialisation pointue. C'est ce qui a fait toute la qualité de la Revue Etudes qui continue, me semble-t-il, de faire son bonhomme de chemin, en fournissant des textes remarquables qui ne sont pas à la portée du premier venu. En fait, ce qui m'amène à évoquer les Jésuites, ce n'est pas leur présence ou leur absence, c'est la présence dans tout l'appareil d'état et toute la structure techno-industrielle d'anciens pensionnaires de jésuitières, sans doute les derniers car selon mes calculs, les dernières générations réellement formées dans les collèges, dépassent tous la quarantaine. Ce qui laisse entrevoir une transformation non négligeable de l'esprit d'encadrement des prochaines décennies. Un PDG issu de Saint Clément n'a rien à voir avec un robot sortant de HEC ou même de Harvard. En général d'ailleurs, ce PDG passe aussi par là. Pour conclure, juste un exemple comparatif malheureusement réservé aux lecteurs des Provinciales. Ce qu'il faut saisir dans l'importance et l'efficace de la casuistique, c'est qu'elle a informé (au sens artistotélicien, c'est à dire qu'elle a donné forme) les actes décisifs de la société pendant des siècles, les décideurs. La corruption doctrinale dont Pascal accusait en son temps les Jésuites, corruption destinée à faciliter les infamies du pouvoir monarchique, cette corruption est entrée dans nos entreprises et dans nos prétoires. Le déclin moral de notre République est tout à fait comparable au déclin moral du Grand Siècle artistiquement maquillé par une dévotion ostentatoire du Souverain. Que l'on songe à ce que représente moralement, c'est à dire par rapport à une parole donnée par Henri IV, la Révocation de l'Edit de Nantes. La casuistique, c'est ça, et la présence à la tête de l'état d'un homme que ne protège plus qu'une justice de jésuites, en est un exemple présentement dramatique. Toujours et encore, le débat entre jansénistes et jésuites se poursuit, et c'est tant mieux, mais pour l'instant, les Jésuites tiennent toujours la corde.
Vale.
PK


 
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