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Agnès 01/01/2006 15:35 |
Hommage à Poésie sur parole (II) |
Ue bonne manière de commencer l'année, en rouvrant un fil poésie pour soulager l'autre, http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=94 62&debut=0&page=1 et avec un poème parfaitement réjouissant, à l'image de ce que le ciel de ce premier de l'an offre par la fenêtre... Spleen Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis, Et que de l'horizon embrassant tout le cercle Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ; Quand la terre est changée en un cachot humide, Où l'Espérance, comme une chauve-souris, S'en va battant les murs de son aile timide Et se cognant la tête à des plafonds pourris ; Quand la pluie étalant ses immenses traînées D'une vaste prison imite les barreaux, Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux, Des cloches tout à coup sautent avec furie Et lancent vers le ciel un affreux hurlement, Ainsi que des esprits errants et sans patrie Qui se mettent à geindre opiniâtrement. - Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir, Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique, Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. ![]() ![]() Charles Baudelaire - Les fleurs du mal - Spleen et idéal ![]() |
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Agnès 10/01/2006 09:09 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Un petit poème pour entrer dans la journée en entrant dans la vie! Complainte du fœtus de poète Blasé dis-je! En avant, Déchirer la nuit gluante des racines, À travers maman, amour tout d’albumine, Vers le plus clair! vers l'alme et riche étamine D'un soleil levant ! - Chacun son tour, il est temps je m’émancipe, Irradiant des Limbes mon inédit type! En avant! Sauvé des steppes du mucus, à la nage Téter soleil et soûl de lait d'or, bavant, Dodo à les seins dorloteurs des nuages, Voyageurs savants! - À rêve que veux-tu, là-bas, je vivrai dupe D’une âme en coup de vent dans la fraîcheur des jupes! En avant! Dodo sur le lait caillé des bons nuages Dans la main de Dieu, bleue, aux mille yeux vivants Aux pays du vin viril faire naufrage! Courage, Là, là, je me dégage… - Et je communierai, le front vers l'orient, Sous les espèces des baisers inconscients! En avant! Cogne, glas des nuits! filtre, soleil solide! Adieu, forêts d'aquarium qui, me couvant, Avez mis ce levain dans ma chrysalide! Mais j'ai froid? En avant! Ah! maman.... Vous, Madame, allaitez le plus longtemps possible Et du plus Seul de vous ce pauvre enfant-terrible. Jules Laforgue – Les Complaintes – 1885 ![]() ![]() |
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w 10/01/2006 09:37 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Hum hum, après un petit tour dans nos sarcophages, un Boby Lapointe fort courru mais dont je ne me lasse pas. La maman des poissons Si l'on ne voit pas pleurer les poissons Qui sont dans l'eau profonde, C'est que jamais quand ils sont polissons Leur maman ne les gronde. Quand ils s'oublient à faire pipi au lit Ou bien sur leurs chaussettes, Ou à cracher comme des pas polis Elle reste muette. La maman des poissons, elle est bien gentille ! Ell' ne leur fait jamais la vie Ne leur fait jamais de tartines, Ils mangent quand ils ont envie Et quand ca a dîné, ca r'dine. S'ils veulent prendre un petit ver Elle les approuve de deux ouïes, Leur montrant comment sans ennuis On les décroch' de leur patère. S'ils veulent être maquereaux C'est pas elle qui les empêche, De s'faire des raies bleues sur le dos Dans un bac de peinture fraîche. J'en connais un qui s'est marié À une grande raie publique, Il dit quand elle lui fait la nique "Ah, qu'est ce que tu me fais, ma raie !" La maman des poissons elle a l'oeil tout rond On ne la voit jamais froncer les sourcils Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille, Et moi je l'aime bien avec du citron. La maman, des poissons, elle est bien gentille ![]() |
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Clopine 10/01/2006 12:16 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Si vous voulez bien, dans la famille poésie je prends le fils, Apollinaire : Nuit Rhénane Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme Écoutez la chanson lente d'un batelier Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds Debout chantez plus haut en dansant une ronde Que je n'entende plus le chant du batelier Et mettez près de moi toutes les filles blondes Au regard immobile aux nattes repliées Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter La voix chante toujours à en râle-mourir Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire (ça me fait le même effet qu'un air de clarinette Klezmer, un drôle d'éclat de rire, en effet !) Clopine p^s : au fait je cherche le texte du poème "la demeure entourée", quelqu'un l'a ? |
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shhh 10/01/2006 13:51 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
La demeure entourée Le corps de la montagne hésite à ma fenêtre : " Comment peut-on entrer si l'on est la montagne, Si l'on est en hauteur, avec roches, cailloux, Un morceau de la Terre, altéré par le Ciel ? " Le feuillage des bois entoure ma maison : " Les bois ont-ils leur mot à dire là-dedans ? Notre monde branchu, notre monde feuillu Que peut-il dans la chambre où siège ce lit blanc, Près de ce chandelier qui brûle par le haut, Et devant cette fleur qui trempe dans un verre ? Que peut-il pour cet homme et son bras replié, Cette main écrivant entre ces quatre murs ? Prenons avis de nos racines délicates, Il ne nous a pas vus, il cherche au fond de lui Des arbres différents qui comprennent sa langue. " Et la rivière dit : " Je ne veux rien savoir, Je coule pour moi seule et j'ignore les hommes. Je ne suis jamais là où l'on croit me trouve Et vais me devançant, crainte de m'attarder. Tant pis pour ces gens-là qui s'en vont sur leurs jambes. Ils partent, et toujours reviennent sur leurs pas. " Mais l'étoile se dit : " Je tremble au bout d'un fil, Si nul ne pense à moi je cesse d'exister. " Supervielle |
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Clopine 10/01/2006 17:32 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
aaaaah merci, shhh, j'avais perdu le sublime "prenons avis de nos racines délicates !" je passais directement à la rivière : "Je ne veux rien savoir Je coule pour moi seule et j'ignore les hommes Je ne suis jamais là où l'on croit me trouver Et vais me devançant, crainte de m'attarder" bon sang j'aime tout ! Clopine |
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Clopine trouillefou 11/01/2006 16:56 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Voici un poème, une chanson en fait, que je porte depuis pas mal de temps, mais je ne garantis malheureusement pas l'intégrité de tous les mots. J'ai entendu cette chanson une seule fois, l'ai tout de suite mémorisée et fredonnée bien des fois depuis, mais j'espère ne pas l'avoir inconsciemment modififée ! "Chanson d’amours et de tendres colombes Le roi en était fou Il fit venir à deux-trois jours de sa tombe Son dernier valet doux et il lui dit « chante la paloma belle et cruelle Puisque tu sais chanter chante l’amour et la violence triste Chante pour moi, veux-tu » Le chanteur ne dit rien mais il chante Il chante avec son cœur Et sa voix déchirait le silence chantant avec candeur « Oh c’est curieux », dit le roi, « il me semble Lorsque j’entends ta voix Que pleure un moi-même à l’intérieur de moi-même Qui est meilleur que moi Il vaut mieux être le chanteur, je pense, Que le roi », dit le roi « Qui peut dire ça », dit le chanteur, « moi je pense Que chacun a sa vie pour soi Que pour le roi que vous êtes ou pour moi-même Ah chanter c’est tenir Pour celui-ci aussi ou pour tel autre enfin mourir c’est mourir » Chanson d’amours, je ne suis pas la plus belle, non mais je sais chanter Des chansons infiniment naturelles Toujours renouvelées Et le cœur fou pendant que le corps est sage Je m’en vais chantant la paloma belle et cruelle et les tendres colombes Annkrist" D'un autre côté, peut-êre quelqu'un ici possède les paroles originales et est susceptible de me corriger si ma mémoire a failli ? Clopine T |
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Agnès 20/01/2006 14:33 |
Puisqu'on est dans les injures.... |
Pour continuer dans la veine ouverte par les "chemins de la connaissance", voici un petit extrait de l'Iliade, chant I, dans la traduction hérissée d'archaïsmes qu'en a proposée Leconte de Lisle. "Et le Péléide, débordant de colère, interpella l'Atréide avec d'âpres paroles : - Outre gonflée de vin, oeil de chien, coeur de cerf ! jamais tu n'as osé, dans ton âme, t'armer pour le combat avec les hommes, ni tendre des embuscades avec les princes des Akhaiens. Cela t'épouvanterait comme la mort elle-même. Certes, il est beaucoup plus aisé, dans la vaste armée Akhaienne, d'enlever la part de celui qui te contredit, Roi qui manges ton peuple, parce que tu comnandes à des hommes vils. S'il n'en était pas ainsi, Atréide, cette insolence serait la dernière. Mais je te le dis, et j'en jure un grand serment : par ce sceptre qui ne produit ni feuilles, ni rameaux, et qui ne reverdira plus, depuis qu'il a été tranché du tronc sur les montagnes et que l'airain l'a dépouillé de feuilles et d'écorce ; et par le sceptre que les fils des Akhaiens portent aux mains quand ils jugent et gardent les lois au nom de Zeus, je te le jure par un grand serment : certes, bientôt le regret d'Akhilleus envahira tous les fils des Akhaiens, et tu gémiras de ne pouvoir les défendre, quand ils tomberont en foule sous le tueur d'hommes Hektôr ; et tu seras irrité et déchiré au fond de ton âme d'avoir outragé le plus brave des Akhaiens. Ainsi parla le Péléide, et il jeta contre terre le sceptre aux clous d'or, et il s'assit". NB : Le Péléide (fils de Pélée) est Achille, et celui que nous nommons plus sobrement l'Atride (descendant d'Atrée) est Agamemnon. ![]() |
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pascale 20/01/2006 21:12 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Une pensée pour Jacques Roubaud, qui a traduit les poètes occitans : "Quand je vois l'alouette bouger de joie ses ailes contre un rayon s'évanouir se laisser tomber de la douceur qui au coeur lui va ah ! tant grande envie m'en vient de ceux que je vois joyeux que je m'étonne qu'aussitôt le coeur de désir ne me fonde Hélas je croyais tant savoir d'amour et j'en sais si peu je ne peux me retenir d'aimer celle dont je n'aurai jamais rien elle m'a pris mon coeur et moi elle-même et le monde entier et si elle me prive je n'ai rien que désir et coeur envieux Je n'ai plus eu sur moi pouvoir ni ne fus mien dès le moment qu'elle me laissa en ses yeux voir en un miroir qui me plaît tant miroir depuis que j'ai vu en toi m'ont tué les soupirs profonds et je me perds comme se perdit le beau Narcisse à la fontaine" Bernard de Ventadour |
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dom 20/01/2006 21:31 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
a Agnes, entre autre et aux autres bien sur! L’Archi-Sot, echo satyrique (1). omne regnum in se divisum desolabitur QUATRAIN. Pouvres sots, pourquoy laissez-vous Un prince quy par trop vous aime? RESPONCE. Ne sçavez-vous pas que les fous Ne se cognoissent pas eux-mesme ? MDCV. in-8. http://www.textesrares.com/poesie/b7_37.htm le site est assez inrerressant, mais moi la poésie, pas trop mon truc a part, la satyre et les insultes fort bien tournées |
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dom 20/01/2006 21:42 |
additif |
mais moi la poésie, pas trop mon truc , mais surtout ne vous arrétez pas j'aime bien comme je l'ai déja dit, vous lire |
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Agnès 20/01/2006 21:46 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Merci, Dom, intéressant ce site. Mais pour tourner les pages des ouvrages, quelle vérole! ![]() |
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dom 20/01/2006 21:56 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
haem! la souris, chose que tu manipules (et qui s'encrasse), a une molette, elle te permet de faire defiler a ton bon vouloir les fichiers txt ou html! lol |
