Archives 2003-2008 du forum de discussions sur France Culture

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Agnès

22/03/2006
10:49
C'est en lisant qu'on devient liseron III

J'ai tenté cette fois de rassembler, outre les livres conseillés sur le fil Liseron (un peu en sommeil), ceux qui s'amoncellent dans les fils "Devinette" sur le forum bleu. C'est un peu une exploration de la jungle, et j'en ai peut-être oublié. Par ailleurs, le classement s'avère difficile, surtout pour les bouquins que je n'ai pas lus.
Je remets les liens pour les synthèses précédentes :

http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=12 745
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=15 08

http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=23 040&debut=0&page=1
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=20 825
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=16 993
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=14 941
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=14 004

Auto-/bio-graphie
- Claude Arnaud : Cocteau (Ange, Y)
- Charles Juliet : Lambeaux (Agnès, Pascale)
L'année de l'éveil (Pascale)
- Groucho Marx : Mémoires capitales (W)
- Mémoires de la Princesse Palatine (shhh)
- Rousseau : Confessions (Les quatre 1ers livres...) (Ravi, ange, Agnès)
- Albert Cohen : Le livre de ma mère (Agnès)
- Van Gogh : Correspondance (Clopine)
- Léon Blum, Lettres de Buchenwald (Yeti)

- Violette Leduc : Ravages (clo)
Thérèse et Isabelle (A)
- Mishima : L'ordalie par les roses (photographies)

POLARS
- Marc Behm : À côté de la plaque (w)
- Arnaldur Indridasen :La femme en vert (A)
- Charles Willeford : L'île flottante infestée de requins / Miami blues / Hérésie (sh)


Ouliperies
- http://www.graner.net/nicolas/OULIPO/mnemo-exp.html
- Camille Abaclar: Je suis le ténébreux, variations sur un sonnet de Nerval (w)


ROMANS et NOUVELLES

- Mishima : La mer de la fertilité (4volumes) (shhh)
- Joseph Delteil : Sur le fleuve Amour (Pascale)
Choléra
- Albert Cohen : Belle du seigneur (Agnès)
Mangeclous (Agnès)
- Bertrand Russell : Satan dans les faubourgs (LN)
- Italo Calvino : Le baron perché (A)
Le vicomte pourfendu (A)
Le chevalier inexistant (Nazdeb)
Marcovaldo (W, A)
- Félicien Marceau : Bergère légère (A)

- F Ossendowski : Bêtes Hommes et Dieux (Zx, dom) [NB : mention spéciale :" roman de voyage, de fuite" – Zx]
- Gregor Von Rezzori : Œdipe à Stalingrad (shh)

- Flaubert : Trois contes (La légende de SaintJulien l'hospitalier) (Pascale)
- Dickens : De grandes espérances (A, Clo, W) (de préférence traduit par Pierre Leyris, Yéti)
Bleak house - La maison d'Apre-vent (A)
- Anton Tchekov : Le malheur des autres (A)
- D.H. Lawrence : l'amant de lady Chatterley (shhh, clo)
- Anna Maria Ortese (Pascale) : La Douleur du chardonneret
L'iguane
La mer ne baigne pas Naples
La lune est sur le mur
De veille et de sommeil
Les Beaux jours
Les Murmures de Paris
- Thomas Hardy : Jude l'obscur (clo, A, P)
- Alexandre Vialatte : Les fruits du Congo (LN, CA)
- Michel Houellebecq : Extension du domaine de la lutte (LN)
- Thomas Pynchon : La vente à la criée du lot 49 (LN)
http://www.lire.fr/enquete.asp/idC=43701&idTC=15&idR =200&idG=
- Arto Paasilina : La cavale du géomètre (A)
Le lièvre de Vaatanen
La forêt des renards pendus
Petits suicides entre amis
- Marguerite Dura...s : Un barrage contre le Pacifique (clo, P)
Moderato Cantabile
Le marin de Gibraltar
- Henry de Montherlant : Les jeunes filles (A)
- Flaubert : Vie et travaux du R.P. Cruchard et autres inédits (w)
http://www.fabula.org/actualites/article12717.php

Cuisine
- Julian Barnes : Un homme dans sa cuisine (yann)
- Joseph Delteil : La cuisine paléolithique (A)


ESSAIS - Critique
- Gilles Châtelet : Vivre et penser comme des porcs (dom – lolotte )
- Desproges : Manuel de savoir-vivre à l'usage des rustres et des malpolis (gdf)
- Leon Bloy : belluaires et porchers (LN)
- Les citations des autres, pour l'amusement des lecteurs oisifs idiosyncratiquement compilées par Simon Leys (sh)
- Simon Leys : L'ange et le cachalot (shh, P)
- Proust : Sur la lecture (clo)
- Joëlle BRIERE : Alphabet des délices et des souffrance" de la Renarde Rouge (shhh)
- Balthazar Gracian : L'homme de cour / Le héros


THÉÂTRE
- Goethe, traduit par Gérard de Nerval : Faust (shhh)
- Jean Tardieu : Le professeur Froeppel (w)


POÉSIE
- Unamuno : Rosario de sonetos liricos (Y)
- Michaux : La vie dans les plis (P)
- Fernando Pessoa : Le livre de l'intranquillité (yeti)
- Panaït Istrati cité par yéti, sans titre précis
- Lautréamont : Chants de maldoror ( honnis par Nazdeb )




 
shhh

22/03/2006
11:10
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Chapeau. C'est du rangement utile. Je me sers de ces listes quand je vais me procurer des livres chez le dealer du coin.
Merci Agnès.

* Les deux que je ne sais pas ranger, et j'en ai marre
- Gregor Von Rezzori : Œdipe à Stalingrad (shh)
Celui-là, je le mettrai dans "Romans".

 
w

22/03/2006
13:52
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III


Je ne dirai qu'un mot : impeccable !

 
précieux

22/03/2006
14:02
précieux

précieux
 
pascale

22/03/2006
19:34
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

indispensable
 
pascale

22/03/2006
19:53
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

merci Agnès !
 
yeti

22/03/2006
19:54
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III




 
Agnès

22/03/2006
20:05
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III


 
shhh

22/03/2006
21:54
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Ah, j'oubliais: la mer de la fertilité : (4 livres) roman
L'ordalie par les roses (et pas des roses) c'est une livre de photos de Mishima. Je ne sais pas où on classe ça.
 
Agnès

23/03/2006
07:57
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Je savais qu'il y allait avoir des couacs sur ces auteurs...
merci, shhh!

 
pascale

23/03/2006
10:47
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Et Lo-li-ta ?...
Puisqu'on est sur le fil liseron,je ne résiste pas :
"Nonita. Fleur de mon adolescence, angoisse de mes nuits. Pourrai-je jamais te revoir ? Nonita.Nonita.Nonita. Trois syllabes, comme une négation faite de douceur. No. Ni. Ta. Nonita, puissé-je me souvenir de toi tant que ton image ne sera pas devenue ombre et ton séjour sépulcre.
Je m'appelle Umberto Umberto. A l'époque des faits que je vais rapporter, je succombais bravement au triomphe de l'adolescence. Au dire de ceux qui me connurent, non de ceux qui me voient à présent, lecteur, amaigri dans cette cellule, avec les premiers signes d'une barbe prophétique qui me durcit les joues, au dire de ceux qui me connurent dans ce temps-là, j'étais un sémillant éphèbe, avec cette ombre de mélancolie que je dois sans doute aux chromosomes méridionaux d'un aïeul calabrais. Les adolescentes que je côtoyais me convoitaient avec toute la violence de leur utérus en fleur, faisant de moi la tellurique angoisse de leurs nuits. Je ne me rappelle pas grand-chose des filles que je rencontrai, car j'étais atrocement en proie à une toute autre passion[...]
J'aimais, ami lecteur, et avec toute la folie de mes ardentes années, j'aimais celles que tu appellerais sans doute, avec une nonchalance distraite, "les vieilles"...

Umberto Eco, Pastiches et postiches (10-18)
 
Zx

23/03/2006
10:54
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

"F Ossendowski : Bêtes Hommes et Dieux"

Celui-là je l'ai déjà proposé dans un précédent fil liseron

Je le rangerai parmi les roman de voyage/fuite

P.S. : merci pour cette nouvelle synthèse !!


 
Zx

23/03/2006
10:56
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

"romans" bien sûr. Mes pardons désolés
 
w

27/03/2006
20:06
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Comme promis sur le fil Devinette XII après découverte de l'auteur, je vous livre ici cette page inénarrable de Chateaubriand in «Voyage en Amérique» :

On sait déjà que j’eus le bonheur d’être reçu par un de mes compatriotes sur la frontière de la solitude, par ce M. Violet, maître de danse chez les Sauvages. On lui payoit ses leçons en peaux de castor et en jambons d’ours. « Au milieu d’une forêt, on voyoit une espèce de grange; je trouvai dans cette grange une vingtaine de Sauvages, hommes et femmes, barbouillés comme des sorciers. Le corps demi-nu, les oreilles découpées, des plumes de corbeau sur la tête, et des anneaux passés dans les narines. Un petit François, poudré et frisé comme autrefois, habit vert-pomme, veste de droguet, jabot et manchettes de mousseline, racloit un violon de poche, et faisoit danser Madelon Friquet à ces Iroquois. M. Violet, en me parlant des Indiens, me disoit toujours ces messieurs sauvages et ces dames sauvagesses. Il se louait beaucoup de la légèreté de ses écoliers: en effet, je n’ai jamais vu faire de telles gambades. M. Violet, tenant son petit violon entre son menton et sa poitrine, accordoit l’instrument fatal; il crioit en iroquois A vos places! et toute la troupe sautait comme une bande de démons. »
C’étoit une chose assez étrange pour un disciple de Rousseau, que cette introduction à la vie sauvage par un bal que donnoit à des Iroquois un ancien marmiton du général Rochambeau. Nous continuâmes notre route. Je laisse maintenant le manuscrit : je le donne tel que je le trouve, tantôt sous la forme d’un récit, tantôt sous celle d’un journal quelquefois en lettres ou en simples annotations.


Comme précisé sur ledit fil, je livre itou l'éscrivage en françois tel que lisible dans mon antique bouquin.
 
pascale

28/03/2006
08:33
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Wanda,j'ai trouvé presque le même passage dans les MOT ! Chateaubriand pratiquait aussi le recyclage, apparemment.
 
w

28/03/2006
09:51
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Sans blague ?
Le Voyage, MOT, puis les Natchez !
C'est de la rentabilité littéraire, saperlotte !

 
w

29/03/2006
11:18
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Il s'est passé quoi à 00:03 ?
 
ddfc

29/03/2006
11:46
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

à 00:03 mise à jour de la liste fournie par Agnès
 
w

29/03/2006
23:33
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Thanx, ddfc !

 
Zx

30/03/2006
21:41
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Oui, merci ! C'est magnifique !
 
dom

30/03/2006
23:36
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

salut Agnes, je viens te rendre un petit hommage pour ce travail, je te lis toujours de loin et n'interviens que tres peu car ma culture livresque est tres limitée, mais surtout continue, avec toi j'apprends.
une fois n'est pas coutume grosse bise pour ce boulot @ +

 
A.

31/03/2006
08:05
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III


 
Agnès

02/04/2006
20:05
Du coté des anglaises

Le monde infernal de Branwell Brontë , de Daphné du Maurier, chez Phébus. À moi fourgué par ma jeune libraire, qui connaît ma passion pour les romans de trois sœurs, en particulier pour Jane Eyre et Les hauts de Hurlevent . Le bouquin date de 1960.
L'auteur, romancière de talent, dont deux ouvrages au moins ont enflammé mon adolescence : Rebecca - qui a inspiré le film de Hitchcock - et L' auberge de la Jamaïque (lui aussi source d'un film paraît-il médiocre du même, et que je n'ai pas vu), deux apothéoses de littérature romanesque au meilleur sens du terme, l'auteur donc, - elle-même issue d'une famille de créateurs qui ont côtoyé en la personne du sinistre Barrie (Peter Pan) un génie noir et destructeur -, tente, à travers lettres, juvenilia et biographies, de reconstruire le personnage de Branwell Brontë, le frère "maudit", d'analyser la nature de son génie, et la façon dont, de la création frénétique dans l'enfance à l'impuissance de l'âge adulte, sa déchéance a nourri et peut-être porté au jour la créativité de ses sœurs. C'est très documenté, irrigué tout du long par de larges extraits des poèmes (que l'éditeur a eu la courtoisie de citer en anglais avant d'en donner la traduction), de récits du Royaume d'Angria, c'est attentif et plein de sympathie. La figure de Branwell, le visage effacé par sa propre main du portrait qu'il avait exécuté de ses sœurs et de lui-même, y est dessinée avec conviction et humanité, de l'enfant feu follet, rouquin, myope, surdoué et tourmenté au petit homme adulte, incertain, velléitaire, épileptique et mythomane, alcoolique et opiomane, étouffé par l'atmosphère religieuse et féminine du presbytère de Haworth.
C'est passionnant. On y voit évoluer les trois sœurs, le père, la tante-mère, en filigrane de Branwell, figure centrale de la famille et du récit, et âme des torrentielles aventures inventées collectivement par les quatre enfants. Branwell, créateur du Royaume d'Angria et de Sir Alexandre Percy dit Northangerland (que de colère dans les noms!), héros de roman noir, débauché, satanique et tout-puissant, roi, pirate, et séducteur. Branwell, coauteur à l'origine des Hauts de Hurlevent , Branwell dont les sautes d'humeur et les excès, mêlés à ceux de son héros, ont nourri les sombres personnages masculins des romans de ses sœurs.
Le titre n'est pas terrible, mais c'est Branwell et Charlotte eux-mêmes qui avaient donné ce nom à leur royaume imaginaire. Et l'œuvre met en scène sous nos yeux une étrange histoire de fraternité créatrice partagée d'abord par les quatre enfants, d'imaginaire commun d'où a émergé une œuvre multiple et pleine d'échos, univers de mort et de souffrance qui a fini par offrir aux sœurs l'indépendance et la maturité de leurs voix propres, tandis que le frère y perdait peu à peu son génie et sa vie. Une singulière réflexion sur la lente et douloureuse destruction d'un talent trop tôt éclos, qui n'a pu trouver sa place ni parmi les siens, ni dans le monde.


 
shhh

02/04/2006
20:26
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Je ne connaissais pas Barrie, alors je suis allée un peu regarder ce qu'on trouvait sur internet. Mais il n'est nulle part question du côté noir et destructeur que vous évoquez.
Pourriez vous m'en dire plus ? y a-t-il une biographie qui en parle ?
 
