Archives 2003-2008 du forum de discussions sur France Culture

Le forum de discussions sur FRANCE CULTURE du site DDFC est fermé mais vous pouvez accéder en lecture aux 35.000 messages d'auditeurs archivés, ainsi qu'aux fameux SMILEYS et DÉCALCOS. Mention légale : les textes, idées et contenus présentés ici n'engagent que leurs auteurs à titre personnel et non le propriétaire du site DDFC.


 La pétition SOS France Culture continue sur le site sosfranceculture.free.fr        Dictionnaire TLF 
 Recherche :
 Dans le fil

Retour à la liste des messages
Nazdeb

07/02/2005
15:13
re : La rumeur du Monde. Samedi mi journée

Je suis d’accord pour admettre que l’accusation d’hypocrisie est galvaudée, une vraie boîte magique ; je vais essayer d’éviter. Il faut dire que le travers est tellement répandu : tout le monde dans le milieu des médias se doit d’être un minimum rompu à l’art de moduler ses opinions, de tourner la girouette en fonction de la direction du vent, c’est une question de survie professionnelle. Chaque fois qu’une personne tient dans un contexte un propos contradictoire avec ce qu’il dit dans un autre, il est légitime de parler d’hypocrisie.

Casanova partisan de la dictature, certes la proposition est gonflée, et elle ne s’est jamais trouvée telle quelle dans la bouche de l’intéressé. Ce qu’il pense au fond de lui, est-il pour, contre, entre les deux, je n’en sais rien, et il est vrai qu’on ne l’a jamais entendu dire beaucoup de bien de diverses tyrannies existantes. Toujours est-il que cette proposition résulte d’une appréciation qu’il a ouvertement livrée dans l’Esprit public : il a dit en substance qu’il était contre les élections, que le peuple ne devait pas, selon lui, participer à la désignation de ses dirigeants, et cela valait pour la société en général, y compris la société occidentale. Quelqu’un qui dit une telle chose nous informe simplement qu’il est contre la démocratie et qu’il lui préfère un système où une élite (les meilleurs) « dicte » sa volonté à toute la société tenue d’obéir.

Mais je ne trouve pas cela étonnant, et à la limite ce n’est pas si grave : on peut à des degrés divers approuver des mesures prises contre l’opinion majoritaire, donc de manière contraire aux principes démocratiques (par exemple l’abolition de la peine de mort en 1981, encore que la couleur eût été annoncée par Mitterrand avant son élection), et plus on regarde haut dans les classes sociales, plus on doit trouver chez les individus des thèmes sur lesquels ils préfèreraient que la majorité n’ait pas son mot à dire, ce qui me semble assez évident (voir par exemple certaines opinions unanimement partagées dans la presse, comme la domination du « corporate governance et de l'actionnariat » prisés tant au Nouvel Observateur que dans les journaux de droite). Parmi ces individus il doit s’en trouver, et Casanova en fait peut-être partie, pour penser que le silence populaire devrait non pas être ménagé ponctuellement, mais de façon permanente, pour simplifier définitivement les choses.

Quant à l’allure qu’auraient ces « meilleurs » dans l’esprit de Casanova, des Bush ou Chirac ou de gros vilains capitalistes, je n’en ai rien dit dans mon commentaire et n’ai pas d’interprétation à livrer là-dessus, si ce n’est une interrogation sur la nature du critère de définition de ces meilleurs, ou encore le rapprochement avec quelques citations d’intellectuels, comme ce penseur « démocrate » de la politique états-unienne, fondateur de la Trilatérale que tu admires, et qui prophétise un bien beau monde : « la politique de l'an 2000 ne relèvera plus des gouvernements, mais d'hommes d'affaires d'avant-garde » ; « la démocratie, telle que nous l'avons pratiquée, est tout à fait révolue : nous entrons dans l'ère du management international » (Brzezinski, voir le fil ANTICIPATION). Pro-dictature la Trilatérale, à laquelle appartint Casanova ? Peut-être bien, dis donc.

Maintenant, il va de soi que ce vœu de voir disparaître la démocratie qui s’affiche en loucedé dans certains cénacles n’est pas ce qu’on peut publier en toute franchise, car le discours commun médiatique se veut démocrate. Ici intervient la différence de statut médiatique entre la Rumeur du monde (où Casanova tient dorénavant micro) et l’Esprit public (où il conversait naguère) : cette différence joue un rôle probable sur la modération et l’auto-censure, de telle sorte que j’incline à croire les intervenants plus sincères dans l’Esprit que dans la Rumeur. L’Esprit public cultive une distanciation vis-à-vis des modes, un ton presque de confidence élitiste où on peut se sentir libre de laisser échapper quelques jugements politiquement peu corrects sans être sur-le-champ pilorisé (c’est dans cette émission que Maryvonne de Saint-Pulgent aurait, à en croire un message de Lionel, confessé une même prévention à l’égard des élections, et qu’un Yves Michaud et plus anciennement un John Vinocur se sont laissés à aller à des commentaires dignes de Radio Courtoisie, comme Henry en a signalés certains. Pire : on y fait la réclame du dernier livre de Philippe Cohen sur le système intello-médiatique français – accessoirement, sur BHL.). En revanche, vanter les mérites de la dictature dans la Rumeur du monde – émission où on représente un journal qui doit être vendu et où on affiche un ton plus consensuel, plus attentif aux modes – serait très risqué et même ne passerait pas du tout. Et d’ailleurs, bien que j’écoute peu, il me semble que le Casanova qui parle dans ce cadre police bien plus sa parole qu’il ne le faisait autrefois le dimanche : je ne suis pas surpris qu’il prenne à ce nouveau micro le teint d’un social-démocrate.

Un social-démocrate qui travaille à désocialiser et dé-démocratiser : ce n’est pas une rare espèce de nos jours…




 
Retour à la liste des messages

Page générée en 0.06 seconde(s) par la technique moderne