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Agnès 22/01/2006 23:13 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Pour conclure la semaine : La ronde des jurons Voici la ron- de des jurons Qui chantaient clair, qui dansaient rond Quand les Gaulois De bon aloi Du franc-parler suivaient la loi Jurant par-là Jurant par-ci Jurant à langue raccourcie Comme des grains de chapelet Les joyeux jurons défilaient Tous les morbleus, tous les ventrebleus Les sacrebleus et les cornegidouilles Ainsi, parbleu, que les jarnibleus Et les palsambleus Tous les cristis, les ventres saint-gris Les par ma barbe et les noms d'une pipe Ainsi, pardi, que les sapristis Et les sacristis Sans oublier les jarnicotons Les scrogneugneus et les bigr's et les bougr's Les saperlottes, les cré nom de nom Les pestes, et pouah, diantre, fichtre et foutre Tous les Bon Dieu Tous les vertudieux Tonnerr' de Brest et saperlipopette Ainsi, pardieu, que les jarnidieux Et les pasquedieux Quelle pitié Les charretiers Ont un langage châtié Les harengères Et les mégères Ne parlent plus à la légère Le vieux catéchisme poissard N'a guèr' plus cours chez les hussards Ils ont vécu, de profundis Les joyeux jurons de jadis Tous les morbleus, tous les ventrebleus Les sacrebleus et les cornegidouilles Ainsi, parbleu, que les jarnibleus Et les palsambleus Tous les cristis, les ventres saint-gris Les par ma barbe et les noms d'une pipe Ainsi, pardi, que les sapristis Et les sacristis Sans oublier les jarnicotons Les scrogneugneus et les bigr's et les bougr's Les saperlottes, les cré nom de nom Les pestes, et pouah, diantre, fichtre et foutre Tous les Bon Dieu Tous les vertudieux Tonnerr' de Brest et saperlipopette Ainsi, pardieu, que les jarnidieux Et les pasquedieux… Brassens ![]() |
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louise 22/01/2006 23:25 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Mais Nom de dieu, c'est bien sûr, il fallait y penser ! |
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Agnès 24/01/2006 17:33 |
On change de style... |
La suggestion de Clopine à la devinette de Laurent m'amène à citer ce célébrissime - et douceâtre, me semble-t-il - sonnet. Après, j'ai un Catulle injurieux aux petits oignons qui nous ramènera dans un domaine moins éthéré. Félix Arvers (1806-1850) Sonnet Mon âme a son secret, ma vie a son mystère: Un amour éternel en un moment conçu. Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire, Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su. Hélas! j'aurai passé près d'elle inaperçu, Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire, Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre, N'osant rien demander et n'ayant rien reçu. Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre, Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre Ce murmure d'amour élevé sur ses pas; A l'austère devoir pieusement fidèle, Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle: "Quelle est donc cette femme?" et ne comprendra pas. ![]() ![]() ![]() |
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Agnès 24/01/2006 21:16 |
Une petite grivoiserie, |
pour nous remettre de la guimauve, et le temps que je tape les invectives promises. c'est Catulle, naturlich, carmen XXXII : AMABO, mea dulcis Ipsitilla, meae deliciae, mei lepores, iube ad te ueniam meridiatum. et si iusseris, illud adiuuato, ne quis liminis obseret tabellam, neu tibi lubeat foras abire, sed domi maneas paresque nobis nouem continuas fututiones. uerum si quid ages, statim iubeto: nam pransus iaceo et satur supinus pertundo tunicamque palliumque. De grâce, Ipsithilla, ma douce, mes délices, Invite-moi chez toi pour cet après-midi. Mais à cela, veuille ajouter une faveur : A ta porte d’entrée Ne mets point de verrou, ne va pas davantage ![]() T’aviser de sortir, prépare-toi plutôt A recevoir de moi neuf assauts répétés. Or donc, si tu acceptes Invite-moi sans plus tarder, sans plus attendre ; Car après déjeuner me voici sur le dos, Repu, et je transperce et tunique et manteau. ![]() ![]() ![]() ![]() |
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A 24/01/2006 21:17 |
NB |
traduction Pierre Feuga. ![]() |
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w 25/01/2006 14:13 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Merci Agnès ! |
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Agnès 25/01/2006 19:39 |
Encore un petite louche du meme |
Et voici les invectives promises hier, traduites par Olivier Sers dans son récent Catulle, cf fil Liseron http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=21 035&debut=0&page=1 : Sa Lesbia, qu'il a aimée au point d'en inventer un sentiment nouveau http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=14 034&debut=0&page=1, a dû le tromper. En tout cas, le torchon brûle. Et elle refuse de lui rendre ses carnets (et les poèmes qu'il lui a adressés). Ce qui donne ce torrent d'invectives que, notez bien, il ne lui adresse pas lui-même : il demande à ses vers, les hendécasyllabes impairs hérités de Sappho, devenus "chiens de chasse", de le faire. (notez au passage qu'il l'appelle "catulus", petit chien, lui qui est CatuLLus…). Un coup, aujourd'hui, à se faire honnir par les chiennes de garde! ADESTE, hendecasyllabi, quot estis omnes undique, quotquot estis omnes. iocum me putat esse moecha turpis, et negat mihi nostra reddituram pugillaria, si pati potestis. persequamur eam et reflagitemus. quae sit, quaeritis? illa, quam uidetis turpe incedere, mimice ac moleste ridentem catuli ore Gallicani. circumsistite eam, et reflagitate, 'moecha putida, redde codicillos, redde putida moecha, codicillos!' non assis facis? o lutum, lupanar, aut si perditius potes quid esse. sed non est tamen hoc satis putandum. quod si non aliud potest ruborem ferreo canis exprimamus ore. conclamate iterum altiore uoce. 'moecha putida, redde codicillos, redde, putida moecha, codicillos!' sed nil proficimus, nihil mouetur. mutanda est ratio modusque uobis, siquid proficere amplius potestis: 'pudica et proba, redde codicillos.' Ici, à moi, les hendécasyllabes! Tous ici, de partout, tous autant que vous êtes! Une obscène putain qui m'a pris pour pantin, Prétend ne pas me rendre vos feuillets Pour voir si vous allez vous laisser dépouiller! Courons-lui sus et crions-lui après : Vous demandez qui c'est? Cette orde tapineuse Qui braille à grand fracas d'un rire de théâtre Tout comme un chien gaulois ouvrant sa large gueule ! Faites la ronde autour et criez-lui après : "Sale putain, rends les carnets, Rends les carnets, salope de putain !" Elle s'en fiche? Ô gadoue, lupanar, Ô plus infect s'il se pouvait ! À croire qu'on n'a pas crié assez ! Faisons plus, puisqu'il faut, pour que s'empourpre enfin Cette face blindée, ce dur mufle de chien, Et crions derechef, hurlons toujours plus fort : "Sale putain, rends les carnets, Rends les carnets, salope de putain !" On perd son temps, elle ne bronche pas. Il va falloir changer de style et de méthode, Essayons pour voir si ça marchera mieux : "Rendez-nous les carnets, ô femme chaste et pure!" ![]() |
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Agnès 26/01/2006 21:57 |
Petite synthèse, sans les titres |
• Les poètes sur le fil poésie de DDFC Baudelaire, Laforgue, Bobby Lapointe, Supervielle, Ventadour traduit par Roubaud, Infélix Arvers, Apollinaire, Hugo, Verlaine, Queneau, Max Jacob, Benjamin Fondane, Mallarmé, Renée Vivien, André Frédérique, Jaccottet, Guillevic, Martial, Marc Papillon de Lasphryse, Ponge, Allais, Cendrars, Lucien Jacques, Seghers, Forneret, Michaux, Obaldia chanté par Beaucarne, Desbordes- Valmore, Du Bellay, Bensérade, De Pisan, Virgile, Catulle, Lucrèce, Juvénal. Jolie Brochette! ![]() |
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Agnès 30/01/2006 11:45 |
Encore Cendrars |
Texte cité par sa fille Myriam en ouverture de la bio qu'elle lui a consacrée: Blaise Cendrars. Au cœur du monde Le ventre de ma mère C'est mon premier domicile Il était tout arrondi Bien souvent je m'imagine Ce que je pouvais bien être.... Les pieds sur ton cœur maman Les genoux tout contre ton foie Les mains crispées au canal Qui aboutissait à ton ventre Le dos tordu en spirale Les oreilles pleines les yeux vides Tout recroquevillé tendu La tête presque hors de ton corps Mon crâne à ton orifice Je jouis de ta santé De la chaleur de ton sang Des étreintes de papa Bien souvent un feu hybride Électrisait mes ténèbres Un choc au dessus du crâne me détendait Et je ruais sur ton coeur Le grand muscle de ton vagin Se resserrait alors rudement Je me laissais douloureusement faire Et tu m'inondais de ton sang Mon front est encore bosselé De ces bourrades de mon père Pourquoi faut-il se laisser faire Ainsi à moitié étranglé Si j'avais pu ouvrir la bouche Je t'aurais mordu Si j'avais déjà pu parler J'aurais dit : Merde, je ne veux pas vivre ! ![]() |
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Agnès 24/02/2006 19:46 |
Classique, et non moins delectable |
La poésie se laisse distancer sur notre forum favori, par les temps qui courent. Alors un joli La Fontaine, pour les amateurs : La perte d'un époux ne va point sans soupirs. On fait beaucoup de bruit, et puis on se console. Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole ; Le Temps ramène les plaisirs. Entre la Veuve d'une année Et la veuve d'une journée La différence est grande : on ne croirait jamais Que ce fût la même personne. L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits. Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne ; C'est toujours même note et pareil entretien : On dit qu'on est inconsolable ; On le dit, mais il n'en est rien, Comme on verra par cette Fable, Ou plutôt par la vérité. L'Epoux d'une jeune beauté Partait pour l'autre monde. A ses côtés sa femme Lui criait : Attends-moi, je te suis ; et mon âme, Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler. Le Mari fait seul le voyage. La Belle avait un père, homme prudent et sage : Il laissa le torrent couler. A la fin, pour la consoler, "Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes : Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ? Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts. Je ne dis pas que tout à l'heure Une condition meilleure Change en des noces ces transports ; Mais, après certain temps, souffrez qu'on vous propose Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose Que le défunt.- Ah ! dit-elle aussitôt, Un Cloître est l'époux qu'il me faut!" Le père lui laissa digérer sa disgrâce. Un mois de la sorte se passe. L'autre mois on l'emploie à changer tous les jours Quelque chose à l'habit, au linge, à la coiffure. Le deuil enfin sert de parure, En attendant d'autres atours. Toute la bande des Amours Revient au colombier : les jeux, les ris, la danse, Ont aussi leur tour à la fin. On se plonge soir et matin Dans la fontaine de Jouvence. Le Père ne craint plus ce défunt tant chéri ; Mais comme il ne parlait de rien à notre Belle : "Où donc est le jeune mari Que vous m'avez promis ?" dit-elle. ![]() Fables , livre VI. ![]() |
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yeti 26/02/2006 13:41 |
Partisan Review 1935 |
Et ma peau, adhérant au goudron bouillonnant, tomba par plaques. Et le duvet et les plumes blanches se piquèrent dans ma chair à vif, et je gémis de douleur. Alors mon sang fut miraculeusement rafraîchi, rafraîchi par un baptême d'essence. Et dans un brasier rouge je m'élançai jusqu'au ciel, tandis qu'une douleur montait en moi, comme un flot, macérant mes membres. Haletant, demandant grâce, je m'accrochai comme un enfant, je m'accrochai aux flancs ardents de la mort. Maintenant je ne suis qu'ossements désséchés, mon visage un crâne de pierre qui fixe le soleil dans sa surprise jaune. Richard WRIGHT |
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shhh 26/02/2006 13:44 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Ouais, j'ai aussi les dimanches dépressifs. |
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pascale 26/02/2006 20:00 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Pour une fin de dimanche moins dépressive ? Qu'il repose en révolte Dans le noir, dans le soir sera sa mémoire dans ce qui souffre, dans ce qui suinte dans ce qui cherche et ne trouve pas dans le chaland de débarquement qui crève sur la grève dans le départ sifflant de la balle traceuse dans l'île de soufre sera sa mémoire. Dans celui qui a sa fièvre en soi, à qui n'importent les murs dans celui qui s'élance et n'a de tête que contre les murs dans le larron non repentant dans le faible à jamais récalcitrant dans le porche éventré sera sa mémoire. Dans la route qui obsède dans le coeur qui cherche sa plage dans l'amant que son corps fuit dans le voyageur que l'espace ronge. Dans le tunnel dans le tourment tournant sur lui-même dans celui qui ose froisser les cimetières. Dans l'orbite enflammée des astres qui se heurtent en éclatant dans le vaisseau fantôme, dans la fiancée flétrie dans la chanson crépusculaire sera sa mémoire. Dans la présence de la mer dans la distance du juge dans la cécité dans la tasse à poison. Dans le capitaine des sept mers dans l'âme de celui qui lave la dague dans l'orgue en roseau qui pleure pour tout un peuple dans le jour du crachat sur l'offrande. Dans le fruit d'hiver dans le poumon des batailles qui reprennent dans le fou dans la chaloupe. Dans les bras tordus des désirs à jamais inassouvis sera sa mémoire. - Henri Michaux (La Vie dans les plis) |
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shhh 26/02/2006 20:18 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Merci, merci. M'en fiche il me reste de la bière au frigo. Pouvez y aller. |
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Laurent Nadot 26/02/2006 20:25 |
PSP = Pelforths sans pickles ? |