Nazdeb

02/04/2006
20:48
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Je réclame d'urgence une correction de la synthèse : JAMAIS je ne conseillerai la lecture des Chants de Maldoror !!!

J'avais cité le début des chants à l'occasion d'une devinette, mais c'était pour le plaisir de commenter l'abyssale nullité de cette oeuvre.

GRRR...!



 
Plied

02/04/2006
21:05
Et ça te suivra de nombreuses années !

C'est quand même ballot de passer pour un maldorophile quand le livre est à la meilleure place dans ta loufocothèque !

 
AArgh!!!

03/04/2006
02:26
Absolutely sorry!

Poésie
Lautréamont : Les chants de Maldoror ( Honnis par Nazdeb)

shhh, J'ai lu cela me semble-t-il, dans une livraison de la revue Autrement intitulée : Enfances rêvées . Il faut à présent que je la retrouve....

 
Agnès

03/04/2006
02:31
Ecco!

http://www.amazon.fr/exec/obidos/tg/detail/-/books/286260688 X/reviews/ref=cm_rev_more_2/402-5636475-8312160

 
shhh

03/04/2006
05:26
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Merci Agnès.

 
w

03/04/2006
09:12
Brontë divine !

J'avais oublié que Charles Juliet fut cité, et j'ajoute une couche en recommandant la lecture de chaque ligne qu'il a écrite sur la peinture (Soulages, Bram van Velde, Cézanne, Giacometti...).
Par ailleurs étant à tendance compulsive brontëphile, je commande sans tarder, si je ne le trouve pas, ce Daphné du Maurier !
En cherchant Daphné dans un autre wasistas, je vois aussi qu'elle a écrit une nouvelle intitulée «Les oiseaux». Comme disait ma grand-mère, je vous fiche mon billet que c'est celle qui a nourri aussi Hitch'.

 
pascale

03/04/2006
09:22
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

D'après la date de 1960, j'ai cru d'abord qu'il s'agissait d'une librairie d'occasion mais je viens de vérifier : le Monde infernal de Branwell Brontë est disponible - merci, Agnès !
 
Nazdeb

03/04/2006
10:47
y avait de quoi maldorormir

Ouf, ça va mieux, merci...




 
Agnès

03/04/2006
10:49
Some more

J'ai retrouvé "Enfances rêvées" à sa place sur les rayonnages (chose extraordinaire...). Il semblerait que Andrew Birkin (le frère?) ait écrit une bio de Barrie. Lequel a été le génie noir, le vampire en qq sorte, des cousins de Daphné du Maurier, cinq garçons dont il avait, par une supercherie testamentaire, usurpé la tutelle - c'était un intime de la famille, le grand ordonnateur des jeux des enfants, et les deux parents se sont suivis dans la mort - L'ainé des fils est mort au début de la guerre de 14, deux autres, dont celui qui a inspiré le personnage de Peter Pan, se sont suicidés. Le volume d'Autrement étudie la façon dont une certaine littérature de l'enfance qui émerge à ce moment-là en Angleterre, est en fait fondée, sous couvert de pureté, sur une relation très ambiguë à la sexualité et à la mort. C'est assez connu pour Lewis Carroll, dont Alice incarne la petite fille de l'ère victorienne. Barrie, quant à lui, (remplaçant d'un frère mort auprès de sa mère, comme Wilde l'est d'une soeur disparue, me semble-t-il), incarne la relation au garçon édouardien : dandysme, goût de l'éternelle jeunesse, homosexualité refoulée ou assumée... Pour ce qui concerne Barrie, refus complet de la sexualité. Ce type a connu une gloire extraordinaire, un succès financier qui ne l'était pas moins, et sa vie est sinistre. Pour ma part, j'ai découvert très tardivement Peter Pan (le texte original est destiné à la scène) que j'avais acheté pour mes enfants, et que j'ai détesté. Je ne le leur ai pas lu.

 
shhh

03/04/2006
11:14
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Sur internet on trouve ça : http://www.fluctuat.net/2457-J-M-Barrie-le-garcon-qui-ne
Propos lénifiants sur l'auteur, présenté comme un charmant vieil enfant. Etant gamine la lecture de Peter Pan m'avait mise mal à l'aise. Je ne pouvais bien sûr pas expliquer pourquoi.


 
Agnès

03/04/2006
11:42
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Effectively, c'est rose à souhait! C'en est même choquant !Je crois que la lecture du volume d'Autrement risque d'être plus stimulante!

 
shhh

03/04/2006
11:53
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Oui, incontestablement.
Sur wikipedia aussi, on trouve une version édulcorée.
Ce qui pose quand même problème; j'aurais tendance à aller plutôt dans votre sens à la lecture de Peter Pan.

 
Agnès

03/04/2006
14:08
Barrie's legend

C'est étrange : l'hagiographie semble dominer dans ce qu'on trouve sur Barrie. Voici le lien avec le site d'Andrew Birkin, qui explique dans quelles circonstances il s'est intéressé à la question. J'ai seulement parcouru. Il y a des photos des Llewellyn Davies, les parents des cinq garçons sus-mentionnés et de leurs enfants, mais bizarrement,pas tous.
http://www.jmbarrie.co.uk/

George Du Maurier, le père de Sylvia, est l'auteur d'un étrange roman, "Peter Ibbetson", traduit par Queneau, adapté pour l'écran par Henry Hataway avec Gary Cooper. J'en parlerai une autre fois.
N'y a-t-il pas un angliciste un peu au fait de la question, dans le coin? Zx, Yannito?

 
shhh

03/04/2006
18:35
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

De plus en plus curieux.
Sur ce site:
http://www.lekti-ecriture.com/editeurs/Peter-Ibbetson.html
La notice bibliographique de George du Maurier, et la postface du livre sont signées Raoul Vaneighem, 1977.
 
shhh

03/04/2006
18:37
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Le rouge de la dernière ligne, je n'ai pas fait exprès.

Bon; prochain achat: Peter Ibbetson.
 
pascale

03/04/2006
19:27
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Raoul Vaneigem, l'ami de Debord, le situ ? en effet, c'est curieux...
 
shhh

03/04/2006
19:52
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

1997, mais ce n'est pas la traduction de Raymond Queneau.
C'est un éditeur qui a quelques livres intéressants à son catalogue. Dont Charles Nodier, il en était question je crois récemment non ?
 
Agnès

04/04/2006
09:20
le rhume rend insomniaque (tranche de vie)

Je suis EN TRAIN de lire : Quelque chose à déclarer de Julian Barnes. Et je n'attendrai même pas d'avoir fini – d'ailleurs, j'ai déjà lu la fin, parce que je l'ai commencé dans le désordre – pour vous dire combien c'est délectable. Rien d'autre qu'un énième "La France vue par un Anglais", mais un Anglais si sincèrement et lucidement amoureux que chaque mot, chaque petite notation sonne juste. De l'évocation liminaire de l'historien francophile Richard Cobb, dont j'ignorais tout et que je vais m'empresser de lire, si je le trouve quelque part, à tout le reste, pêle-mêle : l'institution religieuse de Rennes où il fut "lecteur" à vingt ans, avec sa galerie de curés, Rennes où il vit et entendit Brel chanter (très beau passage), les premières rencontres avec la cuisine française, Brassens et Vian, le "design" des voitures, Truffaut et Godard (dont il cite de grands passages de l'ultime et virulent échange épistolaire, - que j'aime lire des vacheries sur les "créateurs" que je n'aime pas!!! - Le second, en l'occurrence…), les paysages et les gens, le Tour de France et Simenon. Le livre mêle petites notations pittoresques, anecdotes en foule, et remarques très justes sur les mœurs ou les esthétiques, l'air de rien, avec perspicacité et élégance. Pas de jargon, des fragments de phrases qui s'échappent du sac en marchant, et qu'on ramasse avec gratitude.

 
pg

04/04/2006
10:49
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Pour "peter Ibbetson" l'édition Gallimard en collection "l'imaginaire" est illustrée par l'aiuteur :

George Du Maurier
PETER IBBETSON [1946], trad. de l'anglais par Raymond Queneau. Avec une introduction par sa cousine Lady X (« Madge Plunket ») , Collection L'Imaginaire (No 18) (1978), Gallimard . 9,50 €


Résumé
« Il était une fois, sous la reine Victoria, un célèbre dessinateur de Punch. Il lui vint un jour l'idée d'une histoire. Comme il était modeste, il voulut en faire don à Henry James, qui lui conseilla de l'écrire lui-même. On doit donc à James, en plus de ses chefs-d'œuvre, le chef-d'œuvre d'un "amateur" : Peter Ibbetson.
George du Maurier n'avait peut-être pas lu ce philosophe chinois qui, en s'éveillant d'un songe, se demandait s'il était Tchouang Tzen rêvant d'être un papillon, ou un papillon qui rêvait d'être Tchouang Tzen. Mais comme chacun de nous, surtout dans les moments où la vie ne tient pas ses promesses, il devait se demander si la "vraie vie" ne pouvait pas être parfois celle de l'envers : cet envers du rêve qui consolerait de l'endroit des jours. George du Maurier rêva donc d'un captif et de la femme qu'il aime, que l'a magie du "rêver-vrai" libère. Et la merveille de ce merveileux livre, c'est que les rêves de Peter Ibbetson sont si beaux que tout à fait vrais, et si vrais qu'inoubliablement beaux. »
Claude Roy.

Biographie
Romancier, graveur et dessinateur humoristique anglais d'origine française né à Paris en 1834. Parfaitement bilingue, voyagea beaucoup en Europe. Grand-père de la célèbre romancière Daphné Du Maurier (1907-1989). Mort à Londres en 1891.
 
Agnès

04/04/2006
17:28
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Thanks, Pidgi!
 
Erudit rock

05/04/2006
10:08
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Puisqu'on parle des Hauts de hurlevent, il faut réécouter Wuthering Heights , le premier tube de Kate Bush en 1978 avec son célèbre refrain:

Heathcliff, it's me, Cathy, I come home I´m
so co-o-o-old, let me in-a-your windo-o-o-ow


 
w

05/04/2006
11:13
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Oooooh, Pégé, je vois qu'il y a eu un film - ça me dit quelque chose - d'Hathaway, avec Gary Cooper, Ann Harding et Ida Lupino !
Je parierais avoir vu ça au Cinéma de Minuit.

Tiens, ça me donne envie de faire tourner ce Kate Bush...
 
Agnès

13/04/2006
11:07
Jeunes et vieux

On trouve, dans En arrière de Marcel Aymé, une étrange nouvelle intitulée "Rechute". Au cœur de l'intrigue, le vote par l'Assemblée de "la loi des vingt-quatre" selon laquelle l'année comptera désormais vingt-quatre mois. La narratrice, Josette, jeune fille de bonne famille âgée de 18 ans dans les premières pages, et fiancée à un jeune avocat ambitieux et sensuel, se retrouve tout à coup, à neuf ans, dans un corps fluet de petite fille. Leur jeunesse retrouvée rend aux parents toute leur ambition, leur égoïsme, leur sensualité, leur haine de l'enfance et des enfants, simples prétextes à exercer un pouvoir sans limites.
Les rues se peuplent alors d'ex-adultes dépenaillés dans leurs vêtements retaillés à la diable, qui tentent de se constituer en force politique pour résister à la situation qui est la leur : jeunes couples de dix ou douze ans avec enfants, réduits au chômage par leur âge et la diminution de leurs forces ou interdits de vie commune pour raisons morales, toute une génération écartée de la vie par la jeunesse retrouvée d'ex-vieillards, et vouée à attendre deux fois plus longtemps (puisque les années font désormais vingt-quatre mois) le retour de leur âge antérieur. La situation tourne vite à l'émeute.
Entre Josette et son ex-fiancé, Bertrand, conflit ouvert : toujours accroché à ses ambitions politiques, quoique retourné à un corps de gamin, il ne veut plus d'une petite fille maigrichonne et sentimentale, que la déception a rendue acerbe, caustique et violente. Conflits physiques dans l'intimité, émeutes réprimées dans le sang à l'extérieur… les enfants obtiennent enfin l'abrogation de la loi, mais au prix de quelles désillusions!
C'est très noir.
On trouve En arrière dans le volume "Quarto" des nouvelles, édité en 2002.


 
Agnès

15/04/2006
16:48
Lectures pascales ?

