Archives 2003-2008 du forum de discussions sur France Culture

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GOMEZ

16/11/2003
12:24
George Steiner avec Laure Adler

George Steiner
Du lundi 17 au vendredi 21 novembre 17:02 - 17:27
A VOIX NUE
George Steiner ou la passion de l'absolu avec Laure Adler
Il a la passion de l'absolu. On le dit intransigeant, violent, méchant quelquefois, certains le redoutent pour son esprit acide et ses attaques virulentes.
D'autres l'idolâtrent pour sa culture polyglotte, sa connaissance des textes classiques, ses engagements intellectuels pour une redéfinition de la culture et sa croyance éperdue, après la Shoah, d'une encore possible communauté humaine.
George Steiner parlera à l'occasion de la sortie de trois livres (Maîtres et disciples (Gallimard), Eloge de la transmission, le maître et l'élève (Albin Michel), Cahiers de l'Herne n°80 consacré à George Steiner) de ses choix politiques, de son amour de la langue et des langues qui structurent notre conscience mais aussi notre inconscient et des grandes mythologies de notre siècle : psychanalyse, marxisme, structuralisme ainsi que de son amour infini pour ce qui demeure l'essentiel, ce qui fait le goût de la vie : la musique.

Laure Adler

 
laurent nadot

16/11/2003
13:01
Inégale, l'émission A voix nue...

Voila une excellente occasion de jauger de ce que peut donner aujourd'hui une Laure Adler en matière de fabrication personnelle. Sauf si elle laisse le réalisateur opérer le montage de l'ensemble, mais est-elle capable de déléguer cela ? Ainsi l'on pourra soupeser la qualité du questionnement, la pertinence des interventions, la proportion des temps de paroles

A titre de contre-exemple, j'ai entendu 4' de AVN cette semaine, et je n'y ai constaté qu'un fait : que Sappho poussait Moustaki à se positionner sur une question, puis passait plus de temps que lui à donner sa propre position à elle, l'intervieweuse. Fortiche, tout de même... Je ne sais pas si le reste était de ce niveau : cette connerie m'a fait couper immédiatement ma radio, exaspéré.

Voila qui me pousse à reconnaitre qu'il peut y avoir régression à France Culture même dans les émissions anciennes apparemment maintenues telles quelles et hors de heures vendues à l'info-actu-promo.

Laurent Nadot en phase ronchon
 
Benoît Beyer

17/11/2003
21:12
re : George Steiner avec Laure Adler

J'ai trouvé l'émission intéressante. J'attends vos avis.
 
Michel

18/11/2003
22:13
Patrice Gélinet et Laure Adler

J'apprécie aussi Patrice Gélinet dans son émission sur France Inter "2000 ans d'histoire" [voir http://www.radiofrance.fr/chaines/france-inter01/emissions/h istoire/ ]. Cependant, je trouve qu'il a été un très mauvais directeur de France Culture . Ce qui vaut pour l'un (Patrice Gélinet) vaut aussi pour l'autre (Laure Adler). On peut faire de bonnes émissions , mais mal diriger la chaîne sur laquelle elles passent...
 
lionel

18/11/2003
22:51
re : George Steiner avec Laure Adler

Le premier entretien un peu fourre-tout s'est terminé abruptement en évoquant avec fascination la "femme la plus puissante du monde" (Condoleeza Rice) pour enchaîner le lendemain sur le thème des livres. Si on oublie la voix horripilante et le côté mondain de Laure Adler ("merci George de nous recevoir dans votre magnifique maison de Cambridge"), Steiner est plutôt intéressant. Il recommande de lire avec un crayon à la main, moi ça m'intéresse mais quelle est la technique de prise de notes à employer ?

PS : puissante, Condoleeza Rice l'est certainement avec environ 10000 morts sur la "conscience" en Afghanistan et Irak plus un pétrolier Exxon qui porte son nom
 
dom

19/11/2003
09:48
re : George Steiner avec Laure Adler

ah!! Lionel,
c'est la voix genre C Ockent que j'ai entendue, hier avec un type qui disait qu'il fallait lire avec un crayon?
c'est vrai qu'on aurait dit une conversation entre une hotesse d'aeroport et un fumeur inveteré,te dire le contenu de l'emission, j'en sais rien apres le plafond, je perçait en intrmitence, si cela m'avait interressé la perceuse se serait tue.le rendement s'ameliore avec ce genre d'emision,du moins pour le bricolage.ceci dit j'ai bien ramé pendant l'emisions de Renart alias Cauta vulpes.
demain RTL2 a cette heure c'est sur.
@+
 
Henry Faÿ

19/11/2003
10:12
très pompeux, le professeur

Je l'ai quand même trouvé très pompeux, le célèbre professeur. Il faut qu'il essaye de donner une dimension prophétique à tout ce qu'il dit.
Henry
 
Henry Faÿ

22/11/2003
10:12
irritant mais passionnant

Il n'est pas sympathique, le professeur mais ce n'est ce qu'il cherche. Il est ou se donne la pose d'un grand imprécateur, d'un grand moraliste devant l'Eternel. Il est assez glacial. Justement, de l'Eternel il est question dans ces entretiens. Sa position est celle d'un agnosticisme qu'il semble vivre avec intensité mais douloureusement. Il ne supporterait pas que la question de l'existence de Dieu disparaisse du champ philosophique. Si cela arrivait, et il craint que ça soit le cas dans l'avenir, ce serait une immense catastrophe, toute la civilisation serait appauvrie. Il tient absolument à ce que la question de l'existence de Dieu soit toujours posée, quelle que soit la réponse apportée.
Le ton est cassant, péremptoire. Il foudroye de la voix tous ses contradicteurs éventuels.
Qu'il soit contre la psychanalyse on peut fort bien l'admettre. Ca ne me dérange pas mais il est quelque peu en contradiction avec lui-même car il tient Freud en haute estime et il s'y réfère souvent. Ce que je n'ai pas aimé c'est la manière avec laquelle il a rabroué son interviouveuse, Laure Adler quand elle a abordé ce sujet. Si vous posez cette question, a-t-il dit c'est que vous les français vous êtes en retard, complètement out, vous avez laissé passer le train de la science (ce n'est pas exactement l'expression qu'il a employée mais c'était ça qu'il voulait dire).
Il prend la précaution de nous renseigner sur son âge, soixante quinze ans et il prétend qu'il est en bout de course. Quelle absurdité! Dans quinze ans, on entendra encore parler de lui mais on perçoit parfois chez lui comme de la lassitude.
Il fustige le société moderne. Tout fout le camp, on ne lit plus, il n'y a plus de grands romans, l'américanisation de la planète porte en elle une anti-métaphysique etc etc
Henry

 
Philippe

22/11/2003
11:13
George Steiner

Ce n'est que tardivement que je prends connaissance de ce message. J'aime beaucoup George Steiner et je dirais qu'il est un des plus grands intellectuel de notre temps.

