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paul

06/12/2005
09:58
J-L Ezine, l'homme qui sait lire la page blanche

Il y a des journalistes qui savent lire, et Jean-Louis Ezine en fait partie, car il sait lire ce qui n'est pas écrit. Il a repéré, non pas ce qui faisait la substance de nos quotidiens du 6 décembre, mais la substance qui manquait dans ces journaux. Ce n'est pas son rôle de nous révéler le pourquoi de cette carence, aussi mérite-t-il qu'on revienne sur sa revue de presse pour palier cette autre absence.

J-L nous décrit en détail comment la presse français a omis, ce matin de nous parler de l'énorme marché avionnique passé entre la France et la Chine. 130 Airbus 230 ! Le plus gigantesque contrat passé entre deux pays depuis le Plan Marshall. Alors, question : pourquoi ce silence de notre presse sur cet événement, qui en d'autres temps aurait fait non seulement la une, mais la moitié du journal, avec autant de cocoricos (s ?) que de détails juteux sur le nombre de millards d'Euro qui allaient tomber en pluie sur notre continent, puisque Airbus n'est pas un produit français, mais une marchandise européenne.

Ce premier détail serait-il la cause principale du silence de nos agneaux en papier ? Le fait que ce marché ne nous concerne que partiellement, nous autres bêtes noires du Non européen ? Je ne le pense pas, je suis même sûr que non, car l'intégration européenne de la production d'Airbus est un des rares succès décisifs de la construction européenne. Alors de quoi s'agit-il ?

Il s'agit une fois de plus de la peur : la peur qui guide le monde et les hommes. Pourquoi la peur ? C'est simple, en signant ce contrat gargantuesque, la France (et sans doute les autres pays coproducteurs avec, à savoir presque toute l'Europe), ont signé ainsi un véritable casus belli avec l'Amérique. Tout le monde a, en effet, enregistré le fait que la condition sine qua non de cet achat pharaonique est le transfert de technologie que représente le montage final de ces avions sur le sol chinois. Transfert que toutes les grandes puissances se refusent à accepter depuis des décennies selon une éthique cimentée dans les annnées quatre-vingt-dix par un certain Reagan.

Il y a donc dans cette vente record, un record de trahison de la philosophie politique qui domine toutes les relations commerciales qui portent sur des produits dits, en d'autres temps, stratégiques. N'importe quel citoyen lambda comprend, en effet, que le fait d'accepter le montage final en Chine, implique à long terme l'indépendance technologique de la Chine, une indépendance qui en d'autres temps auraient pu sauver l'Union Soviétique si la rigueur "éthique" reaganienne n'avait pas triomphé de bout en bout. Une indépendance qui tue à distance cette vache à lait qu'est devenue Airbus, premier et peut-être dernier poste dans la liste des biens industriels qui nous permet de survivre dans ce qui s'avère chaque jour un peu plus comme une fausse prospérité.

Je conclue pour ne pas être trop long : nous transférons de la technologie - la chose qui devait nous sauver par rapport au dumping naturel sur le travail dont la Chine et tout l'extrême-orient tire sa propre survie - et, ce faisant, nous trahissons tous ceux qui tirent, comme nous, leurs survie de leur puissance scientifique. Autrement dit nous signons ainsi notre divorce définitif avec les E-U. Au demeurant, je n'ai rien à redire moralement à cette décision qui ne fait que trahir le degré de dépendance dont nous souffrons déjà à l'égard de ces pays, et je suis un militant actif du partage du savoir. Je ne peux donc que saluer ce geste anti-capitaliste sans partager le deuil de notre presse qui, elle, n'ose même pas se prononcer sur ce Waterloo économique. Il faut oser scier la branche sur laquelle on est assis, c'est fait, et c'est tant mieux car désormais il faudra trouver autre chose que les acquis du passé pour se garder une place au soleil de la prospérité.

