Archives 2003-2008 du forum de discussions sur France Culture

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Agnès

01/01/2006
15:35
Hommage à Poésie sur parole (II)

Ue bonne manière de commencer l'année, en rouvrant un fil poésie pour soulager l'autre,
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=94 62&debut=0&page=1 et avec un poème parfaitement réjouissant, à l'image de ce que le ciel de ce premier de l'an offre par la fenêtre...

Spleen

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

Charles Baudelaire - Les fleurs du mal - Spleen et idéal



 
Agnès

10/01/2006
09:09
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Un petit poème pour entrer dans la journée en entrant dans la vie!

Complainte du fœtus de poète

Blasé dis-je! En avant,
Déchirer la nuit gluante des racines,
À travers maman, amour tout d’albumine,
Vers le plus clair! vers l'alme et riche étamine
D'un soleil levant !

- Chacun son tour, il est temps je m’émancipe,
Irradiant des Limbes mon inédit type!

En avant!
Sauvé des steppes du mucus, à la nage
Téter soleil et soûl de lait d'or, bavant,
Dodo à les seins dorloteurs des nuages,
Voyageurs savants!

- À rêve que veux-tu, là-bas, je vivrai dupe
D’une âme en coup de vent dans la fraîcheur des jupes!

En avant!
Dodo sur le lait caillé des bons nuages
Dans la main de Dieu, bleue, aux mille yeux vivants
Aux pays du vin viril faire naufrage!
Courage,
Là, là, je me dégage…

- Et je communierai, le front vers l'orient,
Sous les espèces des baisers inconscients!

En avant!
Cogne, glas des nuits! filtre, soleil solide!
Adieu, forêts d'aquarium qui, me couvant,
Avez mis ce levain dans ma chrysalide!
Mais j'ai froid? En avant!
Ah! maman....

Vous, Madame, allaitez le plus longtemps possible
Et du plus Seul de vous ce pauvre enfant-terrible.

Jules Laforgue – Les Complaintes – 1885



 
w

10/01/2006
09:37
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Hum hum, après un petit tour dans nos sarcophages, un Boby Lapointe fort courru mais dont je ne me lasse pas.

La maman des poissons

Si l'on ne voit pas pleurer les poissons
Qui sont dans l'eau profonde,
C'est que jamais quand ils sont polissons
Leur maman ne les gronde.

Quand ils s'oublient à faire pipi au lit
Ou bien sur leurs chaussettes,
Ou à cracher comme des pas polis
Elle reste muette.

La maman des poissons, elle est bien gentille !

Ell' ne leur fait jamais la vie
Ne leur fait jamais de tartines,
Ils mangent quand ils ont envie
Et quand ca a dîné, ca r'dine.

S'ils veulent prendre un petit ver
Elle les approuve de deux ouïes,
Leur montrant comment sans ennuis
On les décroch' de leur patère.

S'ils veulent être maquereaux
C'est pas elle qui les empêche,
De s'faire des raies bleues sur le dos
Dans un bac de peinture fraîche.

J'en connais un qui s'est marié
À une grande raie publique,
Il dit quand elle lui fait la nique
"Ah, qu'est ce que tu me fais, ma raie !"

La maman des poissons elle a l'oeil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille,
Et moi je l'aime bien avec du citron.

La maman, des poissons, elle est bien gentille

Miam !


 
Clopine

10/01/2006
12:16
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Si vous voulez bien, dans la famille poésie je prends le fils, Apollinaire :

Nuit Rhénane

Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées

Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire



(ça me fait le même effet qu'un air de clarinette Klezmer, un drôle d'éclat de rire, en effet !)

Clopine

p^s : au fait je cherche le texte du poème "la demeure entourée", quelqu'un l'a ?


 
shhh

10/01/2006
13:51
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

La demeure entourée

Le corps de la montagne hésite à ma fenêtre :
" Comment peut-on entrer si l'on est la montagne,
Si l'on est en hauteur, avec roches, cailloux,
Un morceau de la Terre, altéré par le Ciel ? "
Le feuillage des bois entoure ma maison :
" Les bois ont-ils leur mot à dire là-dedans ?
Notre monde branchu, notre monde feuillu
Que peut-il dans la chambre où siège ce lit blanc,
Près de ce chandelier qui brûle par le haut,
Et devant cette fleur qui trempe dans un verre ?
Que peut-il pour cet homme et son bras replié,
Cette main écrivant entre ces quatre murs ?
Prenons avis de nos racines délicates,
Il ne nous a pas vus, il cherche au fond de lui
Des arbres différents qui comprennent sa langue. "
Et la rivière dit : " Je ne veux rien savoir,
Je coule pour moi seule et j'ignore les hommes.
Je ne suis jamais là où l'on croit me trouve
Et vais me devançant, crainte de m'attarder.
Tant pis pour ces gens-là qui s'en vont sur leurs jambes.
Ils partent, et toujours reviennent sur leurs pas. "
Mais l'étoile se dit : " Je tremble au bout d'un fil,
Si nul ne pense à moi je cesse d'exister. "

Supervielle
 
Clopine

10/01/2006
17:32
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

aaaaah merci, shhh, j'avais perdu le sublime "prenons avis de nos racines délicates !"

je passais directement à la rivière :

"Je ne veux rien savoir
Je coule pour moi seule et j'ignore les hommes
Je ne suis jamais là où l'on croit me trouver
Et vais me devançant, crainte de m'attarder"

bon sang j'aime tout !

Clopine


 
Clopine trouillefou

11/01/2006
16:56
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Voici un poème, une chanson en fait, que je porte depuis pas mal de temps, mais je ne garantis malheureusement pas l'intégrité de tous les mots. J'ai entendu cette chanson une seule fois, l'ai tout de suite mémorisée et fredonnée bien des fois depuis, mais j'espère ne pas l'avoir inconsciemment modififée !

"Chanson d’amours et de tendres colombes
Le roi en était fou
Il fit venir à deux-trois jours de sa tombe
Son dernier valet doux
et il lui dit « chante la paloma belle et cruelle
Puisque tu sais chanter
chante l’amour et la violence triste
Chante pour moi, veux-tu »

Le chanteur ne dit rien mais il chante
Il chante avec son cœur
Et sa voix déchirait le silence
chantant avec candeur
« Oh c’est curieux », dit le roi, « il me semble
Lorsque j’entends ta voix
Que pleure un moi-même à l’intérieur de moi-même
Qui est meilleur que moi

Il vaut mieux être le chanteur, je pense,
Que le roi », dit le roi
« Qui peut dire ça », dit le chanteur, « moi je pense
Que chacun a sa vie pour soi
Que pour le roi que vous êtes ou pour moi-même
Ah chanter c’est tenir
Pour celui-ci aussi ou pour tel autre
enfin mourir c’est mourir »

Chanson d’amours, je ne suis pas la plus belle,
non mais je sais chanter
Des chansons infiniment naturelles
Toujours renouvelées
Et le cœur fou pendant que le corps est sage
Je m’en vais chantant
la paloma belle et cruelle
et les tendres colombes

Annkrist"

D'un autre côté, peut-êre quelqu'un ici possède les paroles originales et est susceptible de me corriger si ma mémoire a failli ?

Clopine T


 
Agnès

20/01/2006
14:33
Puisqu'on est dans les injures....

Pour continuer dans la veine ouverte par les "chemins de la connaissance", voici un petit extrait de l'Iliade, chant I, dans la traduction hérissée d'archaïsmes qu'en a proposée Leconte de Lisle.

"Et le Péléide, débordant de colère, interpella l'Atréide avec d'âpres paroles :

- Outre gonflée de vin, oeil de chien, coeur de cerf ! jamais tu n'as osé, dans ton âme, t'armer pour le combat avec les hommes, ni tendre des embuscades avec les princes des Akhaiens. Cela t'épouvanterait comme la mort elle-même. Certes, il est beaucoup plus aisé, dans la vaste armée Akhaienne, d'enlever la part de celui qui te contredit, Roi qui manges ton peuple, parce que tu comnandes à des hommes vils. S'il n'en était pas ainsi, Atréide, cette insolence serait la dernière. Mais je te le dis, et j'en jure un grand serment : par ce sceptre qui ne produit ni feuilles, ni rameaux, et qui ne reverdira plus, depuis qu'il a été tranché du tronc sur les montagnes et que l'airain l'a dépouillé de feuilles et d'écorce ; et par le sceptre que les fils des Akhaiens portent aux mains quand ils jugent et gardent les lois au nom de Zeus, je te le jure par un grand serment : certes, bientôt le regret d'Akhilleus envahira tous les fils des Akhaiens, et tu gémiras de ne pouvoir les défendre, quand ils tomberont en foule sous le tueur d'hommes Hektôr ; et tu seras irrité et déchiré au fond de ton âme d'avoir outragé le plus brave des Akhaiens.

Ainsi parla le Péléide, et il jeta contre terre le sceptre aux clous d'or, et il s'assit".

NB : Le Péléide (fils de Pélée) est Achille, et celui que nous nommons plus sobrement l'Atride (descendant d'Atrée) est Agamemnon.


 
pascale

20/01/2006
21:12
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Une pensée pour Jacques Roubaud, qui a traduit les poètes occitans :

"Quand je vois l'alouette bouger
de joie ses ailes contre un rayon
s'évanouir se laisser tomber
de la douceur qui au coeur lui va
ah ! tant grande envie m'en vient
de ceux que je vois joyeux
que je m'étonne qu'aussitôt
le coeur de désir ne me fonde

Hélas je croyais tant savoir
d'amour et j'en sais si peu
je ne peux me retenir d'aimer
celle dont je n'aurai jamais rien
elle m'a pris mon coeur et moi
elle-même et le monde entier
et si elle me prive je n'ai rien
que désir et coeur envieux

Je n'ai plus eu sur moi pouvoir
ni ne fus mien dès le moment
qu'elle me laissa en ses yeux voir
en un miroir qui me plaît tant
miroir depuis que j'ai vu en toi
m'ont tué les soupirs profonds
et je me perds comme se perdit
le beau Narcisse à la fontaine"

Bernard de Ventadour
 
dom

20/01/2006
21:31
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

a Agnes, entre autre et aux autres bien sur!




L’Archi-Sot, echo satyrique (1).
omne regnum in se divisum desolabitur

QUATRAIN.
Pouvres sots, pourquoy laissez-vous
Un prince quy par trop vous aime?
RESPONCE.
Ne sçavez-vous pas que les fous
Ne se cognoissent pas eux-mesme ?

MDCV. in-8.

http://www.textesrares.com/poesie/b7_37.htm
le site est assez inrerressant, mais moi la poésie, pas trop mon truc a part, la satyre et les insultes fort bien tournées







 
dom

20/01/2006
21:42
additif

mais moi la poésie, pas trop mon truc , mais surtout ne vous arrétez pas j'aime bien comme je l'ai déja dit, vous lire
 
Agnès

20/01/2006
21:46
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Merci, Dom, intéressant ce site. Mais pour tourner les pages des ouvrages, quelle vérole!

 
dom

20/01/2006
21:56
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

haem! la souris, chose que tu manipules (et qui s'encrasse), a une molette, elle te permet de faire defiler a ton bon vouloir les fichiers txt ou html! lol
 
Agnès

22/01/2006
23:13
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Pour conclure la semaine :

La ronde des jurons

Voici la ron-
de des jurons
Qui chantaient clair, qui dansaient rond
Quand les Gaulois
De bon aloi
Du franc-parler suivaient la loi
Jurant par-là
Jurant par-ci
Jurant à langue raccourcie
Comme des grains de chapelet
Les joyeux jurons défilaient

Tous les morbleus, tous les ventrebleus
Les sacrebleus et les cornegidouilles
Ainsi, parbleu, que les jarnibleus
Et les palsambleus
Tous les cristis, les ventres saint-gris
Les par ma barbe et les noms d'une pipe
Ainsi, pardi, que les sapristis
Et les sacristis
Sans oublier les jarnicotons
Les scrogneugneus et les bigr's et les bougr's
Les saperlottes, les cré nom de nom
Les pestes, et pouah, diantre, fichtre et foutre
Tous les Bon Dieu
Tous les vertudieux
Tonnerr' de Brest et saperlipopette
Ainsi, pardieu, que les jarnidieux
Et les pasquedieux

Quelle pitié
Les charretiers
Ont un langage châtié
Les harengères
Et les mégères
Ne parlent plus à la légère
Le vieux catéchisme poissard
N'a guèr' plus cours chez les hussards
Ils ont vécu, de profundis
Les joyeux jurons de jadis

Tous les morbleus, tous les ventrebleus
Les sacrebleus et les cornegidouilles
Ainsi, parbleu, que les jarnibleus
Et les palsambleus
Tous les cristis, les ventres saint-gris
Les par ma barbe et les noms d'une pipe
Ainsi, pardi, que les sapristis
Et les sacristis
Sans oublier les jarnicotons
Les scrogneugneus et les bigr's et les bougr's
Les saperlottes, les cré nom de nom
Les pestes, et pouah, diantre, fichtre et foutre
Tous les Bon Dieu
Tous les vertudieux
Tonnerr' de Brest et saperlipopette
Ainsi, pardieu, que les jarnidieux
Et les pasquedieux…

Brassens


 
louise

22/01/2006
23:25
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Mais Nom de dieu, c'est bien sûr, il fallait y penser !
 