Cordialement

Philippe
 
Henry Faÿ

22/11/2003
11:27
soixante et une minute

Soixante et une minute pour répondre à un message ça peut encore aller.
Bien cordialement Henry
 
Michel

22/11/2003
11:41
Adler-Veinstein et Steiner

Ils ont dit pas mal de trucs intéressants sur la culture, le couple Adler-Veinstein en compagnie de George Steiner (« A voix nue » et « Surpris par la nuit ») : il faudrait qu’ils fassent part de leurs réflexions à ceux qui dirigent France Culture.



 
Henry Faÿ

22/11/2003
13:03
re : George Steiner avec Laure Adler

Bonne remarque
 
GOMEZ

22/11/2003
15:17
La journaliste et le professeur

Allez voir le site de l'émission : on y trouve des informations bibliographiques intéressantes sur George Steiner... et sur Laure Adler...

Qui sert l'autre ? La journaliste ou le professeur ?



http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/avoixnue/i ndex.php
 
GOMEZ

22/11/2003
15:30
Je vous mets tout...

Avant que cela ne disparaisse... Il y a aussi toute la biblio de Veinstein.




Laure Adler L'amour à l'arsenic histoire de Marie Lafarge
Denoël (1986)
L'affaire Lafarge : l'histoire de Marie Cappelle mariée presque de force à Charles Lafarge. Peu de temps après le mariage celui-ci meurt empoisonné... Marie était-elle coupable?


Laure Adler Secrets d'alcôve: histoire du couple de 1830 à 1930
Hachette (1983)
Comment naissaient, vivaient et se défaisaient les couples? Les histoires se perdent, mais restent les écrits à partir desquels se réécrit l'histoire : littérature médicale, juridique, romanesque, jettent toute la lumière sur un bonheur conjugal qui n'a pas toujours fait bon ménage avec l'amour.


Alain Veinstein L'intervieweur
Calmann-Lévy (16/01/2002)
L'intervieweur est un présentateur radiophonique, pour une émission littéraire, le spectateur de tous ces écrivains. Un jour à force d'entendre les discours trop biens préparés, il a le sentiment de désapprendre toute langue, de ne plus entendre ni comprendre...
Du même auteur : L'Accordeur ; Violante.


Laure Adler A ce soir
Gallimard (2001)
J'écris pour tenter d'approcher avec des mots cette forme vide en moi, la circonscrire, comme un chasseur doit, pour savoir tuer, connaître son territoire. Mon fils est mort et je suis encore vivante. Vivante ? (...) Je suis une mère vivante qui a perdu son enfant et qui est redevenue mère deux fois, mère de deux petites filles qui ont un petit frère."


Laure Adler La vie quotidienne dans les maisons closes 1830-1930
Hachette (1990)
Courtisanes, demi-mondaines ou filles à numéro, qui furent-elles? Comment se déroulaient leurs journées? Quelle fut leur condition?


Laure Adler, Alain Veinstein Avignon : 40 ans de festival
Hachette (1987)
Un album souvenir polyphonique qui retrace à grands traits les 40 ans de création et de passions de cette singulière aventure culturelle.


Laure Adler Marguerite Duras
Gallimard, Paris (2000)
Fruit des relations amicales que Laure Adler eut avec l'auteur pendant une douzaine d'années, et de patientes recherches, cette biographie, sans avoir la prétention de dire la vérité du personnage, tente cependant de démêler les différentes versions que Marguerite Duras a données de sa vie.


Commentaires biographie


Laure Adler Les femmes politiques
Seuil Paris (1994)
Depuis la Révolution de 1789 et tout au long des XIXe et XXe siècles des femmes ont tenté de forcer la porte du pouvoir. C'est cette histoire violente et morcelée que restitue l'auteur, ancienne conseillère de F. Mitterrand, à partir d'archives parfois inédites.


Laure Adler L'année des adieux
Flammarion (1995)
Journaliste, l'auteur a suivi le président Mitterrand pour la dernière année de son mandat. Il en résulte une chronique de la vie quotidienne à l'Elysée, à la fois récit et journal de bord, où l'on découvre un autre Mitterrand qui revient sur certaines périodes de l'histoire, s'explique sur ses prises de position, ses amitiés controversées...


Laure Adler La vie quotidienne dans les maisons closes (1830-1930)
Ed : Hachette - Coll. Vie quotidienne (1990)
Courtisanes, demi-mondaines ou filles à numéro, qui furent-elles ? Comment se déroulaient leurs journées ? Quelle fut leur condition ? Cet ouvrage retrace la vie quotidienne des prostitués en France et leur évolution au cours d'un siècle.


Pierre de Benouville, Laure Adler Avant que la nuit ne vienne : entretiens avec Laure Adler
Grasset (2002)
Journaliste et homme politique, P. de Bénouville (1914-2001) retrace son cheminement personnel et ses engagements : Action française, Résistance, Rassemblement du peuple français, position vis-à-vis de l'Algérie française et de l'OAS, etc. Il donne notamment ici sa version de l'arrestation de Jean Moulin et de l'affaire René Hardy. Une contribution à l'histoire de la droite française.


Laure Adler A l'aube du féminisme : les premières journalistes, 1830-1850
Payot (1979)

 
lionel

22/11/2003
15:40
re : George Steiner avec Laure Adler

Hmmm, AMHA un poil trop de smileys par ici ;-)
Le plus interessant sur la page FC c'est le lien: LA CULTURE NE REND PAS PLUS HUMAIN PAR GEORGE STEINER
http://livres.lexpress.fr/entretien.asp/idC=3088/idR=5/idTC= 4/idG=0
 
dom

22/11/2003
15:56
re : George Steiner avec Laure Adler

ay Gomez! celui la n'y est pas!



-----------------
 
GOMEZ

22/11/2003
16:19
Merci !



 
Henry Faÿ

22/11/2003
20:43
mon préféré

mon préféré, c'est le joueur de harpe
 
Henry Faÿ

23/11/2003
09:13
le harpiste



 
dom

23/11/2003
09:26
re : le pogo du harpiste

+ = ?