Je dédie ce bravo éditorial à tous ceux qui ont eu le courage de faire enfin - car la Chine n'a pas attendu hier pour exiger cette clause mortelle à tout contrat d'importance - le pas décisif. Et j'attens avec sérénité et jubilation la réaction de Washington qui doit apprécier à sa juste valeur cette trahison d'une morale non-dite mais jusqu'à présent strictement respectée par tout le monde.

pk










 
Nazdeb

06/12/2005
10:51
re : J-L Ezine, l'homme qui sait lire la page blanche

Il me semble que l'information a été bioen davantage traitée par la presse que ne l'entend Jean-Louis.
Nunançons d'ailleurs un peu ce succès (français ou européen ? "Cocorico" entonne le Nouvel Obs ce matin) : Boeing a vendu 70 appareils aux Chinois voilà quinze jours...
http://fr.biz.yahoo.com/20112005/202/la-chine-commande-70-bo eing-737-pour-quatre-milliards-de.html
Mais certes, ce sont bien plus d'avions que le constructeur européen va fournir à la Chine avec l'installation d'une chaîne de production sur place. On parle de plusieurs centaines d'appareils d'ici quelques années.
Ce qui est malheureusement certain, c'est qu'on n'est pas près de respirer un peu mieux sur cette fichue planète...



 
guydufau

06/12/2005
11:57
re : J-L Ezine, l'homme qui sait lire la page blanche

La France (avec l'accord de ses partenaires européens?) a vendu non seulement des Airbus, mais encore la tehnique, le savoir faire, l'avionneur et finalement " la boutique en somme".
Ce n'est pas nouveau, cela s'est déjà produit avec le TGV; je ne suis pas sûr que les américains n'en aient pas fait autant avec Boeing, ne résistant pas à un profit immédiat et fidèles à une politique à court terme, mais concernant les affaires, ils sont plus discrets que le coq gaulois.
Cette question de transfert de technologie est-elle si importante pour la Chine? Elle fait gagner un peu de temps à ce pays, c'est tout. Il ne faut pas oublier que les chinois lancent des sattelites et Laurent Lafforgue, sur notre antenne, il y a peu, s'est dit suffoqué des moyens que la Chine se donne pour la recherche fondamentale dont toute avancée technologique dépend.
S'il faut envisager quelque considération sur l'avenir, la montée en puissance de la Chine va rabaisser le caquet des ultra-libéraux, saissant de se croire les maîtres du monde, ce qui les fera enfin réfléchir.
 
guydufau

06/12/2005
14:07
re : J-L Ezine, l'homme qui sait lire la page blanche

cessant de se croire... quand la loi de la jungle ne leur sera plus favorable, ils chercheront à légiférer
 
casse-croûte

06/12/2005
16:42
NDLR

Guy, une erreur s'est semble-t-il glissée dans ton post de 11:57.
Celui qui s'extasiait sur les labos de recherche fondamentale était Alain Aspect, médaille d'or du CNRS, le 1er décembre aux Matins de France Qltrure:
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/ matins/fiche.php?diffusion_id=36647

Laurent Lafforgue, c'est le mathématicien dont la croisade contre les méthodes de l'éducation fait l'unanimité sur DDFC :
http://www.broguiere.com/culture/forum2/index.php3?lecture=6 233&debut=0&page=1
 
casse-croûte

06/12/2005
16:43
re : J-L Ezine, l'homme qui sait lire la page blan

A moins que L.Lafforgue n'admire profondément les écoles chinoises, également ...
 
guydufau

06/12/2005
17:03
re : J-L Ezine, l'homme qui sait lire la page blanche

D'accord, c'est Albert Aspect, mais ces deux chercheurs se ressemblent; quant aux écoles chinoises,c'est une occasion de chinoiser, n'est ce pas.
 
Henry Faÿ

06/12/2005
18:08
la Chine un cas d'école pour les ultra-libéra


««S'il faut envisager quelque considération sur l'avenir, la montée en puissance de la Chine va rabaisser le caquet des ultra-libéraux, saissant de se croire les maîtres du monde, ce qui les fera enfin réfléchir.»»