Crimes exemplaires , donc, de Max Aub, chez Libretto. Cf Devinette XIII sur le forum bleu, 14/4/06 11h 13 et sqq http://www.broguiere.com/culture/forum2/index.php3?lecture=1 0576&debut=0&page=1.
Max Aub, très cosmopolite écrivain comme l'explique la préface de JPS (Jean-Pierre Sicre, qui signe toujours ses toujours excellentes préfaces de ses seules initiales, et dont une recherche Gogole m'apprend qu'il a été licencié fin février!) né à Paris de père allemand et de mère française. Élevé en Espagne à la suite de l'exil de ses parents en 14, ami de Lorca, de Picasso, Buñuel ou Malraux, co-scénariste de L'espoir , il fut arrêté comme communiste par le gouvernement de Vichy, envoyé en camp dans le Sud de la France, d'où il s'échappa pour aller poursuivre au Mexique son existence agitée d'écrivain prolifique et loufoque.
Crimes exemplaires est donc un recueil de récits de meurtres, de la simple phrase : "Je l'ai tué parce que j'étais sûr que personne ne me voyait" au récit d'une page et demie. Prétendues confessions de prétendus assassins. La jubilation hilare que l'on ressent à la lecture laisse plutôt supposer qu'il s'agit des mille et un meurtres que l'on rêve d'accomplir, chaque jour, face à tel ou telle de nos prochain(e)s. C'est d'une économie absolue, chaque meurtre séparé du suivant par un blanc et un ravissant cul-de-lampe botanique.
"Les textes ne sont classés ni par sujets ni par pays parfois pour la commodité du lecteur on les donne par séries afin que soit évitée cette monotonie qui est un autre crime." (Préface de l'auteur)

"Je l'ai fendue du haut en bas, comme une bête, parce qu'elle comptait les mouches au plafond pendant que je lui faisais l'amour."

"Le pauvre, il était si laid que chaque fois que je le rencontrais, c'était comme une insulte. Il y a des limites à tout."

Bon week end!


 
Agnès

15/04/2006
16:53
PS

La couverture du volume est illustrée d'une ravissante Judith adolescente, brune, joues roses, lèvres pleines, regard sérieux, somptueusement vêtue de brocard, tenant avec indifférence par une poignée de cheveux un Holopherne verdâtre. Cristofano Allori (mai incontrato prima), Galleria Palatina, Florence.
 
Agnès

18/04/2006
10:21
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

J'ai cité sur le fil citron la délicieuse anecdote qui illustre l'étymologie du mot "Patère". http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=24 737&debut=0&page=1.
C'est du bouquin entier que je voudrais parler : Rue des maléfices , "chronique secrète d'une ville", de Jacques Yonnet, chez Phébus, Libretto. Précédemment publié en 1954 sous le titre "Les enchantements de Paris". Je n'avais jamais entendu parler de l'auteur, pourtant ami de Queneau, Prévert, Audiberti ou Desnos, et homme d'un seul livre - nous apprend la préface de JPS, encore, - car "bavard inspiré" des "bistres" des quartiers de "la Mouffe" ou de "la Maubert au sourire secret" et peu porté à l'effort qu'exige la composition d'un livre. Ses poèmes et pièces pour marionnettes ont disparu des boîtes des bouquinistes. Marginal définitif donc, de la société comme de la littérature.
Composé pendant la guerre, alors que l'auteur était membre d'un réseau de Résistance dans Paris, le livre est une promenade dans le temps et le périmètre défini par les quartiers susdits et les alentours de la Bièvre. Un objet critique non identifié, unique représentant de ce que j'appellerai le "réalisme magique". La langue est savoureuse, à la fois souple et élégante, mêlant archaïsmes et argot, une langue de conteur, à la fois orale et très écrite, jamais artificielle. Une langue qui enchante. Quant aux personnages, ils grouillent. Clochards, bohémiens, ivrognes, prostituées, tous auréolés d'histoires, d'Histoire aussi, car l'air de rien, ils promènent une science du passé qui pour être ésotérique n'en croise pas moins les récits très anciens que l'auteur lui-même a collectionnés au fil des grimoires et des bibliothèques. Tissu, tissage d'anecdotes, d'autrefois et d'aujourd'hui : Cyril , l'horloger au temps arrêté, Danse-Toujours, le "dur des durs", le voyou "inséparable de Paris" et lecteur de Villon, son frère en amour de Paname, les cabarets aux enseignes de bois d'épave, Paris des maléfices et des enchantements, des maisons ou des ponts maudits, et les surgissements silencieux du Vieux d'après-Minuit (qui, sur la photo, de Doisneau?, ressemble tellement à Moustaki!), et le dormeur du Pont-au-Double, qui guérit dans son sommeil…. Paris de la guerre aussi, avec ses mouchards et ses Chleuhs, ses agents de liaison et ses radios clandestines… Paris du "mystère et boule de gomme", des morts inexplicables et des catastrophes récurrentes, univers parallèle fascinant, inquiétant… et drôle.
Il y a des dessins de l'auteur, des photos de Doisneau. J'ai adoré ce livre, que je n'ai pas fini de relire.


En prime, un lien avec les éditions Phébus et une notice sur leur fondateur, homme de passion, licencié à deux doigts de la retraite.
http://www.phebus-editions.com/historique.php
http://www.bibliomonde.com/pages/fiche-editeurs.php3?id_edit eur=201
http://www.lmda.net/mat/MAT01917.html

 
Agnès

20/04/2006
12:12
Harrison - Dalva

Puisque Wanda le propose sur Devinette XIII :
J'ai déjà évoqué Dalva à plusieurs reprises sur le forum. C'est un immense roman qui mêle l'histoire de Dalva, belle femme généreuse et mûre qui porte en elle "une jeune fille en pleurs" et une histoire de famille qui est aussi l'histoire de l'Amérique, depuis les guerres indiennes (elle a 1/8ème de sang indien, et son arrière-grand-père a joué un rôle tout à fait singulier dans la tentative de sédentariser les indiens par l'agriculture - son journal est l'objet de la rencontre entre Dalva et l'universitaire Michael, à qui elle le confie pour en faire l'étude et l'édition ) à l'Amérique d'aujourd'hui avec ses émigrants mexicains et ses campagnes désertées, en passant par la guerre du Viet-Nam. Dalva a donc grandi dans une immense propriété agricole, dans une famille d'excentriques cultivés et cosmopolites, très librement jusqu'à sa rencontre avec Duane, le métis d'indien à demi-sauvage, qui est aussi, plus encore qu'elle ne le pense, son alter ego. Le roman regorge de figures attachantes, pittoresques et bien campées, le vieux norvégien (son nom m'échappe) dont parle l'extrait cité par Wanda, ivrogne, paillard et pieux est particulièrement réussi, sans parler de la jeune hystérique ambitieuse et impudique qui va faire perdre à Michael tout contrôle de lui-même, ou de Ruth, la soeur de Dalva et ses aventures sentimentales foireuses ou encore de leur mère, Naomi, généreuse, ouverte et passionnée d'oiseaux. Il y a beaucoup d'oiseaux, et de gravures d'Audubon, mais aussi des chiens et des chevaux dans Dalva.
C'est un roman ample, romanesque, généreux.

http://www.broguiere.com/culture/forum2/index.php3?lecture=1 0939&debut=0&page=1

 
Agnès

10/05/2006
09:26
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Lu "L'année de l'éveil ", de Charles Juliet, recommandé par Pascale. Même si j'ai toujours un peu de réticence à lire de la littérature aussi ouvertement autobiographique, c'est un beau livre de témoignage d'un éveil à la conscience adulte. Moins puissant que Lambeaux , à cause de la véhémence poétique de l'écriture dans ce livre dédié à ses deux mères, mais sincère et émouvant. Je lirai certainement ses écrits sur les artistes, comme le recommande Wanda.

 
Anne

10/05/2006
15:01
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Personne n'a cité la puissance de Claude Simon.
Je ne peux que vous recommander "L'acacia".
 
Agnès

10/05/2006
16:46
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Parles-en un peu, Anne ! Moi, je n'ai pas décollé des premières pages.

 
Agnès

10/05/2006
22:45
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Je reporte incontinent ici la déclaration d'amour que shhh, à la demande de Pascale, a faite sur Au dessous du volcan , - dont elle nous a proposé un extrait sur le fil devinette XIV http://www.broguiere.com/culture/forum2/index.php3?lecture=1 1222&debut=0&page=1 (à partir du 6 mai 16h 56), extrait suivi d'un compte-rendu autobiographique de voyage au Mexique par Wanda d'humeur odysséenne....
Malgré ses doutes : "Voyez vous, je ne suis pas du tout convaincue qu’Agnès puisse se servir de ces quelques mots dans le fil « liseron ». Mais comme j’ai introduit cette devinette, faut pas que je me défile", je transfère tel que :
"Après que Gustav Mahler eût composé ses « kindertotenlieder » (Chants sur un enfant mort), en 1905, sa fille mourut deux ans après. Si vous voulez, c’était aussi une histoire de jardin piétiné, ou d’ange qui se brûle les ailes, d’ivresse ou de mysticisme, c’est un peu pareil.
Le Volcano, c’est une histoire comme ça. Il eut mieux valu que Lowry ne l’écrive pas, et aussi qu’il n’eût aucun lecteur. Mais je suppose que c’était de l’ordre de l’ananke qu’il écrivît ce livre là. Il n’a jamais écrit que celui là, quatre fois d’ailleurs, parce que les manuscrits se sont perdus ou ont brûlé ; et j’ai parfois le sentiment de n’avoir jamais lu que ce livre là. D’autres lecteurs vous en diront sans doute la même chose.
C’est pour vous dire qu’on ne rentre pas innocemment dans sa lecture, dont l’abord est difficile, puis qui vous emporte, et dont vous ne pouvez jamais sortir. Pendant toute une vie, je vous l’assure. Et vous ne pouvez pas échapper à la forme en douze chapitres, qui sont aussi les douze mois de l’année, et le chiffre kabbalistique entre tous, et qui comme il le dit lui-même, « fonctionne » comme une machine. Ni à toutes ces trames qui le traversent et qui sont ramassées en symboles tout au long de cette fameuse route que le Consul a suivi ce jour là, le jour des morts au Mexique,. Je crois que de petits squelettes sont vendus sur les places où se déroule la fête, n’est-ce pas ?
On y installe la Grande Roue, dans laquelle le Consul va perdre ses papiers ; ce sera la cause directe du quiproquo qui le fera assassiner à la place de son demi-frère Hugh, une corrida s’y déroule, avec ce jeune taureau qui va mourir ; et la corrida c’est le mode antique de la tragédie ; une police secrète mexicaine rôde, en somme tout s’organise pour une fin prévisible, mais aussi pour un recommencement, parce qu’au dernier moment un indien lui dit « compañero », alors peut-être qu’il est sauvé quand même ?

Merci shhh!



 
Anne

10/05/2006
23:24
Prix Nobel de littérature

Claude Simon, ce n'est pas vraiment le même style (vous me donnez envie de relire "au-dessous du volcan" dont ma lecture remonte à quelques lustres).
Les phrases de Claude Simon sont très longues, avec des emboîtements vertigineux. Une sorte d'hypertexte dans le texte.
Il est resté hanté toute sa vie par l'horreur des deux guerres qu'il a traversées dans sa chair d'homme. "L'acacia" est d'une incroyable puissance. C'est une oeuvre que je lis en apnée. Je ne décolle pas, je colle aux chapitres entrecroisés, en suspension dans l'Histoire.
(Il faut quand même un effort pour y entrer, c'est un texte* dont on ne peut que lire tous les mots et parfois relire une phrase pour en goûter la structure).
* le mot "roman" est incongru ici
 
pascale

21/05/2006
17:36
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

En suivant les conseils d'Agnès, j'ai lu Aztèques dansants, de Donald Westlake : une merveille !
Exemple : portrait de Jeremiah Jonesburg, dit Triste Mort :
"C'est le salopard le plus méchant, le plus mauvais, le plus fort, le plus coriace, le plus cool et le plus chaud qu'ait jamais connu le quartier. Là où il passe, les tombes poussent comme du chiendent, et là où il s'assoit le soleil ne brille plus jamais. Son lit est fait d'ossements de politiciens, et pour le déjeuner il dévore des orphelins de la police. Il se cure les dents avec des queues de billard, et il se mouche avec des contraventions. Quand il baise, il porte des Datsun, et le siège de ses toilettes est recouvert de toison pubienne. Il est capable de briser des briques avec ses mains, et son urine transperce l'acier. Ses femmes, il les empile trois par trois comme des stères de bois et il les possède toutes à la fois. La reine d'Angleterre repasse ses chemises, et sa Cadillac roule sur le sang des Ritals. Quand il est en colère, les balles fondent, et chaque fois qu'il sourit, un arbre meurt. Il est si méprisable qu'il ne peut se regarder dans un miroir, de peur de ne pas se supporter. Quand il parle, les postes de radio rendent l'âme, et quand il pète, des quartiers entiers se transforment en désert. C'est l'Homme, et nul ne l'oublie."
C'est envoyé,non ? Mais il n'y a pas que ça : c'est rapide, bondissant et bourré de gags et de trouvailles à tous les niveaux et à toutes les pages. Extrêmement joyeux. A un moment, les personnages s'endorment, après avoir regardé à la télévision l'Impossible Monsieur Bébé. Bien sûr, ce n'est pas un hasard : c'est la même folie burlesque, douce et délicieuse.
 
pascale

21/05/2006
21:40
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

(Pour les non-cinéphiles qui ne connaîtraient pas "l'Impossible Monsieur Bébé", il s'agit d'un film tourné en 1938 par Howard Hawks avec Cary Grant, Katharine Hepburn et un très beau léopard apprivoisé. Il y a un gag par seconde au moins, et la jeune fille de la bonne société qui aime Cary Grant a un don rare pour susciter les catastrophes ("C'est l'homme que je vais épouser, dit-elle, mais il ne le sait pas encore"...)
 
Lexilé

21/05/2006
22:30
l'impossible monsieur bébé

This movie is a masterpiece.
 