 
Prof George Steiner

23/11/2003
12:39
arrêtez de chahuter

arrêtez de chahuter sur mon fil! Ah ces français, ils sont incorrigibles! Il ne peuvent pas s'empécher de déconner. J'irai me plaindre à Laure.
GS
 
dom

23/11/2003
18:00
re : George Steiner avec Laure Adler

bonjour prof,

Madame n'aime pas la harpe? et encore moins les accords simpliste d'une distorsion infernale.

juste un truc qui n'a rien avoir avec le fil, mais que veux tu, ce n'est pas de ma faute si je ponce, rabote, et cloue a cette heure, avec un interet accru pour ce que je fais.
Connais tu Mike Oldfield ? il y a un morceaux de lui qui s'appelle Punkaddidle pas sur de l'ortho, ou un flutiot joue contre une guitare electrique, a la fin du morceau les deux instruments sont en harmonique parfaite.
ceci dit Gomez a l'air tres philarmonique.





 
Henry Faÿ

23/11/2003
21:53
je doute que le prof apprécie beaucoup

Le prof n'appréciera pas mais chacun ses goûts. Moi aussi j'aime Beethoven et Bach et moi aussi quand je lis, c'est toujours avec un carnet et un stylo à la main. On a tout pour s'entendre.


 
Louise

24/11/2003
00:10
re : George Steiner avec Laure Adler

Je viens d'écouter la série avec G. Steiner : grand bonhomme!
Et ce grand Monsieur a répondu "oui" quand une jeune professeur de français lui a proposé de venir dans sa classe, enseigner à ses élèves de la banlieue parisienne! Elle a écrit avec eux une tragédie.
Tout de même monsieur Steiner, sans être juif, on peut savoir que nous ne sommes que des invités sur cette terre.


 
lionel

24/11/2003
08:21
re : George Steiner avec Laure Adler

Sa critique peremptoire de la psychanalyse a du en chagriner plus d'un, du moins à Paris et New york puisqu'il pretend que c'est les 2 seuls endroits où on attache encore de l'importance à la psychanalyse. Il me semble qu'il a affublé Freud du titre de genie... litteraire !

Je pense que jusqu'à ce soir on peut reentendre G. Steiner avec Alain Veinstein sur http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/jour_lende main/

Il aborde un peu les mêmes sujets mais c'est interessant.
 
Benoît

24/11/2003
15:03
A voix nue

Pour information.

Source : enquête AFC (Charles Genet)

17H00- 17H30 A voix nue
Une émission phare. Un des piliers de la fidélité de l’auditoire à France Culture. Comme les Chemins de la connaissance, une vie une oeuvre, ou feu Le bon plaisir on semble apprécier dans ces émissions le fait que l’on prend le temps d’écouter, d’approfondir, de laisser se développer la pensée et la conversation et pouvoir ainsi rencontrer une personnalité. 10,5 % des auditeurs sondés l’ont cité parmi leurs émissions préférées, ce qui est confirmé par de nombreuses demandes d’enregistrement (prés de 15% des demandes). L’émission est citée par des auditeurs ayant 5 ans de plus que l’âge de référence et étonnamment 4,5 ans de plus que les amateurs de Mémorables. Vraisemblablement, la confusion a été faite par les sondés, particulièrement ceux qui écoutent France Culture depuis longtemps et pour qui une série d’entretiens est une série d’entretiens. A moins que les plus jeunes auditeurs aient plus de plaisir à entendre des archives, à rechercher des racines et des repères que leurs aînés qui veulent davantage être en phase avec le monde contemporain ?



http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/avoixnue/< /A>

 
Nazdeb

26/11/2003
13:23
George Steiner


Salutas tous

J'ai quelques remarques tardives à propos de Steiner.

George Steiner attribue au peuple juif d’avoir été l’auteur de trois principales injonctions faites à l’humanité d’embrasser une morale et une condition meilleures : Moïse sur la montagne, le message de la protochrétienté (Paul), en terminant par le socialisme messianique au XIXe et ses prolongements au XXe siècles. Il y voit un tel mérite qu’il plaide pour la reconnaissance du caractère central des Juifs dans toute la société humaine et la gratitude que celle-ci devrait leur témoigner, et surtout pour la poursuite par les Juifs de ce destin historique (plutôt que de torturer selon ses propres termes des gamins de Gaza ou de Cisjordanie). Mais alors :

- Pourquoi Steiner n’est-il pas socialiste ? Comment fait-il pour valoriser la promotion d’idées se voulant universelles et progressistes alors qu’il se dit au contraire de droite ?

- Le raisonnement consistant à assigner (c’est implicite chez le professeur) à des individus une idéologie donnée et un devoir de promotion morale par la simple vertu de leur appartenance ethnique n’est-il pas archaïque ? Et n’est-ce pas en contradiction avec l’individualisme élitiste qu’il défend ?

- Est-il possible de militer pour l’inscription d’une catégorie ethnique dans une case « à part », centrale, dégagée des autres (pour ne pas dire « au-dessus »), pour la raison même que les messages adressés au reste de la société par cette catégorie défendent, tout au contraire, une idée d’universel, de mise sur un même plan de toute l’humanité (tout le paradoxe des premiers chrétiens qui auraient rejeté Paul) ?

George Steiner a en fait les pieds dans chacun des deux camps que son raisonnement place en totale contradiction : l’un dans l’élitisme mondain et individualiste qui lui fait admirer tout ce qui est puissant, prestigieux (Condoleeza Rice, ses pairs universitaires, etc.) et ce de manière transversale à toutes les cultures (cette transversalité est sans doute l’un des grands mérites de Steiner), l’autre dans le messianisme historique juif qui est, de manière tout à fait explicite chez Steiner, la condamnation totale de cet individualisme et de cet élitisme.

On retrouve cette contradiction dans son rapport à l’idée de Dieu. Je le soupçonne de ne pas pouvoir écarter la question de l’existence de Dieu parce qu’elle fournit implicitement la transcendance dont il a besoin pour justifier le rôle historique qu’il donne aux Juifs : s’il ne croit pas nécessairement en Dieu, il a toujours besoin de son concept, ou de la notion de l’invention du concept… D’ailleurs, exhorter les Juifs à poursuivre leur tâche historique en évitant de se fondre dans le démocratisme (Israël) et la modernité, c’est justement refuser leur sécularisation, donc réaffirmer leur lien particulier avec la divinité.

Bref, ses conceptions, pour séduisantes qu’elles puissent être, sont-elles vraiment ce qu’on attend d’un intellectuel ? Avec tant de contradictions, sa pensée n’est-elle pas un peu immature ?