Euh, suis tombé par hasard staprème sur PSP. Juste au beau milieu d'une lecture d'extraits, à 2 voies, avec fond musical. Vers 17h50 disons... http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/ poesie/index.php?emission_id=1 Mes félicitations pour l'ambiance radio. Très belle, très réussie, très dépaysante, très "paradigme FC". LN |
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Agnès 13/03/2006 15:25 |
Reveillons le forum rose |
Piqué sur le forum bleu Federico Garcia Lorca, cité par Clopine et Wanda : La casada infiel Y que yo me la llevé al río creyendo que era mozuela, pero tenía marido. Fue la noche de Santiago y casi por compromiso. Se apagaron los faroles y se encendieron los grillos. En las últimas esquinas toqué sus pechos dormidos, y se me abrieron de pronto como ramos de jacintos. El almidón de su enagua me sonaba en el oído, como una pieza de seda rasgada por diez cuchillos. Sin luz de plata en sus copas los árboles han crecido, y un horizonte de perros ladra muy lejos del río. Pasadas las zarzamoras, los juncos y los espinos, bajo su mata de pelo hice un hoyo sobre el limo. Yo me quité la corbata. Ella se quitó el vestido. Yo el cinturón con revólver. Ella sus cuatro corpiños. Ni nardos ni caracolas tienen el cutis tan fino, ni los cristales con luna relumbran con ese brillo. Sus muslos se me escapaban como peces sorprendidos, la mitad llenos de lumbre, la mitad llenos de frío. Aquella noche corrí el mejor de los caminos, montado en potra de nácar sin bridas y sin estribos. No quiero decir, por hombre, las cosas que ella me dijo. La luz del entendimiento me hace ser muy comedido. Sucia de besos y arena yo me la llevé del río. Con el aire se batían las espadas de los lirios. Me porté como quien soy. Como un gitano legítimo. Le regalé un costurero grande de raso pajizo, y no quise enamorarme porque teniendo marido me dijo que era mozuela cuando la llevaba al río. Je la pris près de la rivière Car je la croyais sans mari Tandis qu'elle était adultère Ce fut la Saint-Jacques la nuit Par rendez-vous et compromis Quand s'éteignirent les lumières Et s'allumèrent les cri-cri Au coin des dernières enceintes Je touchai ses seins endormis Sa poitrine pour moi s'ouvrit Comme des branches de jacinthes Et dans mes oreilles l'empois De ses jupes amidonnées Crissait comme soie arrachée Par douze couteaux à la fois Les cimes d'arbres sans lumière Grandissaient au bord du chemin Et tout un horizon de chiens Aboyait loin de la rivière Quand nous avons franchi les ronces Les épines et les ajoncs Sous elle son chignon s'enfonce Et fait un trou dans le limon Quand ma cravate fût ôtée Elle retira son jupon Puis quand j'ôtai mon ceinturon Quatre corsages d'affilée Ni le nard ni les escargots N'eurent jamais la peau si fine Ni sous la lune les cristaux N'ont de lueur plus cristalline Ses cuisses s'enfuyaient sous moi Comme des truites effrayées L'une moitié toute embrasée L'autre moitié pleine de froid Cette nuit me vit galoper De ma plus belle chevauchée Sur une pouliche nacrée Sans bride et sans étriers Je suis homme et ne peux redire Les choses qu'elle me disait Le clair entendement m'inspire De me montrer fort circonspect Sale de baisers et de sable Du bord de l'eau je la sortis Les iris balançaient leur sabre Contre les brises de la nuit Pour agir en pleine droiture Comme fait un loyal gitan Je lui fis don en la quittant D'un beau grand panier à couture Mais sans vouloir en être épris Parce qu'elle était adultère Et se prétendait sans mari Quand nous allions vers la rivière |
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Agnès 17/04/2006 22:54 |
Vanitas vanitatum |
Un ptit coup de poésie baroque, tiens, pour nous rappeler notre humaine inconsistance... À beaucoup de danger est sujette la fleur : Ou l’on la foule au pied ou les vents la ternissent, Les rayons du soleil la brûlent et rôtissent, La bête la dévore, et s’effeuille en verdeur. Nos jours, entremêlés de regret et de pleur, À la fleur comparés comme la fleur fleurissent Tombent comme la fleur, comme la fleur périssent, Autant comme du froid tourmentés de l’ardeur. Non de fer ni de plomb, mais d’odorantes pommes Le vaisseau va chargé, ainsi les jours des hommes Sont légers, non pesants, variables et vains, Qui, laissant après eux d’un peu de renommée L’odeur en moins de rien comme fruit consommée, Passent légèrement hors du cœur des humains. Jean Baptiste Chassignet (Le mépris de la vie et consolation contre la mort - 1594) |
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CA 30/04/2006 18:00 |
Louise Labé |
En ce moment même, un PsP sur la "Belle lyonnaise" ou la "Belle cordière", Louise Labé. Où l'on s'applique à démontrer que la poétesse lyonnaise serait une supercherie littéraire. André Velter résiste de toutes ses forces. Lecture des sonnets par une voix éprouvante à l'écoute, entre caverneuse et étouffée. ça vient de se terminer à l'instant, désolée ! CA Louise Labé, une créature de papier ? Emission du 30 Avril 2006 L'histoire de la littérature est ponctuée par des tentatives audacieuses de désattribution et de réattribution : qui n'a en mémoire les recherches indéfiniment relancées sur Homère ou Shakespeare ? Aujourd'hui c'est au tour d'une des plus hautes figures de la lyrique féminine, "Louise Labé, Lyonnaise", dont Mireille Huchon, professeur à la Sorbonne, spécialiste du français de la Renaissance, éditrice des OEuvres complètes de Rabelais en Pléiade, entend prouver qu'elle n'est que le prête-nom parodique d'un collectif littéraire actif à Lyon dans les années 1540 et 1550, évoluant autour des ateliers de l'éditeur Jean de Tourmes avec, en filigrane, la présence du grand Maurice Scève... Pourquoi une telle mystification ? Il y aurait eu un "projet de ‘Louer Louise’" sous forme d'un dialogue poétique "qui serait à considérer comme un jeu de mots marotique, sans aucun lien avec une Louise réelle, mais correspondant au ‘Laudare Laure’ de Pétrarque", dont le sujet même aurait été choisi par "gaye fantaisie". Mais alors, quid de l'unité de l'oeuvre, de l'émotion que celle-ci nous donne ? Julie Denisse nous lit quelques-uns des plus beaux Sonnets que la tradition attribue à Louise Labé, et nous réécoutons Colette Magny chanter "Baise m'encor". |
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AArgh!!! 30/04/2006 23:48 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Vive les comas informatiques, j'ai tout loupé!!! "Laudare Laure" ? "Laure Adler, au !(prononcer aouh!)" Voilà une thèse qui me paraît bien hasadeuse. C'est étonnant comme la voix de Louise Labé peut susciter les théories universitaires les plus acharnées à nier son génie et l'intensité de son chant! ![]() |
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ddfc 08/05/2006 14:48 |
Hommage à France Connaissance |
En 1983, vous auriez pu écouter dix Chemins de la connaissance sur Louise Labé à 8h30. L'année précédente, les Chemins de la connaissance étaient carrément de 8h à 9h Les chemins de la connaissance LOUISE LABÉ, POÉTESSE DU XVIe SIECLE par Régis LABOURDETTE réalisation : Arlette DAVE 10 émissions du 30 Mai au 10 Juin 1983, du Lundi au Vendredi à 8h32 I - DAMES LYONNAISES DE LA RENAISSANCE, avec Madeleine LAZARD. II - POUR UNE BIOGRAPHIE DE LA BELLE CORDIERE, avec Enzo GIUDICI. III - LA POETESSE ET SES POETES, avec Enzo GIUDICI. IV - LE DEBAT DE FOLIE ET D'AMOUR, avec Enzo GIUDICI. V - AMOUR ET POESIE CONFONDUS, avec Enzo GIUDICI. VI - L'AMOUR EN QUATORZE VERS, avec Chiara SIBONA. VII - DU CRI A LA POESIE, avec Chiara SIBONA. VIII - LES SENSATIONS EXTREMES, avec Chiara SIBONA. IX - PAROLES DU DESIR, OU L'IMPOSSIBLE RECIPROCITE X - "TANT QUE MES YEUX POURRONT LARMES ESPANDRE", avec Chiara SIBONA Madeleine LAZARD, Professeur à l'Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris III, prépare actuellement un ouvrage sur l'image de la femme au XVIe siècle. Enzo GIUDICI, Professeur à l'Université de Rome, compagnon de toujours de Louise Labé, vient de publier une édition critique des oeuvres de Louise Labé (Droz, 1981) ut un essai sur elle (Nizet, 1981). Chiara SIBONA, Vice Présidente du Centre de Sémiotique de Rome, a récemment soutenu une thèse sur la forme poétique chez Louise Labé, |
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Agnès 10/05/2006 23:08 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Hélas, temps bénis... ![]() Tant pis, je vais vous la jouer snob, ce soir, avant de me retirer dans mes appartements. J'ai entendu ce matin sur France Musique, une mélodie de Samuel Barber pour baryton et quatuor à cordes sur un poème - magnifique - de Matthew Arnold (1822 - 1888) : "Dover beach", "La plage de Douvres". Mais pas moyen d'en trouver une traduction complète, et je n'ai pas le temps de m'y coller. Alors tant pis, je vous la mets en anglais, histoire de remettre un peu la poésie à l'honneur sur DDFC! Dover beach The sea is calm tonight, The tide is full, the moon lies fair Upon the straits; on the French coast the light Gleams and is gone; the cliffs of England stand, Glimmering and vast, out in the tranquil bay. Come to the window, sweet is the night air! Only, from the long line of spray Where the sea meets the moon-blanched land, Listen! you hear the grating roar Of pebbles which the waves draw back, and fling, At their return, up the high strand, Begin, and cease, and then again begin, With tremulous cadence slow, and bring The eternal note of sadness in. Sophocles long ago Heard it on the Agean, and it brought Into his mind the turbid ebb and flow Of human misery; we Find also in the sound a thought, Hearing it by this distant northern sea. The Sea of Faith Was once, too, at the full, and round earth's shore Lay like the folds of a bright girdle furled. But now I only hear Its melancholy, long, withdrawing roar, Retreating, to the breath Of the night wind, down the vast edges drear And naked shingles of the world. Ah, love, let us be true To one another! for the world, which seems To lie before us like a land of dreams, So various, so beautiful, so new, Hath really neither joy, nor love, nor light, Nor certitude, nor peace, nor help for pain; And we are here as on a darkling plain Swept with confused alarms of struggle and flight, Where ignorant armies clash by night. 1867 |
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paddy 10/05/2006 23:44 |
poésie nocturne |
Ces 3 dernieres nuits il y avait à nouveau les Chemins de la connaissance sur Armand Robin (par Roger Dadoun) C'est rageant qu'il n'y ait pas de reecoute des Nuits de France Culture par internet. |
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Agnès 25/05/2006 23:44 |
re : Hommage à Guillaume Apollinaire |
"Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant"... Ce vers magnifique, entendu avec la voix, l'incantation lointaine et à demi-effacée de Guillaume Apollinaire, en tournant par hasard le bouton de FQ. Moment magique au milieu d'un surpris par la nuit bavard sur l'exil, que j'ai coupé Le Voyageur Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant La vie est variable aussi bien que l'Euripe Tu regardais un banc de nuages descendre Avec le paquebot orphelin vers les fièvres futures Et de tous ces regrets de tous ces repentirs Te souviens-tu Vagues poisons arqués fleurs surmarines Une nuit c'était la mer Et les fleuves s'y répandaient Je m'en souviens je m'en souviens encore Un soir je descendis dans une auberge triste Auprès de Luxembourg Dans le fond de la salle il s'envolait un Christ Quelqu'un avait un furet Un autre un hérisson L'on jouait aux cartes Et toi tu m'avais oublié Te souviens-tu du long orphelinat des gares Nous traversâmes des villes qui tout le jour tournaient Et vomissaient la nuit le soleil des journées Ô matelots ô femmes sombres et vous mes compagnons Souvenez-vous-en Deux matelots qui ne s'étaient jamais quittés Deux matelots qui ne s'étaient jamais parlé Le plus jeune en mourant tomba sur le côté Ô vous chers compagnons Sonneries électriques des gares chants des moissonneuses Traîneau d'un boucher régiment des rues sans nombre Cavalerie des ponts nuits livides de l'alcool Les villes que j'ai vues vivaient comme des folles Te souviens-tu des banlieues et du troupeau plaintif des paysages Les cyprès projetaient sous la lune leurs ombres J'écoutais cette nuit au déclin de l'été Un oiseau langoureux et toujours irrité Et le bruit éternel d'un fleuve large et sombre Mais tandis que mourants roulaient vers l'estuaire Tous les regards tous les regards de tous les yeux Les bords étaient déserts herbus silencieux Et la montagne à l'autre rive était très claire Alors sans bruit sans qu'on pût voir rien de vivant Contre le mont passèrent des ombres vivaces De profil ou soudain tournant leurs vagues faces Et tenant l'ombre de leurs lances en avant Les ombres contre le mont perpendiculaire Grandissaient ou parfois s'abaissaient brusquement Et ces ombres barbues pleuraient humainement En glissant pas à pas sur la montagne claire Qui donc reconnais-tu sur ces vieilles photographies Te souviens-tu du jour où une abeille tomba dans le feu C'était tu t'en souviens à la fin de l'été Deux matelots qui ne s'étaient jamais quittés L'aîné portait au cou une chaîne de fer Le plus jeune mettait ses cheveux blonds en tresse Ouvrez-moi cette porte ou je frappe en pleurant La vie est variable aussi bien que l'Euripe Guillaume Apollinaire - Alcools Plus un lien avec l'inépuisable et généreux Jean-Michel Maulpoix, pour ceux que ça intéresse... http://www.maulpoix.net/Apollinaire.htm ![]() |