Agnès

22/05/2006
00:06
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Je suis ravie, Pascale !

 
Lexilé

22/05/2006
05:28
Datsun?

Cékoi?
 
w

22/05/2006
09:27
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

J'ADOOOOOOOOOOOOORE Bringing up Baby (L'impossible Monsieur Bébé) !
Je l'ai eu (et prêté-disparu) en VHS, je l'ai en DVD, et je ne rate pas une rediffusion TV.
(j'élève un totem virtuel de reconnaissance à Howard Hawks pour ça et bien d'autres films)

Vous rappelez-vous la scène où - évidement entre deux péripéties totalement incongrues - Cary Grant se retrouve avec la robe de chambre blanche à frous-frous de Katharine Hepburn (pask'il a ruiné ses habits en essayant de retrouver Bébé), et deux rombières du coin frappent à la porte.
dialogue très approximatif, et approximativement traduit:
- Pourquoi êtes-vous affublé de cette robe de chambre ?
- Parce que c'est tellement... gai !

D'où viendrait l'utilisation du mot «gay» qu'on connait maintenant, mais vous devez savoir ça par coeur, on nous ressort cette histoire tous les ans quelque part à l'occasion de la gay pride, par exemple.

 
pascale

22/05/2006
19:17
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III


 
Agnès

25/05/2006
07:05
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Je viens de finir le dernier Vargas : dans_les_bois_éternels une nouvelle aventure du commissaire Adamsberg, cette fois devenu père - quoique pas de famille, puisque son histoire avec Camille semble s'être définitivement effilochée - d'un jeune Thomas, et confronté à une série de meurtres - comme d'hab - avec exhumation ultérieure, entre Paris et la HAUTE Normandie. Il y a des vierges, des cerfs, l'os pénien de divers animaux (si, si, un os pénien, c'est une des révélations du livre), l'os en forme de coeur d'un groin de porc, un flic qui parle en alexandrins - parfois approximatifs - petit exercice à contrainte qui rompt la monotonie des célèbres dialogues oiseux des personnages de FV, un paléontologue (Mathias, l'un des qutre évangélistes, on le connaît déjà), une infirmière "dissociée" et fugitive et cetera. C'est plaisant, ça se lit facilement, masi franchement, on y atteint des sommets dans l'invraisemblance. Elle a définitivement viré auteur de contes, FV, et ses méchants manipulateurs manquent un peu d'étoffe humaine.

 
Zx

28/05/2006
16:15
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Je n'étais pas au fait de l'histoire de JM Barrie, mais si cela intéresse quelqu'un, je pourais traduire l'introduction de l'édition de 2003 du livre d'Andrew Birkin...
 
Agnès

28/05/2006
20:16
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Oui, oui, je n'ai pas pris la peine d'y retourner, et j'aimerais bien savoir ce qu'il en dit ! (et j'ai eu la flemme de traduire....)
Thanks

 
Zx

12/06/2006
23:00
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Veuillez me pardonner mais j'ai certains soucis "personnels" qui m'ont tenu éloigné de mes obligations contractées sur ce forum . Hélas je ne pourrais pas traduire la page voulue dans l'immédiat ; je dois avant tout régler ces menus problèmes. Encore une fois, je vous prie de bien vouloir m'excuser. J'espère être en mesure de vous donner satisfaction au plus vite (même si je dois bien l'avouer, j'ai quelques doutes ).
 
Agnès

13/06/2006
05:35
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Pas grave, Zx, et merci !
 
Agnès

17/06/2006
10:10
Voila ma source !

RADIOTER : Répéter continuellement les mêmes bêtises devant un micro...
Pandorama : Vaste paysage où tout n'est que forces de l'ordre et beauté.
Cassoulèvement : Mouvement populaire, comportant généralement des morceaux de conflit, destiné à faire flageoler le pouvoir en place.

Il s'agit de L'anarchiviste et le biblioteckel , dictionnaire_de_mots-valises D'Alain Créhange, 2, 50 euros TTC de surprises et de sourires garantis à chaque détour de page. Ce n'est pas à lire au fil du texte, mais à ouvrir de temps à autre, de préférence en bonne compagnie, inépuisable source de complicité et d'éclats de rire. Je remercie NOTRE Christine de me l'avoir fait connaître. Le même a commis il y a deux ans : "Le pornithorynque est un salopare", et se réclame, entre autres de... Finkie, qui a commis, je l'ignorais, un "Petit fictionnaire illustré", que je n'ai pas lu, et me révèle une possible drôlerie chez notre radioteur et râleur préféré, en voilà une bonne surprise !
Bon samedi, pour ceux qui s'approvisionnent, en livres aussi, après le marché !

 
Agnès

19/06/2006
23:58
Etonnant, non ?

Je viens de regarder Bringing up baby en pleurant de rire. Et savez-vous comment s'appelle la ferme dans le Connecticut où Katharine Hepburn emmène Cary Grant pour y enfermer Bébé ? .... Westlake !

 
shhh

20/06/2006
07:22
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Pour ceux qui s'alimentent plutôt sur internet, il y a aussi le site personnel d'Alain Créhange:
http://perso.orange.fr/alain.crehange/
 
w

20/06/2006
09:01
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Ah ! C'était bien du Créhange, comme sur le fil bleu.

Westlake honoré par anticipation par H. Hawks, alors ça c'est classe !

 
w

20/06/2006
09:16
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Créhange, je lui voyais pas un site comme ça.
Pour faire ma mauvaise langue de laborieuse du texte, heureusement que c'est pas lui qui conçoit ses couvertures.
smiley jesiffleenregardantenl'air

Mais je vois que dans ses liens figurent pas mal de sites référencés de près OuLiPo, dont certains «institutionnels».
Christine, tu l'as peut-être croisé un jeudi parmi d'autres connaissances.
 
Agnès

13/07/2006
12:13
Synthese VII, dite Synthese d'ete

Pour ceux qui ne sont pas encore partis en vacances, pour ceux qui fréquentent encore DDFC en ces temps moroses, pour ceux qui auront bien du temps cet été, puisqu'écouter la radio n'est plus guère de saison, une synthèse d'été, nourrie de ce que j'ai glané (il en manque sans doute) sur le fil Citron, et sur tous ceux (Devinettes, DLA) où l'on parle de littérature :
Pour commencer, les liens :

http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=18 119 Liseron2
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=12 745 Liseron 1
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=15 08 Un peu de littérature
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=24 191 synthèse 6
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=23 040 synthèse 5
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=20 825 synthèse 4
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=16 993 synthèse 3
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=14 941 synthèse 2
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=14 004 synthèse 1

• ROMANS
Laclos : Les liaisons dangereuses (Pascale, ange)
Chateaubriand : Voyage en Amérique, Les Natchez, Mémoires d'outre-tombe (Pascale, W)
Charlotte Brontë : Jane Eyre (w,A)
Emily Brontë : Les hauts de Hurlevent (w, A)
Daphné du Maurier : Les oiseaux / Rebecca / L'auberge de la Jamaïque (A, w)
George Du Maurier, Peter Ibbetson, traduit par Queneau (pg, A) chez Gallimard, L'imaginaire (A)
Ou traduit de l’anglais par Lucienne Escoube et Jacques Collard, L'or des fous - La notice bibliographique de George du Maurier, et la postface du livre sont signées Raoul Vaneighem, 1977. (shhh)
Malcolm Lowry : Au dessous du volcan (shhh)
Aragon : Aurélien (Agnès)
Claude Simon : L'acacia (Anne)
René Fallet : Les vieux de la vieille (Grouik)
Marcel Aymé : Uranus (LN, A)/dans En_arrière , une étrange nouvelle intitulée "Rechute". (A)
Blondin : Les enfants du bon dieu (LN)
Jim Harrison : Dalva (A., ter)
Yoko Ogawa : La formule préférée du professeur, Actes Sud (A)
Donald Westlake : Aztèques dansants (A., bis)
Ernst Wiechert : Les enfants Jéromine / L'enfant élu ou Petite passion (A)

• POLARS
Andrea Camilleri : Le voleur de goûter , Fleuve noir (A, polar sicilien et gourmand)
Manuel Vázquez Montalbán : Hors-jeu (w)

• SCIENCE-FICTION, FANTASY
Philip K. Dick : Les clans de la lune alphane / Simulacre / Le bal des schizos / Substance mort / La vérité avant dernière / Le maître du haut château (shhh, pg, lionel, w)
Jack Vance. : Le palais de l'Amour (La geste des princes démons) (Paddy) http://membres.lycos.fr/jackvance
Roger de Lafforest : Kala-Azar (LN)

• CONTES ET NOUVELLES
Marcel Aymé : Les contes du Chat perché, et en particulier : Les boîtes de peinture
Jørn Riel : La vierge froide et autres racontars (qui figurait aussi bien dans la rubrique Fantaisie) (A)
Oscar Panizza : Scandale au couvent (même remarque) (shhh)


• FANTAISIES, FATRASIES, PASTICHES ET POSTICHES

Georges Kolebka : Grand Hôtel Excelsior (LN) - Eds Plurielle - "Rigoureusly épuised since quasi le début"
Umberto Eco : Pastiches et postiches (10-18) (Pascale)
Roland Dubillard - Carnets en marge - Gallimard Coll Bl. Oct 1998 – (LN)
La maison d'os (LN)
Patrick Rambaud & Burnier, : Le Roland Barthes sans peine - Balland, 1978 (CA)
Burnier & Rambaud, Le journalisme sans peine, Plon, 1997 (CA)
Patrick Rambaud : Marguerite Duraille : Viriginie Q (Balland 1998) (CA)
Deux "Apostrophes" imaginées par Patrick Rambaud : * Bernard Pivot reçoit Breton, Céline, Cendrars, Vian , Queneau, "Peut-on tout dire ? " et Camus, Cocteau, Malraux, Mauriac, Sartre, "À quoi servent les romans" * Balland, 1989. (CA)
Elena Ceausescu : Carnets secrets, éd. présentée et établie par Patrick Rambaud et Francis Spizner - Bibliothèque de la Securitate, bdf. Flammarion, 1990 [pastiche des couvertures des éditions de La Pléiade avec portrait en médaillon d'E. C. (moue horriblement maussade). Gallimard a fait un procès et les livres ont été détruits] (CA)

Margarine Peugeot : Dernier Roman – une bouffonnerie recommandée par Yann, et que je n'ai trouvée que sur internet : http://cemapi.free.fr/margarine.html C'est hilarant.

Max Aub : Crimes exemplaires - Phébus Libretto – (A, inspirée par CA)
Oscar Panizza : Le concile d'amour (Théâtre) (Shhh)


• AUTO – BIOGRAPHIES
Charles Juliet : Lambeaux / L'année de l'éveil (Pascale, A)
Peter Brook, Oublier le temps (w)
Daphné du Maurier : Le monde infernal de Branwell Brontë (A)

• ESSAIS,
Jackie Wullschläger : Enfances rêvées, Autrement. (A) (Sur la littérature enfantine en Angleterre à la frange des 19ème et 20ème)
Charles Juliet : Soulages, Bram van Velde, Cézanne, Giacometti.... (w)
Marcel Aymé : Le confort intellectuel (A – honni par Pascale)

• DECLARATIONS D'AMOUR
Julian Barnes : Quelque chose à déclarer (A)
Jacques Yonnet Rue des maléfices , "chronique secrète d'une ville" (A, inspirée par CA)



Bonnes lectures !
 
shhh

13/07/2006
13:48
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Ouah!! ça m'épate toujours. Quel travail!


 
Agnès

26/07/2006
09:19
Lectures d'été

http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=26 057&debut=0&page=1 Synthèse VII et ce qui s'ensuit.