Agnès

24/01/2006
17:33
On change de style...

La suggestion de Clopine à la devinette de Laurent m'amène à citer ce célébrissime - et douceâtre, me semble-t-il - sonnet. Après, j'ai un Catulle injurieux aux petits
oignons qui nous ramènera dans un domaine moins éthéré.

Félix Arvers (1806-1850)

Sonnet

Mon âme a son secret, ma vie a son mystère:
Un amour éternel en un moment conçu.
Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

Hélas! j'aurai passé près d'elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire,
Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.

Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre,
Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre
Ce murmure d'amour élevé sur ses pas;

A l'austère devoir pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle:
"Quelle est donc cette femme?" et ne comprendra pas.





 
Agnès

24/01/2006
21:16
Une petite grivoiserie,

pour nous remettre de la guimauve, et le temps que je tape les invectives promises. c'est Catulle, naturlich, carmen XXXII :

AMABO, mea dulcis Ipsitilla,
meae deliciae, mei lepores,
iube ad te ueniam meridiatum.
et si iusseris, illud adiuuato,
ne quis liminis obseret tabellam,
neu tibi lubeat foras abire,
sed domi maneas paresque nobis
nouem continuas fututiones.
uerum si quid ages, statim iubeto:
nam pransus iaceo et satur supinus
pertundo tunicamque palliumque.


De grâce, Ipsithilla, ma douce, mes délices,
Invite-moi chez toi pour cet après-midi.
Mais à cela, veuille ajouter une faveur :
A ta porte d’entrée
Ne mets point de verrou, ne va pas davantage
T’aviser de sortir, prépare-toi plutôt
A recevoir de moi neuf assauts répétés.
Or donc, si tu acceptes
Invite-moi sans plus tarder, sans plus attendre ;
Car après déjeuner me voici sur le dos,
Repu, et je transperce et tunique et manteau.




 
A

24/01/2006
21:17
NB

traduction Pierre Feuga.
 
w

25/01/2006
14:13
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Merci Agnès !
 
Agnès

25/01/2006
19:39
Encore un petite louche du meme

Et voici les invectives promises hier, traduites par Olivier Sers dans son récent Catulle, cf fil Liseron http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=21 035&debut=0&page=1 : Sa Lesbia, qu'il a aimée au point d'en inventer un sentiment nouveau http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=14 034&debut=0&page=1, a dû le tromper. En tout cas, le torchon brûle. Et elle refuse de lui rendre ses carnets (et les poèmes qu'il lui a adressés). Ce qui donne ce torrent d'invectives que, notez bien, il ne lui adresse pas lui-même : il demande à ses vers, les hendécasyllabes impairs hérités de Sappho, devenus "chiens de chasse", de le faire. (notez au passage qu'il l'appelle "catulus", petit chien, lui qui est CatuLLus…).
Un coup, aujourd'hui, à se faire honnir par les chiennes de garde!

ADESTE, hendecasyllabi, quot estis
omnes undique, quotquot estis omnes.
iocum me putat esse moecha turpis,
et negat mihi nostra reddituram
pugillaria, si pati potestis.
persequamur eam et reflagitemus.
quae sit, quaeritis? illa, quam uidetis
turpe incedere, mimice ac moleste
ridentem catuli ore Gallicani.
circumsistite eam, et reflagitate,
'moecha putida, redde codicillos,
redde putida moecha, codicillos!'
non assis facis? o lutum, lupanar,
aut si perditius potes quid esse.
sed non est tamen hoc satis putandum.
quod si non aliud potest ruborem
ferreo canis exprimamus ore.
conclamate iterum altiore uoce.
'moecha putida, redde codicillos,
redde, putida moecha, codicillos!'
sed nil proficimus, nihil mouetur.
mutanda est ratio modusque uobis,
siquid proficere amplius potestis:
'pudica et proba, redde codicillos.'

Ici, à moi, les hendécasyllabes!
Tous ici, de partout, tous autant que vous êtes!
Une obscène putain qui m'a pris pour pantin,
Prétend ne pas me rendre vos feuillets
Pour voir si vous allez vous laisser dépouiller!
Courons-lui sus et crions-lui après :
Vous demandez qui c'est? Cette orde tapineuse
Qui braille à grand fracas d'un rire de théâtre
Tout comme un chien gaulois ouvrant sa large gueule !
Faites la ronde autour et criez-lui après :
"Sale putain, rends les carnets,
Rends les carnets, salope de putain !"
Elle s'en fiche? Ô gadoue, lupanar,
Ô plus infect s'il se pouvait !
À croire qu'on n'a pas crié assez !
Faisons plus, puisqu'il faut, pour que s'empourpre enfin
Cette face blindée, ce dur mufle de chien,
Et crions derechef, hurlons toujours plus fort :
"Sale putain, rends les carnets,
Rends les carnets, salope de putain !"
On perd son temps, elle ne bronche pas.
Il va falloir changer de style et de méthode,
Essayons pour voir si ça marchera mieux :
"Rendez-nous les carnets, ô femme chaste et pure!"




 
Agnès

26/01/2006
21:57
Petite synthèse, sans les titres

• Les poètes sur le fil poésie de DDFC
Baudelaire, Laforgue, Bobby Lapointe, Supervielle, Ventadour traduit par Roubaud, Infélix Arvers, Apollinaire, Hugo, Verlaine, Queneau, Max Jacob, Benjamin Fondane, Mallarmé,
Renée Vivien, André Frédérique, Jaccottet, Guillevic, Martial, Marc Papillon de Lasphryse, Ponge, Allais, Cendrars, Lucien Jacques, Seghers, Forneret, Michaux, Obaldia chanté par Beaucarne, Desbordes- Valmore, Du Bellay, Bensérade, De Pisan, Virgile, Catulle, Lucrèce, Juvénal.

Jolie Brochette!


 
Agnès

30/01/2006
11:45
Encore Cendrars

Texte cité par sa fille Myriam en ouverture de la bio qu'elle lui a consacrée:
Blaise Cendrars. Au cœur du monde



Le ventre de ma mère


C'est mon premier domicile
Il était tout arrondi
Bien souvent je m'imagine
Ce que je pouvais bien être....

Les pieds sur ton cœur maman
Les genoux tout contre ton foie
Les mains crispées au canal
Qui aboutissait à ton ventre

Le dos tordu en spirale
Les oreilles pleines les yeux vides
Tout recroquevillé tendu
La tête presque hors de ton corps

Mon crâne à ton orifice
Je jouis de ta santé
De la chaleur de ton sang
Des étreintes de papa

Bien souvent un feu hybride
Électrisait mes ténèbres
Un choc au dessus du crâne me détendait
Et je ruais sur ton coeur

Le grand muscle de ton vagin
Se resserrait alors rudement
Je me laissais douloureusement faire
Et tu m'inondais de ton sang

Mon front est encore bosselé
De ces bourrades de mon père
Pourquoi faut-il se laisser faire
Ainsi à moitié étranglé

Si j'avais pu ouvrir la bouche
Je t'aurais mordu
Si j'avais déjà pu parler
J'aurais dit :

Merde, je ne veux pas vivre !





 
Agnès

24/02/2006
19:46
Classique, et non moins delectable

La poésie se laisse distancer sur notre forum favori, par les temps qui courent.
Alors un joli La Fontaine, pour les amateurs :

La perte d'un époux ne va point sans soupirs.
On fait beaucoup de bruit, et puis on se console.
Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole ;
Le Temps ramène les plaisirs.
Entre la Veuve d'une année
Et la veuve d'une journée
La différence est grande : on ne croirait jamais
Que ce fût la même personne.
L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits.
Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne ;
C'est toujours même note et pareil entretien :
On dit qu'on est inconsolable ;
On le dit, mais il n'en est rien,
Comme on verra par cette Fable,
Ou plutôt par la vérité.

L'Epoux d'une jeune beauté
Partait pour l'autre monde. A ses côtés sa femme
Lui criait : Attends-moi, je te suis ; et mon âme,
Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler.
Le Mari fait seul le voyage.
La Belle avait un père, homme prudent et sage :
Il laissa le torrent couler.
A la fin, pour la consoler,
"Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes :
Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ?
Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts.
Je ne dis pas que tout à l'heure
Une condition meilleure
Change en des noces ces transports ;
Mais, après certain temps, souffrez qu'on vous propose
Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose
Que le défunt.- Ah ! dit-elle aussitôt,
Un Cloître est l'époux qu'il me faut!"
Le père lui laissa digérer sa disgrâce.
Un mois de la sorte se passe.
L'autre mois on l'emploie à changer tous les jours
Quelque chose à l'habit, au linge, à la coiffure.
Le deuil enfin sert de parure,
En attendant d'autres atours.
Toute la bande des Amours
Revient au colombier : les jeux, les ris, la danse,
Ont aussi leur tour à la fin.
On se plonge soir et matin
Dans la fontaine de Jouvence.
Le Père ne craint plus ce défunt tant chéri ;
Mais comme il ne parlait de rien à notre Belle :
"Où donc est le jeune mari
Que vous m'avez promis ?" dit-elle.

Fables , livre VI.


 
yeti

26/02/2006
13:41
Partisan Review 1935


Et ma peau, adhérant au goudron bouillonnant, tomba par plaques.
Et le duvet et les plumes blanches se piquèrent dans ma chair à vif, et je gémis de douleur.
Alors mon sang fut miraculeusement rafraîchi, rafraîchi par un baptême d'essence.
Et dans un brasier rouge je m'élançai jusqu'au ciel, tandis qu'une douleur montait en moi, comme un flot, macérant mes membres.
Haletant, demandant grâce, je m'accrochai comme un enfant, je m'accrochai aux flancs ardents de la mort.
Maintenant je ne suis qu'ossements désséchés, mon visage un crâne de pierre qui fixe le soleil dans sa surprise jaune.

Richard WRIGHT
 
shhh

26/02/2006
13:44
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Ouais, j'ai aussi les dimanches dépressifs.
 
pascale

26/02/2006
20:00
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Pour une fin de dimanche moins dépressive ?

Qu'il repose en révolte

Dans le noir, dans le soir sera sa mémoire
dans ce qui souffre, dans ce qui suinte
dans ce qui cherche et ne trouve pas
dans le chaland de débarquement
qui crève sur la grève
dans le départ sifflant de la balle traceuse
dans l'île de soufre sera sa mémoire.

Dans celui qui a sa fièvre en soi,
à qui n'importent
les murs
dans celui qui s'élance et n'a de tête
que contre les murs
dans le larron non repentant
dans le faible à jamais récalcitrant
dans le porche éventré sera sa mémoire.

Dans la route qui obsède
dans le coeur qui cherche sa plage
dans l'amant que son corps fuit
dans le voyageur que l'espace ronge.

Dans le tunnel
dans le tourment tournant sur lui-même
dans celui qui ose froisser les cimetières.

Dans l'orbite enflammée des astres
qui se heurtent en éclatant
dans le vaisseau fantôme, dans la fiancée flétrie
dans la chanson crépusculaire sera sa mémoire.

Dans la présence de la mer
dans la distance du juge
dans la cécité
dans la tasse à poison.

Dans le capitaine des sept mers
dans l'âme de celui qui lave la dague
dans l'orgue en roseau qui pleure
pour tout un peuple
dans le jour du crachat sur l'offrande.

Dans le fruit d'hiver
dans le poumon des batailles qui reprennent
dans le fou dans la chaloupe.

Dans les bras tordus des désirs à jamais inassouvis
sera sa mémoire.

- Henri Michaux (La Vie dans les plis)


 
shhh

26/02/2006
20:18
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Merci, merci. M'en fiche il me reste de la bière au frigo. Pouvez y aller.
 
Laurent Nadot

26/02/2006
20:25
PSP = Pelforths sans pickles ?

Euh, suis tombé par hasard staprème sur PSP. Juste au beau milieu d'une lecture d'extraits, à 2 voies, avec fond musical. Vers 17h50 disons...
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/ poesie/index.php?emission_id=1

Mes félicitations pour l'ambiance radio. Très belle, très réussie, très dépaysante, très "paradigme FC".

LN
 
Agnès

13/03/2006
15:25
Reveillons le forum rose

Piqué sur le forum bleu

Federico Garcia Lorca, cité par Clopine et Wanda :

La casada infiel

Y que yo me la llevé al río
creyendo que era mozuela,
pero tenía marido.

Fue la noche de Santiago
y casi por compromiso.
Se apagaron los faroles
y se encendieron los grillos.
En las últimas esquinas
toqué sus pechos dormidos,
y se me abrieron de pronto
como ramos de jacintos.
El almidón de su enagua
me sonaba en el oído,
como una pieza de seda
rasgada por diez cuchillos.
Sin luz de plata en sus copas
los árboles han crecido,
y un horizonte de perros
ladra muy lejos del río.