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shhh 26/05/2006 06:32 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Vous nous gâtez Agnès, et le site indiqué est superbe, une magnifique promenade. |
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Agnès 26/05/2006 07:25 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Jean-Michel Maulpoix, c'est le poète qui a été condamné dans l'affaire Brice Petit, et dont j'ai cité une réflexion (qui a fait un flop magnifique!) sur le fil "Blog" du forum bleu. Son site est passionnant, le type aussi, et sa réflexion sur le lyrisme est particulièrement intéressante. En effet, ce site est pour moi un lieu de promenade. Bonne journée! ![]() |
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Agnès 30/05/2006 22:08 |
Puisqu'il a ete chante sur France-Mu! |
Ce poème est exquis : Les Ingénus Les hauts talons luttaient avec les longues jupes, En sorte que, selon le terrain et le vent, Parfois luisaient des bas de jambes, trop souvent Interceptés ! - et nous aimions ce jeu de dupes. Parfois aussi le dard d'un insecte jaloux Inquiétait le col des belles sous les branches, Et c'étaient des éclairs soudains de nuques blanches, Et ce régal comblait nos jeunes yeux de fous. Le soir tombait, un soir équivoque d'automne Les belles, se pendant rêveuses à nos bras, Dirent alors des mots si spécieux tout bas, Que notre âme, depuis ce temps, tremble et s'étonne. Paul Verlaine - Les Fêtes Galantes ![]() |
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Agnès 31/05/2006 20:18 |
Fetes tres galantes |
Un autre, parfaitement égrillard : En bateau L'étoile du berger tremblote Dans l'eau plus noire et le pilote Cherche un briquet dans sa culotte. C'est l'instant, Messieurs, ou jamais, D'être audacieux, et je mets Mes deux mains partout désormais ! Le chevalier Atys, qui gratte Sa guitare à Chloris l'ingrate Lance une oillade scélérate. L'abbé confesse bas Églé, Et ce vicomte déréglé Des champs donne à son coeur la clé. Cependant la lune se lève Et l'esquif en sa course brève File gaîment sur l'eau qui rêve. Et je ne résiste pas au plaisir de vous mettre le lien vers un site modestement intitulé "Verlaine expliqué", dont l'auteur, fort élégamment il est vrai, accumule les contre-sens au point de faire de cette merveille de libertinage y compris poétique, un chef d'oeuvre de délicate mélancolie... ![]() http://verlaineexplique.free.fr/fetesgal/enbateau.html C'est du délire ! c'est digne des notes en bas de pages, du temps où les papous s'adonnaient à ce jeu délectable... |
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AArgh!!! 31/05/2006 20:19 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Pas fait exprès les caractères gras ! |
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AArgh!!!! 31/05/2006 20:24 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
J'avais loupé ça : "Dès le premier vers par l'allitération en "b" qui reproduit le moteur d'un bateau"......... ![]() ![]() |
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Agnès 01/06/2006 20:39 |
Le mien aussi est grand |
(mon courage poético-prosélyte) Encore une jolie fête Cythère Un pavillon à claires-voies Abrite doucement nos joies Qu'éventent des rosiers amis ; L'odeur des roses, faible, grâce Au vent léger d'été qui passe, Se mêle aux parfums qu'elle a mis ; Comme ses yeux l'avaient promis, Son courage est grand et sa lèvre Communique une exquise fièvre ; Et l'Amour comblant tout, hormis La faim, sorbets et confitures Nous préservent des courbatures. Ô Verlaine... ![]() |
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Laurent 01/06/2006 21:17 |
tant qu'on y est |
Eh bien tant qu'on y est, qu'avez vous pensé des versions chantées par Léo Ferré ? Pour ma part je trouve le disque Ferré-Verlaine-Rimbaud un rien inégal, mais il contient des merveilles. Et parmi les orchestrations de JM Defaye, certaines ont vieilli et sentent par trop les mid-60's, tandis que d'autres servent voluptueusement la volupté de certains textes (Ame te souvient-il ; Green ; Sérénade). Laurent |
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Paul Verlaine 01/06/2006 21:35 |
Sérénade |
<< Comme la voix d'un mort qui chanterait Du fond de sa fosse Maîtresse entend monter vers ton retrait Ma voix aigre et fausse. Ouvre ton âme et ton oreille au son De ma mandoline Pour toi j'ai fait, pour toi, cette chanson Cruelle et câline. Je chanterai tes yeux d'or et d'onyx Purs de toutes ombres Puis le léthé de ton sein, puis le Styx De tes cheveux sombres. Comme la voix d'un mort qui chanterait Du fond de sa fosse Maîtresse entend monter vers ton retrait Ma voix aigre et fausse. Puis je louerai beaucoup, comme il convient, Cette chair bénie Dont le parfum opulent me retient Les nuits d'insomnie Et pour finir, je dirai le baiser, De ta lèvre rouge, Et ta douceur à me martyriser, Mon ange, ma gouge ! Ouvre ton âme et ton oreille au son De ma mandoline Pour toi j'ai fait, pour toi, cette chanson Cruelle et câline. (from Poèmes Saturniens. Dans mon édition LdePoche N°747, les PS sont suivis des Fêtes galantes. Et avant le tout il y a une préface de Léo) |
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Agnès 03/06/2006 19:36 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Fichtrement baudelairien ! Je ne le connaissais pas, celui-là. Pour ce qui concerne Ferré-Verlaine-Rimbaud, je ne sais qu'en dire. Il y a des lustres que je ne l'ai pas écouté (je vais) et il n'a jamais fait partie de mes disques favoris, à la différence du Ferré-Aragon que j'ai écouté sans jamais éprouver de satiété). En matière de Verlaine, rien ne me paraît plus beau que Collette Magny chantant "Le ciel est par desssus le toit", sur la mélodie de ... Fauré ? Le ciel est par-dessus le toit Le ciel est, par-dessus le toit, Si bleu, si calme ! Un arbre, par-dessus le toit, Berce sa palme. La cloche, dans le ciel qu'on voit, Doucement tinte. Un oiseau sur l'arbre qu'on voit Chante sa plainte. Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là Simple et tranquille. Cette paisible rumeur-là Vient de la ville. Qu'as-tu fait, ô toi que voilà Pleurant sans cesse, Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà, De ta jeunesse ? Paul Verlaine Sagesse ![]() |
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Agnès 08/06/2006 22:57 |
Autre fête galante |
Les indolents " Bah ! malgré les destins jaloux, Mourons ensemble, voulez-vous ? - La proposition est rare. - Le rare est le bon. Donc mourons Comme dans les Décamérons. - Hi ! hi ! hi ! quel amant bizarre ! - Bizarre, je ne sais. Amant Irréprochable, assurément. Si vous voulez, mourons ensemble ? - Monsieur, vous raillez mieux encor Que vous n'aimez, et parlez d'or; Mais taisons-nous, si bon vous semble ! " Si bien que ce soir-là Tircis Et Dorimène, à deux assis Non loin de deux sylvains hilares, Eurent l'inexpiable tort D'ajourner une exquise mort. Hi! hi! hi! les amants bizarres ! Verlaine - Les Fêtes galantes ![]() |
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CA 11/06/2006 17:57 |
Un homme de culture |
Écoutez en ce moment Stéphane Hessel, dans Poésie sur parole. La mémoire intacte des poèmes, le respect des textes, d'un homme né en 1917. Tout ce qu'il manque en des temps où les ignorants sont rois. CA |
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paddy 11/06/2006 18:14 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Et Pierre Jourde à l'instaqnt !!! ![]() |
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CA 11/06/2006 18:17 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Ah messages croised ! |
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Agnès 15/06/2006 18:28 |
Une petite epitaphe misogyne |
pour le sourire, pour le plaisir, pour faire remonter le fil... ![]() Epitaphe Ci-gît ma femme...oh ! qu'elle est bien, Pour son repos et pour le mien Du Lorens* *Né vers 1583 à Chateauneuf en Thimerais, mort en 1648 ou 1655. D'abord avocat, puis poète satirique. Il se maria à Chartres ; sa femme lui apporta une dot considérable, mais elle était, à ce qu'il paraît, d'humeur difficile et fort acariâtre. Du Lorens lui fit cette épitaphe devenue célèbre. ![]() |
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Agnès 16/07/2006 07:16 |
Pour faire remonter ce fil |
... bien délaissé par les temps qui courent, et répondre à la requête de Marceldudu en forum bleu. La Fontaine, c'est TOUJOURS bien : Les Animaux malades de la peste Un mal qui répand la terreur, Mal que le Ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre, La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom) Capable d'enrichir en un jour l'Achéron, Faisait aux animaux la guerre. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés : On n'en voyait point d'occupés A chercher le soutien d'une mourante vie ; Nul mets n'excitait leur envie ; Ni Loups ni Renards n'épiaient La douce et l'innocente proie. Les Tourterelles se fuyaient : Plus d'amour, partant plus de joie. Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis, Je crois que le Ciel a permis Pour nos péchés cette infortune ; Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux, Peut-être il obtiendra la guérison commune. L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents On fait de pareils dévouements : Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence L'état de notre conscience. Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons J'ai dévoré force moutons. Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense : Même il m'est arrivé quelquefois de manger Le Berger. Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi : Car on doit souhaiter selon toute justice Que le plus coupable périsse. - Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ; Vos scrupules font voir trop de délicatesse ; Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce, Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur En les croquant beaucoup d'honneur. Et quant au Berger l'on peut dire Qu'il était digne de tous maux, Etant de ces gens-là qui sur les animaux Se font un chimérique empire. Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir. On n'osa trop approfondir Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances, Les moins pardonnables offenses. Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins, Au dire de chacun, étaient de petits saints. L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance Qu'en un pré de Moines passant, La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense Quelque diable aussi me poussant, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net. A ces mots on cria haro sur le baudet. Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue Qu'il fallait dévouer ce maudit animal, Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable ! Rien que la mort n'était capable D'expier son forfait : on le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. ![]() |
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Agnès 16/07/2006 07:27 |
Et pour faire echo à la citation de Laurent |
...en DLA XVI. Cors de chasse Notre histoire est noble et tragique Comme le masque d'un tyran Nul drame hasardeux ou magique Aucun détail indifférent Ne rend notre amour pathétique Et Thomas de Quincey buvant L'opium poison doux et chaste À sa pauvre Anne allait rêvant Passons passons puisque tout passe Je me retournerai souvent Les souvenirs sont cors de chasse Dont meurt le bruit parmi le vent Guillaume APOLLINAIRE, Alcools (1913) http://www.wheatoncollege.edu/Academic/AcademicDept/French/V iveVoix/Resources/corsdechasse.html |
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Agnès 26/07/2006 19:27 |
Pas bien clair, je vous l'accorde |
IV Ses purs ongles très-haut dédiant leur onyx, L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore, Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix Que ne recueille pas de cinéraire amphore Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx, Aboli bibelot d'inanité sonore, (Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx Avec ce seul objet dont le Néant s'honore.) Mais proche la croisée au nord vacante, un or Agonise selon peut-être le décor Des licornes ruant du feu contre une nixe, Elle, défunte nue en le miroir, encor Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se fixe De scintillations sitôt le septuor. Stéphane Mallarmé - Poésies, Plusieurs sonnets. (1887) |
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Agnès 03/09/2006 17:52 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
"Madame Bovary" de Chaval !!!! ![]() |