Attention, je ne parle pas de son érudition, qui est incontestable (et il en faut probablement pour impressionner notre correspondant britannique Rob !). Mais concernant seulement sa pensée, excepté un Finkielkraut (pouf pouf …), combien y a-t-il d’intellectuels qui ont repris ou cité le professeur Steiner dans leurs propres travaux ? Parlera-t-on encore significativement de lui dans trente ou cinquante ans ? Je suis certain que non.

Nazdeb, intermittent du forum
(Je vous lis toujours, mais venant de me replonger dans des études que je cumule avec le travail au bureau j’écris un peu moins…)

 
Henry Faÿ

01/12/2003
08:52
Les conceptions religieuses de George Steiner

Les question posées par Nazdeb sont difficiles, il était d'autant plus judicieux de les poser et de ne pas les considérer comme taboues. Il est vrai que ce qu'a dit George Steiner du judaïsme était assez difficile à entendre tant est intense son judéocentrisme. Il affirme que le peuple juif a eu dans l'histoire un rôle central, ce qui va bien dans le sens de ce qu'on lit dans la Bible. Il faut tenir compte de l'âge de George Steiner, il a 75 ans, il a donc connu comme adolescent la shoah. Ce judéocentrisme peut se comprendre mais il va effectivement contre les grandes idées d'universalité. Il est vrai que ces conceptions sont élitistes et ne feront pas bon ménage avec le démocratisme ambiant.
Pourquoi George Steiner n'est-il pas socialiste? Pourquoi donc le serait-il? Il a bien vu l'échec du socialisme et le capitalisme n'a pas été si défavorable aux positions qu'il défend.
George Steiner est-il archaïque? On pourrait le dire car il n'est pas moderne et il l'assume fort bien puisqu'il fustige la modernité dans beaucoup de ses aspects; elle est pour lui synonyme de vulgarité, de superficialité, tout ce qu'on entend presque toutes les semaines dans l'émission d'Alain Finkielkraut et qui n'est pas faux du tout. Il n'est pas sûr que cette modernité qu'il condamne ait beaucoup d'avenir.
Peut-on sérieusement affirmer que l'agnosticisme de George Steiner a pour but de justifier le rôle prépondérant du peuple juif? Franchement, je ne le pense pas et ce serait lui faire un mauvais procès. Ce que je pense, c'est George Steiner a des aspirations spirituelles, qui ne peuvent s'exprimer par une authentique croyance mais qui très naturellement empruntent la voie de la religion de son enfance, le judaïsme; c'est très compréhensible et très naturel et je ne crois pas qu'on puisse lui en faire le reproche
Qu'en pense le petit ange musicien?

Il est d'accord



 
Henry Faÿ

01/12/2003
16:11
erratum j'ai raté un subjonctif

J'aurais dû écrire: peut-on sérieusement affirmer que l'agnosticisme de George Steiner ait pour but...

 
Nazdeb

02/12/2003
13:43
re : George Steiner avec Laure Adler

Je tiens à souligner que mon propos n'est pas de mettre en question le judéocentrisme, que je ne critique pas en soi. Je donne au vu de ce qu'a été l'histoire plus de raisons aux juifs d'être judéocentristes que des Bretons ou des Corses, ou toute autre catégorie (la mienne est trop vague pour que je m'y mette mais ce n'est pas m'exclure pour autant du raisonnement...) n'en auraient d'être nationalistes.

Mon propos n'est pas non plus de reprocher à quelqu'un de n'être pas socialiste, tout le monde a le droit d'être du bord qu'il veut et bien évidemment la réalisation russe de ce qu'on appelle communisme peut paraître une raison de garder ses distances avec l'idéologie qui l'a inspirée.

Je pointe simplement la grande contradiction que ses partis pris génèrent dans le système de pensée/comportemental de Steiner. En faisant les louanges des Juifs parce qu'ils auraient conçu et promu les idées généreuses du socialisme, il donne à celles-ci un contenu positif et il en fait rejaillir tout le mérite et tout le prestige, implicitement sur lui-même, car de fait sur tous les Juifs, et pour lui ce prestige tout autant que ce destin émancipateur doivent être poursuivis dans le présent. Seulement lui même n'oeuvre aucunement dans le but d'améliorer le sort de l'humanité, bien au contraire, il n'y a pas la moindre proximité entre ce qu'on désigne du nom d'utopies et sa propre idéologie individualiste pratiquée au quotidien. Ce qu'il prône, son élitisme, sont tout simplement le déni même de l'héritage dont il essaie de revêtir une partie de l'auréole.

Concernant l'agnosticisme je me suis mal fait comprendre : je n'ai pas écrit que celui-ci a pour but chez Steiner "de justifier le rôle prépondérant du peuple juif", mais bien le contraire. Alors que Steiner se montre agnostique, il ne peut si facilement écarter l'idée de Dieu car elle lui est nécessaire pour placer dans le domaine du sacré l'héritage et la mission qu'il donne aux juifs.

C'est cet ensemble de contradictions qui rend incohérent à mes yeux sa pensée sur ce thème.

Nazdeb
PS : Ces questions ne sont peut-être pas aussi difficiles et taboues que ça, je m'en aperçois en les discutant parfois avec des concitoyens juifs qui se montrent là-dessus ouverts et porteurs de réelles et profondes interrogations.

 
Jean GARANI

03/12/2003
18:27
re : George Steiner avec Laure Adler

abus de position dominante sur FRANCE CULTURE de la part du couple LAURE ADLER - ALAIN VEINSTEIN


A l’heure ou les intermittents du spectacle recherchent du travail :
Qui dit mieux, pendant cette semaine, 2 heures d’émission par jour pour la Directrice de France CULTURE : LAURE ADLER et son conjoint : ALAIN VEINSTEIN

L’absence de déontologie continue…

affaire DELON:
http://www.les-ours.com/editos/preskonneries/semaine98-42.ht ml

http://www.homme-moderne.org/plpl/n4/p1-1.html
Un journaliste de France Culture s’entretient avec Jean-Marc Rouillan, qui dénonce les abjectes conditions de détention et réclame un statut de prisonnier politique.
Sous la pression d’un syndicat de magistrats pétainistes, Laure ADLER suspend la diffusion et attend l’autorisation de Cavada. Quand elle l’obtient, elle lâche sur les ondes des auditeurs hurlant au scandale et exige que sa chaîne « se démarque
clairement » des propos de Rouillan.