S'il y a un pays qui ne fait que confirmer et illustrer les idées des ultralibéraux, c'est bien la Chine. C'est depuis qu'elle a remisé aux vestiaire ses concepts marxistes qu'elle connaît cette éclatante prospérité. Il y a bien un secteur étatique en Chine mais il est de plus en plus marginalisé. Ce sont les sociétés capitalistes qui jouent le rôle de locomotive. En outre, il se développe dans l'Empire du Milieu une idéologie officielle antiégalitaire qui chez nous serait taxée d'extrême droite.


 
shh

07/12/2005
20:03
re : J-L Ezine, l'homme qui sait lire la page blan

Que voilà une fine étude sinologique.
 
guydufau

07/12/2005
21:38
re : J-L Ezine, l'homme qui sait lire la page blanche

Je salue de retour d'Henry,qui confirme parlant d'extrême droite que la Chine est un repoussoir; "l'éclatante prospérité", quelle farce pour la grande majorité des chinois.
 
Agnès

07/12/2005
22:45
Henry, le retour


Oui, bonsoir, Henry, contente de vous voir de retour. Je me demandais quand nous aurions le plaisir de vous relire!
 
Henry Faÿ

08/12/2005
19:55
les connections internet en Angola

J'ai fini par trouver à Luanda un cyber qui marche très bien et je me suis habitué aux claviers portugais.

 
Henry Faÿ

08/12/2005
20:02
re : J-L Ezine, l'homme qui sait lire la page blanche


««Je salue de retour d'Henry,qui confirme parlant d'extrême droite que la Chine est un repoussoir; "l'éclatante prospérité", quelle farce pour la grande majorité des chinois.»»

En tout cas, ne pas récupérer la Chine dans le combat contre le libéralisme, c'est un pays qui entre étonnament bien dans les schémas des ultralibéraux, enfin jusqu'à un certain point, je suppose.


 
Henry Faÿ

08/12/2005
20:04
du lard ou du cochon?

«Que voilà une fine étude sinologique.»
que dois-je comprendre?


 
guydufau

08/12/2005
20:53
re : J-L Ezine, l'homme qui sait lire la page blanche

Henry :
Il ne s'agit pas de récupérer la Chine contre le libéralisme, il s'agit de voir venir : nos libéraux devenant des dominés face à la Chine chercheront des protections, c'est à dire prendront des mesures anti libérales. Quand on est le renard, on est libéral, quand on devient la volaille, c'est une autre affaire.
 
shhh

08/12/2005
21:08
re : J-L Ezine, l'homme qui sait lire la page blan

Henry, si vous souhaitez vraiment que j'explique une phrase quand même facile à comprendre, je crois que le forum bleu est plus approprié.
Il y a 5 phrases dans votre résumé de la Chine, et je pense qu'il n'y pas une seule de ces phrases qui ne soit erronée.
Certes je ne connais pas la Chine, mais enfin confondre un capitalisme étatique avec du libéralisme, prétendre que la Chine ait jamais été marxiste ( alors que Mao n'était qu'un despote tout ce qu'il y a de plus classique, juste un peu plus criminel que les autres), s'étonner d'une 'prospérité" dont on ne sait rien, à part quelques catastrophes écologiques et industrielles de toute beauté, de façon symétrique ça me rappelle curieusement les intellectuels français à genoux devant Mao.
Là ce sont les industriels qui sont à plat ventre d'admiration et de reconnnaissance pour la fourniture d'une main d'oeuvre bon marché et bien tenue, mais c'est la même méconnaissance de ce pays qui est quand même difficile à décrire en 5 phrases.

 
La reine des belges

08/12/2005
22:13
précision Alexadlerienne

A toutes fins utiles je rappelle cette info donnée par notre cher Alex Adler (ouvrons les guillemets) :
<< je signale à Nazdeb et à stunt qu'il y a encore en Chine des barrières douanières internes >>

Loin de moi la volonté de faire l'éloge du libéralisme (pouacre) mais enfin comme libéralisme excusez moi on fait mieux huh

la reine
 
paul

09/12/2005
09:20
re : J-L Ezine, l'homme qui sait lire la page blan

En tant qu'ouvreur de ce fil, j'ai quelque droit d'en rétablir la rectitude lorsqu'on en vient à dévier de manière fantaisiste du sujet proposé. Alors, excusez-moi, mais je ne vois pas ce que vient faire ici ce débat sur le libéralisme hypothétique de la Chine, objet de pensée tellement absurde qu'on peut bien excuser Henry de l'exhiber au sortir d'une forte crise de paludisme aggravée par un clavier portugais dont je peux imaginer la complexité anti-libérale.