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Agnès 17/09/2006 21:01 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Pour faire écho au DLA d'aujourd'hui, proposé par Jérôme Clément : Petite souris C’est la petite souris grise, Dans sa cachette elle est assise. Quand elle n’est pas dans son trou, C’est qu’elle galope partout. C’est la petite souris blanche Qui ronge le pain sur la planche. Aussitôt qu’elle entend du bruit, Dans sa maison elle s’enfuit. C’est la petite souris brune Qui se promène au clair de lune, Si le chat miaule en dormant, Elle se sauve prestement. C’est la petite souris rouge, Elle a peur aussitôt qu’on bouge ! Mais, lorsque personne n’est là, Elle mange tout ce qu’on a. Lucie DELARUE-MARDRUS L'avion L'avion, au fond du ciel clair, Se promène dans les étoiles, Tout comme les barques à voile Vont sur la mer. C'est un moulin des anciens âges Qui soudain a quitté le sol Et qui, par dessus les villages A pris son vol. Les oiseaux ont peur de ses ailes, Mais les enfants le trouvent beau, Ce grand cerf-volant sans ficelles Qui va si haut. Mais plus tard, en aéroplane Plus hardi que les plus hardis, Je compte bien aller sans panne Au paradis. Lucie DELARUE-MARDRUS http://6juin.omaha.free.fr/feutry/mardrus.htm Lucie Delarue-Mardrus Poète et romancière (1874-1945), née rue des Capucins à Honfleur, le 3 novembre 1874 a décrit avec sensibilité dans son "Ex-Voto" le milieu et la vie des pêcheurs honfleurais au début du siècle. Elle possédait une résidence secondaire à St Laurent Sur Mer avant la guerre Décédée en 1945 à Château-Gontier. Auteur prolifique, Lucie Delarue-Mardrus a écrit plus de soixante-dix œuvres parmi lesquelles on trouve des romans, des poèmes, des biographies, ses Mémoires et des pièces de théâtre. À ceci, il faut ajouter des chroniques hebdomadaires, des critiques littéraires ou musicales, des conférences aux Annales, des contes, des nouvelles et des récits de voyage parus dans la presse. Elle se révèle peintre de la vie intime et de la nature dans ses recueils de poèmes (Ferveur, 1902; Horizons, 1904; la Figure de proue, 1908) et ses récits (le Roman de six petites filles, 1909; l'Ex-voto, 1921). Elle a laissé également des pièces (Sapho désespérée, 1906) et des Mémoires (1938). Voici deux poèmes échiquéens. SONNET DES ÉCHECS Invite aux tours de passe-passe, L'échiquier quadrillé reluit. Il n'a qu'une étoile pour lui, Le Roi, ce monarque fadasse. Mais d'une plus vaillante race Sont ses sujets d'or et de nuit. Les Fous lorgnent leur rang qui fuit, Les Cavaliers ont leur rosace. L'équerre des Tours bombardant, Les Pions fiers de leur trident, Chacun combat selon sa piste. Mais seule, allant de bout en bout, En ce très vieux jeu féministe, La Dame rayonne partout. (1926) ENVOI Reine qui jamais ne défaille Plus puissante que Goliath, Crains le Pion, humble canaille, Qui va donner l'échec et mat. (1926) ...... BALLADE DES ÉCHECS Sur L'échiquier, luisant miroir, Quand brillent, rangés en bataille, Deux peuples : l'un du plus beau noir, L'autre, du plus beau jaune paille, Quand, redressant leur haute taille, La Reine et le Roi, couple fat, Se rengorgent comme à Versailles, Qui va donner l'échec et mat? Chacun fera tout son devoir Comme il pourra, vaille que vaille, Le Roi tremble en son étouffoir, Fous, chevaux, tours et valetaille, Tout le monde bientôt s'égaille ; L'action s'engage : à Dieu vat! L'un se défend et l'autre l'assaille. Qui va donner l'échec et mat? Les Pions vont à l'abattoir, Le cheval rue et le fou raille, Tandis que, lente à s'émouvoir, La Tour, ronde comme futaille, Attend, pour lancer sa mitraille, L'occasion d'un exeat. - Echec au Roi! - Bien. Qu'il s'en aille! Qui va donner l'échec et mat? ![]() |
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Anne 17/09/2006 23:55 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Merci Agnès pour cette délicieuse poésie de Lucie ![]() ![]() |
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Asina asinam fricat 26/09/2006 21:49 |
L'occasion aux crins |
J'aime l'âne si doux marchant le long des houx. Il a peur des abeilles et bouge ses oreilles. Il va près des fossés d'un petit pas cassé. Il réfléchit toujours ses yeux sont de velours. Il reste à l'étable fatigué, misérable. Il a tant travaillé que ça vous fait pitié. L'âne n'a pas eu d'orge car le maître est trop pauvre. Il a sucé la corde puis a dormi dans l'ombre. Il est l'âne si doux marchant le long des houx.... Francis Jammes ![]() |
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Emois 26/09/2006 21:52 |
Aime-moi |
Sept cent millions de chinois Et moi, et moi, et moi Avec ma vie, mon petit chez-moi Mon mal de tête, mon point au foie J'y pense et puis j'oublie C'est la vie, c'est la vie Quatre-vingt millions d'indonésiens Et moi, et moi, et moi Avec ma voiture et mon chien Son Canigou quand il aboie J'y pense et puis j'oublie C'est la vie, c'est la vie Trois ou quatre cent millions de noirs Et moi, et moi, et moi Qui vais au brunissoir Au sauna pour perdre du poids J'y pense et puis j'oublie C'est la vie, c'est la vie Trois cent millions de soviétiques Et moi, et moi, et moi Avec mes manies et mes tics Dans mon petit lit en plume d'oie J'y pense et puis j'oublie C'est la vie, c'est la vie Cinquante millions de gens imparfaits Et moi, et moi, et moi Qui regarde Catherine Langeais A la télévision chez moi J'y pense et puis j'oublie C'est la vie, c'est la vie Neuf cent millions de crève-la-faim Et moi, et moi, et moi Avec mon régime végétarien Et tout le whisky que je m'envoie J'y pense et puis j'oublie C'est la vie, c'est la vie Cinq cent millions de sud-américains Et moi, et moi, et moi Je suis tout nu dans mon bain Avec une fille qui me nettoie J'y pense et puis j'oublie C'est la vie, c'est la vie Cinquante millions de vietnamiens Et moi, et moi, et moi Le dimanche à la chasse au lapin Avec mon fusil, je suis le roi J'y pense et puis j'oublie C'est la vie, c'est la vie Cinq cent milliards de petits martiens Et moi, et moi, et moi Comme un con de parisien J'attends mon chèque de fin de mois J'y pense et puis j'oublie C'est la vie, c'est la vie |
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Agnès 29/10/2006 21:35 |
Poésie à l'Ouest |
On va pas laisser la poésie reléguée en page 2, tout de même ! Trouvé sur le site poésie du Ministère des affaires étrangères. Un Gourmont que je ne connaissais pas (je connaissais celui du Latin mystique). "Remy de Gourmont n’a pas d’idées : c’est un sensuel. Quand un peuple d’hommes de lettres s’abrutit sur des idées prostituées, comme dans les brasseries avec les filles, lui n’a que des images..." (Blaise Cendrars) Les cheveux Remy de Gourmont (1858-1915 ) Simone, il y a un grand mystère Dans la forêt de tes cheveux. Tu sens le foin, tu sens la pierre Où des bêtes se sont posées ; Tu sens le cuir, tu sens le blé, Quand il vient d’être vanné ; Tu sens le bois, tu sens le pain Qu’on apporte le matin ; Tu sens les fleurs qui ont poussé Le long d’un mur abandonné ; Tu sens la ronce, tu sens le lierre Qui a été lavé par la pluie ; Tu sens le jonc et la fougère Qu’on fauche à la tombée de la nuit ; Tu sens le houx, tu sens la mousse, Tu sens l’herbe mourante et rousse Qui s’égrène à l’ombre des haies ; Tu sens l’ortie et le genêt, Tu sens le trèfle, tu sens le lait ; Tu sens le fenouil et l’anis ; Tu sens les noix, tu sens les fruits Qui sont bien mûrs et que l’on cueille ; Tu sens le saule et le tilleul Quand ils ont des fleurs plein les feuilles ; Tu sens le miel, tu sens la vie Qui se promène dans les prairies ; Tu sens la terre et la rivière ; Tu sens l’amour, tu sens le feu. Simone, il y a un grand mystère Dans la forêt de tes cheveux. Simone, poème champêtre (1901) Le site, bien fait : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/livre-ec rit_1036/collection-textes_5281/florilege-poesie-francaise_5282/index.ht ml?var_recherche=po%E9sie |
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Agnès 12/11/2006 12:23 |
Puisqu'on y est |
Prévert - Boris Vian par Reggiani Notre père qui êtes aux cieux Restez-y Et nous, nous resterons sur la terre Qui est, quelquefois, si jolie Quand j'aurai du vent dans mon crâne Quand j'aurai du vert sur mes osses Peut-être qu'on croira que je ricane Mais ça sera une impression fosse Car il me manquera Mon élément plastique Plastique tique tique Qu'auront bouffé les rats Ma paire de bidules Mes mollets mes rotules Mes cuisses, mon cule Sur quoi je m'asseyois Mes cheveux mes fistules Mes jolis yeux cérules Mes couvre-mandibules Dont je vous pourléchois Mon nez considérable Mon coeur mon foie mon râble Tous ces riens admirables Qui m'ont fait apprécier Des ducs et des duchesses Des papes des papesses Des abbés des ânesses Et des gens du métier Et puis je n'aurai plus Ce phosphore un peu mou Cerveau qui me servit A me prévoir sans vie Les osses tout verts, le crâne venteux Ah comme j'ai mal de devenir vieux... ![]() http://www.radiofrance.fr/francemusique/em/greniers/emission .php?e_id=35 |
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Agnès 12/11/2006 18:49 |
Une autre |
La vie, c'est comme une dent D'abord on y a pas pensé On s'est contenté de mâcher Et puis ça se gâte soudain Ça vous fait mal, et on y tient Et on la soigne et les soucis Et pour qu'on soit vraiment guéri Il faut vous l'arracher, la vie Boris Vian (avec la voix de Reggiani) |
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Agnès 12/11/2006 18:53 |
Et encore ... |
Ah ! baiser la main d'une femme du monde Et m'écorcher les lèvres à ses diamants Et puis dans la Jaguar Brûler son léopard Avec une cigarette anglaise Et s'envoyer des dry au Gordon Et des Pimm's Number one Avant que de filer chez Maxim's Grand seigneur Dix sacs au chasseur Enfin Poser Ma pelle Et chauffer Ma gamelle Paroles et musique Gainsbourg. |
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Agnès 22/11/2006 15:44 |
Et si on fêtait la Saint Verlaine-et-Rimbe today ? |
![]() Les courses furent intrépides (Comme aujourd'hui le repos pèse !) Par les steamers et les rapides. (Que me veut cet at home obèse ?) Nous allions, - vous en souvient-il, Voyageur où ça disparu ? - Filant légers dans l'air subtil, Deux spectres joyeux, on eût cru ! Car les passions satisfaites Insolemment outre mesure Mettaient dans nos têtes des fêtes Et dans nos sens, que tout rassure, Tout, la jeunesse, l'amitié, Et nos coeurs, ah ! que dégagés Des femmes prises en pitié Et du dernier des préjugés, Laissant la crainte de l'orgie Et le scrupule au bon ermite, Puisque quand la borne est franchie Ponsard ne veut plus de limite. Entre autres blâmables excès Je crois que nous bûmes de tout, Depuis les plus grands vins français Jusqu'à ce faro, jusau'au stout, En passant par les eaux-de-vie Qu'on cite comme redoutables, L'âme au septième ciel ravie, Le corps, plus humble, sous les tables. Des paysages, des cités Posaient pour nos yeux jamais las ; Nos belles curiosités Eussent mangé tous les atlas. Fleuves et monts, bronzes et marbres, Les couchant d'or, l'aube magique, L'Angleterre, mère des arbres, Fille des beffrois, la Belgique, La mer, terrible et douce au point, - Brochaient sur le roman très cher Que ne discontinuait point Notre âme - et quid de notre chair ?... - Le roman de vivre à deux hommes Mieux que non pas d'époux modèles, Chacun au tas versant des sommes De sentiments forts et fidèles. L'envie aux yeux de basilic Censurait ce mode d'écot ; Nous dînions du blâme public Et soupions du même fricot. La misère aussi faisait rage Par des fois dans le phalanstère : On ripostait par le courage, La joie et les pommes de terre. Scandaleux sans savoir pourquoi (Peut-être que c'était trop beau) Mais notre couple restait coi Comme deux bons porte-drapeau, Coi dans l'orgueil d'être plus libres Que les plus libres de ce monde, Sourd aux gros mots de tous calibres, Inaccessible au rire immonde, Nous avions laissé sans émoi Tous impédiments dans Paris, Lui quelques sots bernés, et moi Certaine princesse Souris, Une sotte qui tourna pire... Puis soudain tomba notre gloire, Tels, nous, des maréchaux d'empire Déchus en brigands de la Loire, Mais déchus volontairement ! C'était une permission, Pour parler militairement, Que notre séparation, Permission sous nos semelles, Et depuis combien de campagnes ! Pardonnâtes-vous aux femelles ? Moi, j'ai peu revu ces compagnes, Assez toutefois pour souffrir. Ah, quel coeur faible que mon coeur ! Mais mieux vaut souffrir que mourir Et surtout mourir de langueur. On vous dit mort, vous. Que le Diable Emporte avec qui la colporte La nouvelle irrémédiable Qui vient ainsi battre ma porte ! Je n'y veux rien croire. Mort, vous, Toi, dieu parmi les demi-dieux ! Ceux qui le disent sont des fous. Mort, mon grand péché radieux, Tout ce passé brûlant encore Dans mes veines et ma cervelle Et qui rayonne et qui fulgore Sur ma ferveur toujours nouvelle ! Mort tout ce triomphe inouï Retentissant sans frein ni fin Sur l'air jamais évanoui Que bat mon coeur qui fut divin ! Quoi, le miraculeux poème Et la toute-philosophie, Et ma patrie et ma bohème Morts ? Allons donc ! tu vis ma vie ! Verlaine - Parallèlement |
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pascale 22/11/2006 16:49 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Quelle bonne idée, Agnès ! ![]() |