Pasadas las zarzamoras,
los juncos y los espinos,
bajo su mata de pelo
hice un hoyo sobre el limo.
Yo me quité la corbata.
Ella se quitó el vestido.
Yo el cinturón con revólver.
Ella sus cuatro corpiños.
Ni nardos ni caracolas
tienen el cutis tan fino,
ni los cristales con luna
relumbran con ese brillo.
Sus muslos se me escapaban
como peces sorprendidos,
la mitad llenos de lumbre,
la mitad llenos de frío.
Aquella noche corrí
el mejor de los caminos,
montado en potra de nácar
sin bridas y sin estribos.
No quiero decir, por hombre,
las cosas que ella me dijo.
La luz del entendimiento
me hace ser muy comedido.
Sucia de besos y arena
yo me la llevé del río.
Con el aire se batían
las espadas de los lirios.

Me porté como quien soy.
Como un gitano legítimo.
Le regalé un costurero
grande de raso pajizo,
y no quise enamorarme
porque teniendo marido
me dijo que era mozuela
cuando la llevaba al río.


Je la pris près de la rivière
Car je la croyais sans mari
Tandis qu'elle était adultère
Ce fut la Saint-Jacques la nuit
Par rendez-vous et compromis
Quand s'éteignirent les lumières
Et s'allumèrent les cri-cri
Au coin des dernières enceintes
Je touchai ses seins endormis
Sa poitrine pour moi s'ouvrit
Comme des branches de jacinthes
Et dans mes oreilles l'empois
De ses jupes amidonnées
Crissait comme soie arrachée
Par douze couteaux à la fois
Les cimes d'arbres sans lumière
Grandissaient au bord du chemin
Et tout un horizon de chiens
Aboyait loin de la rivière
Quand nous avons franchi les ronces
Les épines et les ajoncs
Sous elle son chignon s'enfonce
Et fait un trou dans le limon
Quand ma cravate fût ôtée
Elle retira son jupon
Puis quand j'ôtai mon ceinturon
Quatre corsages d'affilée
Ni le nard ni les escargots
N'eurent jamais la peau si fine
Ni sous la lune les cristaux
N'ont de lueur plus cristalline
Ses cuisses s'enfuyaient sous moi
Comme des truites effrayées
L'une moitié toute embrasée
L'autre moitié pleine de froid
Cette nuit me vit galoper
De ma plus belle chevauchée
Sur une pouliche nacrée
Sans bride et sans étriers

Je suis homme et ne peux redire
Les choses qu'elle me disait
Le clair entendement m'inspire
De me montrer fort circonspect
Sale de baisers et de sable
Du bord de l'eau je la sortis
Les iris balançaient leur sabre
Contre les brises de la nuit
Pour agir en pleine droiture
Comme fait un loyal gitan
Je lui fis don en la quittant
D'un beau grand panier à couture
Mais sans vouloir en être épris
Parce qu'elle était adultère
Et se prétendait sans mari
Quand nous allions vers la rivière

 
Agnès

17/04/2006
22:54
Vanitas vanitatum

Un ptit coup de poésie baroque, tiens, pour nous rappeler notre humaine inconsistance...

À beaucoup de danger est sujette la fleur :
Ou l’on la foule au pied ou les vents la ternissent,
Les rayons du soleil la brûlent et rôtissent,
La bête la dévore, et s’effeuille en verdeur.

Nos jours, entremêlés de regret et de pleur,
À la fleur comparés comme la fleur fleurissent
Tombent comme la fleur, comme la fleur périssent,
Autant comme du froid tourmentés de l’ardeur.

Non de fer ni de plomb, mais d’odorantes pommes
Le vaisseau va chargé, ainsi les jours des hommes
Sont légers, non pesants, variables et vains,

Qui, laissant après eux d’un peu de renommée
L’odeur en moins de rien comme fruit consommée,
Passent légèrement hors du cœur des humains.

Jean Baptiste Chassignet (Le mépris de la vie et consolation contre la mort - 1594)
 
CA

30/04/2006
18:00
Louise Labé

En ce moment même, un PsP sur la "Belle lyonnaise" ou la "Belle cordière", Louise Labé. Où l'on s'applique à démontrer que la poétesse lyonnaise serait une supercherie littéraire. André Velter résiste de toutes ses forces.

Lecture des sonnets par une voix éprouvante à l'écoute, entre caverneuse et étouffée.

ça vient de se terminer à l'instant, désolée !

CA

Louise Labé, une créature de papier ?
Emission du 30 Avril 2006

L'histoire de la littérature est ponctuée par des tentatives audacieuses de désattribution et de réattribution : qui n'a en mémoire les recherches indéfiniment relancées sur Homère ou Shakespeare ? Aujourd'hui c'est au tour d'une des plus hautes figures de la lyrique féminine, "Louise Labé, Lyonnaise", dont Mireille Huchon, professeur à la Sorbonne, spécialiste du français de la Renaissance, éditrice des OEuvres complètes de Rabelais en Pléiade, entend prouver qu'elle n'est que le prête-nom parodique d'un collectif littéraire actif à Lyon dans les années 1540 et 1550, évoluant autour des ateliers de l'éditeur Jean de Tourmes avec, en filigrane, la présence du grand Maurice Scève...
Pourquoi une telle mystification ? Il y aurait eu un "projet de ‘Louer Louise’" sous forme d'un dialogue poétique "qui serait à considérer comme un jeu de mots marotique, sans aucun lien avec une Louise réelle, mais correspondant au ‘Laudare Laure’ de Pétrarque", dont le sujet même aurait été choisi par "gaye fantaisie".
Mais alors, quid de l'unité de l'oeuvre, de l'émotion que celle-ci nous donne ?
Julie Denisse nous lit quelques-uns des plus beaux Sonnets que la tradition attribue à Louise Labé, et nous réécoutons Colette Magny chanter "Baise m'encor".
 
AArgh!!!

30/04/2006
23:48
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Vive les comas informatiques, j'ai tout loupé!!!

"Laudare Laure" ? "Laure Adler, au !(prononcer aouh!)"
Voilà une thèse qui me paraît bien hasadeuse. C'est étonnant comme la voix de Louise Labé peut susciter les théories universitaires les plus acharnées à nier son génie et l'intensité de son chant!
 
ddfc

08/05/2006
14:48
Hommage à France Connaissance

En 1983, vous auriez pu écouter dix Chemins de la connaissance sur Louise Labé à 8h30. L'année précédente, les Chemins de la connaissance étaient carrément de 8h à 9h

Les chemins de la connaissance
LOUISE LABÉ, POÉTESSE DU XVIe SIECLE
par Régis LABOURDETTE réalisation : Arlette DAVE
10 émissions du 30 Mai au 10 Juin 1983, du Lundi au Vendredi à 8h32

I - DAMES LYONNAISES DE LA RENAISSANCE, avec Madeleine LAZARD.
II - POUR UNE BIOGRAPHIE DE LA BELLE CORDIERE, avec Enzo GIUDICI.
III - LA POETESSE ET SES POETES, avec Enzo GIUDICI.
IV - LE DEBAT DE FOLIE ET D'AMOUR, avec Enzo GIUDICI.
V - AMOUR ET POESIE CONFONDUS, avec Enzo GIUDICI.
VI - L'AMOUR EN QUATORZE VERS, avec Chiara SIBONA.
VII - DU CRI A LA POESIE, avec Chiara SIBONA.
VIII - LES SENSATIONS EXTREMES, avec Chiara SIBONA.
IX - PAROLES DU DESIR, OU L'IMPOSSIBLE RECIPROCITE
X - "TANT QUE MES YEUX POURRONT LARMES ESPANDRE", avec Chiara SIBONA

Madeleine LAZARD, Professeur à l'Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris III, prépare actuellement un ouvrage sur l'image de la femme au XVIe siècle.

Enzo GIUDICI, Professeur à l'Université de Rome, compagnon de toujours de Louise Labé, vient de publier une édition critique des oeuvres de Louise Labé (Droz, 1981) ut un essai sur elle (Nizet, 1981).

Chiara SIBONA, Vice Présidente du Centre de Sémiotique de Rome, a récemment soutenu une thèse sur la forme poétique chez Louise Labé,
 
Agnès

10/05/2006
23:08
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Hélas, temps bénis...

Tant pis, je vais vous la jouer snob, ce soir, avant de me retirer dans mes appartements. J'ai entendu ce matin sur France Musique, une mélodie de Samuel Barber pour baryton et quatuor à cordes sur un poème - magnifique - de Matthew Arnold (1822 - 1888) : "Dover beach", "La plage de Douvres". Mais pas moyen d'en trouver une traduction complète, et je n'ai pas le temps de m'y coller. Alors tant pis, je vous la mets en anglais, histoire de remettre un peu la poésie à l'honneur sur DDFC!


Dover beach
The sea is calm tonight,
The tide is full, the moon lies fair
Upon the straits; on the French coast the light
Gleams and is gone; the cliffs of England stand,
Glimmering and vast, out in the tranquil bay.
Come to the window, sweet is the night air!

Only, from the long line of spray
Where the sea meets the moon-blanched land,
Listen! you hear the grating roar
Of pebbles which the waves draw back, and fling,
At their return, up the high strand,
Begin, and cease, and then again begin,
With tremulous cadence slow, and bring
The eternal note of sadness in.

Sophocles long ago
Heard it on the Agean, and it brought
Into his mind the turbid ebb and flow
Of human misery; we
Find also in the sound a thought,
Hearing it by this distant northern sea.

The Sea of Faith
Was once, too, at the full, and round earth's shore
Lay like the folds of a bright girdle furled.
But now I only hear
Its melancholy, long, withdrawing roar,
Retreating, to the breath
Of the night wind, down the vast edges drear
And naked shingles of the world.

Ah, love, let us be true
To one another! for the world, which seems
To lie before us like a land of dreams,
So various, so beautiful, so new,
Hath really neither joy, nor love, nor light,
Nor certitude, nor peace, nor help for pain;
And we are here as on a darkling plain
Swept with confused alarms of struggle and flight,
Where ignorant armies clash by night.

1867
 
paddy

10/05/2006
23:44
poésie nocturne

Ces 3 dernieres nuits il y avait à nouveau les Chemins de la connaissance sur Armand Robin (par Roger Dadoun) C'est rageant qu'il n'y ait pas de reecoute des Nuits de France Culture par internet.
 
Agnès

25/05/2006
23:44
re : Hommage à Guillaume Apollinaire

"Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant"... Ce vers magnifique, entendu avec la voix, l'incantation lointaine et à demi-effacée de Guillaume Apollinaire, en tournant par hasard le bouton de FQ. Moment magique au milieu d'un surpris par la nuit bavard sur l'exil, que j'ai coupé


Le Voyageur

Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant

La vie est variable aussi bien que l'Euripe

Tu regardais un banc de nuages descendre
Avec le paquebot orphelin vers les fièvres futures
Et de tous ces regrets de tous ces repentirs
Te souviens-tu

Vagues poisons arqués fleurs surmarines
Une nuit c'était la mer
Et les fleuves s'y répandaient

Je m'en souviens je m'en souviens encore

Un soir je descendis dans une auberge triste
Auprès de Luxembourg
Dans le fond de la salle il s'envolait un Christ
Quelqu'un avait un furet
Un autre un hérisson
L'on jouait aux cartes
Et toi tu m'avais oublié

Te souviens-tu du long orphelinat des gares
Nous traversâmes des villes qui tout le jour tournaient
Et vomissaient la nuit le soleil des journées
Ô matelots ô femmes sombres et vous mes compagnons
Souvenez-vous-en

Deux matelots qui ne s'étaient jamais quittés
Deux matelots qui ne s'étaient jamais parlé
Le plus jeune en mourant tomba sur le côté

Ô vous chers compagnons
Sonneries électriques des gares chants des moissonneuses
Traîneau d'un boucher régiment des rues sans nombre
Cavalerie des ponts nuits livides de l'alcool
Les villes que j'ai vues vivaient comme des folles

Te souviens-tu des banlieues et du troupeau plaintif des paysages

Les cyprès projetaient sous la lune leurs ombres
J'écoutais cette nuit au déclin de l'été
Un oiseau langoureux et toujours irrité
Et le bruit éternel d'un fleuve large et sombre

Mais tandis que mourants roulaient vers l'estuaire
Tous les regards tous les regards de tous les yeux
Les bords étaient déserts herbus silencieux
Et la montagne à l'autre rive était très claire

Alors sans bruit sans qu'on pût voir rien de vivant
Contre le mont passèrent des ombres vivaces
De profil ou soudain tournant leurs vagues faces
Et tenant l'ombre de leurs lances en avant

Les ombres contre le mont perpendiculaire
Grandissaient ou parfois s'abaissaient brusquement
Et ces ombres barbues pleuraient humainement
En glissant pas à pas sur la montagne claire

Qui donc reconnais-tu sur ces vieilles photographies
Te souviens-tu du jour où une abeille tomba dans le feu
C'était tu t'en souviens à la fin de l'été
Deux matelots qui ne s'étaient jamais quittés
L'aîné portait au cou une chaîne de fer
Le plus jeune mettait ses cheveux blonds en tresse

Ouvrez-moi cette porte ou je frappe en pleurant

La vie est variable aussi bien que l'Euripe
Guillaume Apollinaire - Alcools

Plus un lien avec l'inépuisable et généreux Jean-Michel Maulpoix, pour ceux que ça intéresse... http://www.maulpoix.net/Apollinaire.htm





 
shhh

26/05/2006
06:32
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Vous nous gâtez Agnès, et le site indiqué est superbe, une magnifique promenade.
 
