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paul

13/09/2005
13:23
POUR HENRY A PROPOS D'ONFRAY



Suis tombé par hasard sur ton texte anti - Mai68 (comme c’est facile de faire le perroquet de toute une bande de renégats) et donc sur ton assimilation de cet événement à une supposée idéologie hédoniste. De quoi vous rendre malade et pas digne de ta modération habituelle. Mais je m’en vais te dire une bonne chose : la culture c’est quelque chose de précis et qui exige des connaissances précises. L’hédonisme, contrairement à ce qu’un vain peuple pense, n’est pas une philosophie optimiste et rigolarde, c’est au contraire une morale du tragique. Les cyniques (car il n’existe à proprement parler pas d’école « hédoniste », Epicure figurant plutôt parmi les stoïciens et n’ayant strictement rien à voir avec l’hédonisme ) désespéraient de la connaissance, de la connaissance de la vérité sur l’Être. Par conséquent ils estimaient que la seule dimension acceptable pour l’existence était l’animalité et ce qu’elle pouvait procurer de plaisirs passagers. Le plaisir était une sorte de suicide accepté.

Par conséquent, et paradoxalement, ton accusation tombe bien, car les étudiants de Mai68 en étaient effectivement au stade du désespoir, celui d’un avenir vide d’emplois et vide de sens (celui de la société de consommation qu’il t’arrive aussi de critiquer, on se demande pourquoi). Ils ont donc, oui, fait la fête et s’en sont mis « jusque-là » pendant quelques semaines sans mettre en danger ta douillette société capitaliste. Les quelques hurluberlus qui se sont pris pour des Lénine ont tous tourné leur veste pour devenir des Finkielkraut et autre patrons de presse à gros cigare, ou encore des chroniqueurs de FC qui mettent encore un petit point d’honneur à se faire passer pour des gens de gauche tout en clignant de l’œil aux Adler (tiens tiens, celui-là aussi a fait ses choux, et le reste, gras de ce moment unique de l’Histoire de France. Mais il n’y avait pas que ces bourgeois, fils de bourgeois et reproducteurs d’une société issu de mille Restaurations? Il y avait aussi des filles et des fils d'ouvriers ou d'épiciers ruinés par les premières grandes-surfaces et à qui on ne la faisait pas. Alors camembert sur Mai68, tu devrais avoir honte, même un réac comme Aron n’oserait dire des choses aussi insipides et mensongères.

Très cordialement,

Paul

 
shhhh

13/09/2005
15:16
re : POUR HENRY A PROPOS D'ONFRAY

Le plaisir était une sorte de suicide accepté.


Non, pas d'accord. D'ou tu sors ça?
 
clopine

13/09/2005
16:33
re : POUR HENRY A PROPOS D'ONFRAY

je rends à Paul ce qui appartient à Paul, mais une petite précision : en 1968, l'avenir n'était pas "vide d'emplois", au contraire, le taux de chômage, si ma mémoire est bonne, stagnait aux alentours de 2 %;

C'est d'ailleurs une des caractéristiques de cette génération et de ces années-là : la légèreté, la désinvolture vis-à-vis de ce qu'on nomme aujourd'hui "l'insertion professionnelle".

Légèreté qui n'a jamais été égalée depuis.

Mais il y a dorénavant quelques bonnes raisons à cela...


Clopine
 
???

13/09/2005
17:22
re : POUR HENRY A PROPOS D'ONFRAY

"Epicure figurant plutôt parmi les stoïciens..."

Je croyais qu'il y avait une différence entre les épicuriens et les stoïciens ???
 
paul

13/09/2005
21:17
re : POUR HENRY A PROPOS D'ONFRAY

Clopine, relis, STP, j'ai dit "l'avenir" des étudiants, pas leur présent. A moins que tu les penses assez idiots pour ne pas être capables d'anticiper et assez égoïstes pour ne penser qu'à leur propre destin.

Epicure : il faut se renseigner avec précision, l'épicurisme n'a rien à voir avec l'hédonisme. Epicure, au contraire, prônait une hygiène de vie propre à l'allonger le plus possible et beaucoup de commentateurs le classent parmi les stoïciens. Thèse que je partage. Il faut lire attentivement Diogène Laërce et surtout Aristote.
p
 
shhhh

13/09/2005
21:37
re : POUR HENRY A PROPOS D'ONFRAY

Je répète ma question à Paul:
"Le plaisir était une sorte de suicide accepté. "
D'ou sors-tu ça ? et quelle rapport avec la phrase suivante:
"Epicure, au contraire, prônait une hygiène de vie propre à l'allonger le plus possible et beaucoup de commentateurs le classent parmi les stoïciens. "
????????????????????????????????????????
 