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shhh 22/11/2006 17:30 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Magnifique! |
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Agnès 27/11/2006 18:56 |
C'est pas vendredi, mais... |
Tu l'as donc rencontré Dans un pauvre bistrot Où tu vas le matin très tôt Prendre un petit café Il venait tous les jours Et toi tu as fini Le voyant si triste toujours Par le trouver gentil Et hier soir dans ta maison Tu étais gaie comme un pinson Ses yeux Qui te plaisaient tant T'avaient caressé D'un regard si tendre Sa bouche Qui te plaisait tant T'avait dit des mots Pleins de sentiments Son cœur Qui te plaisait tant Battait doucement Au rythme des rêves Ses mains Qui te plaisaient tant Etreignaient tes mains D'un geste enivrant Il avait des beaux yeux Il avait des mains fines Une bouche bien dessinée Il était seul et digne Tu pensais à son cœur Tu voulais l'éveiller Imaginant sa pauvre vie Tu voulais l'égayer Mais hier soir dans sa maison Il était gai comme un pinson Ses yeux Qui te plaisaient tant Regardaient le sang Couler sur la table Son cœur Qui te plaisait tant Sonnait à coups sourds Le glas des amants Sa bouche Qui te plaisait tant Murmurait des mots Qui te rendaient folle Ses mains Qui te plaisaient tant Poussaient un couteau Dans un ventre blanc Il préparait des merlans C'est Boris Vian ![]() |
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GT 27/11/2006 21:09 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Par ces temps où l'on s'échange des blasons à même le ticheurte dans de sombres bouges (comprenne qui pourra), voici une histoire d'oriflammes : Lorsqu'un vaisseau vaincu dérive en pleine mer ; Que ses voiles carrées Pendent le long des mâts, par les boulets de fer Largement déchirées ; Qu'on n'y voit que des morts tombés de toutes parts, Ancres, agrès, voilures, Grands mâts rompus, traînant leurs cordages épars Comme des chevelures ; Que le vaisseau, couvert de fumée et de bruit Tourne ainsi qu'une roue ; Qu'un flux et qu'un reflux d'hommes roule et s'enfuit De la poupe à la proue ; Lorsqu'à la voix des chefs nul soldat ne répond ; Que la mer monte et gronde ; Que les canons éteints nagent dans l'entrepont, S'entrechoquant dans l'onde ; Qu'on voit le lourd colosse ouvrir au flot marin Sa blessure béante, Et saigner, à travers son armure d'airain, La galère géante ; Qu'elle vogue au hasard, comme un corps palpitant, La carène entrouverte, Comme un grand poisson mort, dont le ventre flottant Argente l'onde verte ; Alors gloire au vainqueur ! Son ancre noir s'abat Sur la nef qu'il foudroie ; Tel un aigle puissant pose, après le combat, Son ongle sur sa proie ! Puis, il pend au grand mât, comme au front d'une tour, Son drapeau que l'air ronge, Et dont le reflet d'or dans l'onde, tour à tour, S'élargit et s'allonge. Et c'est alors qu'on voit les peuples étaler Les couleurs les plus fières, Et la pourpre, et l'argent, et l'azur onduler Aux plis de leurs bannières. Dans ce riche appareil leur orgueil insensé Se flatte et se repose, Comme si le flot noir, par le flot effacé, En gardait quelque chose ! Malte arborait sa croix ; Venise, peuple-roi, Sur ses poupes mouvantes, L'héraldique lion qui fait rugir d'effroi Les lionnes vivantes. Le pavillon de Naple est éclatant dans l'air, Et quand il se déploie On croit voir ondoyer de la poupe à la mer Un flot d'or et de soie. Espagne peint aux plis des drapeaux voltigeant Sur ses flottes avares, Léon aux lions d'or, Castille aux tours d'argent, Les chaînes des Navarres. Rome a les clefs ; Milan, l'enfant qui hurle encor Dans les dents de la guivre ; Et les vaisseaux de France ont des fleurs de lis d'or Sur leurs robes de cuivre. Stamboul la turque autour du croissant abhorré Suspend trois blanches queues ; L'Amérique enfin libre étale un ciel doré Semé d'étoiles bleues. L'Autriche a l'aigle étrange, aux ailerons dressés, Qui, brillant sur la moire, Vers les deux bouts du monde à la fois menacés Tourne une tête noire. L'autre aigle au double front, qui des czars suit les lois, Son antique adversaire, Comme elle regardant deux mondes à la fois, En tient un dans sa serre. L'Angleterre en triomphe impose aux flots amers Sa splendide oriflamme, Si riche qu'on prendrait son reflet dans les mers Pour l'ombre d'une flamme. C'est ainsi que les rois font aux mâts des vaisseaux Flotter leurs armoiries, Et condamnent les nefs conquises sur les eaux À changer de patries. Ils traînent dans leurs rangs ces voiles dont le sort Trompa les destinées, Tout fiers de voir rentrer plus nombreuses au port Leurs flottes blasonnées. Aux navires captifs toujours ils appendront Leurs drapeaux de victoire, Afin que le vaincu porte écrite à son front Sa honte avec leur gloire ! Mais le bon Canaris, dont un ardent sillon Suit la barque hardie, Sur les vaisseaux qu'il prend, comme son pavillon, Arbore l'incendie ! Totor Hugo, Canaris (Les Orientales, II) ![]() |
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Agnès 01/12/2006 22:46 |
Un petit Laforgue tellement pathetique |
La chanson du petit hypertrophique C'est d'un' maladie d' cœur Qu'est mort', m'a dit l' docteur, Tir-lan-laire Ma pauv' mère; Et que j'irai là-bas, Fair' dodo z'avec elle. J'entends mon cœur qui bat, C'est maman qui m’appelle! On rit d' moi dans les rues, De mes min's incongrues La-i-tou! D’enfant saoul; Ah! Dieu! C'est qu'à chaqu' pas J’étouff', moi, je chancelle! J'entends mon cœur qui bat, C'est maman qui m’appelle! Aussi j' vais par les champs Sangloter aux couchants, La-ri-rette! C'est bien bête. Mais le soleil, j' sais pas, M' semble un cœur qui ruisselle! J’entends mon cœur qui bat, C’est maman qui m’appelle! Ah! si la p'tit' Gen'viève Voulait d' mon cœur qui s' crève. Pi-lou-i! Ah, oui! J' suis jaune et triste, hélas! Elle est ros', gaie et belle! J’entends mon cœur qui bat, C'est maman qui m’appelle! Non, tout l' monde est méchant, Hors le cœur des couchants, Tir-lan-laire! Et ma mère, Et j' veux aller là-bas Fair' dodo z'avec elle... Mon cœur bat, bat, bat, bat... Dis, Maman, tu m'appelles? Jules Laforgue 1ère publication: Revue Blanche 1er août 1895 |
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Agnès 01/12/2006 23:17 |
Et un autre, tiens |
Albums On m'a dit la vie au Far-West et les Prairies, Et mon sang a gémi : « Que voilà ma patrie!... » Déclassé du vieux monde, être sans foi ni loi, Desperado ! là-bas; là-bas, je serais roi!.... Oh là-bas, m'y scalper de mon cerveau d’Europe! Piaffer, redevenir une vierge antilope, Sans littérature, un gars de proie, citoyen Du hasard et sifflant l'argot californien! Un colon vague et pur, éleveur, architecte, Chasseur, pêcheur, joueur, au-dessus des Pandectes! Entre la mer; et les États Mormons! Des venaisons Et du whisky! vêtu de cuir, et le gazon Des Prairies pour lit, et des ciels des premiers âges Riches comme des corbeilles de mariage!.... Et puis quoi ? De bivouac en bivouac, et la Loi De Lynch ; et aujourd'hui des diamants bruts aux doigts Et ce soir nuit de jeu, et demain la refuite Par la Prairie et vers la folie des pépites!.... Et, devenu vieux, la ferme au soleil-levant, Une vache laitière et des petits-enfants.... Et, comme je dessine au besoin, à l'entrée Je mettrais: « Tatoueur des bras de la contrée! » Et voilà. Et puis, si mon grand cœur de Paris Me revenait, chantant : « Oh! pas encor guéri! « Et ta postérité, pas pour longtemps coureuse !.... » Et si ton vol, Condor des Montagnes-Rocheuses, Me montrait l'Infini ennemi du comfort, Eh bien, j'inventerais un culte d'Âge d'or, Un code social, empirique et mystique Pour des Peuples Pasteurs, modernes et védiques !.... Oh ! qu'ils sont beaux les feux de paille! qu'ils sont fous, Les albums ! et non incassables, mes joujoux !.... Jules Laforgue 1ère publication: La Revue Indépendante avril 1888 |
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lou 01/12/2006 23:17 |
comme quoi |
Comme quoi on peut faire sur une infirmité un poème émouvant qui est tout sauf cucul. ![]() |
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dom 02/12/2006 05:41 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
sympa Agnes,finalement tu arriverras a me rendre moins con, c'est quelque chose ça! a++ |
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Agnès 03/12/2006 10:37 |
C'est la semaine Jules |
Complainte de la lune en province Ah ! La belle pleine Lune, Grosse comme une fortune ! La retraite sonne au loin, Un passant, monsieur l'adjoint ; Un clavecin joue en face, Un chat traverse la place : La province qui s'endort ! Plaquant un dernier accord, Le piano clôt sa fenêtre. Quelle heure peut-il bien être ? Calme lune, quel exil ! Faut-il dire : ainsi soit-il ? Lune, ô dilettante lune, A tous les climats commune, Tu vis hier le Missouri, Et les remparts de Paris, Les fiords bleus de la Norwège, Les pôles, les mers, que sais-je ? Lune heureuse ! Ainsi tu vois, A cette heure, le convoi De son voyage de noce ! Ils sont partis pour l'Écosse. Quel panneau, si, cet hiver, Elle eût pris au mot mes vers ! Lune, vagabonde lune, Faisons cause et mœurs communes ? Ô riches nuits ! Je me meurs, La province dans le cœur ! Et la lune a, bonne vieille, Du coton dans les oreilles. Jules Laforgue Dom, j'ai toujours eu du plaisir à lire tes commentaires de découvertes poétiques. ![]() |
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GT 04/12/2006 22:36 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Après l'anniv de tonton Corneille, célébré dimanche, voici le poème le plus fameux de La Négresse Blonde de Georges Fourest : LE CID Le palais de Gormaz, comte et gobernador est en deuil; pour jamais dort couché sous la pierre l'hidalgo dont le sang a rougi la rapière de Rodrigue appelé le Cid Campeador Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre Chimène, en voile noirs, s'accoude au mirador et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière regardent, sans rien voir, mourir le soleil d'or ... Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle : sur la plaza Rodrigue est debout devant elle ! Impassible et hautain, drapé dans sa capa, le héros meurtrier à pas lents se promène : "Dieu !" soupire à part soi la plaintive Chimène, "qu'il est joli garçon l'assassin de Papa !" ![]() |
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Agnès 05/12/2006 14:19 |
Pour Pidgi, encore une louche |
Complainte des pianos qu'on entend dans les quartiers aisés Menez l'âme que les Lettres ont bien nourrie, Les pianos, les pianos, dans les quartiers aisés! Premiers soirs, sans pardessus, chaste flânerie, Aux complaintes des nerfs incompris ou brisés. Ces enfants, à quoi rêvent-elles, Dans les ennuis des ritournelles ? - « Préaux des soirs, Christs des dortoirs! « Tu t'en vas et tu nous laisses, Tu nous laiss's et tu t'en vas, Défaire et refaire ses tresses, Broder d'éternels canevas. » Jolie ou vague ? triste ou sage ? encore pure ? Ô jours, tout m'est égal ? ou, monde, moi je veux ? Et si vierge, du moins, de la bonne blessure, Sachant quels gras couchants ont les plus blancs aveux ? Mon Dieu, à quoi donc rêvent-elles ? A des Roland, à des dentelles? - « Cœurs en prison, Lentes saisons! « Tu t'en vas et tu nous quittes, Tu nous quitt's et tu t'en vas! Couvent gris, chœurs de Sulamites, Sur nos seins nuls croisons nos bras. » Fatales clés de l'être un beau jour apparues ; Psitt! aux hérédités en ponctuels ferments, Dans le bal incessant de nos étranges rues ; Ah! pensionnats, théâtres, journaux, romans! Allez, stériles ritournelles, La vie est vraie et criminelle. - « Rideaux tirés, Peut-on entrer? « Tu t'en vas et tu nous laisses, Tu nous laiss's et tu t'en vas, La source des frais rosiers baisse, Vraiment ! Et lui qui ne vient pas... » Il viendra ! Vous serez les pauvres cœurs en faute, Fiancés au remords comme aux essais sans fond, Et les suffisants coeurs cossus, n'ayant d'autre hôte Qu'un train-train pavoisé d'estime et de chiffons. Mourir ? peut-être brodent-elles, Pour un oncle à dot, des bretelles ? - « Jamais! Jamais! Si tu savais! « Tu t'en vas et tu nous quittes, Tu nous quitt's et tu t'en vas, Mais tu nous reviendras bien vite Guérir mon beau mal, n'est-ce pas? » Et c'est vrai ! l'Idéal les fait divaguer toutes, Vigne bohème, même en ces quartiers aisés. La vie est là ; le pur flacon des vives gouttes Sera, comme il convient, d'eau propre baptisé. Aussi, bientôt, se joueront-elles De plus exactes ritournelles. « - Seul oreiller! Mur familier! « Tu t'en vas et tu nous laisses, Tu nous laiss's et tu t'en vas. Que ne suis-je morte à la messe! Ô mois, ô linges, ô repas! » Jules Laforgue ![]() |
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Agnès 05/12/2006 14:33 |
Un peu de prose |
