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w

13/01/2006
19:08
Leçons de français sur FC

Ces nouvelles des Belles Lettres ne rendent pas optimiste, entr'autres pour l'avenir de l'édition; certains ont sans doute reçu déjà ça parmi leurs mails, qu'ils me pardonnent.
Et c'est pas les leçons du Dem' qui vont arranger la chose.

«...à moins d'être un Robinson sans Vendredi, une langue ne sert pas qu'à se parler à soi-même, mais à communiquer avec autrui, un autrui qui la comprend, autant qu'il est humainement possible, exactement comme nous-même la comprenons.
Là, les choses se gâtent.
L'utilité d'une langue est exactement proportionnelle au nombre d'individus qui en usent (désignés aujourd'hui par le coquet néologisme de locuteurs) et, pour ce qui est du français, ce nombre diminue chaque jour.
Je le constate concrètement (remarque intéressée) par la diminution constante des ventes de nos livres en pays étrangers : même dans les milieux universitaires, et les milieux spécialisés dans l'étude des lettres européennes, le refus a priori de seulement regarder un ouvrage écrit en français croît comme champignons par un automne pluvieux.
Rejetons vite l'arrogance chauvine des discours officiels tenus par des individus à la crête gonflée de vanité comme s'ils avaient eux-mêmes créé les chefs-d'œuvre dûs à leurs aïeux, et imposé eux-mêmes le français comme langue diplomatique des cours européennes en des siècles révolus, et leurs extases sur la beauté d'une langue qu'ils ne maîtrisent même plus, pour tenter humblement de savoir combien sont encore les locuteurs du français, et qui ils sont.
...

Pour la "langue outil" (celle qui permet de demander son chemin, négocier un contrat, etc.) l'affaire est jouée : l'anglais l'a emporté, domine sans partage sur tous les continents et étend inéluctablement son emprise – ou plus exactement un anglais abâtardi et simplifié (surnommé globbish) qui ne permet pas, sans même évoquer Shakespeare ou Swift, de lire Dickens ou Naipaul, ou d'apprécier les dialogues subtils de My fair lady, de George Cukor (1964...), qui jouent sur les niveaux de langue, mais de trouver son chemin ou signer un contrat – quant aux nuances qui font la valeur de la pensée humaine, eh bien, on s'en passe.
Et toute langue ayant un vocabulaire de cinq cents mots et une syntaxe rudimentaire aurait tout aussi bien fait l'affaire.
Mais qu'en est-il de la langue de culture, celle qui permet de lire les textes qui ont justement fondé cette culture, et de s'exprimer autrement qu'en borborygmes et onomatopées ?
Je vais m'écarter des analyses et conclusions de Montenay (que je suis loin de toutes partager, mieux vaut donc le lire pour un point de vue moins brutal) – pour moi, le français langue de culture est une espèce en voie de disparition.
Mettons à part les étrangers qui nous font encore la grâce de connaître comme il convient notre langue, et dont nous pouvons espérer quelque salut, pour observer la langue de la majorité des Français d'aujourd'hui, et surtout mes cadets : ils disposent d'un vocabulaire de cinq cents mots qu'ils assemblent, avec une caricature de syntaxe, en caricatures de phrases. Et s'ils doivent écrire, la pittoresque graphie SMS leur vient tout naturellement.
Plaisant résultat dont tout le mérite tient à l'école, dont le personnel se dénomme aujourd'hui enseignants (qui ne remarque pas qu'un participe présent n'est pas un substantif est mal parti pour enseigner quoi que ce soit à qui que ce soit, et qu'y avait-il de déshonorant à être maître d'école ou instituteur ? quant aux membres de cette corporation relevant de ce que l'on appelait au temps de Racine le sexe imbecille qui se sont vaillamment battues pour être désormais professeure, et enseigner sans sanction que la bataille de Waterloo a mis fin au Second Empire, rions).


