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Agnès

04/11/2005
19:57
One more Catulle, un peu de poesie

Une nouvelle traduction de Catulle vient d'être publiée chez Belles-Lettres : Le roman de Catulle par Olivier Sers, un type très fort qui a donné des Satires de Juvénal et du Satiricon de Pétrone des traductions géniales : drôles, vertes, enlevées. Là, il consacre à ce poète génial et si vite disparu un volume qui réunit à la fois l'œuvre complète, réorganisée sous forme chronologique (jusqu'alors, elle l'était par types de vers), sa traduction, infiniment plus juste que celle que Danièle Robert a donnée l'an dernier (cf http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=10 882&debut=0&page=1), parce que crue, mais pas vulgaire, et un "roman" de Catulle, où il reconstitue sa brève et intense existence par chapitres, en le nourrissant de tout le contexte historique et culturel (c'est une période violente et agitée à Rome), et de tout ce que sa passion de l'auteur lui fait imaginer. C'est PASSIONNANT, érudit sans pédanterie, inventif et mordant, brèfle, DÉLECTABLE.

Voici un extrait de la préface, pour vous donner un échantillon de la façon dont un érudit médite sur un problème de langue, qui se trouve être à l'origine de toute notre relation à l'érotisme.
"Ici se pose un problème minuscule et délicat : avant Catulle, la langue latine ne possédait que deux termes pour désigner [le baiser] : osculum (petit bec, comme à Montréal) et suavium douceur, délice. C'est lui qui le premier naturalise le basium qui triomphera dans les langues romanes. On dit volontiers que le mot serait celtique. Or, vérification faite, il n'existe pas dans les idiomes celtiques survivants, qui pratiquent plutôt le "poutou". Alors, quelle langue pouvait donc parler la nounou? Pourquoi pas le ligure? Cette douce petite race, noiraude, robuste, travailleuse, sobre, illettrée, têtue, peuplait l'occident avant que l'arrivée des celtes ne la chasse de la plaine vers les montagnes, dont elle descendra vite travailler la terre au service des vainqueurs. Au temps de Catulle, elle fournissait des laboureurs et des tailleurs d'arbres. Pourquoi pas des nounous? Toujours accrochée à la terre d'Europe dont elle forme depuis trois, quatre ou dix mille ans le tissu ethnique, elle nous a laissé des noms de fleuves, de sources et de dieux. Pourquoi pas celui du premier, du plus tendre, du plus charmant des gestes d'amour?"
Comment continuer à ignorer Catulle? Précipitez-vous!

V. ad Lesbiam
VIVAMUS mea Lesbia, atque amemus,
rumoresque senum seueriorum
omnes unius aestimemus assis!
soles occidere et redire possunt:
nobis cum semel occidit breuis lux,
nox est perpetua una dormienda.
da mi basia mille, deinde centum,
dein mille altera, dein secunda centum,
deinde usque altera mille, deinde centum.
dein, cum milia multa fecerimus,
conturbabimus illa, ne sciamus,
aut ne quis malus inuidere possit,
cum tantum sciat esse basiorum.

Et voici la traduction qu'il en donne : (Il y a des trouvailles, mais ce n'est pas ma préférée)

Tu es à moi, Lesbie, vivons et aimons-nous,
Et fichons-nous comme d'une breloque
De tous les ragots des vieux chnoques.
Chaque soleil éteint se rallume, mais nous,
notre chandelle est brève et ne meurt qu'une fois
pour toutes. L'on s'endort une éternelle nuit.
Alors baise m'encor, rebaise-moi et baise,
Donne-moi des baisers par milliers, par centaines,
Et mille et mille encor, et cent et cent encor,
Puis quand seront comptés ces milliers de milliers,
Brouillons le compte, oublions-le,
Crainte du mauvais œil qu'un jaloux jetterait
Pour avoir su s'être donné tant de baisers.

Je préfère celle-ci, de Pierre Feuga:

Vivons, ma Lesbia, aimons-nous,
Et que tous les grondements des vieillards moroses
Aient pour nous la valeur d’un sou.
Le soleil chaque jour peut mourir et renaître,
Sitôt mort notre bref éclat,
Il nous faudra dormir une nuit éternelle,
Donne moi mille baisers, puis
Cent, puis mille encore, ensuite une autre centaine,
Encore mille, encore cent,
Quand nous aurons atteint ces milliers de mille,
Brouillons le compte dans l’oubli,
Pour que nul malveillant ne soit jaloux d’apprendre
Qu’il s’est donné tant de baisers.





 
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