Agnès

26/05/2006
07:25
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Jean-Michel Maulpoix, c'est le poète qui a été condamné dans l'affaire Brice Petit, et dont j'ai cité une réflexion (qui a fait un flop magnifique!) sur le fil "Blog" du forum bleu. Son site est passionnant, le type aussi, et sa réflexion sur le lyrisme est particulièrement intéressante. En effet, ce site est pour moi un lieu de promenade.
Bonne journée!

 
Agnès

30/05/2006
22:08
Puisqu'il a ete chante sur France-Mu!

Ce poème est exquis :

Les Ingénus

Les hauts talons luttaient avec les longues jupes,
En sorte que, selon le terrain et le vent,
Parfois luisaient des bas de jambes, trop souvent
Interceptés ! - et nous aimions ce jeu de dupes.

Parfois aussi le dard d'un insecte jaloux
Inquiétait le col des belles sous les branches,
Et c'étaient des éclairs soudains de nuques blanches,
Et ce régal comblait nos jeunes yeux de fous.

Le soir tombait, un soir équivoque d'automne
Les belles, se pendant rêveuses à nos bras,
Dirent alors des mots si spécieux tout bas,
Que notre âme, depuis ce temps, tremble et s'étonne.

Paul Verlaine - Les Fêtes Galantes

 
Agnès

31/05/2006
20:18
Fetes tres galantes

Un autre, parfaitement égrillard :
En bateau

L'étoile du berger tremblote
Dans l'eau plus noire et le pilote
Cherche un briquet dans sa culotte.

C'est l'instant, Messieurs, ou jamais,
D'être audacieux, et je mets
Mes deux mains partout désormais !

Le chevalier Atys, qui gratte
Sa guitare à Chloris l'ingrate
Lance une oillade scélérate.

L'abbé confesse bas Églé,
Et ce vicomte déréglé
Des champs donne à son coeur la clé.

Cependant la lune se lève
Et l'esquif en sa course brève
File gaîment sur l'eau qui rêve.

Et je ne résiste pas au plaisir de vous mettre le lien vers un site modestement intitulé "Verlaine expliqué", dont l'auteur, fort élégamment il est vrai, accumule les contre-sens au point de faire de cette merveille de libertinage y compris poétique, un chef d'oeuvre de délicate mélancolie...
http://verlaineexplique.free.fr/fetesgal/enbateau.html
C'est du délire ! c'est digne des notes en bas de pages, du temps où les papous s'adonnaient à ce jeu délectable...
 
AArgh!!!

31/05/2006
20:19
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Pas fait exprès les caractères gras !
 
AArgh!!!!

31/05/2006
20:24
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

J'avais loupé ça : "Dès le premier vers par l'allitération en "b" qui reproduit le moteur d'un bateau".........
 
Agnès

01/06/2006
20:39
Le mien aussi est grand

(mon courage poético-prosélyte)

Encore une jolie fête

Cythère

Un pavillon à claires-voies
Abrite doucement nos joies
Qu'éventent des rosiers amis ;

L'odeur des roses, faible, grâce
Au vent léger d'été qui passe,
Se mêle aux parfums qu'elle a mis ;

Comme ses yeux l'avaient promis,
Son courage est grand et sa lèvre
Communique une exquise fièvre ;

Et l'Amour comblant tout, hormis
La faim, sorbets et confitures
Nous préservent des courbatures.

Ô Verlaine...

 
Laurent

01/06/2006
21:17
tant qu'on y est

Eh bien tant qu'on y est, qu'avez vous pensé des versions chantées par Léo Ferré ? Pour ma part je trouve le disque Ferré-Verlaine-Rimbaud un rien inégal, mais il contient des merveilles. Et parmi les orchestrations de JM Defaye, certaines ont vieilli et sentent par trop les mid-60's, tandis que d'autres servent voluptueusement la volupté de certains textes (Ame te souvient-il ; Green ; Sérénade).

Laurent

 
Paul Verlaine

01/06/2006
21:35
Sérénade

<< Comme la voix d'un mort qui chanterait
Du fond de sa fosse
Maîtresse entend monter vers ton retrait
Ma voix aigre et fausse.

Ouvre ton âme et ton oreille au son
De ma mandoline
Pour toi j'ai fait, pour toi, cette chanson
Cruelle et câline.

Je chanterai tes yeux d'or et d'onyx
Purs de toutes ombres
Puis le léthé de ton sein, puis le Styx
De tes cheveux sombres.

Comme la voix d'un mort qui chanterait
Du fond de sa fosse
Maîtresse entend monter vers ton retrait
Ma voix aigre et fausse.

Puis je louerai beaucoup, comme il convient,
Cette chair bénie
Dont le parfum opulent me retient
Les nuits d'insomnie

Et pour finir, je dirai le baiser,
De ta lèvre rouge,
Et ta douceur à me martyriser,
Mon ange, ma gouge !

Ouvre ton âme et ton oreille au son
De ma mandoline
Pour toi j'ai fait, pour toi, cette chanson
Cruelle et câline.

(from Poèmes Saturniens.
Dans mon édition LdePoche N°747, les PS sont suivis des Fêtes galantes. Et avant le tout il y a une préface de Léo)
 
Agnès

03/06/2006
19:36
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Fichtrement baudelairien ! Je ne le connaissais pas, celui-là.
Pour ce qui concerne Ferré-Verlaine-Rimbaud, je ne sais qu'en dire. Il y a des lustres que je ne l'ai pas écouté (je vais) et il n'a jamais fait partie de mes disques favoris, à la différence du Ferré-Aragon que j'ai écouté sans jamais éprouver de satiété).
En matière de Verlaine, rien ne me paraît plus beau que Collette Magny chantant "Le ciel est par desssus le toit", sur la mélodie de ... Fauré ?


Le ciel est par-dessus le toit
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.

La cloche, dans le ciel qu'on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit
Chante sa plainte.

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.

Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?

Paul Verlaine Sagesse


 
Agnès

08/06/2006
22:57
Autre fête galante

Les indolents

" Bah ! malgré les destins jaloux,
Mourons ensemble, voulez-vous ?
- La proposition est rare.

- Le rare est le bon. Donc mourons
Comme dans les Décamérons.
- Hi ! hi ! hi ! quel amant bizarre !

- Bizarre, je ne sais. Amant
Irréprochable, assurément.
Si vous voulez, mourons ensemble ?

- Monsieur, vous raillez mieux encor
Que vous n'aimez, et parlez d'or;
Mais taisons-nous, si bon vous semble ! "

Si bien que ce soir-là Tircis
Et Dorimène, à deux assis
Non loin de deux sylvains hilares,

Eurent l'inexpiable tort
D'ajourner une exquise mort.
Hi! hi! hi! les amants bizarres !

Verlaine - Les Fêtes galantes


 
CA

11/06/2006
17:57
Un homme de culture

Écoutez en ce moment Stéphane Hessel, dans Poésie sur parole. La mémoire intacte des poèmes, le respect des textes, d'un homme né en 1917.
Tout ce qu'il manque en des temps où les ignorants sont rois.
CA
 
paddy

11/06/2006
18:14
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Et Pierre Jourde à l'instaqnt !!!


 
CA

11/06/2006
18:17
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Ah messages croised !
 
Agnès

15/06/2006
18:28
Une petite epitaphe misogyne

pour le sourire, pour le plaisir, pour faire remonter le fil...


Epitaphe
Ci-gît ma femme...oh ! qu'elle est bien,
Pour son repos et pour le mien

Du Lorens*

*Né vers 1583 à Chateauneuf en Thimerais, mort en 1648 ou 1655. D'abord avocat, puis poète satirique. Il se maria à Chartres ; sa femme lui apporta une dot considérable, mais elle était, à ce qu'il paraît, d'humeur difficile et fort acariâtre. Du Lorens lui fit cette épitaphe devenue célèbre.



 
Agnès

16/07/2006
07:16
Pour faire remonter ce fil

... bien délaissé par les temps qui courent, et répondre à la requête de Marceldudu en forum bleu.
La Fontaine, c'est TOUJOURS bien :

Les Animaux malades de la peste


Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au Berger l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance
Qu'en un pré de Moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.

Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.


 
Agnès

16/07/2006
07:27
Et pour faire echo à la citation de Laurent

...en DLA XVI.

Cors de chasse

Notre histoire est noble et tragique
Comme le masque d'un tyran
Nul drame hasardeux ou magique
Aucun détail indifférent
Ne rend notre amour pathétique

Et Thomas de Quincey buvant
L'opium poison doux et chaste
À sa pauvre Anne allait rêvant
Passons passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent

Les souvenirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit parmi le vent

Guillaume APOLLINAIRE, Alcools (1913)

http://www.wheatoncollege.edu/Academic/AcademicDept/French/V iveVoix/Resources/corsdechasse.html

 
Agnès

26/07/2006
19:27
Pas bien clair, je vous l'accorde

IV

Ses purs ongles très-haut dédiant leur onyx,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore

Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,
Aboli bibelot d'inanité sonore,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s'honore.)

Mais proche la croisée au nord vacante, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant du feu contre une nixe,

Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septuor.

Stéphane Mallarmé - Poésies, Plusieurs sonnets. (1887)

 
Agnès

03/09/2006
17:52
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

"Madame Bovary" de Chaval !!!!
 
Agnès

17/09/2006
21:01
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Pour faire écho au DLA d'aujourd'hui, proposé par Jérôme Clément :


Petite souris
C’est la petite souris grise,
Dans sa cachette elle est assise.
Quand elle n’est pas dans son trou,
C’est qu’elle galope partout.

C’est la petite souris blanche
Qui ronge le pain sur la planche.
Aussitôt qu’elle entend du bruit,
Dans sa maison elle s’enfuit.

C’est la petite souris brune
Qui se promène au clair de lune,
Si le chat miaule en dormant,
Elle se sauve prestement.

C’est la petite souris rouge,
Elle a peur aussitôt qu’on bouge !
Mais, lorsque personne n’est là,
Elle mange tout ce qu’on a.
Lucie DELARUE-MARDRUS


L'avion
L'avion, au fond du ciel clair,
Se promène dans les étoiles,
Tout comme les barques à voile
Vont sur la mer.

C'est un moulin des anciens âges
Qui soudain a quitté le sol
Et qui, par dessus les villages
A pris son vol.

Les oiseaux ont peur de ses ailes,
Mais les enfants le trouvent beau,
Ce grand cerf-volant sans ficelles
Qui va si haut.

Mais plus tard, en aéroplane
Plus hardi que les plus hardis,
Je compte bien aller sans panne
Au paradis.
Lucie DELARUE-MARDRUS

http://6juin.omaha.free.fr/feutry/mardrus.htm

Lucie Delarue-Mardrus
Poète et romancière (1874-1945), née rue des Capucins à Honfleur, le 3 novembre 1874 a décrit avec sensibilité dans son "Ex-Voto" le milieu et la vie des pêcheurs honfleurais au début du siècle. Elle possédait une résidence secondaire à St Laurent Sur Mer avant la guerre Décédée en 1945 à Château-Gontier. Auteur prolifique, Lucie Delarue-Mardrus a écrit plus de soixante-dix œuvres parmi lesquelles on trouve des romans, des poèmes, des biographies, ses Mémoires et des pièces de théâtre. À ceci, il faut ajouter des chroniques hebdomadaires, des critiques littéraires ou musicales, des conférences aux Annales, des contes, des nouvelles et des récits de voyage parus dans la presse.
Elle se révèle peintre de la vie intime et de la nature dans ses recueils de poèmes (Ferveur, 1902; Horizons, 1904; la Figure de proue, 1908) et ses récits (le Roman de six petites filles, 1909; l'Ex-voto, 1921). Elle a laissé également des pièces (Sapho désespérée, 1906) et des Mémoires (1938).

Voici deux poèmes échiquéens.

SONNET DES ÉCHECS

Invite aux tours de passe-passe,
L'échiquier quadrillé reluit.
Il n'a qu'une étoile pour lui,
Le Roi, ce monarque fadasse.

Mais d'une plus vaillante race
Sont ses sujets d'or et de nuit.
Les Fous lorgnent leur rang qui fuit,
Les Cavaliers ont leur rosace.

L'équerre des Tours bombardant,
Les Pions fiers de leur trident,
Chacun combat selon sa piste.

Mais seule, allant de bout en bout,
En ce très vieux jeu féministe,
La Dame rayonne partout.

(1926)

ENVOI

Reine qui jamais ne défaille
Plus puissante que Goliath,
Crains le Pion, humble canaille,
Qui va donner l'échec et mat.

(1926)
...... BALLADE DES ÉCHECS

Sur L'échiquier, luisant miroir,
Quand brillent, rangés en bataille,
Deux peuples : l'un du plus beau noir,
L'autre, du plus beau jaune paille,
Quand, redressant leur haute taille,
La Reine et le Roi, couple fat,
Se rengorgent comme à Versailles,
Qui va donner l'échec et mat?