Pierre Magnan : Laure du bout du monde .
J'ai vu pour la première fois Pierre Magnan à la télé il y a bien longtemps. C'était à Apostrophes , avec entre autres Anne Garretta, qui présentait Sphinx , intéressante entreprise purement cérébrale : une contrainte superlative : que rien de grammatical, participes passés entre autres, ne permette de deviner le sexe du narrateur. (Colette avait déjà fait ça avec une nouvelle, Nuit blanche , in Les vrilles de la vigne , où elle rompt la contrainte tout à la fin. Il y a d'ailleurs, pour autant que j'en puisse juger, une version hétéro et une version homo du même texte.)
Pierre Magnan, donc, très beau visage buriné de paysan bas alpin, cheveux blancs - Il présentait ce jour-là [(i[Les courriers de la mort (Je dois dire tout de suite que PM a souvent des titres vraiment pas terribles, en voici un exemple.) - mais surtout, un talent de conteur extraordinaire : on l'écoutait, suspendus, raconter l'anecdote qui avait déclenché le roman ("Dans la porte du cimetière de Barles, il y a une boîte aux lettres". De mémoire.) Puis comment cette boîte aux lettres avait disparu au moment où il avait été question de faire la jaquette du roman. Bref, le lendemain, nous avons acheté Sphinx et Les courriers de la mort . Sphinx a disparu de la maison, j'ai dû le donner, après lecture d'une page et demie, pas plus. Les courriers de la mort a été le premier d'une longue série de romans du même, dévorés, de préférence pendant les vacances, de préférence en haute Provence mais ce n'est pas obligatoire. Vous avez peut-être entendu parler de La maison assassinée , dont il a été tiré un film avec Patrick Bruel (mais Séraphin Monge est BLOND !!!), passionnant roman qui s'ouvre à la fin du XIXème sur une sinistre salle d'auberge battue par la tempête au bord de la Durance, et reprend 20 ans plus tard avec le retour sur les lieux de l'unique rescapé du massacre de l'ensemble des membres de la famille ce soir-là, le nourrisson, Séraphin Monge, à la recherche de son passé et de la vérité : ça se déroule entre Forcalquier, Ganagobie, Peyruis et Lurs, pour ceux qui connaissent, le pays est admirablement décrit, avec un lyrisme ample et une certaine préciosité inspirés de Giono, que Magnan a connu, admiré et côtoyé dans sa jeunesse, les gens sont croqués plus vrais que nature avec un regard de moraliste, les noms des personnages sont des poèmes à eux tous seuls : le Didon Sépulcre, le Célestat Dormeur, la Charmaine Dupin et j'en passe. C'est une enquête sur le passé, pleine de silences et de pièges (la maison assassinée s'appelle La Burlière, ie si je ne me trompe "la trompeuse", justement), avec quelques meurtres supplémentaires qui témoignent d'une imagination macabre pour le moins débridée qui amènera le taciturne Séraphin à retrouver une vérité plus retorse que celle des apparences. P.Magnan a donné une suite fleuve et tout aussi passionnante à ce roman (avec un titre raté : Le mystère de Séraphin Monge . Depuis j'en ai lu des tonnes, avec des fortunes diverses : les enquêtes du commissaire Laviolette petit fils du douanier des Charbonniers de la mort , titre raté mais quel roman !!! , Le sang des Atrides , Le commissaire dans la truffière etc sont en général très réussies (le commissaire neurasthénique, sensuel et gourmand aussi). Pour saluer Giono , est un bel hommage à un homme et à une époque (celle de débuts des auberges de la jeunesse, entre autres).
Pour en revenir à Laure du bout du monde , son dernier opus, c'est le récit d'une enfance, celle de Laure, née à 750g et à Éourres, dans une ferme isolée de ce pays déshérité. À part une bizarrerie que je n'ai toujours pas élucidée dans le 1er chapitre, le récit emporte. Je ne vais pas prétendre que ce soit un chef d'œuvre, mais la découverte du monde, des hommes et de la lecture par cette petite fille détestée de sa mère et aimée de ses grands parents se lit d'une traite. Il y a de la rudesse en pagaille, des moutons, de la lavande, des bûcherons italiens, des haines de famille, des roubines (sortes d'éboulis de roche pourrie sur lesquels rien ne pousse et sur lesquels il ne faut surtout pas s'aventurer), Virgile, Bach et Le grand Meaulnes, une géode et la petite Laure aux cheveux blonds et au regard aigu. Ça donne le sentiment d'un hommage (à sa compagne morte récemment ? pure hypothèse) puisqu'il n'y a rien d'autre que le récit des débuts de cette vie, l'histoire d'une enfant qui s'arrache à une famille et une tradition pour devenir elle-même. Pierre Magnan est un écrivain conteur revenu sur le tard à l'écriture, et il conte avec un grand talent.


 
Agnès

26/07/2006
09:23
C'est mieux comme ça

C'est une enquête sur le passé, pleine de silences et de pièges (la maison assassinée s'appelle La Burlière, ie si je ne me trompe "la trompeuse", justement), avec quelques meurtres supplémentaires qui témoignent d'une imagination macabre pour le moins débridée - enquête qui amènera le taciturne Séraphin à retrouver une vérité plus retorse que celle des apparences.
 
Zx

26/07/2006
21:07
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Les ouvrages de Pierre Magnan trônent dans la bibliothèque de ma mère : c'est une part de mon enfance !

Bon, à mon tour de recommander quelques livres :

Vathek et ses épisodes, William Beckford (José Corti).

Roman gothique datant des années 1780 (donc avant la vague des Radcliffe, Lewis, etc.), teinté d'orientalisme, ce livre propose au lecteur de suivre les pérégrinations criminelles d'un calife (Vathek !) ayant abjuré sa foi musulmane pour offrir son âme au démon.

Bon, en soi, c'est déjà pas mal. Seulement, cela ne représente qu'une petite moitié de l'ouvrage, la suite étant consacrée aux récits des compagnons d'infortune de notre calife, descendus, comme lui, aux enfers. A leur tour, ceux-ci à narrent leur plus ou moins lente déchéance morale en attendant le chatiment d'Eblis (le Lucifer local).

A la manière des autres romans gothiques, la présence des épisodes, récits enchâssés dans le récit, donne à l'histoire une variété appréciable. Cruel, horrible (enfin bon... faut pas exagérer quand même !), immoral (enfin... jusqu' à un certain point quand même !), scandaleux, avec ses relents d'homosexualité comme en echos à la réputation sulfureuse de leur auteur, ces "contes" présentent aussi un intérêt du point de vue de l'écriture singulière de Beckford, auteur "français" qui a choisi notre langue comme terre d'accueil pour son récit enfiévré.

A lire ! (d'autant plus que l'édition complète proposée chez José Corti fait référence).
 
Zx

26/07/2006
22:08
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Heu... j'ai parlé de plusieurs livres : l'autre livre, donc, que je vous propose, est un roman graphique (non, non, pas une bd, je n'aime pas ça, un roman graphique ) : The Watchmen d'Alan Moore et Dave Gibbons (un des 100 plus grands romans de langue anglaise depuis 1923 selon les Times - bon, ça vaut ce que ça vaut mais autant l'indiquer, non ?).

Il s'agit d'une étape fondamentale de l'histoire du comics américain. Réflexion sur la violence, le bien, le mal, les conséquences de nos actes,... The Watchmen décrit un univers parallèle au nôtre dans lequel Nixon aurait été constamment réélu, le scandale du Watergate étouffé, la guerre du Vietnam remportée par les Etats-Unis, etc... Et surtout, un univers ou les super (z)héros existent. Ou plutôt, des "Minutemen". Souvenez-vous, les minutemen étaient ces hommes du Massachussetts prêts à rejoindre le combat en une minute lors de la guerre d'indépendances contre l'Angleterre.

Ces super-héros (qui ne sont pas vraiment super en fait : "we were nazi, we were kinky, we were crazy" écrit l'un d'eux dans son autobiographie), animés par le besoin de se rendre utiles en portant secours à eur concitoyens, ont tenté à plusieurs reprises de se regrouper avant que, sous la pression d'une population excédée par l'intervention de ces "miliciens" échappant à tout contrôle, les autorités ne décident de les déclarer hors la loi. Tous sauf deux en fait, une barbouze ammorale exécutrice des basses oeuvres gouvernementales (c'est lui qui a descendu Kenndy et les journalistes impliqués dans ce qui aurait pu devenir le Watergate dans cet univers) et Dr Manhattan, le seul "super héros" dôté de pouvoir surhumain (un genre de surhomme né d'un accident nucléaire qui devient de moins en moins humain à mesure que le récit avance).

Le livre s'ouvre alors que le "comédien" (la barbouze précédemment citée) vient d'être balancée par la fenêtre de son appartement en haut d'un gratte-ciel. A partir de là, Rorschah, un autre de ces "héros" (l'appellation ne convient à aucun d'entre eux), décide de mener l'enquête sur cette disparition, y voyant la trace d'un complot destiné à faire disparaître tous ces porteurs de costumes (complot communiste ? qui sait...). De fil en aiguille, les motivations des uns et des autres se font jour, leurs histoires personnelles entremêlées apparaissant pour le moins troublées et contrariées : le métier n'est pas seulement risquée, il est peut-être vicié jusqu'à la racine...

A mesure que l'intrigue avance, les événements prennent une dimension qui dépasse tout ce que les protagonistes avaient envisagé, confrontant les survivant à un choix dont tous ne sortiront pas indemnes.


Je dois dire que j'ai été fasciné par ce livre qui est extrêmement complexe, dans sa forme (flashbacks constants, livres dans le livres, insertions de "documents" d'archive, de récits biographiques, de coupures de journaux, de rapports d'expertises, etc.) mais aussi du point de vue de l'histoire narrée et des thématiques soulevées.

Autre aspect intéressant, la manière dont Alan Moore use d'icônes typiquement américaines pour les "déconstruire" et poser des questions en liaison étroite avec l'histoire des Etats-Unis (loin d'être innocente, la référence aux Minutemen est absolument centrale). En allant voir ce qu'il y a derrière l'imagerie du super héros, on découvre un territoire des plus fertile pour nos petits neurones.

Rarement ouvrage aura été plus dense, la complexité des images s'ajoutant à celle de l'histoire (je ne parle pas du dessin, on aime ou on aime pas ; ce n'est guère ma tasse de thé mais l'esssentiel est ailleurs) pour former un tout cohérent d'une richesse inépuisable. On trouvera d'ailleurs sur le net plusieurs pages proposant, entre autre, une lecture image par image du roman ou des essais sur tel ou tel des ses aspects - Rorschah, par exemple, est souvent inclus dans des réflexions de nature libertariennes - là encore, un concept typiquement américain.


A lire (et à regarder !).


 
shhh

26/07/2006
22:28
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Ah oui! j'ai lu ça! Il existe une traduction française, "les gardiens". Les super-héros vieillis, malades, plus ou moins psychotiques, extraordinaire. Si si, les dessins sont aussi étonnants, c'est une illustration magnifique. Quand les américains se mettent à être épiques, ils se surpassent.
 
shhh

26/07/2006
22:29
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

C'est là dedans je crois qu'un des protagonistes se demande qui nous gardera de nos gardiens. Je me trompe ?
 
shhh

26/07/2006
22:37
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Et oui, je n'aime pas trop non plus les bd; encore que! il en existe d'asssez fascinantes, en particulier celles qui sont éditées par "l'association". On y trouve entre autres l'encyclopédie (tiens tiens) de Francis Masse. Là encore on peut difficilement parler de bd, c'est une véritable encyclopédie documentant les notions scientifiques les plus pointues, par des exemples totalement loufoques, et parfaitement justes. La gravité, la démographie, les failles etc.. Devrait beaucoup plaire à Dom.
 
shhh

26/07/2006
22:44
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Désolée, je me suis trompée, l'Encyclopédie c'était dans les humanoïdes associés, et la série est finie. Je crois que Masse ne souhaite plus qu'elle soit ré-éditée. On doit encore pouvoir trouver le volume I.
 
Zx

26/07/2006
23:25
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

"C'est là dedans je crois qu'un des protagonistes se demande qui nous gardera de nos gardiens. Je me trompe ?"

Non, non, vous ne vous trompez pas, c'est bien ça : "Who watches the watchmen ?". En fait, c'est une citation de Juvénal : "Quis custodiet ipsos custodes." :)
 
dom

26/07/2006
23:56
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

je vous lis tous, Agnes Shh et ZX ca me plait, mais je ne peut rien amener.

Francis Masse connais pas je vais gogoliser de suite
 
Agnès

27/07/2006
07:13
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Et moi je suis ravie quand ce fil redémarre. Merci à tous !
D'autant que je risque de ne guère l'alimenter les semaines qui viennent. J'ai deux Hrabal à lire, et un Panizza à finir. Terrible d'ailleurs, Panizza. Je soupçonne Didier Daeninckx d'avoir emprunté l'idée d'une de ses nouvelles à la première du recueil : Une histoire de nègre. Le crime de Tavistock square, c'est grinçant !
 
A.

27/07/2006
08:40
Pas très clair, mon propos

PS : "je risque de ne guère l'alimenter" parce que je ne serai pas là, pas parce que j'ai trois petits volumes à lire !

 
Agnès

28/07/2006
19:27
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Ce coup-ci, bye bye !
 
Zx

28/07/2006
19:41
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Bonnes vacances !!


 
Agnès

17/08/2006
23:25
Un mince volume, mais quel souffle !

Je n'ai guère lu pendant mon absence, et le livre dont je vais vous parler n'est qu'un tout petit livre : Francesco Masala, Ceux d'Arasolé , chez Zulma. En italien, Quelli dalle labbra bianche , "Ceux aux lèvres blanches", c'est-à-dire les pauvres. C'est, au rythme du glas qu'il est train de sonner pour le vingtième anniversaire de la fin de la guerre, la chronique des neuf villageois morts sur le front russe, par Daniele Culobianco, le sonneur de cloches et seul survivant. Le bouquin date de 62, traduit en 99. Je l'ai trouvé sur les rayons de ma propre bibliothèque en rangeant. C'est magnifique.
En Sardaigne, un petit village déshérité, au bout du monde. "Selon prêtre Fele, Dieu a créé notre île en tassant sous son talon de flamme un tas de pierres oubliées au fond du panier. Voilà pourquoi la Sardaigne a la forme d'un pied.
Selon Zio Pasquale Corru, le bon Dieu avait un cor au pied à l'endroit d'Arasolé".

Neuf villageois, huit pauvres, tous affublés d'un surnom dépréciatif, et le riche. Tous désignés par "la feuille rouge" pour la mobilisation. Et tous réunis dans le "bastion 3" de la ligne K, "une tranchée au beau milieu de la plaine russe". Avec les poux, -objets d'une lutte sévère contre le médecin-capitaine "Chie et sue" dont les différents plans de lutte anti-parasites n'aboutissent "qu'à démontrer qu'un pou peut défaire un capitaine" -, les subterfuges pour se faire porter pâle, le vent froid, la neige "aiguë, irritée, violente", LA lettre venue du village – et ses conséquences -… Au rythme des cloches, le récit va et vient entre le village et la plaine russe, entre les anecdotes de la vie au pays et celles de la tranchée, entre les femmes et les hommes, dessinant dans une langue à la fois familière et poétique le destin obscur et malchanceux des personnages. Des perdants de la vie, sauvés par la dérision, omniprésente. Une dérision qui n'est pourtant jamais grinçante et colore de tendresse humaniste ce petit récit. Les pauvres sont baisés par la vie, sans cesse, par les riches, par le curé, le maître d'école, les chefs, le médecin. Mais ils ont pour eux l'énergie, et la verve qui fait d'eux des êtres de parole dignes que l'on conte leur médiocre épopée.


http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=26 602&debut=0&page=1


 
dom

18/08/2006
00:02
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Mais ils ont pour eux l'énergie, et la verve qui fait d'eux des êtres de parole dignes que l'on conte leur médiocre épopée.