J’ai l'extraordinaire bonheur de vivre entouré d'êtres humains de tous âges, dont beaucoup sont professeurs, des deux sexes, qui maîtrisent merveilleusement le français langue de culture, qui me confient leurs manuscrits, et lisent de vrais livres ; ils ne sont pas très nombreux, et sans doute même de moins en moins nombreux, mais ils suscitent, par leurs cours, leurs travaux, leurs écrits, le goût et la saine pratique de cette langue : grâce à eux, le vieux grain fructifie.


Que représentent-ils aujourd'hui, ces gens qui en France parlent et connaissent encore le français ? Trois pour cent de la population dirai-je, ce qui nous laisse quatre-vingt dix-sept pour cent d'analphabètes (ou quasi), mais est-ce si grave ?
C'était la situation du temps de Descartes ou Voltaire et analphabètes, l'étaient certainement mes arrière-grands parents, valets de ferme en Sologne ou Creuse, mais plus mon grand-père maternel, ouvrier lecteur de L'Humanité (de Jaurès), et encore moins ma mère, dont la grande fierté était d'avoir obtenu son certificat d'études (tôt orpheline, elle quitta l'école à quatorze ans pour travailler, ne faisait pas, horresco referens, de fautes d'orthographe ni ne commettait de solécismes et toujours dévora des livres...) diplôme qu'avaient précédé des prix.
J'ai sous les yeux un bel in-quarto bien relié, portant au fer à dorer les armes de la Ville de Paris ; ce livre est Mémoires d'un éléphant blanc de Judith Gautier, sur la page de garde est collé un carton où je lis : Écoles communales de Paris, école de jeunes filles, 3e classe, prix d'honneur décerné à – et le nom de ma mère ; je suppose qu'il n'y a plus d'écoles communales, ni de prix pour les filles d'ouvrier (ce serait discriminatoire, et il n'y a d'ailleurs plus d'ouvriers, ni sans doute de jeunes filles, puisque transformées en ados).
Les analphabètes de jadis ou se fichaient de l'être (c'était conforme à l'ordre voulu par Dieu), ou voulaient apprendre, ou que leurs enfants apprissent ; ceux d'aujourd'hui sont bacheliers et des malfaiteurs les ont persuadés qu'ils connaissent ce qu'ils ignorent mais si, parmi ces malheureux, il s'en trouve encore quelques milliers qui ouvrent Balzac ou Diderot, soupçonnent qu'il y a en ces pages un sens qui embellira leur existence, et font l'effort d'apprendre véritablement la langue qui leur permettra de véritablement comprendre le texte, alors, la vie demeure belle.
Et c'est parce que je crois à l'existence de ces héros de notre temps que je continue à publier.
En français.»


Michel Desgranges, président des Éditions Les Belles Lettres


 
CA

13/01/2006
19:23
re : Leçons de français sur FC

WandaZaza, ne le prends pas mal, mais je crois que ce texte et ce fil ont plutôt leur place en forum azur. On va encore passer pour d'affreux (-ses) réacs, ce dont je me gausse, ha ha.

Christine

PS : imbécile, un seul l. Et "dus" au pluriel, sans accent circonflexe. Vraiment dommage...
 
w

13/01/2006
20:02
re : Leçons de français sur FC

En fait je serais ravie d'entendre sur FC des causeries sur la langue française, avec du fond. C'est ce que ça m'avait inspiré.

Pour le PS, comment tu l'as cassssssssé, parce qu'il fait volontiers le donneur de leçon. Il y avait d'ailleurs aussi un PS à ce texte :
«Et pour terminer sur un point qui me fâche : quiconque construit après que avec le subjonctif, confondant ainsi une action accomplie avec une action possible ou souhaitée, montre qu'il ne comprend pas ce qu'il dit.»

J'abonde, mais il n'est pas cécessaire de traiter d'imbéciles ceux qui font cet écart.

Il a dû renvoyer ses correcteurs pour combler les déficits, maybe ?

 
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