Chacun fera tout son devoir
Comme il pourra, vaille que vaille,
Le Roi tremble en son étouffoir,
Fous, chevaux, tours et valetaille,
Tout le monde bientôt s'égaille ;
L'action s'engage : à Dieu vat!
L'un se défend et l'autre l'assaille.
Qui va donner l'échec et mat?

Les Pions vont à l'abattoir,
Le cheval rue et le fou raille,
Tandis que, lente à s'émouvoir,
La Tour, ronde comme futaille,
Attend, pour lancer sa mitraille,
L'occasion d'un exeat.
- Echec au Roi! - Bien. Qu'il s'en aille!
Qui va donner l'échec et mat?






 
Anne

17/09/2006
23:55
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Merci Agnès pour cette délicieuse poésie de
Lucie Delarue Mardrus
 
Asina asinam fricat

26/09/2006
21:49
L'occasion aux crins


J'aime l'âne si doux
marchant le long des houx.

Il a peur des abeilles
et bouge ses oreilles.

Il va près des fossés
d'un petit pas cassé.

Il réfléchit toujours
ses yeux sont de velours.

Il reste à l'étable
fatigué, misérable.

Il a tant travaillé
que ça vous fait pitié.

L'âne n'a pas eu d'orge
car le maître est trop pauvre.

Il a sucé la corde
puis a dormi dans l'ombre.

Il est l'âne si doux
marchant le long des houx....

Francis Jammes

 
Emois

26/09/2006
21:52
Aime-moi

Sept cent millions de chinois
Et moi, et moi, et moi
Avec ma vie, mon petit chez-moi
Mon mal de tête, mon point au foie
J'y pense et puis j'oublie
C'est la vie, c'est la vie

Quatre-vingt millions d'indonésiens
Et moi, et moi, et moi
Avec ma voiture et mon chien
Son Canigou quand il aboie
J'y pense et puis j'oublie
C'est la vie, c'est la vie

Trois ou quatre cent millions de noirs
Et moi, et moi, et moi
Qui vais au brunissoir
Au sauna pour perdre du poids
J'y pense et puis j'oublie
C'est la vie, c'est la vie

Trois cent millions de soviétiques
Et moi, et moi, et moi
Avec mes manies et mes tics
Dans mon petit lit en plume d'oie
J'y pense et puis j'oublie
C'est la vie, c'est la vie

Cinquante millions de gens imparfaits
Et moi, et moi, et moi
Qui regarde Catherine Langeais
A la télévision chez moi
J'y pense et puis j'oublie
C'est la vie, c'est la vie

Neuf cent millions de crève-la-faim
Et moi, et moi, et moi
Avec mon régime végétarien
Et tout le whisky que je m'envoie
J'y pense et puis j'oublie
C'est la vie, c'est la vie

Cinq cent millions de sud-américains
Et moi, et moi, et moi
Je suis tout nu dans mon bain
Avec une fille qui me nettoie
J'y pense et puis j'oublie
C'est la vie, c'est la vie

Cinquante millions de vietnamiens
Et moi, et moi, et moi
Le dimanche à la chasse au lapin
Avec mon fusil, je suis le roi
J'y pense et puis j'oublie
C'est la vie, c'est la vie

Cinq cent milliards de petits martiens
Et moi, et moi, et moi
Comme un con de parisien
J'attends mon chèque de fin de mois
J'y pense et puis j'oublie
C'est la vie, c'est la vie


 
Agnès

29/10/2006
21:35
Poésie à l'Ouest

On va pas laisser la poésie reléguée en page 2, tout de même !

Trouvé sur le site poésie du Ministère des affaires étrangères. Un Gourmont que je ne connaissais pas (je connaissais celui du Latin mystique).

"Remy de Gourmont n’a pas d’idées : c’est un sensuel. Quand un peuple d’hommes de lettres s’abrutit sur des idées prostituées, comme dans les brasseries avec les filles, lui n’a que des images..."
(Blaise Cendrars)

Les cheveux
Remy de Gourmont (1858-1915 )

Simone, il y a un grand mystère
Dans la forêt de tes cheveux.

Tu sens le foin, tu sens la pierre
Où des bêtes se sont posées ;
Tu sens le cuir, tu sens le blé,
Quand il vient d’être vanné ;
Tu sens le bois, tu sens le pain
Qu’on apporte le matin ;
Tu sens les fleurs qui ont poussé
Le long d’un mur abandonné ;
Tu sens la ronce, tu sens le lierre
Qui a été lavé par la pluie ;
Tu sens le jonc et la fougère
Qu’on fauche à la tombée de la nuit ;
Tu sens le houx, tu sens la mousse,
Tu sens l’herbe mourante et rousse
Qui s’égrène à l’ombre des haies ;
Tu sens l’ortie et le genêt,
Tu sens le trèfle, tu sens le lait ;
Tu sens le fenouil et l’anis ;
Tu sens les noix, tu sens les fruits
Qui sont bien mûrs et que l’on cueille ;
Tu sens le saule et le tilleul
Quand ils ont des fleurs plein les feuilles ;
Tu sens le miel, tu sens la vie
Qui se promène dans les prairies ;
Tu sens la terre et la rivière ;
Tu sens l’amour, tu sens le feu.

Simone, il y a un grand mystère
Dans la forêt de tes cheveux.

Simone, poème champêtre (1901)

Le site, bien fait :
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/livre-ec rit_1036/collection-textes_5281/florilege-poesie-francaise_5282/index.ht ml?var_recherche=po%E9sie


 
Agnès

12/11/2006
12:23
Puisqu'on y est

Prévert - Boris Vian par Reggiani


Notre père qui êtes aux cieux
Restez-y
Et nous, nous resterons sur la terre
Qui est, quelquefois, si jolie

Quand j'aurai du vent dans mon crâne
Quand j'aurai du vert sur mes osses
Peut-être qu'on croira que je ricane
Mais ça sera une impression fosse
Car il me manquera
Mon élément plastique
Plastique tique tique
Qu'auront bouffé les rats
Ma paire de bidules
Mes mollets mes rotules
Mes cuisses, mon cule
Sur quoi je m'asseyois
Mes cheveux mes fistules
Mes jolis yeux cérules
Mes couvre-mandibules
Dont je vous pourléchois
Mon nez considérable
Mon coeur mon foie mon râble
Tous ces riens admirables
Qui m'ont fait apprécier
Des ducs et des duchesses
Des papes des papesses
Des abbés des ânesses
Et des gens du métier
Et puis je n'aurai plus
Ce phosphore un peu mou
Cerveau qui me servit
A me prévoir sans vie
Les osses tout verts, le crâne venteux
Ah comme j'ai mal
de devenir vieux...



http://www.radiofrance.fr/francemusique/em/greniers/emission .php?e_id=35


 
Agnès

12/11/2006
18:49
Une autre

La vie, c'est comme une dent
D'abord on y a pas pensé
On s'est contenté de mâcher
Et puis ça se gâte soudain
Ça vous fait mal, et on y tient
Et on la soigne et les soucis
Et pour qu'on soit vraiment guéri
Il faut vous l'arracher, la vie


Boris Vian (avec la voix de Reggiani)

 
Agnès

12/11/2006
18:53
Et encore ...

Ah ! baiser la main d'une femme du monde
Et m'écorcher les lèvres à ses diamants
Et puis dans la Jaguar
Brûler son léopard
Avec une cigarette anglaise
Et s'envoyer des dry au Gordon
Et des Pimm's
Number one
Avant que de filer chez Maxim's
Grand seigneur
Dix sacs au chasseur

Enfin
Poser
Ma pelle
Et chauffer
Ma gamelle

Paroles et musique Gainsbourg.
 
Agnès

22/11/2006
15:44
Et si on fêtait la Saint Verlaine-et-Rimbe today ?

Laeti et errabundi


Les courses furent intrépides
(Comme aujourd'hui le repos pèse !)
Par les steamers et les rapides.
(Que me veut cet at home obèse ?)

Nous allions, - vous en souvient-il,
Voyageur où ça disparu ? -
Filant légers dans l'air subtil,
Deux spectres joyeux, on eût cru !

Car les passions satisfaites
Insolemment outre mesure
Mettaient dans nos têtes des fêtes
Et dans nos sens, que tout rassure,

Tout, la jeunesse, l'amitié,
Et nos coeurs, ah ! que dégagés
Des femmes prises en pitié
Et du dernier des préjugés,

Laissant la crainte de l'orgie
Et le scrupule au bon ermite,
Puisque quand la borne est franchie
Ponsard ne veut plus de limite.

Entre autres blâmables excès
Je crois que nous bûmes de tout,
Depuis les plus grands vins français
Jusqu'à ce faro, jusau'au stout,

En passant par les eaux-de-vie
Qu'on cite comme redoutables,
L'âme au septième ciel ravie,
Le corps, plus humble, sous les tables.

Des paysages, des cités
Posaient pour nos yeux jamais las ;
Nos belles curiosités
Eussent mangé tous les atlas.

Fleuves et monts, bronzes et marbres,
Les couchant d'or, l'aube magique,
L'Angleterre, mère des arbres,
Fille des beffrois, la Belgique,

La mer, terrible et douce au point, -
Brochaient sur le roman très cher
Que ne discontinuait point
Notre âme - et quid de notre chair ?... -

Le roman de vivre à deux hommes
Mieux que non pas d'époux modèles,
Chacun au tas versant des sommes
De sentiments forts et fidèles.

L'envie aux yeux de basilic
Censurait ce mode d'écot ;
Nous dînions du blâme public
Et soupions du même fricot.

La misère aussi faisait rage
Par des fois dans le phalanstère :
On ripostait par le courage,
La joie et les pommes de terre.

Scandaleux sans savoir pourquoi
(Peut-être que c'était trop beau)
Mais notre couple restait coi
Comme deux bons porte-drapeau,

Coi dans l'orgueil d'être plus libres
Que les plus libres de ce monde,
Sourd aux gros mots de tous calibres,
Inaccessible au rire immonde,

Nous avions laissé sans émoi
Tous impédiments dans Paris,
Lui quelques sots bernés, et moi
Certaine princesse Souris,

Une sotte qui tourna pire...
Puis soudain tomba notre gloire,
Tels, nous, des maréchaux d'empire
Déchus en brigands de la Loire,

Mais déchus volontairement !
C'était une permission,
Pour parler militairement,
Que notre séparation,

Permission sous nos semelles,
Et depuis combien de campagnes !
Pardonnâtes-vous aux femelles ?
Moi, j'ai peu revu ces compagnes,

Assez toutefois pour souffrir.
Ah, quel coeur faible que mon coeur !
Mais mieux vaut souffrir que mourir
Et surtout mourir de langueur.

On vous dit mort, vous. Que le Diable
Emporte avec qui la colporte
La nouvelle irrémédiable
Qui vient ainsi battre ma porte !

Je n'y veux rien croire. Mort, vous,
Toi, dieu parmi les demi-dieux !
Ceux qui le disent sont des fous.
Mort, mon grand péché radieux,

Tout ce passé brûlant encore
Dans mes veines et ma cervelle
Et qui rayonne et qui fulgore
Sur ma ferveur toujours nouvelle !

Mort tout ce triomphe inouï
Retentissant sans frein ni fin
Sur l'air jamais évanoui
Que bat mon coeur qui fut divin !

Quoi, le miraculeux poème
Et la toute-philosophie,
Et ma patrie et ma bohème
Morts ? Allons donc ! tu vis ma vie !

Verlaine - Parallèlement
 
pascale

22/11/2006
16:49
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Quelle bonne idée, Agnès !
 
shhh

22/11/2006
17:30
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Magnifique!
 
Agnès

27/11/2006
18:56
C'est pas vendredi, mais...

Tu l'as donc rencontré
Dans un pauvre bistrot
Où tu vas le matin très tôt
Prendre un petit café
Il venait tous les jours
Et toi tu as fini
Le voyant si triste toujours
Par le trouver gentil
Et hier soir dans ta maison
Tu étais gaie comme un pinson

Ses yeux
Qui te plaisaient tant
T'avaient caressé
D'un regard si tendre
Sa bouche
Qui te plaisait tant
T'avait dit des mots
Pleins de sentiments
Son cœur
Qui te plaisait tant
Battait doucement
Au rythme des rêves
Ses mains
Qui te plaisaient tant
Etreignaient tes mains
D'un geste enivrant

Il avait des beaux yeux
Il avait des mains fines
Une bouche bien dessinée
Il était seul et digne
Tu pensais à son cœur
Tu voulais l'éveiller
Imaginant sa pauvre vie
Tu voulais l'égayer
Mais hier soir dans sa maison
Il était gai comme un pinson

Ses yeux
Qui te plaisaient tant
Regardaient le sang
Couler sur la table
Son cœur
Qui te plaisait tant
Sonnait à coups sourds
Le glas des amants
Sa bouche
Qui te plaisait tant
Murmurait des mots
Qui te rendaient folle
Ses mains
Qui te plaisaient tant
Poussaient un couteau
Dans un ventre blanc

Il préparait des merlans

C'est Boris Vian

 
GT

27/11/2006
21:09
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Par ces temps où l'on s'échange des blasons à même le ticheurte dans de sombres bouges (comprenne qui pourra), voici une histoire d'oriflammes :

Lorsqu'un vaisseau vaincu dérive en pleine mer ;
Que ses voiles carrées
Pendent le long des mâts, par les boulets de fer
Largement déchirées ;

Qu'on n'y voit que des morts tombés de toutes parts,
Ancres, agrès, voilures,
Grands mâts rompus, traînant leurs cordages épars
Comme des chevelures ;

Que le vaisseau, couvert de fumée et de bruit
Tourne ainsi qu'une roue ;
Qu'un flux et qu'un reflux d'hommes roule et s'enfuit
De la poupe à la proue ;

Lorsqu'à la voix des chefs nul soldat ne répond ;
Que la mer monte et gronde ;
Que les canons éteints nagent dans l'entrepont,
S'entrechoquant dans l'onde ;

Qu'on voit le lourd colosse ouvrir au flot marin
Sa blessure béante,
Et saigner, à travers son armure d'airain,
La galère géante ;

Qu'elle vogue au hasard, comme un corps palpitant,
La carène entrouverte,
Comme un grand poisson mort, dont le ventre flottant
Argente l'onde verte ;

Alors gloire au vainqueur ! Son ancre noir s'abat
Sur la nef qu'il foudroie ;
Tel un aigle puissant pose, après le combat,
Son ongle sur sa proie !