Voici le début de Persée & Andromède, ou le plus heureux des trois : http://www.laforgue.org/mora61.htm Hamlet n'est pas encore en ligne. Je croyais avoir déjà mis sur le fil Poésie "La complainte du foetus de poète", mais il semble que non, alors la voici - J'adore ! - Complainte du fœtus de poète Blasé dis-je! En avant, Déchirer la nuit gluante des racines, À travers maman, amour tout d’albumine, Vers le plus clair! vers l'alme et riche étamine D'un soleil levant ! - Chacun son tour, il est temps je m’émancipe, Irradiant des Limbes mon inédit type! En avant! Sauvé des steppes du mucus, à la nage Téter soleil ! et saoûl de lait d'or, bavant, Dodo à les seins dorloteurs des nuages, Voyageurs savants! - À rêve que veux-tu, là-bas, je vivrai dupe D’une âme en coup de vent dans la fraîcheur des jupes! En avant! Dodo sur le lait caillé des bons nuages Dans la main de Dieu, bleue, aux mille yeux vivants Aux pays du vin viril faire naufrage! Courage, Là, là, je me dégage… - Et je communierai, le front vers l'orient, Sous les espèces des baisers inconscients! En avant! Cogne, glas des nuits! filtre, soleil solide! Adieu, forêts d'aquarium qui, me couvant, Avez mis ce levain dans ma chrysalide! Mais j'ai froid? En avant! Ah! maman.... Vous, Madame, allaitez le plus longtemps possible Et du plus Seul de vous ce pauvre enfant-terrible. Jules Laforgue – Les Complaintes – 1885 Il y a des dessins de Laforgue, mais pas grand chose sur la toile me semble-t-il après une rapide recherche. ![]() |
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Nazdeb 11/12/2006 12:50 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
De José-Maria de Heredia, tiré du recueil « Les Trophées » chez Gallimard LE VOEU Jadis l’Ibère noir et le Gall au poil fauve Et le Garumme brun peint d’ocre et de carmin, Sur le marbre votif entaillé par leur main, Ont dit l’eau bienfaisante et la vertu qui sauve. Puis les Imperators, sous le Venasque chauve, Bâtirent la piscine et le therme romain, Et Fabia Festa, par ce même chemin, A cueilli pour les Dieux la verveine ou la mauve. Aujourd’hui, comme aux jours d’Iscitt et d’Ilixon, Les sources m’ont chanté leur divine chanson ; Le soufre fume encore à l’air pur des moraines. C’est pourquoi, dans ces vers, accomplissant les vœux, Tel qu’autrefois Hunnu, fils d’Ulohox, je veux Dresser l’autel barbare aux Nymphes souterraines. (Gall : Celte ; Garumme : Gascon ; Iscitt : sorte de Vulcain ; Ilixon : dieu des thermes) J’aime certains poèmes de Heredia mais je ne peux pas dire que celui-ci en fasse partie. Il a été inspiré au poète par un séjour fait à Bagnères-de-Luchon où il se serait plus emmerdé qu’autre chose, vers 1882. Je le cite pour le seul plaisir d’ajouter le commentaire qu’en a fait Leconte de Lisle (dont j’apprécie plus ce genre d’écrit que sa propre poésie...), qu’on peut découvrir dans les notes du recueil chez Gallimard : « Votre sonnet est des plus congrûment troussé. Le Garumme peint d’ocre me fait l’effet d’un gentilhomme archaïque fort distingué ; la calvitie du Venasque me touche, et les dieux Iscitt, Ixilon et Hunnu fils d’Ulohoxis sont d’un goût barbare on ne peut plus délicat. Cependant, je leur préfère encore, s’il est possible, Exprcenn, Aherbelst et Baicorrix qui me semblent notablement hirsutes, hispides, hypersulfureux, tatoués et idiosyncrasiques au suprême degré. » Hispide selon TLF : (Bot.) Garni de poils rudes et épars. (D’une personne) A la barbe ou aux cheveux hirsutes ; d’aspect revêche. Citons Bloy : « Une bouchère hispide que le beau Tertullien avait dédaignée l’accusait ouvertement d’impuissance ». ![]() |
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Nazdeb 11/12/2006 12:51 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Mais pourquoi évoquer Heredia ? Parce qu’un bien plus beau poème, tiré du même recueil, a servi de base à un S+7 des Papous, il y a maintenant pas mal d’années, et que j'ai découvert récemment. Le voici : LES CONQUERANTS Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal, Fatigués de porter leurs misères hautaines, De Palos de Moguer, routiers et capitaines Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal. Ils allaient conquérir le fabuleux métal Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines, Et les vents alizés inclinaient leurs antennes Aux bords mystérieux du monde occidental. Chaque soir, espérant des lendemains épiques, L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques Enchantait leur sommeil d'un mirage doré ; Ou, penchés à l'avant de blanches caravelles, Ils regardaient monter en un ciel ignoré Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles. ![]() |
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Agnès 12/12/2006 23:26 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Merci Nazdeb, j'adore le commentaire leconte-de-l'islien ! ![]() |
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Agnès 12/12/2006 23:30 |
Autre sonnet |
À beaucoup de danger est sujette la fleur : Ou l’on la foule au pied ou les vents la ternissent, Les rayons du soleil la brûlent et rôtissent, La bête la dévore, et s’effeuille en verdeur. Nos jours, entremêlés de regret et de pleur, À la fleur comparés comme la fleur fleurissent Tombent comme la fleur, comme la fleur périssent, Autant comme du froid tourmentés de l’ardeur. Non de fer ni de plomb, mais d’odorantes pommes Le vaisseau va chargé, ainsi les jours des hommes Sont légers, non pesants, variables et vains, Qui, laissant après eux d’un peu de renommée L’odeur en moins de rien comme fruit consommée, Passent légèrement hors du cœur des humains. Jean-Baptiste Chassignet (Le mépris de la vie et consolation contre la mort, pensé-je) |
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LRDB 12/12/2006 23:41 |
2 versions détournées de Heredia |
Version Vialatte : http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=16 172&debut=0&page=1 Version Rassemblement des Auditeurs Contre la Casse de France Culture, par un pseudo anonyme de l'été 2004 : http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=64 20&debut=0&page=1 |
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ddfc 12/12/2006 23:43 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
"Vive la beauté", de Laurence Viel, un poème entendu dans Poésie sur parole : http://ddfc.free.fr/vive-la-beaute.mp3 ![]() |
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Agnès 13/12/2006 10:52 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Très bien les parodies, Laurent, bravo pour la vôtre. J'écouterai le Viel later on. |
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Nazdeb 14/12/2006 10:46 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Laurent, super merci pour le Vialatte, des plus joliment chantourné ! ![]() |
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Agnès 17/12/2006 22:26 |
re : Hommage aux papous de Lyon |
Persiennes* Persienne Persienne Persienne Persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne Persienne Persienne Persienne Persienne ? Louis Aragon - Le mouvement perpétuel *C'est évidemment beaucoup mieux avec les notes en bas de page... |
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AArgh!!! 17/12/2006 22:27 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Naturellement la disposition sur la page n'est pas passée, grrrr! |
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Agnès 28/12/2006 00:30 |
Encore un petit Laforgue |
pour faire remonter ce fil. L'éternel Quiproquo Droite en selle A passé Mad'moiselle Aïssé ! Petit cœur si joli ! Corps banal mais alacre ! Un colis Dans un fiacre. Ah ! les flancs Tout brûlants De fringales Séminales, Elle écoute Par les routes Si le cor D'un Mondor Ne s'exhale Pas encor ! - Oh! raffale - Moi le corps Des salives Corrosives Dont mes flancs Vont bêlant ! - Ô vous Bon qui passez Donnez-moi des nouvelles De ma Belle Mad'moiselle Aïssé. Car ses épaules Sont ma console, Mon Acropole ! Des fleurs de bonne volonté ![]() |
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lou 18/01/2007 23:34 |
Heine |
Lu dans un numéro de la Quinzaine Littéraire datant de quelques semaines. En février 1848, à Paris, Heinrich Heine très malade entre en clinique. L’idée de mourir en laissant seule sa femme Mathilde lui est insupportable. Il écrit les « Soucis babyloniens », en Allemand (traduction N. Taubes). Extraits : « J’entends la mort… si je pouvais, j’irais Ma douce te perdre en forêt, Dans l’une de ces sapinières Où gîtent les loups, les vautours, Où grogne l’effrayante laie, L’épouse du sanglier roux. J’entends la mort… mais mieux vaudrait encore, En haute mer, te laisser à bord, Petite épouse abandonnée, Quand le sauvage vent polaire Bat les crêtes, quand des abysses Où dorment ces monstres énormes, Montent requins et crocodiles Qui nagent la gueule ouverte Crois-moi, petite femme, enfant, Mathilde, Moins dangereux sont l’océan En furie, les forêts hostiles, Que notre séjour du moment ! Si cruels que soient loups, vautours, Et ces requins, monstres marins : Plus effrayants sont les grands fauves De ce Paris, brillant phare du monde, Du beau Paris qui chante et qui fait bal, L’enfer des anges, paradis du diable, - À l’idée de t’y laisser seule Je deviens fou, je perds le sens ! Narquoises, tout autour du lit, bourdonnent Des mouches noires. Sur le nez, sur le front Vont se poser – fi, la funeste engeance ! Certaines ont humaine face Avec des trompes d’éléphant, Tel Ganesh, le Dieu d’Hindoustan, - Dans mon cerveau, j’entends des bruits ; Quelqu’un, je crois, y fait ses malles : C’est ma raison qui déménage, hélas, Dès avant moi désertant le logis. » Pendant cette période, il déclare à une amie allemande « Ce qui m’étonne le plus, dans ce supplice, c’est mon énorme, mon indestructible soif de vivre. » Il est mort en 1856. ![]() |
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Agnès 28/01/2007 17:06 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Très beau, ce poème de Heine, thanks, lou ! Et en hommage au Cueco inspiré de ce midi aux Papous, Portrait ![]() Il dort Il est éveillé Tout à coup, il peint Il prend une église et peint avec une église Il prend une vache et peint avec une vache Avec une sardine Avec des têtes, des mains, des couteaux Il peint avec un nerf de boeuf Il peint avec toutes les sales passions d’une petite ville juive Avec toute la sexualité exacerbée de la province russe Pour la France Sans sensualité Il peint avec ses cuisses Il a les yeux au cul Et c’est tout à coup votre portrait C’est toi lecteur C’est moi C’est lui C’est sa fiancée C’est l’épicier du coin La vachère La sage-femme Il y a des baquets de sang On y lave les nouveau-nés Des ciels de folie Bouches de modernité La tour en tire-bouchon Des mains Le Christ Le Christ c’est lui Il a passé son enfance sur la Croix Il se suicide tous les jours Tout à coup il ne peint plus Il était éveillé Il dort maintenant Il s’étrangle avec sa cravate Chagall est étonné de vivre encore Blaise Cendrars, Dix-neuf poèmes élastiques, 1913. |
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A. 28/01/2007 17:09 |
Un autre |
Atelier La Ruche Escaliers, portes, escaliers Et sa porte s’ouvre comme un journal Couverte de cartes de visite Puis elle se ferme. Désordre, on est en plein désordre Des photographies de Léger, des photographies de Tobeen, qu’on ne voit pas Et au dos Au dos Des oeuvres frénétiques Esquisses, dessins, des oeuvres frénétiques Et des tableaux... Bouteilles vides «Nous garantissons la pureté absolue de notre sauce tomate» Dit une étiquette La fenêtre est un almanach Quand les grues gigantesques des éclairs vident les péniches du ciel à grand fracas et déversent des bannes de tonnerre Il en tombe Pêle-mêle Des cosaques le Christ Un soleil en décomposition Des toits Des somnambules des chèvres Un lycanthrope Pétrus Borel La folie l’hiver Un génie fendu comme une pêche Lautréamont Chagall Pauvre gosse auprès de ma femme Délectation morose Les souliers sont éculés Une vieille marmite pleine de chocolat Une lampe qui se dédouble Et mon ivresse quand je lui rends visite Des bouteilles vides Des bouteilles Zina (Nous avons parlé d’elle) Chagall Chagall Dans les échelles de la lumière. Blaise Cendrars, Dix-neuf poèmes élastiques, 1913. |
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Agnès 28/05/2007 22:28 |
Puisque Debussy appelle Verlaine |
Ce magnifique poème, le premier des Fêtes Galantes Clair de lune Votre âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques Jouant du luth et dansant et quasi Tristes sous leurs déguisements fantasques. Tout en chantant sur le mode mineur L'amour vainqueur et la vie opportune Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur Et leur chanson se mêle au clair de lune, Au calme clair de lune triste et beau, Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres Et sangloter d'extase les jets d'eau, Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres. VERLAINE (Fêtes galantes) |
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dom 28/05/2007 22:49 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
je prefere verlaine au poeme elastique coucou Agnes! |