Et plagiat dénoncé par Alain VIRCONDELET
http://www.homme-moderne.org/societe/media/mlitt/lechecul.ht ml
Laure Adler avec sa biographie de Marguerite Duras (Prix Femina 2000) aura avalé, sans toujours les nommer, les travaux antérieurs d'une Christiane Blot-Labarrère oud'un Alain Vircondelet, sans oublier ceux de Pierre Péan.

Et sur l’ouvrage consacré à Antoine RIBOUD
http://acrimed.samizdat.net/article.php3?id_article=15 Laure Adler : « Oui. J'ai eu la chance de connaître Antoine Riboud quand j'étais conseillère culturelle de François Mitterrand à l'Elysée. A l'époque, Antoine Riboud était président de l'Union des arts décoratifs à l'intérieur du Grand Louvre, et le Grand Louvre était un grand projet de Mitterrand ». C’est certainement pour toutes ces raisons que son conjoint, Alain VEINSTEIN fut nommé directeur de la communication de la Grande Bibliothèque, avant d’être débarqué pour la médiatisation des dysfonctionnements de ce lieu lors de son ouverture…

Et on fait le travail des producteurs sur France CULTURE 17:02 à 17:30
Lundi 17 Novembre 2003 et CHAQUE JOUR DE LA SEMAINE DU LUNDI AU VENDREDI
A VOIX NUE avec Laure Adler, en mission à CAMBRIDGE… pour rencontrer le professeur
Georges STEINER âgé de 75 ans (Le monde tv 15/11/2003)
George Steiner ou la passion de l'absolu (1/5)
Il a la passion de l'absolu. On le dit intransigeant, violent, méchant quelquefois,
certains le redoutent pour son esprit acide et ses attaques virulentes.
D'autres l'idolâtrent pour sa culture polyglotte, sa connaissance des textes classiques, ses engagements intellectuels pour une redéfinition de la culture et sa croyance éperdue, après la Shoah, d'une encore possible communauté humaine. George Steiner parlera à l'occasion de la sortie de trois livres ("Maîtres et disciples" (Gallimard), "Eloge de la transmission, le maître et l'élève" (Albin Michel),
Cahiers de l'Herne n°80 consacré à George Steiner) de ses choix politiques, de son amour de la langue et des langues qui structurent notre conscience mais aussi notre inconscient et des grandes mythologies de notre siècle : psychanalyse, marxisme, structuralisme ainsi que de son amour infini pour ce qui demeure
l'essentiel, ce qui fait le goût de la vie : la musique.
Réalisation : Jean-Claude Loiseau

22:30 à 24 :00
SURPRIS PAR LA NUIT
Raison de plus avec Georges Roque
Production : Alain Veinstein - Avec : Georges Roque
Qu'est-ce que l'art abstrait ? (Folio/Gallimard)
Réalisation : Angélique Tibau

Les intermittents du spectacle apprécieront… qu'un directeur de programme qui s'ennuie certainement fasse de la production d'émissions... pour complêter la grille.... ? Plus de 400 heures d'émissions par an pour son mari, ce n'est pas suffisant....?

c'est incroyable ce qui se passe en FRANCE, et sur FRANCE CULTURE en particulier.






 
DDFC

03/12/2003
20:28
Parenthèse technique

Comment fait Jean GARANI pour afficher des caractères GRAS sur ce forum???
Je n'en ai pas la moindre idée!!!

 
Louise

03/12/2003
20:41
re : George Steiner avec Laure Adler

Moi qui avait apprécié la biographie de Duras par Laure Adler, voilà que j'apprends qu'elle avait un peu pompé...
Décidément Madame Adler, vous vous acharnez à me décevoir!

Je cite ci-dessous la fin du paragraphe dont le début est cité par jean Garani; j'ai pris la peine au préalable de le copier sur Word en mettant en gras et en soulignant la dernière phrase.
Peine perdue las ! Comment faites-vous, vous Monsieur jean Garani?
"Dans un autre genre, Laure Adler avec sa biographie de Marguerite Duras (Prix Femina 2000) aura avalé, sans toujours les nommer, les travaux antérieurs d'une Christiane Blot-Labarrère ou d'un Alain Vircondelet, sans oublier ceux de Pierre Péan. Dans l'édition de poche, Gallimard a jugé préférable de rétablir les références."


 
DDFC

05/12/2003
00:40
Fonctionnement du forum

à jean delmet, Jean GARANI, Mesbui jena, KH. Abdela, JEAN ELOY, jacques eben

- Exprimer votre rage : why not ?
- Diffamer : NON !
- Utiliser 6 pseudos : hum, bien trop compliqué !
 
OBSERVMEDIA

09/12/2003
09:03
re : George Steiner avec Laure Adler

le pouvoir corromp...

Avant de parler de diffamer ou de diffamation, il faut lire absolument l'ouvrage d' Alain VIRCONDELET et se replonger dans le dossier de l'affaire DELON pour ne parler que des affaires les plus significatives.

Pour mémoire, rappelons nous l'article de Vie privée "On interdit un livre virtuel", par Catherine Argand Lire, novembre 1998

" Avant qu'il ait écrit la première ligne de la biographie d'Alain Delon, Bernard Violet s'est vu poursuivre en justice par l'acteur pour atteinte à la vie privée (et non par Laure ADLER qu'il avait fortement et honteusement insultée sur une chaîne TV dans une émission de Marc Olivier FOGIEL, engagé depuis par Jean-Marie CAVADA sur FRANCE INTER, sans que des poursuites soient engagées... qui ne dit rien consent....)

"le 9 juin, Bernard Violet rencontre Laure Adler (éditrice chez Grasset) à qui il a précédemment envoyé le synopsis d'un projet de biographie d'Alain Delon (où il est question d'affaires crapuleuses, d'enfance, d'argent et de sexe à voile et à vapeur). Le 22 juillet Bernard Violet reçoit une assignation judiciaire. Sans l'aviser, Laure Adler a communiqué le synopsis à Alain Delon, qui poursuit l'auteur en justice pour " atteintes portées à l'intimité de la vie privée et à la réputation ". Le 5 août, le tribunal de grande instance de Paris interdit (provisoirement jusqu'à décision du juge de fond) sous astreinte la diffusion et la reproduction du synopsis ainsi que tout ouvrage tiré de ce synopsis, met hors de cause les éditions Grasset et condamne Bernard Violet aux dépens.
14 octobre, les protagonistes se retrouvent au tribunal. Alain Delon poursuit toujours Bernard Violet qui contre-attaque en demandant que la société Editions Grasset et Fasquelle soit condamnée à réparer le préjudice subi et poursuit Alain Delon pour atteinte à l'honneur. La décision, mise en délibération, devrait être connue le 18 novembre.