Cela me plait tout le monde en prend pour son grade, cette phrase est tres juste, et certains sur ce forum devraient en prendre de la graine, a savoir que les mediocre n'en pensent pas moins au sens ou si ils etaient riches ils seraient comme ceux dont ils se plaignent.
Quand certains ici auront compris que tout n'est qu'une question d'angle de vue par rapport au point ou l'on se situe, le débat pourra commencer...
content de te relire Agnes


(sic) le titane.... devient une obsession, peut on en boire des fois qu'il se placerait bien?
 
Agnès

18/08/2006
11:55
Le maure de Pétersbourg

Autre bref bonheur de lecture, de relecture, plutôt : La fille du capitaine , petit roman de Pouchkine que j'avais dévoré adolescente. C'est admirable de talent : le narrateur, Pierre Andréievitch Griniov, est un ex-jeune homme de 17 ans qui quitte le foyer familial pour aller apprendre la vie à l'armée. Il est expédié du côté d'Orenbourg dans un petit fort perdu d'une région où va bientôt sévir le cosaque rebelle Pougatchov. Le récit est mené avec vivacité sans la moindre longueur historique ni psychologique, et tous les personnages sont merveilleux de vie et de "réalisme" : Le couple du commandant du fort, un type modeste, inculte et bon, et de sa femme, qui gouverne de fait le fort comme elle gouverne son ménage, avec autorité et bon sens, le serf-nounou, (le diadka) Savélitch, envahissant comme une mère, gaffeur et fidèle, non pas comparse, mais personnage essentiel, l'inquiétant et envieux Chvabrine, insinuant et perfide, et tout les personnages annexes qui grouillent autour des deux protagonistes : non pas Pierre Andréievitch Griniov et Macha, la fille du capitaine, pour le coup seul personnage un peu falot, un peu désincarné du récit, mais Griniov et Pougatchov, qu'une rencontre de hasard avant la révolte a unis en une étrange relation de respect et d'ironie réciproques.
C'est un roman d'apprentissage sur fond de récit historique, lequel complète sur le mode romanesque une recherche très précise que Pouchkine avait menée sur le sujet. Le roman date de 1835-36, la révolte de 1773, encore très proche somme toute. On est, pour autant que je sache, aux origines du roman russe en russe, et tout y est : pour le lecteur européen, la magie des mots exotiques, touloupe, sarafane, kibitka, kirghize, izba et j'en passe tant et tant, mais aussi des décors et des personnages campés avec justesse, en quelques traits précis et évocateurs : on VOIT la forteresse minable et rustique avec ses Cosaques et son canon plein de petites saletés qu'y engouffrent les enfants, sa revue quotidienne de paysans frustes incapables de reconnaître leur droite de leur gauche… Chaque chapitre s'ouvre sur une épigraphe extraite d'une chanson qui donne au roman sa coloration d'épopée populaire. Le récit va son train sans temps morts (de ce point de vue, c'est beaucoup mieux que Balzac, et Dieu sait si j'aime Balzac), la psychologie des personnages est plutôt suggérée par des actes ou des propos qu'analysée mais tout sonne juste, en particulier les conversations toujours familières, même si le registre change, du foyer du capitaine au conseil de guerre à Orenbourg ou à l'entretien de Macha avec la belle dame du parc à Tsarskoïé-Sélo…
Je l'ai lu dans la traduction de Raoul Labry, qui est semble-t-il celle que propose l'édition Librio (2 euros de plaisir garanti…). Le Livre de Poche en propose une de Vladimir Volkoff, on le trouve en ligne dans une traduction dont j'ignore l'auteur (ce n'est pas Labry) http://www.gutenberg.org/files/13798/13798-8.txt , et la première traduction est le fait de Louis Viardot – le mari de Pauline, dont Tourgueniev était amoureux) http://www.abeilleinfo.com/dossiers/dossier.php?nomdossier=v iardot&rg=1&tit_dos=Pauline%20Viardot.

 
A.

18/08/2006
11:57
Oups

Voilàque mon smiley tricot se met à faire des siennes !
 
Agnès

23/08/2006
10:06
Récent pavé

Joseph Boyden : Le chemin des âmes en anglais Three-day road , chez Albin Michel. Avril 2006.
Niska, vieille indienne Cree venue attendre à la gare Elijah, l'alter ego et compagnon de chasse de son neveu mort à la guerre de 14, voit finalement descendre du train le neveu lui-même, brisé, unijambiste, silencieux et morphinomane. Au cours du voyage de trois jours (d'où le titre anglais) qui les ramène en canoë sur leurs terres ancestrales, le roman tisse étroitement les deux voix : celle de Niska, qui tente de rattacher à la vie le jeune homme en lui contant leur passé familial et en lui rappelant leur vie de chasseurs avant le grand départ, et la voix intérieure de celui que les Indiens ont appelé "Petit oiseau danseur", les blancs "Xavier Bird", et ses camarades de bataillon "X", parce qu'il est un tel tireur d'élite qu'on peut l'assimiler au X qui figure au centre des cartons de tir. Déchiré physiquement et moralement, incapable de parler, le jeune homme revit mentalement la préparation militaire, le départ et les étapes de la guerre, en Belgique et dans le nord de la France. Douloureuse initiation à l'horreur quotidienne de la boue des tranchées, des pluies d'obus, des rats, des morts incessantes de camarades, mais aussi émergence du couple de tireurs qu'il constitue avec Elijah, et qui leur vaut la reconnaissance et l'admiration de tous, alliés et ennemis : Elijah, beau, séduisant, baratineur et débrouillard, Xavier silencieux jusqu'à l'insignifiance, quand on oublie son talent de tireur. Il est le guetteur qui assiste à la métamorphose que la guerre opère en Elijah, faisant de lui progressivement un passionné de meurtre, chasseur d'hommes, une sorte de "windigo", de mangeur d'homme, démon que les ancêtres "chamans" (le terme n'est jamais prononcé) de Xavier ont toujours dû anéantir.
Ce roman, d'un très jeune homme si l'on en juge par la photo sur la jaquette (très beau jeune homme d'ailleurs), est extrêmement documenté : la guerre y est évoqué avec un réalisme cru quoique sans complaisance dans l'horreur. Pour moi qui vis dans une région hantée par le souvenir de cet épisode de l'Histoire, c'est plus qu'une reconstitution soignée. L'expérience humaine y passe. Mais c'est aussi une très belle étude d'un couple de "frères", entouré d'une multitude de personnages tous dessinés de façon convaincante, de part et d'autre de l'océan. Quant à l'"histoire", on ne la lâche pas. (Dans ses thèmes comme dans son évocation des petits, et bien qu'il s'agisse de deux guerres différentes, "Le chemin des âmes" a fait écho pour moi à celui que j'ai évoqué plus haut, "Ceux d'Arasolé". L'un très bref, l'autre vaste roman, mais tous deux justes et passionnants). Nouvelle manifestation des chemins communs qu'empruntent l'Histoire et le roman, le second donnant aux travaux des historiens la chair du romanesque, un siècle plus tard.
Je me permets d'ajouter ma voix pour le recommander à celles de deux écrivains populaires aussi divers qu'Isabel Allende et Jim Harrison, surprenante rencontre.



 
Agnès

29/08/2006
18:19
Hrabal par Lou

Je copie-colle ici un commentaire de lou sur le fil DLA bleu :
**J’ai poursuivi mon trip Hrabal avec un bonheur inégal.
Bonheur : Jarmilka (Livre de poche, 3429, une centaine de pages) et Rencontres et visites (Laffont, collection Pavillons, un recueil de nouvelles).
Mitigé : Les noces dans la maison (Points, R569), trilogie de 600 pages, qui est son autobiographie… déguisée puisque le narrateur est sa femme. Ah, le fourbe ! J’ai craqué après la première partie, car la seconde partie est sans ponctuation et je suis classique et paresseux.
En fait, je trouve Hrabal superbe dans la forme courte. Ses inventions stylistiques sont éblouissantes dans Jarmilka et dans certaines nouvelles de Rencontres et visites (Au bonheur des enfants). La nouvelle « Baptême » est très belle. Dudu conseillait plus haut « Les palabreurs ». Je ne l’ai pas encore lu.**

 
Agnès

13/09/2006
22:09
Encore un merveilleux burlesque (bis)

Je recopie ici le message laissé sur le fil DLA à propos de Fantasia chez les ploucs , de Charles Williams - histoire de faire remonter ce fil. Houhou! les lecteurs !

Monument de la littérature burlesque. Sous le regard naïf de Billy, le jeune narrateur, s'agitent une série de créatures toutes plus caricaturales les unes que les autres :"Pop", le père, frénétique parieur venu se mettre au vert après qqs ennuis avec la justice (qui ont laissé le pauvre Billy la proie des dames patronnesses),l'oncle Sagamore Noonan, traqué sans trêve par le shériff et ses deux adjoints qui le soupçonnent à juste raison de distiller clandestinement - et auxquels il fait subir tout au long du roman les plus réjouissantes avanies, son beau-frère, Finley, ex-prédicateur marron qui vaticine sur son arche branlante , et il y a aussi Miss Harrington, venue soigner son anémie sous la garde sévère du "Docteur" Severance, et qui vêtue de son seul diamond bikini * , un liseron tatoué sur le sein gauche , apprend à Billy à nager dans le lac voisin malgré la présence inquiétante de chasseurs de lapins aux chaussures bicolores armés de mitraillettes.
* C'est le titre original. Les illustrations de Tardi pour l'édition Folio junior sont épatantes. La traduction est de Marcel Duhamel, c'est une garantie, sinon d'exactitude, du moins de qualité. Quant au film, c'est pour moi d'abord un souvenir de perplexité enfantine. Il passait au cinéma du quartier, et le titre, qui me paraissait fort suggestif, ne signifiait rien pour moi (ni "fantasia", ni "ploucs"). Quant à l'affiche, c'était un dessin à la Sempé où l'on voyait, si mes souvenirs sont exacts, Miss Harrington (Mireille Darc) cavaler à l'extrême gauche poursuivie par une farandole de petits personnages frénétiques. En fait c'est un film de Gérard Pirès, (si, le type de Taxi), et il n'est pas si mal adapté que ça, illuminé en outre par la présence de Lino Ventura dans le rôle de Sagamore, de Jean Yanne dans celui de Pop, et de Dufilho dans celui du prédicateur. Quant à Mireille Darc, quoique blonde, et privé de son liseron objet de si poétiques observations de la part de Billy, elle est assez convaincante dans le rôle. (J'ai fini par le regarder, tout récemment, mais n'ai retrouvé ni l'affiche, ni le frisson de mystère de mon enfance.)


 
Agnès

17/09/2006
15:38
Inspirée par DBAO

Je n'ai pas du tout le temps, alors jute un petit mot : Comme le murmure d'un ruisseau de François Gantheret, dont il a été question tout à l'heure à DBAO - Merci, Renée Elkhaïm-Bollinger, de sortir des livres rebattus – je l'ai justement lu la semaine dernière, et j'ai trouvé que c'était un joli roman. Une histoire sobrement et brièvement menée. Des personnages justes. Une écriture harmonieuse. Ce n'est pas non plus un immortel chef-d'œuvre, mais par les temps qui courent, les romanciers qui savent raconter des histoires que l'on a envie de suivre jusqu'à leur terme, ça vaut la peine d'être mentionné. Paske j'en ai lu deux autres, le même semaine, dont un d'un autre psychanalyste : Marilyn, dernières séances de Schneider, et Supplément au roman national , de Jean-Eric Boulin. Et ceux-là, quand j'aurai quelques minutes, et rompant avec mes habitudes, il faudra que je déverse un peu ma bile…

 
paddy

17/09/2006
16:00
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Oui, il faudrait ouvrir un fil spécial sur les produits frelatés recommandés chaudement par le supermarché France Culture.


 
Zx

17/09/2006
16:38
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Marilyn, dernières séances, de M.Schneider a été étiqueté "chef d'oeuvre" sur FC - dans l'émission de Joseph Macé-Scarron, si mes souvenir sont bons. Pour l'anecdote, Jean-Eric Boulin, invité chez G.Durand aux côté de Schneider, s'en est violemmment pris à ce dernier, l'accusant d'être un "jouisseur". Son petit camarade répliqua en le taxant de "populiste".

C'est moi où les débats tournent un peu en rond en ce moment ???
 
Zx

17/09/2006
16:41
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

oups... de "populisme" voulais-je dire
 
Agnès

17/09/2006
18:21
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Sûr qu'on ne peut pas jouir de quoi que ce soit en lisant son "roman". C'est à gerber de haine, et d'un emmerdement superlatif. Me suis même offert un Westlake réédité (Pourquoi moi , pas un chef d'oeuvre, mais Dortmunder) pour faire passer la purge. Entre autres questions, ces deux bouquins posent (les deux purges- cela dit Schneider, c'est juste qu'il doit y avoir 300 pages de trop !) la question de ce que l'on appelle "roman". Mais le dernier Riel est paru chez Gaïa !
 
Zx

20/09/2006
18:32
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

On a pu entendre Jean-Eric Boulin à la fin du journal de 18h. Lui aussi aura été très présent dans les médias et sur FC en particulier : chez Toufik Akem hier ou avant-hier, chez Roméo Clarini et Juliette Couturier il ya quelques jours, etc.
 
AArgh!!!

