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Nazdeb 05/07/2004 14:04 |
re : A N T I C I P A T I O N |
A propos des comportements du genre Lugano mais qui ne sont pas de la fiction, voici un extrait d'un long texte que dans un élan de militantisme individuel je me suis amusé à taper et que j'ai répandu par mail à l'époque de la campagne présidentielle 2002. A partir d'un angle portant sur la politique gouvernementale du PS, le texte évoque l'influence ou le rôle dans la politique de certains clubs privés réunissant le gratin de la finance, l'industrie, les médias et la politique. Depuis, ces thèmes ont fait l'objet de textes un peu plus sérieux (et notamment de l'attention d'un étudiant en anthropologie sociale de l'EHESS dont j'ai eu l'honneur d'assister à la présentation de son mémoire en mai dernier). Les prospectives à la Lugano ne sont pas à prendre à la lettre, il importe cependant de savoir comment la politique se noue à un certain niveau et de débusquer ce que les "décideurs" peuvent avoir dans la tête quand ils pensent aux masses (cf. certaines citations). Nazdeb "1. Littérature grise pour une gouvernance globale Deux groupes de pression internationaux méritent d'être étudiés, en raison d'abord du contenu, explicite ou présumé, de leurs travaux, mais aussi de la qualité des personnes qui y participent, notamment du côté français. Il s'agit de la Commission Trilatérale et du groupe Bilderberg. Club privé de droit néerlandais, la Commission Trilatérale réunit depuis le début des années 1970 des personnalités des Etats-Unis, d'Europe et du Japon dans le but de dégager « des points de convergence sur les grands problèmes et défis internationaux d'intérêt commun », de « développer le sens d'une responsabilité commune vis-à-vis du reste du monde », et d'aider les nouvelles démocraties dans leur transition vers « l'économie de marché » (Quid, Trilateral.org). En 1975, dans son rapport intitulé « La crise de la démocratie », la Commission Trilatérale faisait part d'analyses particulièrement choquantes. Sur la démocratie en Amérique du Nord : « la vulnérabilité du gouvernement démocratique des États-Unis vient (…), non pas de menaces extérieures (…), non de la subversion interne de la gauche ou de la droite (…), mais plutôt de la dynamique inhérente à la démocratie elle-même dans une société éduquée, mobilisée et participative ». Le même rapport affirmait : « l'Occident ne souffre pas d'un manque de démocratie, mais d'un excès : les journalistes tentent de s'organiser eux-mêmes pour résister aux pressions des intérêts financiers ou gouvernementaux » ; en réaction, selon la Trilatérale, « il faut assurer aux gouvernements le droit et la possibilité pratique de retenir l'information à sa source » (libre-echange.cyberquebec, Noam Chomsky). Ainsi que ces analyses le sous-tendent, la naissance de ce groupe de pression transversal procédait de la réaction des milieux dirigeants occidentaux aux mouvements contestataires des années 1960. Vous comprendrez que nous ne sommes pas en présence d'un club d'authentiques démocrates. Les analyses de la Commission Trilatérale doivent être complétées par des propos tenus par ses principaux fondateurs, les citoyens nord-américains Zbigniew Brzezinski (démocrate) et David Rockefeller (de sensibilité républicaine). En 1969, Z. Brzezinski, quelques années avant d'entrer comme conseiller à la Maison-Blanche, écrivait : « la politique de l'an 2000 ne relèvera plus des gouvernements, mais d'hommes d'affaires d'avant-garde » ; « l'heure est venue d'abolir les distinctions désuètes entre organismes publics et privés, entre administrations gouvernementales et grandes entreprises » ; ou encore « la démocratie, telle que nous l'avons pratiquée, est tout à fait révolue : nous entrons dans l'ère du management international » (« Between the Ages », 1969). Notre homme peut, aujourd'hui, être considéré comme un visionnaire remarquable. Plus récemment, David Rockefeller, homme d'affaires si proche du pouvoir politique nord-américain qu'il a longtemps été considéré comme un « secrétaire d'Etat officieux » des Etats-Unis, une sorte d'« ambassadeur extraordinaire » (Le Monde, 26/10/2001), confiait à un grand journal : « Quelque chose doit remplacer les gouvernements, et le pouvoir privé me semble l'entité adéquate pour le faire » (Newsweek International, 01/02/1999). L'autre grande institution qui construit le consensus libéral est le groupe Bilderberg, club plus ancien et redoutablement « select ». David Rockefeller en est l'un des principaux animateurs. Depuis sa création au début des années 1950 par le prince et ancien officier SS Bernhard des Pays-Bas, avec le soutien de la CIA, le groupe Bilderberg, « sans produire de décisions formelles, (...) a