Que répondez-vous aux accusations d'Alain Delon?
BERNARD VIOLET. Qu'elles sont graves et sans fondement. Je n'ai pas écrit la première ligne de sa biographie, je n'ai donc porté aucune atteinte à l'intimité de sa vie privée. Ce qui est vrai en revanche, c'est que je considère la naissance, l'enfance, les relations tissées jusqu'à l'âge adulte comme des clés du destin de chacun. Et que je pourrais tomber sous le coup de la loi si j'évoquais dans une biographie ces circonstances et d'autres sans l'autorisation de l'intéressé. L'affaire Nut, mon premier livre, fut interdit parce que j'avais mentionné une procédure de divorce. Cela m'a servi de leçon. Depuis, dix ouvrages plus tard, la justice ne m'a jamais pris en défaut.

Que pensez-vous de la notion juridique de vie privée?
B.V. Dans la mesure où les intentions du biographe sont positives et qu'il a besoin d'enquêter largement pour comprendre l'homme, je la trouve trop restrictive, trop tatillonne. Si on la suit à la lettre, seules les activités professionnelles et amicales peuvent être évoquées. Tout le reste relève de la vie privée: naissance, enfance, adresse, liens familiaux, mariage, divorce, convictions religieuses, santé, etc.

Si jamais la justice vous donne tort que ferez-vous?
B.V. Je ne vois pas comment la justice pourrait interdire un livre virtuel sans remettre violemment en cause le droit des auteurs, c'est-à-dire de la liberté d'expression et le droit à la contradiction, à la critique. Si je suis condamné, cela signifie qu'il est interdit d'écrire une biographie sans l'autorisation de l'intéressé. Vous savez comment s'appelle une biographie sous surveillance? Une hagiographie, un hommage, une légende, comme vous voulez... Une telle condamnation serait sans précédent. Le délit d'intention n'existe pas, sauf pour ce qui concerne l'espionnage ou le renseignement. C'est l'article 80, alinéa 2 du code pénal.

Vous écrirez donc la biographie d'Alain Delon sans son autorisation?
B.V. Oui, je travaillerai dans les limites imposées par la loi et prendrai sans doute quelque risque en accord avec l'éditeur. Ce ne sera pas la première fois même si je ne le fais pas de gaieté de
cœur. Ecrire une biographie non autorisée est difficile, ardu. Le commandant Cousteau m'a mis des bâtons dans les roues en interdisant à tous ses collaborateurs de parler et en me refusant l'accès aux archives de sa Fondation. Je suis passé outre, j'ai enquêté autrement et lorsque le livre est sorti, Cousteau n'a rien fait. J'étais inattaquable.

En France, la plupart des biographes ne travaillent pas sans autorisation. Comment l'expliquez-vous?
B.V. Peu de biographes s'attaquent aux légendes vivantes. Pourtant, un personnage public, parce qu'il a réalisé des œuvres marquantes, parce qu'il a pris des positions publiques, s'expose tout naturellement à la critique et à la contradiction. Je regrette le comportement frileux des auteurs qui abandonnent leur travail au moindre coup de vent. Je crois qu'il faut s'obstiner, résister à l'intimidation, dans le cadre défini par la loi, évidemment.

Si les biographes sont parfois frileux, les éditeurs le semblent plus encore...
B.V. Que la maison veuille éviter le procès, ce n'est pas très original. En cas de procédure judiciaire, la plupart des éditeurs se désolidarisent de leur auteur sur le mode: " Chacun ses ennuis, chacun ses avocats. " Là, Grasset pousse le bouchon un peu loin. L'éditeur commet une erreur en transmettant, sans mon accord, le synopsis à Alain Delon. Puis, quand le torchon brûle, il s'arrange avec Delon et sur mon dos pour ne pas être incriminé. C'est gonflé... Et c'est la raison pour laquelle j'ai assigné l'éditeur en justice.

Ecrire la biographie de quelqu'un envers et contre sa volonté, n'est-ce pas un travail de flic plutôt que de journaliste?
B.V. Si j'écris la biographie de quelqu'un, c'est que cette personne m'intéresse, m'intrigue, me fascine. Loin de moi l'idée de détruire. Ce que je cherche, ce sont des clés pour comprendre la personne et ses œuvres. Prenez le cas de Delon: savoir qu'il a été élevé par un couple de gardiens de prison, ce n'est pas anecdotique. Cette situation d'enfance - grandir entre flics et voyous - n'a-t-elle pas semé la confusion dans l'imaginaire du gamin et inspiré de nombreux rôles?

Vous ne vous fixez aucune limite dans vos recherches?
B.V. Non. Il faut travailler sans complexe ni a priori.

Même pas de limites morales?
B.V. Morales? Je ne raisonne pas en ces termes. Ce qui importe, c'est d'être méthodique et rigoureux. Chacune de mes biographies représente soixante-dix kilos de documents écrits, sonores et audiovisuels et une centaine d'entretiens enregistrés puis dactylographiés et soumis aux intéressés avant usage. Je ne me cache pas sous un nom d' emprunt, je ne mens pas à mes interlocuteurs, je travaille à visage découvert. Je recoupe toutes mes informations. Si elles ne sont pas fiables, si je ne peux pas citer mes sources, je les abandonne.

Autant de rigueur ne saurait dissimuler votre goût frénétique pour la vérité...
B.V. Seriez-vous en train de me dire que recherche de la vérité relève du fanatisme? Il serait temps de s'interroger sur notre rapport à la vérité. Contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis où celui qui ment est puni, la culture française semble fort bien s'accommoder du mensonge. A moins que l'on appelle de tous ses vœux l'avènement d'une république bananière ou d'un Etat totalitaire, l'exigence de vérité est primordiale dans une démocratie. Tous les auteurs, tous les journalistes doivent pouvoir poser leurs questions et obtenir des réponses claires.

Mais le droit au mensonge n'est-il pas aussi un droit de la personne?
B.V. Et le droit de chercher la vérité, n'est-ce pas le droit du biographe? Tout est dans la forme. Un biographe n'est pas là pour juger, mais pour comprendre.