Puis, il pend au grand mât, comme au front d'une tour,
Son drapeau que l'air ronge,
Et dont le reflet d'or dans l'onde, tour à tour,
S'élargit et s'allonge.

Et c'est alors qu'on voit les peuples étaler
Les couleurs les plus fières,
Et la pourpre, et l'argent, et l'azur onduler
Aux plis de leurs bannières.

Dans ce riche appareil leur orgueil insensé
Se flatte et se repose,
Comme si le flot noir, par le flot effacé,
En gardait quelque chose !

Malte arborait sa croix ; Venise, peuple-roi,
Sur ses poupes mouvantes,
L'héraldique lion qui fait rugir d'effroi
Les lionnes vivantes.

Le pavillon de Naple est éclatant dans l'air,
Et quand il se déploie
On croit voir ondoyer de la poupe à la mer
Un flot d'or et de soie.

Espagne peint aux plis des drapeaux voltigeant
Sur ses flottes avares,
Léon aux lions d'or, Castille aux tours d'argent,
Les chaînes des Navarres.

Rome a les clefs ; Milan, l'enfant qui hurle encor
Dans les dents de la guivre ;
Et les vaisseaux de France ont des fleurs de lis d'or
Sur leurs robes de cuivre.

Stamboul la turque autour du croissant abhorré
Suspend trois blanches queues ;
L'Amérique enfin libre étale un ciel doré
Semé d'étoiles bleues.

L'Autriche a l'aigle étrange, aux ailerons dressés,
Qui, brillant sur la moire,
Vers les deux bouts du monde à la fois menacés
Tourne une tête noire.

L'autre aigle au double front, qui des czars suit les lois,
Son antique adversaire,
Comme elle regardant deux mondes à la fois,
En tient un dans sa serre.

L'Angleterre en triomphe impose aux flots amers
Sa splendide oriflamme,
Si riche qu'on prendrait son reflet dans les mers
Pour l'ombre d'une flamme.

C'est ainsi que les rois font aux mâts des vaisseaux
Flotter leurs armoiries,
Et condamnent les nefs conquises sur les eaux
À changer de patries.

Ils traînent dans leurs rangs ces voiles dont le sort
Trompa les destinées,
Tout fiers de voir rentrer plus nombreuses au port
Leurs flottes blasonnées.

Aux navires captifs toujours ils appendront
Leurs drapeaux de victoire,
Afin que le vaincu porte écrite à son front
Sa honte avec leur gloire !

Mais le bon Canaris, dont un ardent sillon
Suit la barque hardie,
Sur les vaisseaux qu'il prend, comme son pavillon,
Arbore l'incendie !

Totor Hugo, Canaris (Les Orientales, II)
 
Agnès

01/12/2006
22:46
Un petit Laforgue tellement pathetique

La chanson du petit hypertrophique

C'est d'un' maladie d' cœur
Qu'est mort', m'a dit l' docteur,
Tir-lan-laire
Ma pauv' mère;
Et que j'irai là-bas,
Fair' dodo z'avec elle.
J'entends mon cœur qui bat,
C'est maman qui m’appelle!

On rit d' moi dans les rues,
De mes min's incongrues
La-i-tou!
D’enfant saoul;
Ah! Dieu! C'est qu'à chaqu' pas
J’étouff', moi, je chancelle!
J'entends mon cœur qui bat,
C'est maman qui m’appelle!

Aussi j' vais par les champs
Sangloter aux couchants,
La-ri-rette!
C'est bien bête.
Mais le soleil, j' sais pas,
M' semble un cœur qui ruisselle!
J’entends mon cœur qui bat,
C’est maman qui m’appelle!

Ah! si la p'tit' Gen'viève
Voulait d' mon cœur qui s' crève.
Pi-lou-i!
Ah, oui!
J' suis jaune et triste, hélas!
Elle est ros', gaie et belle!
J’entends mon cœur qui bat,
C'est maman qui m’appelle!

Non, tout l' monde est méchant,
Hors le cœur des couchants,
Tir-lan-laire!
Et ma mère,
Et j' veux aller là-bas
Fair' dodo z'avec elle...
Mon cœur bat, bat, bat, bat...
Dis, Maman, tu m'appelles?

Jules Laforgue
1ère publication:
Revue Blanche 1er août 1895
 
Agnès

01/12/2006
23:17
Et un autre, tiens

Albums

On m'a dit la vie au Far-West et les Prairies,
Et mon sang a gémi : « Que voilà ma patrie!... »
Déclassé du vieux monde, être sans foi ni loi,
Desperado ! là-bas; là-bas, je serais roi!....
Oh là-bas, m'y scalper de mon cerveau d’Europe!
Piaffer, redevenir une vierge antilope,
Sans littérature, un gars de proie, citoyen
Du hasard et sifflant l'argot californien!
Un colon vague et pur, éleveur, architecte,
Chasseur, pêcheur, joueur, au-dessus des Pandectes!
Entre la mer; et les États Mormons! Des venaisons
Et du whisky! vêtu de cuir, et le gazon
Des Prairies pour lit, et des ciels des premiers âges
Riches comme des corbeilles de mariage!....
Et puis quoi ? De bivouac en bivouac, et la Loi
De Lynch ; et aujourd'hui des diamants bruts aux doigts
Et ce soir nuit de jeu, et demain la refuite
Par la Prairie et vers la folie des pépites!....
Et, devenu vieux, la ferme au soleil-levant,
Une vache laitière et des petits-enfants....
Et, comme je dessine au besoin, à l'entrée
Je mettrais: « Tatoueur des bras de la contrée! »
Et voilà. Et puis, si mon grand cœur de Paris
Me revenait, chantant : « Oh! pas encor guéri!
« Et ta postérité, pas pour longtemps coureuse !.... »
Et si ton vol, Condor des Montagnes-Rocheuses,
Me montrait l'Infini ennemi du comfort,
Eh bien, j'inventerais un culte d'Âge d'or,
Un code social, empirique et mystique
Pour des Peuples Pasteurs, modernes et védiques !....

Oh ! qu'ils sont beaux les feux de paille! qu'ils sont fous,
Les albums ! et non incassables, mes joujoux !....

Jules Laforgue

1ère publication: La Revue Indépendante avril 1888
 
lou

01/12/2006
23:17
comme quoi

Comme quoi on peut faire sur une infirmité un poème émouvant qui est tout sauf cucul.

 
dom

02/12/2006
05:41
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

sympa Agnes,finalement tu arriverras a me rendre moins con, c'est quelque chose ça!
a++
 
Agnès

03/12/2006
10:37
C'est la semaine Jules

Complainte de la lune en province

Ah ! La belle pleine Lune,
Grosse comme une fortune !

La retraite sonne au loin,
Un passant, monsieur l'adjoint ;

Un clavecin joue en face,
Un chat traverse la place :

La province qui s'endort !
Plaquant un dernier accord,

Le piano clôt sa fenêtre.
Quelle heure peut-il bien être ?

Calme lune, quel exil !
Faut-il dire : ainsi soit-il ?

Lune, ô dilettante lune,
A tous les climats commune,

Tu vis hier le Missouri,
Et les remparts de Paris,

Les fiords bleus de la Norwège,
Les pôles, les mers, que sais-je ?

Lune heureuse ! Ainsi tu vois,
A cette heure, le convoi

De son voyage de noce !
Ils sont partis pour l'Écosse.

Quel panneau, si, cet hiver,
Elle eût pris au mot mes vers !

Lune, vagabonde lune,
Faisons cause et mœurs communes ?

Ô riches nuits ! Je me meurs,
La province dans le cœur !

Et la lune a, bonne vieille,
Du coton dans les oreilles.

Jules Laforgue

Dom, j'ai toujours eu du plaisir à lire tes commentaires de découvertes poétiques.

 
GT

04/12/2006
22:36
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Après l'anniv de tonton Corneille, célébré dimanche, voici le poème le plus fameux de La Négresse Blonde de Georges Fourest :

LE CID

Le palais de Gormaz, comte et gobernador
est en deuil; pour jamais dort couché sous la pierre
l'hidalgo dont le sang a rougi la rapière
de Rodrigue appelé le Cid Campeador

Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre
Chimène, en voile noirs, s'accoude au mirador
et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière
regardent, sans rien voir, mourir le soleil d'or ...

Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle :
sur la plaza Rodrigue est debout devant elle !
Impassible et hautain, drapé dans sa capa,

le héros meurtrier à pas lents se promène :
"Dieu !" soupire à part soi la plaintive Chimène,
"qu'il est joli garçon l'assassin de Papa !"


 
Agnès

05/12/2006
14:19
Pour Pidgi, encore une louche

Complainte des pianos qu'on entend dans les quartiers aisés

Menez l'âme que les Lettres ont bien nourrie,
Les pianos, les pianos, dans les quartiers aisés!
Premiers soirs, sans pardessus, chaste flânerie,
Aux complaintes des nerfs incompris ou brisés.
Ces enfants, à quoi rêvent-elles,
Dans les ennuis des ritournelles ?

- « Préaux des soirs,
Christs des dortoirs!

« Tu t'en vas et tu nous laisses,
Tu nous laiss's et tu t'en vas,
Défaire et refaire ses tresses,
Broder d'éternels canevas. »

Jolie ou vague ? triste ou sage ? encore pure ?
Ô jours, tout m'est égal ? ou, monde, moi je veux ?
Et si vierge, du moins, de la bonne blessure,
Sachant quels gras couchants ont les plus blancs aveux ?

Mon Dieu, à quoi donc rêvent-elles ?
A des Roland, à des dentelles?

- « Cœurs en prison,
Lentes saisons!

« Tu t'en vas et tu nous quittes,
Tu nous quitt's et tu t'en vas!
Couvent gris, chœurs de Sulamites,
Sur nos seins nuls croisons nos bras. »

Fatales clés de l'être un beau jour apparues ;
Psitt! aux hérédités en ponctuels ferments,
Dans le bal incessant de nos étranges rues ;
Ah! pensionnats, théâtres, journaux, romans!

Allez, stériles ritournelles,
La vie est vraie et criminelle.

- « Rideaux tirés,
Peut-on entrer?

« Tu t'en vas et tu nous laisses,
Tu nous laiss's et tu t'en vas,
La source des frais rosiers baisse,
Vraiment ! Et lui qui ne vient pas... »

Il viendra ! Vous serez les pauvres cœurs en faute,
Fiancés au remords comme aux essais sans fond,
Et les suffisants coeurs cossus, n'ayant d'autre hôte
Qu'un train-train pavoisé d'estime et de chiffons.

Mourir ? peut-être brodent-elles,
Pour un oncle à dot, des bretelles ?

- « Jamais! Jamais!
Si tu savais!

« Tu t'en vas et tu nous quittes,
Tu nous quitt's et tu t'en vas,
Mais tu nous reviendras bien vite
Guérir mon beau mal, n'est-ce pas? »

Et c'est vrai ! l'Idéal les fait divaguer toutes,
Vigne bohème, même en ces quartiers aisés.
La vie est là ; le pur flacon des vives gouttes
Sera, comme il convient, d'eau propre baptisé.

Aussi, bientôt, se joueront-elles
De plus exactes ritournelles.

« - Seul oreiller!
Mur familier!

« Tu t'en vas et tu nous laisses,
Tu nous laiss's et tu t'en vas.
Que ne suis-je morte à la messe!
Ô mois, ô linges, ô repas! »

Jules Laforgue


 
Agnès

05/12/2006
14:33
Un peu de prose

Voici le début de Persée & Andromède, ou le plus heureux des trois :
http://www.laforgue.org/mora61.htm
Hamlet n'est pas encore en ligne.

Je croyais avoir déjà mis sur le fil Poésie "La complainte du foetus de poète", mais il semble que non, alors la voici - J'adore ! -

Complainte du fœtus de poète

Blasé dis-je! En avant,
Déchirer la nuit gluante des racines,
À travers maman, amour tout d’albumine,
Vers le plus clair! vers l'alme et riche étamine
   D'un soleil levant !

- Chacun son tour, il est temps je m’émancipe,
Irradiant des Limbes mon inédit type!