20/09/2006
19:11
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Et alors, qu'en dit-on ? ça m'intéresserait bien de savoir pourquoi on encense ce type dont le scénario catastrophe est à ce point dépourvu de générosité et de désir ( à l'égard de ses personnages, et de ses lecteurs) que je ne vois que des masos pour y trouver même pas du plaisir, mais de l'intérêt : tout est en deux dimensions, c'est un roman (?) plat sur des êtres plats (comme au début du Chiendent de Queneau). Il le qualifie d'acte d'amour (or so, j'ai réussi à égarer le roman dans la maison). Ben c'est le genre de type à faire fuir ceux qu'il aime à l'autre extrémité de l'univers !
J'essaierai d'écouter ça demain, si j'arrive à l'attraper.
Cela dit pour les adeptes de l'auto-flagellation, c'est parfait.

 
Zx

21/09/2006
00:42
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Qu'est-ce qu'on en dit ????????????????????????? Mais quelle drôle d'idée. Rien !

a) Quel discours Hakem peut-il tenir ? Qui plus est en dix minutes ?

b) Chez Claribrice non plus : il était convié, par téléphone, à parler du "descenceur social" aux côtés de sociologues. Il n'a pu s'exprimer que de façon tardive (Couturier s'en est d'ailleurs excusé) pour dire que la politique était l'affaire de tous. Chouette.

c) Ce qu'il a d'ailleurs répété aujourd'hui. Je n'en suis pas sûr car je n'ai pas entendu le début mais il me semble, là encore, qu'il était invité à donner son avis sur des sujets de société (en l'occurrence, le tabassage de deux policiers aux Tarterets). Il a dit son désir de voir émerger une littérature qui donne la parole aux immigrés, aux humiliés de tous poils, etc.

Bref, le traitement de ce jeune auteur (qui s'annonçait massif avant même la sortie de son livre au vu des échos qui ont transpiré dans les journaux) témoigne d'un certain délayage culturel : la parole est fragmentée, on privilégie les formats courts qui interdisent toute crtitique en présence de l'auteur pour privilégier un séquençage standard : une courte bio, quelques flagorneries, une tape sur l'épaule, une camomille et au dodo.

J'ai plus appris en lisant la première page de son livre sur le site des éditiosn Stock qu'à l'écoute de ces trois émissions sur FC.
 
CA

21/09/2006
05:31
Bouillie culturelle

J'ai capté dix minutes de l'interviouve entre l'écrivain djeunz et prometteur et Touffique le benêt et ça donnait :

- Écrivain jeune content de lui : Ouais (rires)..... ouaaais.... ouaaais..... ouais non....
- Touffique : mais vous ne croyez pas que...
- Boulin : Ouais ? .... ouais.... c'est sûr... ouais....

Avec de subtiles modulations dans les "ouais" – interrogatif, surpris , amusé. On aura compris qu'il "faut faire peur aux nantis, il faut les inquiéter", qu'il écrit " passke ch'trouvais pas c'que j'voulais lire" (il lit rien), que son livre est d'une grande "fraîcheur", d'une "sincérité désarmante" (c'est lui kil dit), que la littérature française cause pas assez de ce dont quoi faudrait causer ("ya pas assez de romans et de films sur les descendants de l'immigration maghrébine" , Téouffique, "ouais, mais ya Faïza Guène"... Ouais.... ouais... mais bon...)

Et puis il insiste bien sur le fait que sa "litté"rature " c'est pas de la littérature pour élites compassées...

Et sans rire Touffique a ce mot, à la fin : "quelque chose me dit q'uon aura l'occasion de beaucoup vous entendre sur France Culture".

C'est sûr, l'a l'profil le mec : jeune, issu de la banlieue de Marseille, branché, illettré et inculte, et content de lui.

Je propose un face à face Boulin-Angot animé par Albert Jacquard :

JE Boulin : ouais...ouais... ouais....
CA : Ché pas..... ché pas moi.... c'est.... C'ets que.... C'ets c'est que.... ché pu....
JE Boulin, Ouais ... ouais.... ben ouais...


 
Zx

22/09/2006
00:19
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

"C'est sûr, l'a l'profil le mec : jeune, issu de la banlieue de Marseille, branché, illettré et inculte, et content de lui.
"

Je ne sais pas s'il est vraiment inculte : il a (à l'instar d'un des papous !!!) tenté - et, il est vrai, échoué - au concours d'entrée à l'ENA. Pas une garantie en soi mais sa "solidarité" affichée avec les damnés de la terre semble plus feinte qu'authentique. Fruit de la frustration ne pas appartenir au monde de ceux qu'il dénonce (au passage, en les dénonçant, il assure sa place à leur table, devient le commensal des jouisseurs qu'il se plaît à fustiger... le coup classique. De fait, la remarque d'Hakem doit s'entendre au premier degré.).


Bon, en même temps, je dis ça mais ça n'a guère d'importance.
 
CA

22/09/2006
04:01
Un sacré poseur

Oui, vous avez sans doute raison. Je n'avais pas entendu qu'il avait tenté l'ENA (je n'ai écouté que les dix mn finales de l'émission). Mais je disais "inculte", parce qu'il semblait revendiquer de ne pas avoir lu, lorsque Touffique lui a posé la question de ses lectures. Ce jeune homme n'a pas besoin de lire les autres, la littérature naît avec lui (tel Angot).

C'est drôle, j'ai eu l'impression aussi, en dix mn, d'un sacré poseur, d'une attitude marketing complètement composée (le parler volontairement relâché ...). On a l'impression qu'il s'est choisi un créneau vendeur (la misère chez les bobos se vend bien), et que la lourde insistance sur sa méconnaissance du milieu, sur sa "naïveté désarmante" (drôle qu'il le dise lui-même de son propre livre, n'est-ce-pas ? ) font partie de la stratégie. Dans tous les cas, il a l'air visiblement content d'être accueilli à France Culture. Ça n'a pas l'air de le gêner d'être invité par ces méchantes élites. À moins que Fc ne soit plus "la chaîne des élites, et l'élite des chaînes", comme disait le regretté Vean-Chriftophe ?

Quant à la remarque du gentil Touffique, elle énonce une évidence : FC n'a pas fini de s'extasier sur une littérature qui flatte sa bonne conscience compatissante.

 
AArgh!!!

22/09/2006
04:55
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Je trouve la remarque de Zx très juste : le bouquin est ponctué de références à la culture officielle (Bourdieu compris, oeuf corse) qui témoignent du fait que le monsieur est loin d'en être dépourvu. Mais il ne l'aime pas, c'est sûr, comme d'ailleurs il ne semble rien "aimer". Quant au coup de la banlieue, ça aussi, ça me semble de la pose : Marseille est quasi "constituée" de banlieues, en tout cas d'une juxtapostion de quartiers-villages qui, très rapidement, ne sont plus le centre. Et ce n'est de ma part que pur pifomètre, mais je doute fort qu'il soit issu des quartiers les plus "difficiles". Il y a des tas de banlieues pimpantes et paisibles, à Marseille.
Quant à FQ, et au plaisir évident que Boulet prend à y traîner ses guêtres, c'est comme le prix Goncourt : il crache dessus dans le bouquin, et cet imbécile de Nourrissier crie au chef-doeuvre .
Dans le Canard, André Rollin voit "de l'humour" dans le livre. Doit être sacrément en manque.
Et savez-vous comment notre déboulonneur d'idoles à tout va conclut son méchant libelle de rebelle déjà installé ? par une CITATION !!! de Proudhon, ça va de soi : "La France est un peuple de comédiens"... Et alors ? La plupart de nos vacations sont farcesques, eh, Tartuffe !

Je me disais que ce type avait (concordance des temps, n'est-ce pas Véronique Pellerin ?) 28 ans, et il pond cette merde haineuse, alors que Boyden, l'auteur du "Chemin des âmes", dont j'ai parlé un peu plus haut, au même âge, écrit un magnifique pavé romanesque et charnu. Bizarre, cette infirmité française à l'égard du roman, et tant mieux si cette dame Marienské dont Yann et Zx s'entretiennent sur le fil Nono appartient à un courant de nouveaux conteurs d'histoires !!!

 
Yann

22/09/2006
11:06
La créneau du coup de poing

J'adore l'histoire de la "naïveté désarmante" quand s'agit de son propre bouquin . Il aurait dû compléter en disant "je l'ai lu, et j'en ai dévoré toutes les pages jusqu'à la fin, ouais ouais ouais".
De fait, Boulet fait partie de ce nouveau créneau de marquetigne qui fut bien représenté cet été sur FC dans Tentatives Premières (une émission qui a piqué le nom d'une autre émission qui, elle, méritait qu'on l'écoute), et aussi dans Jusqu'à la Lune et Retour d'Aline Pailler (elle s'était jeunifiée pour l'occase). Il me semble qu'il avait été invité à Tentatives Premières, et d'autres slameurs se sont succédés, toujours avec la stratégie du coup de poing et de la rupture ("mais les écrivains, j'les attends quoi, izon qu'à v'nir sur scène et se mesurer à nous quoi, on va faire un concours de slam").
C'est un créneau qui vient s'attacher aux musiques genre hip hop, et ce qui est frappant, c'est que la où la musique a généralisé le terme d'"artiste" pour désigner quelqu'un qui ne faisait que se trouver derrière un micro (sans avoir à passe par une crise de révélation ou de création), le slam généralise le terme de "poètes". On a pu entendre parler, dans Tentatives Premières, de soirées slam rassemblant "des dizaines ou des centaines de poètes" (!!!). Et à écouter les oeuvres, le minimum syndical pour être poète consiste à répéter au moins trois fois le même mot. J'ai essayé, c'est pas facile facile... (voyez, j'y suis presque, mais pas tout à fait).
J'imagine qu'on peut écrémer cette centaine de poètes avec deux questions simples : "qu'est-ce qu'une césure", et "citez cinq poètes d'avant le XXè siècle".

Alors, cher France Culture, Héléna Marienské ou DJ Boulet? DJ Boulet ou Héléna Marienské?... Où se trouve le nouveau courant?

Yann

 
Zx

22/09/2006
13:51
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

On trouve sur le net le témoignage de quelqu'un qui, à l'occasion d'un commentaire faisant suite à une critique de son livre, prétend connaître Boulin et confirme que ce personnage a tout d'un imposteur. Malgré toutes les réserves qu'imposent ce genre de "révélations", il faut bien reconnaître qu'à force d'entendre le loustic "ouais-ouaiter" sur les ondes, on doute de moins en moins, si ce n'est de l'authenticité du commentaire en question, du moins de l'exactitude du diagnostic qu'il dresse.


Bref... Revenons au thème directeur de ce fil.

Pour ma part, j'ai décidé de lire deux des livres paru au cours de cette rentrée :

a) Nous, les Moins-que-Rien, Fils aînés de Personne de Jacques Roubaud

b) Rhésus de Héléna Manrienské

Je me disais que tous les ddfciens qui ont lu, ou vont lire, des livres parus au cours de cette rentrée pourraient livrer leurs commentaires sur ce fil. Une façon plutôt ludique (pour les plus chanceux ) de poursuivre l'activité critique à l'honneur sur ce forum en donnant notre avis sur une actualité qui occupe FC (et de nombreux médias) depuis maintenant plus d'un mois. De quoi, également, dégonfler ces outres gonflées de leurs (trop) fréquents passages dans les médias, en distinguant les livres qui méritent vraiment qu'on en fasse l'éloge.

Après tout il y a un prix FC, pourquoi n'y aurait-il pas un prix DDFC
 
Agnès

23/09/2006
22:00
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Excellente idée, Zx!
Il se trouve que professionnellement, je dois lire tous les goncourables, chose que je n'ai jamais faite, bicôse Goncourt des lycéens. J'en suis à trois, sur treize... et entre deux je me suis offert un Westlake et le dernier Riel (sans quoi, je vais y rester). J'ai déjà évoqué Schneider et Boulin, c'est mauvais, ou du moins, il n'y a vraiment pas de quoi se pâmer (ces gens-là se regardent écrire). Le 3ème, c'est Fils unique, d'Audeguy. L'autobio fictive du frère aîné de Rousseau. C'est une idée amusante, et il en profite pour parcourir allègrement le XVIIIème libertin. Mais il perd du souffle en cours de route, et son personnage se désincarne progressivement pour devenir un prétexte à lier des scènes de bravoure : à la Bastille avec Sade (et l'on apprend comment le manuscrit des 120 journées nous est parvenu), aux bains chinois pendant la Révolution... C'est du bon travail, souriant et écrit avec talent (un jouisseur, indéniablement, haro !), aux réserves près que je viens de faire.

 
Zx

24/09/2006
03:15
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Merci, heureux qu'elle vous plaise


Evidemment, à la différence des prix classiques, nul doute que nous ne lirons pas tous les mêmes ouvrages. Cela dit, si certains titres émergent d'eux-mêmes, il y a des chances que plusieurs ddfciens décident de les lire et, dans ce cas, nous pourrons éventuellement discuter de nos préférences et non plus simplement rendre compte, chacun de notre côté, de nos impressions de lectures.

Pour mémoire, voici les auteurs retenus pour le Goncourt des lycéens : http://www.gdlfnac.com/index.php?Auteurs-prix-goncour-des-ly ceens-2006

(Comme vous le voyez, ma - minuscule - sélection n'entre pas vraiment en résonance avec celle de ce prix.)

Je vais faire une première liste des volontaires. Si d'autres personnes se sentent le courage de nous suivre, qu'elles n'hésitent pas à le faire savoir sur ce fil, je récapitulerai les noms au fur et à mesure.