Ne craignez-vous pas de blesser les proches, les enfants, en faisant des révélations fracassantes?
B.V. La vérité fait moins de mal aux enfants que le mensonge ou le secret. Il faut dire les choses, arrêter d'obliger les enfants à dire la vérité - sinon c'est une claque - en s'en dispensant soi-même. Si Delon est mouillé dans l'affaire Markovitch qui a ébranlé la V République, ce n'est tout de même pas ma faute. Faudrait-il protéger un criminel au nom du droit de la personne? Non. Simplement, il faut toujours apporter la preuve de ce que l'on avance. Est-ce protéger ses enfants que de les exhiber plusieurs fois par an dans la presse " people "? Exposer sa vie privée, c'est aussi justifier l'investigation sur votre vie privée. Le personnage public doit se tenir à une ligne de vie cohérente."

D'autres exemples ?

Une façon de se protéger de la critique, c'est de conclure des pactes croisés entre la presse écrite et une chaîne de radio, en ouvrant ses micros à des directeurs de journaux pour tenter de fermer les colonnes à la critique qui pour celui qui la reçoit est perçu le plus souvent pour de la diffamation et pour celui qui la lit est reçue comme une information.

C'est le problème du double language et de la triple articulation (relire Machiavel et le Prince pour s'imprégner du sujet).

Bravo pour votre forum "sans publicité" auquel il manque des tables croisées compensées il est vrai par un moteur de recherche puissant pour recouper les sujets de discussion.

Au fait, DDFC quelles sont vos sources de financement pour faire fonctionner ce site ?

CENTRE INTERNATIONAL D'OBSERVATION DES MEDIAS
LUXEMBOURG 9/12/2003


 
Lu dans Tél&e

11/12/2003
17:47
à propos de George Steiner

Entretien avec George Steiner, qui publie "Maîtres et disciples"
Le messager
Professeur de littérature, il fait l'éloge de la transmission et du savoir exigeant. Maître mais aussi disciple, il se voit comme un passeur, un "facteur" au service des grands auteurs.


Professeur émérite de littérature comparée à Princeton, Genève et Cambridge, George Steiner, 74 ans, se définit d'abord comme un lecteur. C'est par et pour les textes que cet homme de culture appréhende les savoirs. Dans la plupart de ses ouvrages, il traque le paradoxe qui a conduit une civilisation cultivée à sombrer dans la « barbarie », et s'attaque à la transmission de la culture. Mais son dernier livre, Maîtres et disciples est aussi une exploration du monde contemporain, de l'informatique à ses modes d'éducation... Il faut le savoir : pour George Steiner, Keats est meilleur poète que Bob Dylan et Bach plus audible que le heavy metal. Volontiers provocateur et toujours curieux des réfutations qu'il suscite, il soutient que l'enseignement doit rester une « vocation » et va même jusqu'à s'interroger sur la légitimité de sa rémunération. Quant à la culture de masse, il la perçoit comme une forme de populisme... Mais Steiner aime à susciter la parole, fût-elle contradictoire. Si Goethe dit vrai (« A force de faire des livres, ou d'en lire, on devient soi-même un livre »), alors cet homme-là doit figurer dans toutes les bibliothèques. Pour le lire, lui comme les auteurs auxquels il renvoie, et dialoguer avec ses idées.

Télérama : Dans les rapports de maîtres à disciples que vous traitez dans votre dernier livre, vous évoquez « l'éros réciproque » comme condition d'une transmission idéale. Qu'entendez-vous par là ?

George Steiner : Il s'agit d'un échange, d'une confiance réciproque, d'une osmose entre le maître et le disciple. La possibilité pour un être humain de transmettre à un autre une passion absolue, un espoir, voire une grande tristesse ­- car il y a aussi des maîtres de la tristesse ­-, reste miraculeuse. Le principe se comprend aisément pour les sciences qui utilisent des techniques objectives. Il est aussi à la mode aux Etats-Unis où se développe une véritable industrie de l'« écriture créatrice », qui consiste à enseigner comment écrire un roman ou des pièces de théâtre. Je reste un peu sceptique sur ces méthodes, bien que des écrivains remarquables soient sortis de ces écoles. En revanche, comment transmettre une philosophie, une vision esthétique ? C'est ce processus mystérieux que j'essaie de cerner. « Porter le courrier » est pour moi une image capitale. Je suis le messager des grands hommes qui écrivent et me disent : portez-le à une bonne adresse. La tâche est considérable : ne pas éparpiller, ne pas vulgariser, mais trouver le prochain disciple. Pouchkine remerciait ses traducteurs, ses éditeurs et ceux qui enseignaient ses textes. Mais c'est lui qui écrivait les lettres... Et nous, les professeurs, les éditeurs, les critiques, les rédacteurs, qui commentons la vie de la culture, nous ne sommes que des facteurs. Il ne faut jamais confondre les deux fonctions. Or, aujourd'hui, beaucoup de professeurs, de critiques ou de gourous de la psychanalyse, que Molière aurait pu balayer d'un éclat de rire, se prennent tellement au sérieux qu'ils utilisent les grands textes comme prétextes à leurs commentaires. C'est pour moi une obscénité. Le grand texte n'a vraiment pas besoin du petit monsieur que je suis, mais moi j'en ai un besoin total, désespéré.

Télérama : Sans ceux qui les commentent, les grands textes ne risquent-ils pas d'être oubliés ?

George Steiner : Le philosophe allemand Walter Benjamin, au début de XXe siècle, nous enseigne cette chose merveilleuse : un livre peut dormir cinq cents ans dans une bibliothèque et revenir à la vie grâce à quelqu'un qui en aura un besoin immense.

Télérama : Pourtant certains textes disparaissent...

George Steiner : Il y a des vérités perdues à jamais. Selon les scientifiques, un problème non résolu aujourd'hui le sera demain, il y a un tapis roulant vers l'avenir, un contrat avec l'espoir. Ce n'est pas pareil pour la pensée philosophique ou la poésie. 95 % de la grande littérature grecque de la bibliothèque d'Alexandrie sont perdus à jamais. Dans l'incendie de la bibliothèque de Sarajevo, seize mille manuscrits incunables ont été détruits. On a failli perdre ce qu'a écrit Kafka, qui voulait brûler ses oeuvres. Nous n'avons de Gogol que le premier volume des Ames mortes, il a brûlé le second. On connaît le chef-d'oeuvre de Büchner, Woyzeck, mais ce qu'il a écrit sur le poète vénitien Arétin a été brûlé par sa fiancée, qui jugeait le texte scandaleux. Les huit volumes écrits à la main des journaux de Byron ont été brûlés par son éditeur victorien. Alors, parfois, on a froid dans le dos, on se dit qu'il faut se dépêcher. Trouver le collègue pour que la chaîne ne soit pas interrompue. Me hante la possibilité qu'avec la mort d'un maître, d'un professeur, d'un grand lecteur, qui n'a pas pu ou su transmettre, son savoir soit perdu à jamais. C'est un bonheur de trouver celui qui veut et peut prendre la relève...