Non j'ai lancé une réflexion sur un trend général de l'économie mondiale qui ressemble fort à une sorte de suicide à terme d'une forme ou d'un stade ou d'un état historique du capitalisme : le transfert de technologie est, depuis des décennies, le cauchemar de tous les pouvoirs du Kapital Occidental. (voir la politique rigoureuse mise en place par Reagan à seule fin d'étouffer l'URSS). Or je voulais simplement faire le constat, fort justement complété par quelques remarques qui ont suivi, d'un mouvement général d'ouverture des coffres du savoir jusqu'ici considérés comme les derniers atouts de notre civilisation démocratique. En d'autres lieux comme l'Iran par exemple, un tel transfert prend des allures tragiques et tellement menaçantes que les bruits de botte se font déjà entendre. On peut résumer toute cette problématique par l'Accord sur la Non-Prolifération nucléaire, qui n'est rien d'autre que la prolifération de la science elle-même et de la technologie correspondante.

Si, cela a à voir avec notre problème d'Airbus, car il est question de puissance et de son accumulation, et la récente baisse de pantalon française dans le seul but de vendre une centaine d'exemplaires de A 320 me paraît aussi importante à examiner que l'aide technique que l'Europe et l'Amérique ont apporté à un certain Sadam Hussein en d'autres temps dans le but avéré, non pas d'entreprendre des génocides, comme on y va quand les mots font de l'effet, mais de châtier durement et de manière certes inacceptable et immorale des populations qui représentaient un danger intérieur évident au cours d'une guerre sans merci contre l'Iran, mémoire SVP. Et tout cela pour quelques dollars de plus, ou plutôt pour une poignée de barrils futurs.

La remarque selon laquelle « tout le monde le fait » à commencer par les Américains, apporte toute l'eau qu'il faut à mon moulin : cela prouve qu'il s'agit bien d'un trend général, que le capitalisme n'a plus d'autres armes dans son arsenal pour se défendre de la menace des pays milliardaires en habitants. Car il ne faut pas oublier l'Inde qui profite en silence depuis quelques lustres de cette forme de libéralisme (alors là d'accord) qui consiste à offrir du savoir comme emballage de la marchandise. En bref : plus d'échange de biens sans mode de fabrication. Alors je pose une question technique à ceux qui, comme Henry, semblent avoir des compétences étendues en la matière : pourquoi ne se contente-t-on pas d'offrir aux Chinois d'acheter comme n'importe qui les brevets qui leur apporteraient le même avantage que ce cadeau absurde en termes économiques au tarif certainement appliqué dans d'autres marchés moins prestigieux. Car il y a une absurdité incompréhensible dans cette clause conditionnelle d'un marché certes énorme, mais marché quand-même. Il suffit d'appliquer par l'imagination cette manipulation à l'ensemble des produits que nous fabriquons depuis des siècles pour comprendre que nous ne serions pas ce que nous sommes si nous avions procédé chaque fois comme ces vendeurs d'avions. Autrement posée : à quoi vont désormais servir ces fameux brevets qui sont devenus les premiers critères de la richesse ? On oublie, par exemple, que le Royaume Uni a littéralement stérilisé l'Inde en lui retirant toute possibilité de le concurrencer dans la production textile sur le mode industriel, ce qui a fait reculer ce pays en termes de développement de plusieurs siècles.

Marx pensait que le déclin du capitalisme serait lié à la baisse tendancielle du taux de profit. Alors je demande aux économistes sérieux qui fréquentent ce forum : le cadeau qui consiste à abandonner la partie du revenu lié à la brevetisation des process de fabrication ne représente-t-il pas un aspect de cette baisse du taux de profit ? Ce n'est rien moins que du dumping, mais un dumping qui peut fort bien devenir une règle implicite de tout échange de taille avec ces soi-disantes grandes puissances à venir, non ? Si le caviar de l'Occident est le savoir, comme il aime à le proclamer depuis que les ANPE sont embouteillées, alors refiler ce caviar comme une vulgaire cerise sur un gâteau bientôt dévoré n'est rien d'autre qu'une fatalité liée à l'état du capitalisme mondial et à son dépérissement, bien travaillé, la Taupe !
pk
 
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