contribué à instaurer le type de capitalisme que nous connaissons aujourd'hui et à solidariser entre elles les principales élites mondiales des affaires » (Goran Greider, rédacteur en chef du journal suédois Dala-Demokraten, s'exprimant à l'occasion de la dernière conférence annuelle du groupe Bilderberg, tenue en mai 2001 à Stenungsund, près de Göteborg). Ce groupe cultive un tel secret sur ses discussions annuelles, régulièrement protégées par les services secrets ou l'armée du pays d'accueil, qu'il s'attire une critique récurrente ; « des gens de pouvoir élaborent des consensus derrière des portes closes sur des enjeux politiques majeurs » (Ulf Bjereld, professeur de sciences politiques à Göteborg, à l'agence Reuters). La conférence 2001 abordait, entre autres, la sécurité alimentaire, l'avenir de l'OTAN, l'élargissement de l'Union européenne, l'avenir de la Russie et de la Chine (Reuters, 23 mai 2001). Les conférences du groupe Bilderberg accueillent régulièrement ou ont accueilli des personnalités comme Bill Clinton, Tony Blair (invités quelques mois avant leur accession au pouvoir), Henry Kissinger, George Robertson, Romano Prodi, Wim Duisenberg, Jean-Claude Trichet, James Wolfensohn, Michel Camdessus, Paul Wolfowitz, etc. Pour nous faire une idée de l'influence dans la politique française de la Commission Trilatérale et du groupe Bilderberg, chambres de diffusion de thèses subtilement antidémocratiques, énumérons à présent quelques personnalités hexagonales qui participent ou ont participé à leurs travaux. Parmi les membres français de la Commission Trilatérale figurent aujourd'hui le socialiste Laurent Fabius, les RPR Patrick Devedjian et Pierre Lellouche, l'UDF Raymond Barre, le numéro 2 du Medef Denis Kessler, le journaliste Claude Imbert (Le Point), le professeur et ancien conseiller de Raymond Barre Jean-Claude Casanova — qui a publiquement déclaré son hostilité à la démocratie (« L'esprit public », France Culture) —, le directeur de l'IFRI Thierry de Montbrial, Louis Schweitzer (Renault), Michel Bon (France Télécom). Plusieurs de ces personnalités ont également participé, avec la discrétion requise, à des conférences du groupe Bilderberg : Laurent Fabius (1994), Patrick Devedjian (1993), Pierre Lellouche (1996), Jean-Claude Casanova (ancien membre), Thierry de Montbrial (participant assidu), Michel Bon (2001). Le groupe Bilderberg a également accueilli dans le plus grand secret l'actuel candidat PS à l'élection présidentielle, Lionel Jospin, en 1996 (conférence de Toronto), ainsi que, en 2000 et 2001, le commissaire européen et libéral acharné Pascal Lamy, « sherpa » de Lionel Jospin en matière de construction européenne. Invité en 2001, Henri Nallet, lui, semble s'être abstenu d'y participer — le modeste début de médiatisation des conférences Bilderberg a-t-il dissuadé le responsable des affaires internationales du PS ? 2. Lobbying et processus secrets Les propos des deux fondateurs de la Commission Trilatérale portent un éclairage inédit sur la « modernité » à laquelle les dirigeants du PS et des partis de droite tentent d'éduquer le public : la globalisation ne serait ni plus ni moins que de la substitution de l'industrie privée à la démocratie — en termes bruts, et pour faire écho aux craintes de Thomas Jefferson, l'avènement d'une « tyrannie ». Cette substitution n'est pas forcément le vœu des deux seuls intéressés. On peut se douter qu'elle comble ceux d'autres grands investisseurs et dirigeants d'entreprises à l'instar d'un Jean-Marie Messier, qui entend faire remiser les lois démocratiques qui font obstacle à l'hypertrophie tentaculaire de son groupe, ou d'un Gerald Levin, ex-PDG d'AOL-Time Warner. S'exprimant il y a quelques mois dans le New York Times (repris dans un article du journaliste Marc Laimé diffusé par Attac en décembre 2001), M. Levin, prophétisant que « les médias globaux seront le business dominant du XXIe siècle », a expliqué que ces groupes globaux « seront plus importants que le gouvernement, plus importants que les institutions éducatives et les associations » ; que « nous allons voir ces corporations se redéfinir comme des instruments de service public », et que « cela peut être une manière plus efficace de régler les problèmes de la société que ne l'est le gouvernement ». Cette transformation globale de la société s'appuie sur les rhétoriques que développent depuis plusieurs années des « think-tanks » néolibéraux majoritairement anglo-saxons (London School of Economics, Adam Smith Institute, Cato Institute, Center for Trade Policy Studies, etc.), qui ne font que la promotion de thèses qui, dans les années 1960, aux Etats-Unis même, passaient pour des idées d'extrême droite. (...)" |
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