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Agnès 28/05/2007 22:57 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Bonsoir Dom. Tiens, un autre, du même recueil, mais moins mélancolique : Cythère Un pavillon à claires-voies Abrite doucement nos joies Qu'éventent des rosiers amis ; L'odeur des roses, faible, grâce Au vent léger d'été qui passe, Se mêle aux parfums qu'elle a mis ; Comme ses yeux l'avaient promis, Son courage est grand et sa lèvre Communique une exquise fièvre ; Et l'Amour comblant tout, hormis La faim, sorbets et confitures Nous préservent des courbatures. ![]() |
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Agnès 28/05/2007 22:59 |
Et celui-ci encore, délectable |
qu'Hugo avait qualifié de "bijou"... Les coquillages Chaque coquillage incrusté Dans la grotte où nous nous aimâmes A sa particularité. L'un a la pourpre de nos âmes Dérobée au sang de nos cœurs Quand je brûle et que tu t'enflammes ; Cet autre affecte tes langueurs Et tes pâleurs alors que, lasse, Tu m'en veux de mes yeux moqueurs ; Celui-ci contrefait la grâce De ton oreille, et celui-là Ta nuque rose, courte et grasse ; Mais un, entre autres, me troubla. ![]() |
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Zx 28/05/2007 23:14 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Je chante le corps électrique, Walt Whitman (très long, j'indique simplement le lien vers l'original qui en vaut la peine) : http://www.bartleby.com/142/19.html |
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dom 28/05/2007 23:30 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
tu finiras par faire autre chose de moi qu'un barbare du fond des ages agnes Et l'Amour comblant tout, hormis La faim, sorbets et confitures Nous préservent des courbatures. je mangerais plus de confitures au dejeuner promis :-))))! dommage ZX je ne maitrise pas suffisemant l'anglais pour comprendre l'integralité et les subtilités du texte, déja quen francais c'était pas mon truc, si ilfaut que je m'y mette en anglais....::)))))! |
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Zx 28/05/2007 23:46 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Je le taperais bien mais ce soir je n'ai pas trop le temps - arf, le flemmard ![]() Malheureusement, la poésie, pour moi, c'est surtout en Anglais :( |
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LRDB 29/05/2007 00:18 |
secours pour la subtilité du textre |
Elo, pour une piqûre de rappel sur Whitman, le Une vie une oeuvre de Françoise Estèbe est toujours dispo à cette adresse, pour environ 3 mois je pense... http://www.tv-radio.com/ondemand/france_culture/UNEVIE/UNEVI E20060924.ram |
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Zx 29/05/2007 00:30 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Merci ! Je l'avais enregistré celui-là, il en vaut la peine. |
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Agnès 01/07/2007 19:07 |
Suggeré par le contrepet honnete de Jacques Vallee |
Magie très voyeuse J'ai vu régner ma peine... donnait à l'issue de l'historiette (Cosi fan tutte) Ma vie très joyeuse j'ai vu peigner ma reine. (Où passait le souvenir du poème qui suit, que j'aime beaucoup) Elsa au miroir par Louis Aragon C'était au beau milieu de notre tragédie Et pendant un long jour assise à son miroir Elle peignait ses cheveux d'or je croyais voir Ses patientes mains calmer un incendie C'était au beau milieu de notre tragédie Et pendant un long jour assise à son miroir Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit C'était au beau milieu de notre tragédie Qu'elle jouait un air de harpe sans y croire Pendant tout ce long jour assise a son miroir Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit Qu'elle martyrisait à plaisir sa mémoire Pendant tout ce long jour assise à son miroir A ranimer les fleurs sans fin de l'incendie Sans dire ce qu'un autre à sa place aurait dit Elle martyrisait à plaisir sa mémoire C'était au bon milieu de notre tragédie Le monde ressemblait à ce miroir maudit Le peigne partageait les feux de cette moire Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire C'était au beau milieu de notre tragédie Comme dans la semaine est assis le jeudi Et pendant un long jour assise à sa mémoire Elle voyait au loin mourir dans son miroir Un à un les acteurs de notre tragédie Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit Et vous savez leur noms sans que je leur aie dit Et ce que signifient les flammes des longs soirs Et ses cheveux dorés quand elle vint s'asseoir Et peigner sans rien dire un reflet d'incendie Aragon - La Diane Française (1945) ![]() |
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Agnès 04/09/2007 21:07 |
puisque Marcel Aymé, tiens |
une très jolie chanson, mise en musique par Guy Béart Une blonde malabar les yeux durs J'peux pas mieux dire la découpure En plus de son accent chabraque Qu'avait Marika la Polaque Elle logeait rue du Pont-aux-choux Sous les toits avec un chien-loup Qui lui avait léché les mains Un soir dans la rue Porte-foin Refrain La Chabraque, La Chabraque Qu'avait d'la défense et d'l'attaque La Chabraque, la Chabraque, Qu'avait un chien fou, un chien loup Des années elle est restée sage Elle supportait pas l'badinage Ni des paumés ni des richards J'l'ai vue sonner à coup d'riflard Un grossium du Carreau du Temple Qu'en pinçait pour ses vingt printemp...les Et puis au square elle s'est toquée D'un minable qui la r'luquait La Chabraque, La Chabraque Qu'avait d'la défense et d'l'attaque La Chabraque, la Chabraque, Qu'avait un chien fou, un chien loup Il est venu rue du Pont-aux-choux Ça pouvait pas plaire au chien-loup Tout de suite il a montré les dents Mais quand il a vu l'soupirant Serre contre lui la Chabraque Il lui a sauté au colbaque Tellement la bête a mordu fort V'là le minable saigné à mort La Chabraque, La Chabraque Qu'avait d'la défense et d'l'attaque La Chabraque, la Chabraque, Qu'avait un chien fou, un chien loup Les hirondelles qui pédalaient Le long du Boulevard Beaumarchais Sur le coup d'trois heures du matin Ont croisé une fille et un chien Une grande blonde qu'avait l'air pressé Le chien la suivait tête baissée Dans la brume ils se sont perdus Et la Chabraque, on l'a plus r'vue La Chabraque, La Chabraque Qu'avait d'la défense et d'l'attaque La Chabraque, la Chabraque, Qu'avait un chien fou, un chien loup... ![]() |
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AArgh !!! 05/09/2007 09:53 |
ça m'a traversé l'esprit, tout d'un coup |
il s'avère que je radote ![]() http://www.virginmega.fr/Musique/Fiches/Titre.aspx?Product_I d=100313917 ![]() |
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Mon nom est personne 05/09/2007 16:58 |
Alberto Caeiro écrit : |
- Hola gardeur de troupeau, sur le bas-côté de la route, que te dit le vent qui passe ? - Qu'il est le vent et qu'il passe Et qu'il est déjà passé, et qu'il passera encore; Et toi, que et dit-il ? - Il me dit bien davantage. De mainte autre chose il me parle, de souvenirs et de regrets Et d'autres qui jamais ne furent. - Tu n'as jamais ouï passer le vent, Le vent ne parle que du vent Ce que tu lui as entendu dire était mensonge Et le mensonge était en toi |
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A. 05/09/2007 18:46 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
La femme du vent Paroles et Musique: Anne Sylvestre 1962 Maman, le vent me fait la cour Le vent me trousse et m'éparpille Le vent me souffle des discours - Pardi c'est ennuyeux ma fille Ça l'est bien plus encor Maman Car le grand vent est mon amant {Refrain:} Fille folle amante du vent Boucle ton corset Baisse bien la tête Méfie-toi qui aime le vent Engendre la tempête Engendre la tempête. Maman le vent partout me suit Le vent me presse et me bouscule Il pousse mes volets la nuit - Pardi tu seras ridicule De quoi ma fille a-t-on bien l'air En accouchant d'un courant d'air {Refrain} Maman le vent m'aime si fort Que je dois ouvrir les fenêtres Il ne veut plus coucher dehors Et je crois qu'un enfant va naître - Fille je m'en irai avant D'être la grand-mère du vent {Refrain} Maman mon fils est né ce soir J'en suis restée toute meurtrie N'ai pas eu le temps de le voir Il m'a laissé à ma folie Et le voici parti Maman Aux trousses de son père le vent Mes amours ne sont que du vent Est-ce aussi le vent que j'ai dans la tête Puisque tu me fuis mon enfant Je suivrai la tempête Je suivrai la tempête. |
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Agnès 11/11/2007 18:03 |
Louise de Vilmorin (évoquée aux Papous) |
Un tonnelier sévère Un tonnelier sévère Qui mon amant devint Par l'automne s'en vint De Paris à Tonnerre Car son coeur est devin. Mon coeur n'a pas d'automne, J'avais un autre amant Caché dans une tonne Que nul ne s'en étonne Comment faire autrement ? En entrant dans la pièce, Mon amant tonnelier Voulut me mettre en pièce Puis en tonnant : " Qui est-ce ? " Il s'en fut au cellier. Là, couché dans sa tonne, Ô lit de ses revers, Mon innocent entonne Quelques vers où l'eau tonne Quand les bois sont d'hiver. Mon tonnelier sévère, À mis, à midi vingt, L'ami, l'ami divin Vent d'ange dans sa bière Et je l'appelle en vain. Et celui-ci, autrefois adapté sous forme de chanson par Guy Béart : Plus jamais de chambre pour nous, Ni de baisers à perdre haleine Et plus jamais de rendez-vous Ni de saison, d'une heure à peine, Où reposer à tes genoux. Pourquoi le temps des souvenirs Doit-il me causer tant de peine Et pourquoi le temps du plaisir M'apporte-t-il si lourdes chaînes Que je ne puis les soutenir ? Rivage, oh ! rivage où j'aimais Aborder le bleu de ton ombre Rives de novembre ou de mai Où l'amour faisait sa pénombre Je ne vous verrai plus jamais. Plus jamais. C'est dit, c'est fini Plus de pas unis, plus de nombre, Plus de toit secret, plus de nid, Plus de lèvres où fleurit et sombre L'instant que l'amour a béni. Quelle est cette nuit dans le jour ? Quel est dans le bruit ce silence ? Mon jour est parti pour toujours, Ma voix ne charme que l'absence, Tu ne me diras pas bonjour. Tu ne me diras pas, me voyant, Que j'illustre les différences, Tu ne diras pas, le croyant, Que je suis ta bonne croyance Et que mon coeur est clairvoyant. Mon temps ne fut qu'une saison. Adieu saison vite passée. Ma langueur et ma déraison Entre mes mains sont bien placées Comme l'amour en sa maison. Adieu plaisirs de ces matins Où l'heure aux heures enlacée Veillait un feu jamais éteint. Adieu. Je ne suis pas lassée De ce que je n'ai pas atteint. ![]() |
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w 11/11/2007 20:31 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
smileyjesèmàtouvents + smileyarrozezoir + ![]() |
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pascale 19/11/2007 14:34 |
Poésie inactuelle |
Tout s'en va. LA RAISON Moi, je me sauve. LE DROIT Adieu ! je m'en vais. L'HONNEUR Je m'exile. ALCESTE Je vais chez les hurons leur demander asile. LA CHANSON J'émigre. Je ne puis souffler mot, s'il vous plaît, Dire un refrain sans être empoignée ait collet Par les sergents de ville, affreux drôles livides. UNE PLUME Personne n'écrit plus ; les encriers sont vides. On dirait d'un pays mogol, russe ou persan. Nous n'avons plus ici que faire ; allons-nous-en, Mes soeurs, je quitte l'homme et je retourne aux oies. LA PITIÉ Je pars. Vainqueurs sanglants, je vous laisse à vos joies. Je vole vers Cayenne où j'entends de grands cris. LA MARSEILLAISE J'ouvre mon aile, et vais rejoindre les proscrits. LA POÉSIE Oh ! je pars avec toi, pitié, puisque tu saignes ! L'AIGLE Quel est ce perroquet qu'on met sur vos enseignes, Français ? de quel égout sort cette bête-là ? Aigle selon Cartouche et selon Loyola, Il a du sang au bec, français ; mais c'est le vôtre. Je regagne les monts. Je ne vais qu'avec l'autre. Les rois à ce félon peuvent dire : merci ; Moi, je ne connais pas ce Bonaparte-ci ! Sénateurs ! courtisans ! je rentre aux solitudes ! Vivez dans le cloaque et dans les turpitudes, Soyez vils, vautrez-vous sous les cieux rayonnants ! LA FOUDRE Je remonte avec l'aigle aux nuages tonnants. L'heure ne peut tarder. Je vais attendre un ordre. UNE LIME Puisqu'il n'est plus permis qu'aux vipères de mordre, Je pars, je vais couper les fers dans les pontons. LES CHIENS Nous sommes remplacés par les préfets ; partons. LA CONCORDE Je m'éloigne. La haine est dans les coeurs sinistres. LA PENSÉE On n'échappe aux fripons que pour choir dans les cuistres. Il semble que tout meure et que de grands ciseaux Vont jusque dans les cieux couper l'aile aux oiseaux. Toute clarté s'éteint sous cet homme funeste. Ô France ! je m'enfuis et je pleure. LE MÉPRIS Je reste. Victor Hugo, les Châtiments Novembre 1852. |
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Agnès 19/11/2007 19:31 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
Oh MERCI Pascale ! J'avais oublié ce texte... Alas.... ![]() |
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pascale 19/11/2007 19:59 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
![]() |
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benier 20/12/2007 21:36 |
re : Hommage à Poésie sur parole (II) |
avez vous écouté poesie sur parole les 20 ans- le 16 décembre - Velter y parle "d'antenne passablement brouillée "et annonce son départ... |
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