paul

15/09/2005
13:47
re : POUR HENRY A PROPOS D'ONFRAY

L'une des paroles les plus célèbres d'Epicure était face à la mer, disant qu'il ne mettrait jamais les pieds sur un bateau car il n'y avait aucune raison de risquer sa peau pour le seul plaisir de voguer sur une bout de bois. De plus il s'est prononcé contre tous les excès, leur attribuant l'étiologie de toutes les maladies. Epicure n'avait strictement rien à voir avec ceux qui se masturbaient en public sur l'Agora en disant qu'il n'y avait rien d'autre à faire dans la vie. Comme l'église a pratiquement détruit les quatre cinquième de tous les textes antiques, notamment ceux d'Epicure, c'est dans le De Natura Rerum qu'il faut trouver sa doctrine et chez Cicéron et Plutarque. Ceux qui prennent Epicure pour le philosophe du plaisir auront des surprises. Mais je ne suis pas payé pour donner des cours de philo.
p
 
paul

18/09/2005
08:59
re : POUR HENRY A PROPOS D'ONFRAY

Henry,

Ce dimanche 18 septembre tu auras pu entendre l'émission protestante classique qui se tient entre 8 et 9. Aujourd"'hui une méditation d'Olivier Abel sur Epicure et le Christ. Si tu prends le temps d'aller en écouter l'enregistrement tu pourras constater à quel point j'étais en-dessous de la vérité en ce qui concerne le stoïcisme d'Epicure.

C'est bien : ces forum servent au moins à une chose, balayer des lieux communs et des savoirs que l'on croyait si assurés qu'on pouvaient s'en servir comme on voulait.

Bonne écoute
Paul
 
shhhhhhh

18/09/2005
09:23
re : POUR HENRY A PROPOS D'ONFRAY

Si en mai 68 des étudiants se révoltaient, c'est tout au plus parcequ'ils avaient conscience d'un avenir tout tracé d'encadrant et de spécialiste en imbécilités diverses, et d'une soumission toute entière à leurs maîtres.
Mais en général, ils étaient trop bêtes pour avoir la moindre conscience de leur aliénation.
Cherche ailleurs.
 
Henry Faÿ

18/09/2005
20:59
POUR PAUL A PROPOS D'ONFRAY

Réponse à Paul à propos de Michel Onfray et de mai 68
*******************************************************
Deus que ces claviers portugais sont incommodes quand on n’y est pas habitué. Me voici une nouvelle fois sévèrement interpellé.

Il paraît que j’aurais dit de méchantes choses sur mai 68 mais je n’ai rien dit sur mai 68 pour la bonne raison que je commets le sacrilège de ne plus guère m’y intéresser. Aux milliers de gloses sur cet épisode de l’histoire contemporaine, je n’ajouterai pas la mienne.


D’où vient le malentendu ? D’une lecture hâtive de ce que j’avais écrit. J’avais cité l’intervention dans une émission de Brice Couturier de Jean-Pierre Legoff dont le livre avait pour titre mai 68 l’héritage impossible. Jean-Pierre Legoff stigmatisait ces personnages assez dérisoires qui pratiquent un individualisme forcené et qui se parent des plumes de l’extrême gauche révolutionnaire.
Rien ne disait que c’était des anciens soixante-huitards qu’il s’agissait. Il n’était pas supposé réciter son livre. Ce pouvait être eux ou ne pas l’être pour la bonne raison qu’un certain nombre d’entre eux n’ont pas l’âge de l’avoir été.


Je suis bien heureux de lire sous ta plume qu’il n’y a pas d’école hédoniste. Au moins sur ce point, nous sommes d’accord. C’est ce que j’avais tout seul comme un grand subodoré en écoutant la série de conférences de Michel Onfray. J’avais été frappé par toutes les contorsions, tous les bricolages auxquels il recourt pour étayer sa thèse. Il récupère des auteurs qui n’ont rien à voir, il monte en épingle des auteurs mineurs. Qu’il n’y ait pas de grande philosophie hédoniste, je n’en suis point étonné. C’est que cette recherche du plaisir a quelque chose d’étriqué. Avez-vous de l’estime pour quelqu’un dont le seul but dans la vie est de rechercher son plaisir ? L’hédonisme règne en maître sur notre époque, c'est peut-être son plus grand malheur, sa plus grande insuffisance, sa moins grande dignité, cette époque s’est donc pour s'autocélébrer trouvé un philosophe en la personne de … Michel Onfray. Il ne lui reste plus qu’à donner une interviou à Paris Match, si ce n’est déjà fait.

Pourquoi se demander ce qui me fait critiquer la société de consommation ? Quand j’aborde ce sujet qui me tient à cœur, je donne toutes les raisons qu’il faut.