  En avant!
Sauvé des steppes du mucus, à la nage
Téter soleil ! et saoûl de lait d'or, bavant,
Dodo à les seins dorloteurs des nuages,
Voyageurs savants!

- À rêve que veux-tu, là-bas, je vivrai dupe
D’une âme en coup de vent dans la fraîcheur des jupes!

  En avant!
Dodo sur le lait caillé des bons nuages
Dans la main de Dieu, bleue, aux mille yeux vivants
Aux pays du vin viril faire naufrage!
  Courage,
Là, là, je me dégage…

- Et je communierai, le front vers l'orient,
Sous les espèces des baisers inconscients!

  En avant!
Cogne, glas des nuits! filtre, soleil solide!
Adieu, forêts d'aquarium qui, me couvant,
Avez mis ce levain dans ma chrysalide!
              Mais j'ai froid? En avant!
              Ah! maman....

Vous, Madame, allaitez le plus longtemps possible
Et du plus Seul de vous ce pauvre enfant-terrible.

Jules Laforgue – Les Complaintes – 1885

Il y a des dessins de Laforgue, mais pas grand chose sur la toile me semble-t-il après une rapide recherche.

 
Nazdeb

11/12/2006
12:50
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

De José-Maria de Heredia, tiré du recueil « Les Trophées » chez Gallimard


LE VOEU

Jadis l’Ibère noir et le Gall au poil fauve
Et le Garumme brun peint d’ocre et de carmin,
Sur le marbre votif entaillé par leur main,
Ont dit l’eau bienfaisante et la vertu qui sauve.

Puis les Imperators, sous le Venasque chauve,
Bâtirent la piscine et le therme romain,
Et Fabia Festa, par ce même chemin,
A cueilli pour les Dieux la verveine ou la mauve.

Aujourd’hui, comme aux jours d’Iscitt et d’Ilixon,
Les sources m’ont chanté leur divine chanson ;
Le soufre fume encore à l’air pur des moraines.

C’est pourquoi, dans ces vers, accomplissant les vœux,
Tel qu’autrefois Hunnu, fils d’Ulohox, je veux
Dresser l’autel barbare aux Nymphes souterraines.

(Gall : Celte ; Garumme : Gascon ; Iscitt : sorte de Vulcain ; Ilixon : dieu des thermes)


J’aime certains poèmes de Heredia mais je ne peux pas dire que celui-ci en fasse partie. Il a été inspiré au poète par un séjour fait à Bagnères-de-Luchon où il se serait plus emmerdé qu’autre chose, vers 1882. Je le cite pour le seul plaisir d’ajouter le commentaire qu’en a fait Leconte de Lisle (dont j’apprécie plus ce genre d’écrit que sa propre poésie...), qu’on peut découvrir dans les notes du recueil chez Gallimard :

« Votre sonnet est des plus congrûment troussé. Le Garumme peint d’ocre me fait l’effet d’un gentilhomme archaïque fort distingué ; la calvitie du Venasque me touche, et les dieux Iscitt, Ixilon et Hunnu fils d’Ulohoxis sont d’un goût barbare on ne peut plus délicat. Cependant, je leur préfère encore, s’il est possible, Exprcenn, Aherbelst et Baicorrix qui me semblent notablement hirsutes, hispides, hypersulfureux, tatoués et idiosyncrasiques au suprême degré. »

Hispide selon TLF : (Bot.) Garni de poils rudes et épars. (D’une personne) A la barbe ou aux cheveux hirsutes ; d’aspect revêche. Citons Bloy : « Une bouchère hispide que le beau Tertullien avait dédaignée l’accusait ouvertement d’impuissance ».



 
Nazdeb

11/12/2006
12:51
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Mais pourquoi évoquer Heredia ? Parce qu’un bien plus beau poème, tiré du même recueil, a servi de base à un S+7 des Papous, il y a maintenant pas mal d’années, et que j'ai découvert récemment. Le voici :


LES CONQUERANTS

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré ;

Ou, penchés à l'avant de blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.



 
Agnès

12/12/2006
23:26
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Merci Nazdeb, j'adore le commentaire leconte-de-l'islien !

 
Agnès

12/12/2006
23:30
Autre sonnet



À beaucoup de danger est sujette la fleur :
Ou l’on la foule au pied ou les vents la ternissent,
Les rayons du soleil la brûlent et rôtissent,
La bête la dévore, et s’effeuille en verdeur.

Nos jours, entremêlés de regret et de pleur,
À la fleur comparés comme la fleur fleurissent
Tombent comme la fleur, comme la fleur périssent,
Autant comme du froid tourmentés de l’ardeur.

Non de fer ni de plomb, mais d’odorantes pommes
Le vaisseau va chargé, ainsi les jours des hommes
Sont légers, non pesants, variables et vains,

Qui, laissant après eux d’un peu de renommée
L’odeur en moins de rien comme fruit consommée,
Passent légèrement hors du cœur des humains.

Jean-Baptiste Chassignet (Le mépris de la vie et consolation contre la mort, pensé-je)
 
LRDB

12/12/2006
23:41
2 versions détournées de Heredia

Version Vialatte :
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=16 172&debut=0&page=1

Version Rassemblement des Auditeurs Contre la Casse de France Culture, par un pseudo anonyme de l'été 2004 :
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=64 20&debut=0&page=1

 
ddfc

12/12/2006
23:43
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

"Vive la beauté", de Laurence Viel, un poème entendu dans Poésie sur parole : http://ddfc.free.fr/vive-la-beaute.mp3




 
Agnès

13/12/2006
10:52
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Très bien les parodies, Laurent, bravo pour la vôtre. J'écouterai le Viel later on.
 
Nazdeb

14/12/2006
10:46
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Laurent, super merci pour le Vialatte, des plus joliment chantourné !



 
Agnès

17/12/2006
22:26
re : Hommage aux papous de Lyon

Persiennes*

Persienne Persienne Persienne
Persienne persienne persienne
persienne persienne persienne persienne
persienne persienne persienne persienne
persienne persienne

Persienne Persienne Persienne
Persienne ?

Louis Aragon - Le mouvement perpétuel
*C'est évidemment beaucoup mieux avec les notes en bas de page...



 
AArgh!!!

17/12/2006
22:27
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Naturellement la disposition sur la page n'est pas passée, grrrr!
 
Agnès

28/12/2006
00:30
Encore un petit Laforgue

pour faire remonter ce fil.

L'éternel Quiproquo

Droite en selle
A passé
Mad'moiselle
Aïssé !

Petit cœur si joli !
Corps banal mais alacre !
Un colis
Dans un fiacre.

Ah ! les flancs
Tout brûlants
De fringales
Séminales,

Elle écoute
Par les routes
Si le cor
D'un Mondor

Ne s'exhale
Pas encor !
- Oh! raffale
- Moi le corps

Des salives
Corrosives
Dont mes flancs
Vont bêlant !

- Ô vous Bon qui passez
Donnez-moi des nouvelles
De ma Belle
Mad'moiselle
Aïssé.

Car ses épaules
Sont ma console,
Mon Acropole !

Des fleurs de bonne volonté
 
lou

18/01/2007
23:34
Heine

Lu dans un numéro de la Quinzaine Littéraire datant de quelques semaines.
En février 1848, à Paris, Heinrich Heine très malade entre en clinique. L’idée de mourir en laissant seule sa femme Mathilde lui est insupportable. Il écrit les « Soucis babyloniens », en Allemand (traduction N. Taubes). Extraits :

« J’entends la mort… si je pouvais, j’irais
Ma douce te perdre en forêt,
Dans l’une de ces sapinières
Où gîtent les loups, les vautours,
Où grogne l’effrayante laie,
L’épouse du sanglier roux.

J’entends la mort… mais mieux vaudrait encore,
En haute mer, te laisser à bord,
Petite épouse abandonnée,
Quand le sauvage vent polaire
Bat les crêtes, quand des abysses
Où dorment ces monstres énormes,
Montent requins et crocodiles
Qui nagent la gueule ouverte
Crois-moi, petite femme, enfant, Mathilde,
Moins dangereux sont l’océan
En furie, les forêts hostiles,
Que notre séjour du moment !
Si cruels que soient loups, vautours,
Et ces requins, monstres marins :
Plus effrayants sont les grands fauves
De ce Paris, brillant phare du monde,
Du beau Paris qui chante et qui fait bal,
L’enfer des anges, paradis du diable, -
À l’idée de t’y laisser seule
Je deviens fou, je perds le sens !

Narquoises, tout autour du lit, bourdonnent
Des mouches noires. Sur le nez, sur le front
Vont se poser – fi, la funeste engeance !
Certaines ont humaine face
Avec des trompes d’éléphant,
Tel Ganesh, le Dieu d’Hindoustan, -
Dans mon cerveau, j’entends des bruits ;
Quelqu’un, je crois, y fait ses malles :
C’est ma raison qui déménage, hélas,
Dès avant moi désertant le logis. »

Pendant cette période, il déclare à une amie allemande « Ce qui m’étonne le plus, dans ce supplice, c’est mon énorme, mon indestructible soif de vivre. »
Il est mort en 1856.



 
Agnès

28/01/2007
17:06
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Très beau, ce poème de Heine, thanks, lou !

Et en hommage au Cueco inspiré de ce midi aux Papous,


Portrait

Il dort
Il est éveillé
Tout à coup, il peint
Il prend une église et peint avec une église
Il prend une vache et peint avec une vache
Avec une sardine
Avec des têtes, des mains, des couteaux
Il peint avec un nerf de boeuf
Il peint avec toutes les sales passions d’une petite ville juive
Avec toute la sexualité exacerbée de la province russe
Pour la France
Sans sensualité
Il peint avec ses cuisses
Il a les yeux au cul
Et c’est tout à coup votre portrait
C’est toi lecteur
C’est moi
C’est lui
C’est sa fiancée
C’est l’épicier du coin
La vachère
La sage-femme
Il y a des baquets de sang
On y lave les nouveau-nés
Des ciels de folie
Bouches de modernité
La tour en tire-bouchon
Des mains
Le Christ
Le Christ c’est lui
Il a passé son enfance sur la Croix
Il se suicide tous les jours
Tout à coup il ne peint plus
Il était éveillé
Il dort maintenant
Il s’étrangle avec sa cravate
Chagall est étonné de vivre encore

Blaise Cendrars, Dix-neuf poèmes élastiques, 1913.


 
A.

28/01/2007
17:09
Un autre

Atelier

La Ruche
Escaliers, portes, escaliers
Et sa porte s’ouvre comme un journal
Couverte de cartes de visite
Puis elle se ferme.
Désordre, on est en plein désordre
Des photographies de Léger, des photographies de Tobeen, qu’on ne voit pas
Et au dos
Au dos
Des oeuvres frénétiques
Esquisses, dessins, des oeuvres frénétiques
Et des tableaux...
Bouteilles vides
«Nous garantissons la pureté absolue de notre sauce tomate»
Dit une étiquette
La fenêtre est un almanach
Quand les grues gigantesques des éclairs vident les péniches du ciel à grand fracas et déversent des bannes de tonnerre
Il en tombe
Pêle-mêle
Des cosaques le Christ
Un soleil en décomposition
Des toits
Des somnambules des chèvres
Un lycanthrope
Pétrus Borel
La folie l’hiver
Un génie fendu comme une pêche
Lautréamont
Chagall
Pauvre gosse auprès de ma femme
Délectation morose
Les souliers sont éculés
Une vieille marmite pleine de chocolat
Une lampe qui se dédouble
Et mon ivresse quand je lui rends visite
Des bouteilles vides
Des bouteilles
Zina
(Nous avons parlé d’elle)
Chagall
Chagall
Dans les échelles de la lumière.

Blaise Cendrars, Dix-neuf poèmes élastiques, 1913.
 
Agnès

28/05/2007
22:28
Puisque Debussy appelle Verlaine

Ce magnifique poème, le premier des Fêtes Galantes

Clair de lune


Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.

Tout en chantant sur le mode mineur
L'amour vainqueur et la vie opportune
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,

Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d'extase les jets d'eau,
Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.


VERLAINE (Fêtes galantes)


 
dom

28/05/2007
22:49
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

je prefere verlaine au poeme elastique
coucou Agnes!
 
Agnès

28/05/2007
22:57
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Bonsoir Dom.
Tiens, un autre, du même recueil, mais moins mélancolique :

Cythère
Un pavillon à claires-voies
Abrite doucement nos joies
Qu'éventent des rosiers amis ;

L'odeur des roses, faible, grâce
Au vent léger d'été qui passe,
Se mêle aux parfums qu'elle a mis ;

Comme ses yeux l'avaient promis,
Son courage est grand et sa lèvre
Communique une exquise fièvre ;

Et l'Amour comblant tout, hormis
La faim, sorbets et confitures
Nous préservent des courbatures.

 
Agnès

28/05/2007
22:59
Et celui-ci encore, délectable

qu'Hugo avait qualifié de "bijou"...

Les coquillages

Chaque coquillage incrusté
Dans la grotte où nous nous aimâmes
A sa particularité.