Télérama : Une autre interrogation traverse vos livres : comment la barbarie a-t-elle pu éclore dans une civilisation humaniste ? Des écrivains sud-américains estimaient qu'après la Shoah, la culture européenne était disqualifiée à jamais.

George Steiner :Paul Valéry avait aussi ce sentiment en 1919. N'oublions jamais que le début du massacre, c'est la Première Guerre mondiale. Soixante mille morts pas jour dans les batailles d'Ypres et de Passchendaele : l'Angleterre ne s'en est jamais remise, ni l'Europe. Les penseurs du XIXe, à quelques rares exceptions, estimaient qu'avec l'éducation républicaine généralisée, la diffusion de l'imprimé et la fréquentation des bibliothèques, l'homme s'humanisait. C'est presque le contraire qui s'est passé... Depuis mon premier livre, Tolstoï ou Dostoïevski (1963), je pose cette question : comment peut-on écouter Schubert ou jouer Brahms au piano le soir et torturer dans les camps le reste de la journée ? Je fâchais Arthur Koestler, qui était un homme plein de réponses : il soutenait que le cerveau était double, la partie animale, sadique, l'emportant sur celle où résident l'esthétique, la morale ou la raison... C'est une blague, il n'y a pas un brin de réponse physiologique à cette thèse. Mais c'est une belle image qui, si elle était vraie, nous aiderait à supporter ce paradoxe qui, pour moi, est écrasant et insoluble.

Télérama : Les intellectuels ont pourtant une mission d'alerte ?

George Steiner : Les penseurs les plus éminents ont joué le jeu de la barbarie. Heidegger, qu'on cite souvent, n'est pas le pire. Sartre aussi a défendu les camps staliniens et les tortures à La Havane. Dans mon séminaire en Chine, j'avais deux élèves d'un certain âge pliés en deux. On leur avait brisé l'épine dorsale pendant la Révolution culturelle. Ils avaient fait passer une lettre à Sartre, qui était pour eux le Voltaire moderne : aidez-nous, dites un mot. Mais Sartre a répondu que les tortures commises par les gardes rouges étaient une invention de la CIA. Jamais je n'oublierai cela ! A part de magnifiques exceptions, comme l'historien Marc Bloch [NDLR : résistant et auteur de L'Etrange Défaite, fusillé par les Allemands en 1944], les intellectuels n'ont pas souvent joué un beau rôle. Le mandarin peut se retrancher derrière sa passion et oublier le reste. Or il faut toujours se demander quelle serait notre réaction si la police politique nous attendait à la porte. Beaucoup aujourd'hui considèrent que ces interrogations n'ont plus court. On se passionne plutôt pour le football ou la pornographie.

Télérama : Ce sont pour vous de nouveaux dangers ?

George Steiner : On vient de faire un sondage en Angleterre sur les dix Anglais de l'histoire les plus prestigieux. Devinez qui est arrivé en tête ?

Télérama : Shakespeare ?

George Steiner : Non, le footballeur David Beckham ! Shakespeare est cinquième, Darwin neuvième ! Il ne faut pas se leurrer. La barbarie aujourd'hui, c'est le fascisme du bonheur, de l'argent, du « berlusconisme ». Rupert Murdoch est propriétaire des trois cinquièmes de l'information humaine. Il y a logiquement un risque du despotisme de la facilité. Dire aux enfants « on ne va pas vous enseigner des choses difficiles » est faire preuve d'une coupable condescendance à leur égard. Le nivellement de l'éducation engendre le dédain pour la difficulté, pour l'ambition intellectuelle. La trahison des clercs aujourd'hui est une sorte de masochisme envers soi-même, une peur devant les jeunes, les médias... Nous n'avons pas réussi à mettre la littérature au service d'un humanisme réel. Fut un temps où les maîtres étaient des points de référence. Le sont-ils encore ?

Télérama : La révolution électronique ne risque-t-elle pas de court-circuiter les relations de maîtres à disciples et de modifier la nature de la mémoire ?

George Steiner : Nous entrons de plus en plus dans une culture de l'oralité et de l'électronique, puisqu'on peut répondre à l'écran avec les procédés interactifs. John Updike, très bon romancier, a ainsi suggéré à ses lecteurs de lui proposer les derniers chapitres de son livre. En fait, pour que l'échange continue, il faut certaines conditions. Du temps, d'abord, et notre culture n'a plus le temps pour le temps. Un certain environnement social, ensuite, avec du silence qui, aujourd'hui, s'achète à poids d'or. Notre époque est par ailleurs celle du manque de respect, de l'irrévérence. Pour un vrai dialogue, il faut une certaine estime pour l'autre. Quant à la mémoire, le moteur de recherche Google en a une infiniment plus importante que n'importe quelle encyclopédie. Or la mémoire électronique risque de tuer la vraie mémoire. D'où l'importance du « par coeur » : ce que l'on aime, on veut pouvoir le porter en soi. Les années passant, ce que l'on a appris par coeur change et évolue en soi, comme les tissus nerveux, comme la chair. Ce que l'on apprend par coeur, les salauds ne peuvent pas vous l'enlever. Sans mémoire, on est vide et sans protection contre l'idiotie.

Télérama : La relation de maître à disciple a longtemps été théologique. Peut-elle survivre sans théologie ?

George Steiner : Dans la tradition judéo-chrétienne d'Occident, Jésus est le professeur, celui qui enseigne une vérité révélée. La validité d'un enseignement aujourd'hui est autre et peut résider dans la question suivante : l'enseignant vit-il sa vocation, sa croyance, est-il en accord avec ce qu'il enseigne ? Une gauche française maintenant assez lointaine soutenait le stalinisme dans les salons sans imaginer mettre un pied dans le monde communiste. Beaucoup de sionistes n'envisagent pas non plus d'aller vivre en Israël... Cette question ­ -vivez-vous en accord avec ce que vous nous enseignez ?- ­ peut, sinon remplacer, du moins se substituer à cette autorité qui était d'origine théologique. Mais quand Wittgenstein nous dit qu'il aurait voulu dédicacer ses enquêtes philosophiques à Dieu, je me tais, je comprends.



Propos recueillis par
Gilles Heuré




Télérama n° 2813 - 13 décembre 2003
 
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