Et vivent les communications satellitaires!
 
paul

24/09/2005
10:52
re : POUR HENRY A PROPOS D'ONFRAY

Cher Henry, j'attends avec impatience ta critique de la société de consommation, car c'est exactement cette société que déjà dans les années cinquante nous anticipions comme l'Enfer à venir.

La problématique de la consommation est très complexe, et je pense qu'il faut commencer par analyser l'impact des deux guerres mondiales sur l'écosystème psychosociologique de l'occident : la guerre a révélé le secret d'un concept dont Aristote avait fait l'Être lui-même, à savoir le mouvement. La dynamis était le moteur de la métaphysique qui nous a conduit vers la civilisation technique et les deux guerres mondiales auront été les illustrations au sens d'attractions de ce que pourrait être une société qui "fonce à cent à l'heure" comme on dit aujourd'hui sans se douter de rien.

Jusqu'en 1914 il y avait encore des freins au déchaînement de la vitesse, et contre les Blériot et autres Roland-Garros, les rationalistes du 19ème ont tenté in extrémis de pacifier ce qu'il sentaient venir à travers le blanc-seing délivré par Kant à la Science et à la technique. Plus à la technique qu'à la science d'ailleurs, Kant a été le penseur-libérateur du technique dans toutes ses extensions.

Quel rapport avec la "consommation" au sens contemporain ? Il y en a plusieurs dont le plus important est une sorte de retour à la condition d'esclaves bien "nourris" et satisfaits de ses maîtres. Le "pouvoir d'achat" est une échelle de valeur centrale pour les décideurs car il entre dans la planification du projet technique comme paramètre incontournable.

Le problème de l'état-providence est bien celui-là : comment conserver l'équilibre du producteur-consommateur-esclave tout en détruisant les mécanismes qu'il a fallu mettre en place pour en sauver l'existence ? Aujourd'hui on met plein phare sur les cinquantes immigrés qui sont en danger dans quelques immeubles parisiens déglingués, alors que le vrai danger est de voir diminuer trop vite (voir les déclarations de Villepin sur les classes moyennes) le pouvoir des consommateurs ?

Sans consommateur pas de marché, c'est bien connu, et le capitalisme n'est pas un jeu de chaise musicale où il suffit de remplacer le consommateur occidental par celui de Chine ou de Malaisie. Comment des millions d'esclaves qui voient dans leur consommation un droit inaliénable laisseraient-ils faire de tels transferts sans moufter ? Voilà qui explique le nouveau paysage politique européen : un ventre mou (40%) de consommateurs encore relativement satisfaits, et 60 % d'esclaves en colère, les uns parce qu'ils réfutent la société de consommation, et pas seulement la gauche car les Droites extrêmes contiennent aussi des formes de critique de la consommation (le nationalisme est tout à fait anti-consommation), les autres parce qu'ils s'estiment lésés dans la répartition des biens de consommation. Les riches ne se sentent pas assez riches, et les pauvres en ont marre de ne pas pouvoir se payer trois ou quatre portables en plus de la 4/4 à crédit.

Pour conclure provisoirement je m'adresserai à Monsieur De Villepin en le mettant en garde contre une négligence qui laisserait la consommation tomber en-dessous d'un seuil vital pour l'équilibre de la société. Mais il y a un problème redoutable, car il y a des prédateurs comme l'AMérique qui se servent de notre épargne pour consommer, et sans une protection drastique contre les coups de Jarnac du dollar combinés avec le pétrole, l'Europe ne peut pas faire face, et nos "consommateurs" risquent très bientôt de se réveiller sans portable et sans 4/4.

Mais c'est dans l'absence que se révèle le présent : c'est précisément lorsque le moteur de la consommation commencera à tousser que les esclaves vont se réveiller et prendre conscience, comme en Mai68, de quelle manière ils ont été cocufiés par le vertige de la vie à cent à l'heure. Ceux qui étaient adultes en 68 se sont rendus compte combien le relentissement et le blocage du pays ont transformé pour quelques semaines leur existence en fête permanente, même dans les usines de Nantes ou de la ceinture rouge de Paris. Ils ont découvert une autre praxis qui aurait pu devenir un idéal concrèt. Mais il y avait deux grands malins qui ont sauvé la mise à la consommation : Chirac et Séguy qui se sont précipité pour combler d'un coup le trou qui s'était creusé entre l'offre de biens et le pouvoir de les acheter. Deux ans plus tard, la France se couvrait de Dauphines et de 404.


Juste encore un chiffre : qui sait qu'en 68, 27% des salariés ne touchaient pas le Smig qui pourtant existait en tant que loi . Dans les usines textiles du Nord et des Vosges, les femmes ne touchaient même pas la moitié de ce Smig. Alors Grenelle ...
Monsieur de Villepin, à quand votre Grenelle ? Avant ou après les élections mouvementées de 2007 ?

Serviteur
Paul





 
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