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Henry Faÿ

19/08/2007
07:40
la grosse colère à l'égard d'Alain Ba


J’ai été surpris par la grosse colère et la virulence des attaques d’Éric Marty et Victor Malka contre Alain Badiou. Impression qu’il y a comme du malentendu. L’entretien que le philosophe a accordé à Nicolas Weill, paru dans Le Monde du 15 juillet permet de corriger un peu le tir.


1. L’État d’Israël
Éric Marty et Victor Malka accusent Alain Badiou de vouloir la destruction de l’État d’Israël sans considération pour les dommages que cette destruction entraînerait. Au passage, Alain Badiou est traité de philosophe froid, flegmatique, abstrait, cynique même, insensible aux souffrances, entre parenthèses, les plus grandes souffrances en Palestine sont celles qu’endurent les Palestiniens.

Ce n’est pas du tout ce qui ressort des déclarations d’Alain Badiou dans son entretien:
« que les choses soient claires : je n’ai jamais pensé que le destin des Israéliens était d’être jeté à la mer…
« j’estime que l’idée régulatrice pour le devenir de la région ne peut être que la vie m^émée des Palestiniens et des Israéliens sur la même terre. J’ai toujours pensé que la formule d’<< État juif>> était une formule périlleuse. Aujourd’hui, les politiques émancipatrices veulent que les nationalités et les États ne soient pas exclusivement définis en termes identitaires ou raciaux. (…) Israël sera nécessairement pris dans ce devenir, où l’universel s’établit peu à peu là où régnait la particularité. »
« Que des gens qui se désignaient au sein des nations européennes comme une minorité particulière de caractère national – la minorité juive _ aient voulu trouver un lieu où réaliser territorialement cette identité sous la forme d’un État est une réalité historique qui, comme toute autre réalité de ce genre, n’est ni légitime ni illégitime. Ce que je ne crois pas raisonnable, c’est que cette aventure soit mise en exception des aventures nationales du même ordre, voilà tout. »

2. la « liste de Badiou ».
Grosse colère de Victor Malka contre cette liste qui énumère les plus grands penseurs juifs qui ont rompu avec le judaïsme, je ne comprends pas le motif de cette colère, elle n’a rien de grotesque, cette liste, au contraire, et l’admiration d’Alain Badiou est fondée, il y a bien une grandeur à s’extraire de son milieu traditionnel. Quant au fait que Simone Weil n’en fasse partie, je ne vois pas quel argument on peut en tirer, qu’Alain Badiou ne se sente pas concerné par la pensée religieuse de la philosophe marcioniste est bien compréhensible.


3. Le reproche à Alain Badiou de ne pas être sensible à la grandeur, à la profondeur de la culture juive :
Ce reproche ignore le point de vue d’Alain Badiou, qui fait partie de ceux qui à la fin de chaque réunion chantent : « du passé, faisons table rase ». La grandeur, la profondeur de la culture juive n’est pas pour parler vulgairement « son problème ».

C’est bien ce que confirme Alain Badiou dans son entretien au Monde : « je m’oppose à la défense traditionaliste des identités morales et religieuses ». Qu’Alain Badiou, par principe, ne se sente pas concerné par une culture religieuse, même très ancienne c’est un point de vue qu’on peut fort bien comprendre.


4. Le mot <<juif>>
La discussion qui se place sur le terrain philosophique est un peu plus difficile à suivre. Éric Marty reproche au philosophe <<une sorte de curieuse formule, certains pourraient l’appeler juif de négation, il y a là, dit-il, un un rapport étrange, contourné, oblique et presque inversé au mot juif.>>

Alain Badiou dit dans son entretien : « je polémique contre ceux qui soutiennent que <<juif>> est un nom et non pas un mot, c’est-à-dire ceux qui soutiennent que le mode de rassemblement que ce nom forme est irréductible à tout autre. À mon avis, cela n’est soutenable que si intervient la transcendance divine. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, on peut soutenir que <<juif>> est un nom, parce qu’il s’inscrit dans l’espace d’une élection : << juif>> est le nom de l’Alliance. Je soutiens, comme le fait de manière cohérente Levinas, qu’il n’est pas possible de maintenir cette exception nominale sans l’appui de la religion.

« Ma cible n’est en réalité ni le sionisme, ni l’existence de l’État d’Israël, ni même un certain type de relation entre l’identitaire et l’État. Je critique une instrumentation idéologique du mot << juif>> dans la polémique intellectuelle, spécialement en France, à des fins que je crois liés à la vague réactionnaire… »

5. L’élection et l’antisémitisme
J’adhère sans réserve au point de vue de Victor Malka qui dit que l’élection ne doit en aucun cas servir de prétexte à l’antisémitisme mais on sait que dans les mentalités il n’en a pas toujours été ainsi, au cours de l’histoire et on ne peut pas reprocher à Alain Badiou de le rappeler. Je n’y vois aucune perversité.

6. La mémoire de la Shoah, et la mémoire en général
Dans un entretien donné au Haaretz, Alain Badiou a déclaré que si on voulait résoudre le problème de la guerre infinie au Moyen-Orient, il faudrait arriver à oublier l’Holocauste, ce qui choque au plus haut point Éric Marty et Victor Malka.

Interrogé par Nicolas Weill sur ce point, Alain Badiou répond :
« Cette phrase, dont je veux rappeler qu'elle figure dans un entretien avec le journal israélien Haaretz, était, vous vous en doutez, d'une imprudence calculée : elle ne pouvait se comprendre que dans le contexte, traitant des conditions de possibilité d'un dialogue entre Palestiniens et Israéliens. La phrase suivante précise aussitôt qu'un tel oubli est évidemment impossible. »

Alain Badiou dit par ailleurs : « l’intelligence politique et historique doit universellement remplacer la douteuse mémoire, proie désignée des propagandes ».

Que la mémoire de la Shoah joue un rôle dans le conflit israélo-palestinien est certain certitude et il ne devrait pas être impossible de l’examiner de manière critique.

 
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