L'un a la pourpre de nos âmes
Dérobée au sang de nos cœurs
Quand je brûle et que tu t'enflammes ;

Cet autre affecte tes langueurs
Et tes pâleurs alors que, lasse,
Tu m'en veux de mes yeux moqueurs ;

Celui-ci contrefait la grâce
De ton oreille, et celui-là
Ta nuque rose, courte et grasse ;

Mais un, entre autres, me troubla.


 
Zx

28/05/2007
23:14
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Je chante le corps électrique, Walt Whitman (très long, j'indique simplement le lien vers l'original qui en vaut la peine) :

http://www.bartleby.com/142/19.html
 
dom

28/05/2007
23:30
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

tu finiras par faire autre chose de moi qu'un barbare du fond des ages agnes
Et l'Amour comblant tout, hormis
La faim, sorbets et confitures
Nous préservent des courbatures.
je mangerais plus de confitures au dejeuner promis :-))))!

dommage ZX je ne maitrise pas suffisemant l'anglais pour comprendre l'integralité et les subtilités du texte, déja quen francais c'était pas mon truc, si ilfaut que je m'y mette en anglais....::)))))!
 
Zx

28/05/2007
23:46
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Je le taperais bien mais ce soir je n'ai pas trop le temps - arf, le flemmard .

Malheureusement, la poésie, pour moi, c'est surtout en Anglais :(
 
LRDB

29/05/2007
00:18
secours pour la subtilité du textre

Elo, pour une piqûre de rappel sur Whitman, le Une vie une oeuvre de Françoise Estèbe est toujours dispo à cette adresse, pour environ 3 mois je pense...
http://www.tv-radio.com/ondemand/france_culture/UNEVIE/UNEVI E20060924.ram


 
Zx

29/05/2007
00:30
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Merci ! Je l'avais enregistré celui-là, il en vaut la peine.
 
Agnès

01/07/2007
19:07
Suggeré par le contrepet honnete de Jacques Vallee

Magie très voyeuse
J'ai vu régner ma peine...

donnait à l'issue de l'historiette (Cosi fan tutte)

Ma vie très joyeuse
j'ai vu peigner ma reine. (Où passait le souvenir du poème qui suit, que j'aime beaucoup)


Elsa au miroir
par Louis Aragon

C'était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or je croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie
C'était au beau milieu de notre tragédie

Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit
C'était au beau milieu de notre tragédie
Qu'elle jouait un air de harpe sans y croire
Pendant tout ce long jour assise a son miroir

Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit
Qu'elle martyrisait à plaisir sa mémoire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
A ranimer les fleurs sans fin de l'incendie
Sans dire ce qu'un autre à sa place aurait dit

Elle martyrisait à plaisir sa mémoire
C'était au bon milieu de notre tragédie
Le monde ressemblait à ce miroir maudit
Le peigne partageait les feux de cette moire
Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire

C'était au beau milieu de notre tragédie
Comme dans la semaine est assis le jeudi

Et pendant un long jour assise à sa mémoire
Elle voyait au loin mourir dans son miroir

Un à un les acteurs de notre tragédie
Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit

Et vous savez leur noms sans que je leur aie dit
Et ce que signifient les flammes des longs soirs

Et ses cheveux dorés quand elle vint s'asseoir
Et peigner sans rien dire un reflet d'incendie

Aragon - La Diane Française (1945)



 
Agnès

04/09/2007
21:07
puisque Marcel Aymé, tiens

une très jolie chanson, mise en musique par Guy Béart

Une blonde malabar les yeux durs
J'peux pas mieux dire la découpure
En plus de son accent chabraque
Qu'avait Marika la Polaque
Elle logeait rue du Pont-aux-choux
Sous les toits avec un chien-loup
Qui lui avait léché les mains
Un soir dans la rue Porte-foin

Refrain
La Chabraque, La Chabraque
Qu'avait d'la défense et d'l'attaque
La Chabraque, la Chabraque,
Qu'avait un chien fou, un chien loup

Des années elle est restée sage
Elle supportait pas l'badinage
Ni des paumés ni des richards
J'l'ai vue sonner à coup d'riflard
Un grossium du Carreau du Temple
Qu'en pinçait pour ses vingt printemp...les
Et puis au square elle s'est toquée
D'un minable qui la r'luquait

La Chabraque, La Chabraque
Qu'avait d'la défense et d'l'attaque
La Chabraque, la Chabraque,
Qu'avait un chien fou, un chien loup

Il est venu rue du Pont-aux-choux
Ça pouvait pas plaire au chien-loup
Tout de suite il a montré les dents
Mais quand il a vu l'soupirant
Serre contre lui la Chabraque
Il lui a sauté au colbaque
Tellement la bête a mordu fort
V'là le minable saigné à mort

La Chabraque, La Chabraque
Qu'avait d'la défense et d'l'attaque
La Chabraque, la Chabraque,
Qu'avait un chien fou, un chien loup

Les hirondelles qui pédalaient
Le long du Boulevard Beaumarchais
Sur le coup d'trois heures du matin
Ont croisé une fille et un chien
Une grande blonde qu'avait l'air pressé
Le chien la suivait tête baissée
Dans la brume ils se sont perdus
Et la Chabraque, on l'a plus r'vue

La Chabraque, La Chabraque
Qu'avait d'la défense et d'l'attaque
La Chabraque, la Chabraque,
Qu'avait un chien fou, un chien loup...


 
AArgh !!!

05/09/2007
09:53
ça m'a traversé l'esprit, tout d'un coup

il s'avère que je radote .... J'avais déjà mis ce texte sur PSP il y a deux ans... Et wanda, un lien, que voici, avec un extrait chanté par Pia Colombo (une merveille)
http://www.virginmega.fr/Musique/Fiches/Titre.aspx?Product_I d=100313917

 
Mon nom est personne

05/09/2007
16:58
Alberto Caeiro écrit :

- Hola gardeur de troupeau,
sur le bas-côté de la route,
que te dit le vent qui passe ?

- Qu'il est le vent et qu'il passe
Et qu'il est déjà passé,
et qu'il passera encore;
Et toi, que et dit-il ?

- Il me dit bien davantage.
De mainte autre chose il me parle,
de souvenirs et de regrets
Et d'autres qui jamais ne furent.

- Tu n'as jamais ouï passer le vent,
Le vent ne parle que du vent
Ce que tu lui as entendu dire était mensonge
Et le mensonge était en toi
 
A.

05/09/2007
18:46
re : Hommage à Poésie sur parole (II)


La femme du vent

Paroles et Musique: Anne Sylvestre 1962


Maman, le vent me fait la cour
Le vent me trousse et m'éparpille
Le vent me souffle des discours
- Pardi c'est ennuyeux ma fille
Ça l'est bien plus encor Maman
Car le grand vent est mon amant

{Refrain:}
Fille folle amante du vent
Boucle ton corset
Baisse bien la tête
Méfie-toi qui aime le vent
Engendre la tempête
Engendre la tempête.

Maman le vent partout me suit
Le vent me presse et me bouscule
Il pousse mes volets la nuit
- Pardi tu seras ridicule
De quoi ma fille a-t-on bien l'air
En accouchant d'un courant d'air

{Refrain}

Maman le vent m'aime si fort
Que je dois ouvrir les fenêtres
Il ne veut plus coucher dehors
Et je crois qu'un enfant va naître
- Fille je m'en irai avant
D'être la grand-mère du vent

{Refrain}

Maman mon fils est né ce soir
J'en suis restée toute meurtrie
N'ai pas eu le temps de le voir
Il m'a laissé à ma folie
Et le voici parti Maman
Aux trousses de son père le vent

Mes amours ne sont que du vent
Est-ce aussi le vent que j'ai dans la tête
Puisque tu me fuis mon enfant
Je suivrai la tempête
Je suivrai la tempête.

 
Agnès

11/11/2007
18:03
Louise de Vilmorin (évoquée aux Papous)

Un tonnelier sévère

Un tonnelier sévère
Qui mon amant devint
Par l'automne s'en vint
De Paris à Tonnerre
Car son coeur est devin.

Mon coeur n'a pas d'automne,
J'avais un autre amant
Caché dans une tonne
Que nul ne s'en étonne
Comment faire autrement ?

En entrant dans la pièce,
Mon amant tonnelier
Voulut me mettre en pièce
Puis en tonnant : " Qui est-ce ? "
Il s'en fut au cellier.

Là, couché dans sa tonne,
Ô lit de ses revers,
Mon innocent entonne
Quelques vers où l'eau tonne
Quand les bois sont d'hiver.

Mon tonnelier sévère,
À mis, à midi vingt,
L'ami, l'ami divin
Vent d'ange dans sa bière
Et je l'appelle en vain.

Et celui-ci, autrefois adapté sous forme de chanson par Guy Béart :

Plus jamais de chambre pour nous,
Ni de baisers à perdre haleine
Et plus jamais de rendez-vous
Ni de saison, d'une heure à peine,
Où reposer à tes genoux.

Pourquoi le temps des souvenirs
Doit-il me causer tant de peine
Et pourquoi le temps du plaisir
M'apporte-t-il si lourdes chaînes
Que je ne puis les soutenir ?

Rivage, oh ! rivage où j'aimais
Aborder le bleu de ton ombre
Rives de novembre ou de mai
Où l'amour faisait sa pénombre
Je ne vous verrai plus jamais.

Plus jamais. C'est dit, c'est fini
Plus de pas unis, plus de nombre,
Plus de toit secret, plus de nid,
Plus de lèvres où fleurit et sombre
L'instant que l'amour a béni.

Quelle est cette nuit dans le jour ?
Quel est dans le bruit ce silence ?
Mon jour est parti pour toujours,
Ma voix ne charme que l'absence,
Tu ne me diras pas bonjour.

Tu ne me diras pas, me voyant,
Que j'illustre les différences,
Tu ne diras pas, le croyant,
Que je suis ta bonne croyance
Et que mon coeur est clairvoyant.

Mon temps ne fut qu'une saison.
Adieu saison vite passée.
Ma langueur et ma déraison
Entre mes mains sont bien placées
Comme l'amour en sa maison.

Adieu plaisirs de ces matins
Où l'heure aux heures enlacée
Veillait un feu jamais éteint.
Adieu. Je ne suis pas lassée
De ce que je n'ai pas atteint.









 
w

11/11/2007
20:31
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

smileyjesèmàtouvents + smileyarrozezoir +
 
pascale

19/11/2007
14:34
Poésie inactuelle

Tout s'en va.

LA RAISON

Moi, je me sauve.

LE DROIT

Adieu ! je m'en vais.

L'HONNEUR

Je m'exile.

ALCESTE

Je vais chez les hurons leur demander asile.

LA CHANSON

J'émigre. Je ne puis souffler mot, s'il vous plaît,
Dire un refrain sans être empoignée ait collet
Par les sergents de ville, affreux drôles livides.

UNE PLUME

Personne n'écrit plus ; les encriers sont vides.
On dirait d'un pays mogol, russe ou persan.
Nous n'avons plus ici que faire ; allons-nous-en,
Mes soeurs, je quitte l'homme et je retourne aux oies.

LA PITIÉ
Je pars. Vainqueurs sanglants, je vous laisse à vos joies.
Je vole vers Cayenne où j'entends de grands cris.

LA MARSEILLAISE

J'ouvre mon aile, et vais rejoindre les proscrits.

LA POÉSIE

Oh ! je pars avec toi, pitié, puisque tu saignes !

L'AIGLE

Quel est ce perroquet qu'on met sur vos enseignes,
Français ? de quel égout sort cette bête-là ?
Aigle selon Cartouche et selon Loyola,
Il a du sang au bec, français ; mais c'est le vôtre.
Je regagne les monts. Je ne vais qu'avec l'autre.
Les rois à ce félon peuvent dire : merci ;
Moi, je ne connais pas ce Bonaparte-ci !
Sénateurs ! courtisans ! je rentre aux solitudes !
Vivez dans le cloaque et dans les turpitudes,
Soyez vils, vautrez-vous sous les cieux rayonnants !

LA FOUDRE

Je remonte avec l'aigle aux nuages tonnants.
L'heure ne peut tarder. Je vais attendre un ordre.

UNE LIME

Puisqu'il n'est plus permis qu'aux vipères de mordre,
Je pars, je vais couper les fers dans les pontons.

LES CHIENS

Nous sommes remplacés par les préfets ; partons.

LA CONCORDE

Je m'éloigne. La haine est dans les coeurs sinistres.

LA PENSÉE

On n'échappe aux fripons que pour choir dans les cuistres.
Il semble que tout meure et que de grands ciseaux
Vont jusque dans les cieux couper l'aile aux oiseaux.
Toute clarté s'éteint sous cet homme funeste.
Ô France ! je m'enfuis et je pleure.

LE MÉPRIS
Je reste.

Victor Hugo, les Châtiments
Novembre 1852.

 
Agnès

19/11/2007
19:31
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

Oh MERCI Pascale ! J'avais oublié ce texte...
Alas....

 
pascale

19/11/2007
19:59
re : Hommage à Poésie sur parole (II)


 
benier

20/12/2007
21:36
re : Hommage à Poésie sur parole (II)

avez vous écouté poesie sur parole les 20 ans- le 16 décembre - Velter y parle "d'antenne passablement brouillée "et annonce son départ...
 
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