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Pour info 30/03/2005 00:57 |
Les passions d'Héloïse |
LUNDI 28 MARS 2005 09:10 - 10:00 LES LUNDIS DE L'HISTOIRE par Jacques Le Goff réalisation : Pierrette Perrono Héloïse À propos du livre de Guy Lobrichon : Héloïse, l'amour et le savoir (Ed. Gallimard), avec l'auteur, professeur à l'université d'Avignon, et Danielle Régnier-Bohler, professeur à l'université de Bordeaux 3. |
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Pour info 30/03/2005 00:58 |
L'Express du 28/03/2005 |
Les passions d'Héloïse par Claude Habib Qui était l' «épouse» d'Abélard? Les lettres attribuées aux amants du XIIe siècle et une biographie de l'abbesse en offrent deux interprétations. L'Express du 28/03/2005 http://livres.lexpress.fr/critique.asp/idC=9922/idR=12/idG=8 C'est un étrange objet que ces Lettres des deux amants, qui nous parviennent du Moyen Age. Le manuscrit découvert à la bibliothèque de Troyes, il y a trente ans, est une copie du XVe siècle. La correspondance originale a disparu. Contestée par une partie des médiévistes, l'attribution à Héloïse et Abélard rallie un nombre croissant de spécialistes. Libre choix plutôt que passion. Entre l'homme et la femme, il est exclusivement question d'amour. Ils en traitent poétiquement, philosophiquement, de manière complexe et de manière brûlante: «Ô corps plein de sève, ô parfum ineffable que le tien; dévoile ce que tu caches, révèle ce que tu gardes dissimulé, que jaillisse enfin cette fontaine de tes douceurs...» La femme se présente comme l'élève, mais c'est elle qui pousse aux définitions: elle voudrait que le sentiment soit dilectio plutôt qu'amor - libre choix plutôt que passion. Ainsi, il serait fondé en raison, il durerait toujours. L'homme ne dit pas non, mais il lui répond dans la langue du désir: «Tu es mon rassasiement dans la faim, ma satiété dans la soif, mon repos dans la fatigue.» On entend deux voix distinctes qui chantent un même amour, au bord de la dissonance. Certaines formules font penser à l'Orient de Gobineau: ma vie, mes yeux, ma lumière. C'est tantôt écourant comme un loukoum, tantôt saisissant comme un transport. Dans ce roucoulement entrecoupé, des événements se produisent: la femme se fâche, s'apaise, souffre à nouveau. Sylvain Piron propose avant les lettres une précieuse Reconstitution de l'intrigue, qu'il vaut mieux lire après. Son interprétation dégage des séquences d'une manière convaincante et modeste: il ne prétend pas lever toutes les obscurités, il ne bluffe pas. Ses qualités critiques brillent aussi dans la postface, consacrée à l'authenticité et à l'attribution des lettres. La présentation des faits est sobre sans être sèche, la déduction, patiente, laisse affleurer une note d'allégresse. L'examen de la thèse adverse - ces lettres seraient un faux littéraire forgé un siècle plus tard - ne manque ni de mordant ni de déférence. Sylvain Piron, convaincu que les lettres sont authentiques, donne envie de le croire. Rendre justice à cette femme unique. Guy Lobrichon conte une tout autre histoire. Sortir Héloïse de l'ombre d'Abélard, tel est son projet. Il croit par là rendre justice à cette femme unique. La grande amoureuse est convertie en femme chef d'entreprise: ce qui intéresse le biographe, ce n'est pas l'amante, c'est l'abbesse. Donc on saura tout sur Héloïse sans Abélard, Héloïse entre 45 et 70 ans, gérant au mieux son Paraclet, une maison pieuse et qui prospère. Le couvent essaime en six prieurés - un beau résultat, même si c'est peu comparé à Fontevraud. Guy Lobrichon milite pour l'indépendance d'Héloïse. Il n'aime guère Abélard. L'orgueil du philosophe l'exaspère, son caractère anguleux le heurte, son égoïsme lui semble odieux. Tout de même, quand il l'appelle l' «infernal mari», on se dit qu'il s'égare. Il laisse entendre qu'avant d'être castré Abélard avait commencé à se lasser de sa femme. L'entrée en religion d'Héloïse prend des airs de répudiation. Même en admettant cette version, comment faire du Paraclet une réponse à la tyrannie masculine? Le Paraclet est au départ un oratoire édifié par Abélard. Il en a fait don à sa femme pour qu'elle y fonde un couvent. Il a voulu y être enterré. Héloïse y fut inhumée près de lui. Où donc est la rupture, où est l'indépendance? Puisque cette union exceptionnelle ne l'intéresse pas, il aurait pu choisir une autre abbesse. Le monde ne manque pas de matrones. Mais non. Ce que Guy Lobrichon veut décrire, c'est la vie qui se dégage de l'amour et qui l'efface: l'histoire du papillon qui devient chenille. Une curieuse idée de success story. |
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