Agnès (bon courage !) :

- Fils unique de Stéphane Audeguy
- Un pont d’oiseaux d'Antoine Audouard
- Quartier général du bruit de Christophe Bataille
- Supplément au roman national de Jean-Eric Boulin
- L’amant en culottes courtes d'Alain Fleischer
- Le bois des amoureux de Gilles Lapouge
- Ni toi ni moi de Camille Laurens
- Les bienveillantes de Jonathan Littell
- Contours du jour qui vient de Léonora Mianou
- Journal d’hirondelle d'Amélie Nothomb
- Disparaitre de Patrick et Olivier Poivre d’Arvor
- Ouest de François Vallejo
- Marylin, dernières séances de Michel Schneider

Zx

- Nous, les Moins-que-Rien, Fils aînés de Personne de Jacques Roubaud
- Rhésus de Héléna Manrienské


...
- ...
 
Agnès

24/09/2006
05:17
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Je dois dire que la perspective de me taper un Camille Laurens entier me réjouit tout particulièrement....
 
Agnès

24/09/2006
05:24
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

J'ajoute, Zx, qu'il y a déjà eu des échanges ua sujet de livres conseillés, ici ! (sans quoi ...!) Pascale s'est gondolée à la lecture de Westlake, par exemple, Wanda a lu Dalva - de mémoire - et pour ma part, j'ai abondamment pioché dans les conseils des uns et des autres (romans noirs exceptés, dont je me lasse vite), j'attends d'ailleurs que l'on me prête The watchmen en direct de New York. Quant à shhh, elle a dit utiliser mes synthèses pour ses visites chez le libraire. Patrick, il manque un smiley leteur ! Il y a déjà le canapé .

 
AArgh!!!

24/09/2006
05:25
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

un smiley leCteur .
 
Zx

24/09/2006
05:50
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Oulala mais je n'en doute pas ! J'ai moi-même décidé de lire Testament à l'anglaise après avoir parcouru ce forum. D'ailleurs, je ne lisais plus guère de romans depuis des années et cela a suscité en moi l'envie de m'y remettre
 
Agnès

24/09/2006
09:32
Un peu autre chose

Et alors, Le testament, c'était comment ?

Le neuvième, et avant-dernier volume des Racontars arctiques est paru chez Gaïa, la maison d'édition aux pages roses, non que je raffole de cette bizarrerie, mais bénis soient-ils jusqu'à la fin des temps pour avoir traduit et édité cet auteur tonique, truculent et MODESTE. Pour le coup, La circulaire n'est pas une très bonne nouvelle pour ceux qui, comme moi, vivent depuis quelques années dans la familiarité des chasseurs. Parce que ladite circulaire tombe chez Doc et Mortensen – les télégraphistes musiciens – pour annoncer la fermeture par la Compagnie des stations de chasse, et donc la mise à pied des chasseurs. Et que ça se passe très mal, puisque ça commence par des morts, dont une que je ne suis pas près de digérer. J'ai mis une semaine à me décider à finir le volume, par crainte de perdre d'autres personnages chers. Mais je ne le regrette pas : c'est tendre, drôle et bien mené. [Juste une bizarrerie : il semblerait que Susanne Juul et Bernard Saint Bonnet, les traducteurs attitrés et talentueux de Riel, ignorent le passé simple des verbes en –eindre ! "il atteint" pour "il atteignit" au beau milieu d'un passage au passé simple, et ce à plusieurs reprises]. Le dixième volume doit être en cours de traduction puisque pour l'heure on ignore tout du sort de Bjorken et de ses deux compagnons, et du Lieutenant et de Valfred, entre autres. Après, il n'y aura plus qu'à relire.
Il y a une quantité de liens pour Jørn Riel sur Gogole. Un, parmi d'autres : http://www.ambparis.um.dk/fr/menu/lambassade/Actualites/LaCi rculaireEtAutresRacontarsDeJoernRiel.htm



 
Zx

24/09/2006
18:01
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Le Testament c'était 'achement bien pardi ! Dévoré en deux jours à peine. Et malgré tout, bien trop court ! Je l'ai recommandé ou offert à plusieurs personnes qui, toutes, l'ont adoré. Dans la foulée, j'ai également lu Une touche d'amour et la Maison du sommeil (pas mal dans les deux cas). Cherchant à tâtons un univers s'approchant de celui-ci, je me suis tourné vers Evelyn Waugh et son Retour à Brideshead. Pas encore lu mais déjà offert. J'attends les échos d'une amie lectrice.
 
Agnès

24/09/2006
18:05
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

J'adore les cercles concentriques de lecteurs.

 
Agnès

26/09/2006
05:09
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Evelyn Waugh, c'est très bien. Mais le comble du bonheur dans le genre humour hyper caustique et concentré, c'est SAKI. A lire en 10/18, et non pas paraît-il dans la nouvelle édition Quarto (?) dont la traduction serait très mauvaise. Le recueil "La fenêtre ouverte" est quelque chose de l'ordre de la perfection, c'est jubilatoire. Et la nouvelle couverture est très jolie.

 
Zx

26/09/2006
05:45
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Merci du conseil, je vais aller voir ça. Pour ce qui touche au choix des traductions, ce n'est plus un problème : je m'impose, depuis le début de l'année, de ne plus lire que les originaux (en langue anglaise uniquement !!). Le format poche, outre-Manche et outre-Atlantique, étant plus grand, plus maniable et souvent moins cher que son équivalent français, je n'y vois que des avantages

S'agissant d'E.Waugh, selon des lecteurs anglais et américains avec qui j'ai eu la chance de discuter, son oeuvre est traversée par des préoccupations très profondes, au premier rang desquelles figure la foi. Je ne m'attends donc pas à un sommet en matière de comique (du moins, disons que je suis préparé à voir autre chose...)
 
AARGH !!!!!!!!!!

26/09/2006
22:26
SCRCRCRCR!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Je viens de perdre la contribe où je narrais l'origine authentique du nom de Saki et la mort d'icelui. Alors TANT PIS, et good naïte !
 
w

27/09/2006
11:09
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Sainte vérole ! Agnès,je compatis à ton devoir de lectures «tendance rentrée littéraire».
Pour te soutenir et te consoler, je vais mettre un truc sur le fil citron (je vais citronner), si j'ai le temps avant cet aprèm.
Zx s'y colle aussi ? Alors soutiens et consolations !

 
paddy

08/10/2006
10:17
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Je viens de lire "Boborama" de David Angevin. C'est un roman d'avril 2006, ignoré de France Culture, qui raconte la vie d'un journaliste de Télérama en 2003, au moment où le journal est racheté et brutalement restructuré par Le Monde.

Ca se lit facilement. Ce n'est vraiment pas de la grande litterature mais c'est une histoire qui rappelle souvent la casse de France Culture. "Culture pour tous", "Stop au mépris des masses", "Cessons de critiquer TF1", "Boborama a vocation a devenir apres 50 ans d'indépendance, un journal comme les autres" sont les slogans de la nouvelle direction.

Etrangement, le rachat d'un journal prospère (29.M de fonds propres, 50.M de patrimoine immobilier) par Le Monde, journal couvert de dettes (plus de 100 millions), n'a pas interessé les écocomistes de France Culture


 
Agnès

11/10/2006
13:36
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Un bouquin qui émerge de la sélection Goncourt : Ouest , de François Vallejo chez Viviane Hamy. Sur les terres d'un baron "dérangé" dans un "ouest" plus mythique que réel et marqué par les luttes des Blancs et des Bleus, l'affrontement - dans la tête du narrateur - entre un garde-chasse à la fois fruste et intuitif, époux, père de la gracieuse Magdeleine et passionné de ses chiens, et le baron, qui par opposition à un père répressif, se veut républicain, sous Napoléon III. Femmes légères (il y a un "demi-castor", d'où sort cette étrange expression ?), fermiers roublards, Victor Hugo, et une intrigue qui se rétrécit progresivement aux dimensions d'une chambre. En supprimant toute ponctuation caractéristique du dialogue, Vallejo réussit à faire du lecteur comme un double du narrateur, ou plutôt de l'auteur, dont deux des personnages majeurs, Lambert, le garde, puis Magdeleine , dialogueraient ou monologueraient en lui-même ET en eux-mêmes. C'est fichtrement bien fichu, bien écrit, et prenant.

 
A.

11/10/2006
19:53
PS

... et, que je sache, on n'en a pas parlé sur FQ !
 
Agnès

15/10/2006
19:13
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Lignes de faille",dernier opus de Nancy Huston, que je viens de lire. C'est le roman de quatre générations à reculons dans le temps, de 20 ans en 20 ans, entre 2004 et 1944, depuis Sol(omon), puis son père Randall, sa grand-mère Sadie jusqu'à l'arrière-grand-mère AGM ou Erra, ou Kristina ou Klarysa. Un grain de beauté erratique (devenu à la fin grain de "laideur" à extirper) lie entre eux
les héritiers d'une douloureuse et sombre histoire, celle des enfants "aryens" arrachés à leurs familles polonaises ou ukrainiennes pour être élevés, dressés, aryanisés en
Allemagne. C'est l'histoire des "lebensborn", les "fontaines de vie", dont Erra est une victime, et de leurs conséquences sur les générations qui les ont suivies. Quatre monologues intérieurs d'enfants de six ans : Kristina, enfant passionnée par la vie et
vibrante de chant devient Erra, fantasque cantatrice sans paroles et mère de Sadie, enfant écorchée et maladroite, qui devient à son tour une adulte rationnelle et
envahissante, acharnée à la poursuite de son passé. Convertie au judaïsme le plus orthodoxe et mariée avec un juif, Sadie met au monde Randall, déchiré entre les USA et
Israël, entre sa mère débordante et directive, et son père attentif, ironique, silencieux, et dramaturge impuissant à créer. Le roman s'ouvre en Californie sur le monologue de Sol, fils de Randall et de Tessa, mère enrobante, dévorante et dévorée de bons sentiments, tout entière vouée à son fils, et totalement ignorante du voyeurisme
cruel dont il est habité. De l'un à l'autre, le grain de beauté rond et duveteux erre sur les corps, talisman ou objet de répulsion, que Tessa veut faire disparaître du visage de Sol.
Encore un roman hanté par l'Histoire, un roman pour panser - ou non ? - les plaies qu'elle a ouvertes. En tout cas, c'est construit, c'est écrit, riche, lisible, c'est "une histoire" et je me dis que si ce livre n'avait pas été retiré de la sélection Goncourt pour les lycéens, il les aurait touchés et intéressés, émus sans doute.

 
Zx

15/10/2006
20:34
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

J'ai terminé Rhésus il y a déjà pas mal de temps. J'essaierai d'en parler dans pas trop trop longtemps.


Autrement, je signalerai que Macé-Scarron a précisé, à la fin de son émission, que de nombreux auditeurs, aux avis très tranchés (dans les deux sens s'entend), avaient réagi aux critiques adressées au roman de Boulin. Celui-ci semble bel et bien avoir été calibré pour entretenir le "buzz". Et ça marche !
 
z

25/10/2006
04:08
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Agnès a eu le nez creux : Ouest fait partie du dernier carré en lice pour le Goncourt :

http://passouline.blog.lemonde.fr/livres/2006/10/goncourt_la _der.html#comments

P.S. : Out le Boulin (c'est mal de se réjouir du malheur d'autrui, je le sais mais...)
 
Zzzzut !

25/10/2006
04:09
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Je voulais signer Zx.
 
pascale

25/10/2006
08:48
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

J'ai bien aimé Lignes de faille (Agnès, 15/10). Les enfants sont peut-être, tous les quatre, un peu trop intelligents et raisonneurs pour leur jeune âge (six ans), mais qu'est-ce que c'est bien construit, et puis j'aime bien, chez Nancy Huston,un certain mélange de douceur attendrie et de violence brusque, avec parfois un humour très inquiétant,notamment dans le portrait du petit dernier...
 
AArgh !!!

25/10/2006
12:30
Le PENSUM superlatif

Adorée pour sa beauté sans rivale , admirée pour son esprit par les hommes les plus comme il faut de Sancerre , Dinah entretint cette admiration par des conversations auxquelles , dit-on plus tard , elle se préparait . En se voyant écoutée avec extase, elle s'habitua par degrés à s'écouter aussi, prit plaisir à pérorer, et finit par regarder ses amis comme autant de confidents de tragédie destinés à lui donner la réplique. Elle se procura d'ailleurs une fort belle collection de phrases et d'idées, soit par ses lectures, soit en s'assimilant les pensées de ses habitués, et devint ainsi une espèce de serinette dont les airs partaient dès qu'un accident de la conversation en accrochait la détente. Altérée de savoir, rendons-lui cette justice, Dinah lut tout jusqu'à des livres de médecine, de statistique, de science, de jurisprudence ; car elle ne savait à quoi employer ses matinées, après avoir passé ses fleurs en revue et donné ses ordres au jardinier. Douée d'une belle mémoire, et de ce talent avec lequel certaines femmes se servent du mot propre, elle pouvait parler sur toute chose avec la lucidité d'un style étudié. Aussi, de Cosne, de La Charité, de Nevers sur la rive droite, et de Léré, de Vailly, d'Argent, de Blancafort, d'Aubigné sur la rive gauche, venait-on se faire présenter à madame de La Baudraye, comme en Suisse on se faisait présenter à madame de Staël. Ceux qui n'entendaient qu'une seule fois les airs de cette tabatière suisse, s'en allaient étourdis et disaient de Dinah des choses merveilleuses qui rendirent les femmes jalouses à dix lieues à la ronde.

Il existe dans l'admiration qu'on inspire, ou dans l'action d'un rôle joué je ne sais quelle griserie morale qui ne permet pas à la critique d'arriver à l'idole. Une atmosphère produite peut-être par une constante dilatation nerveuse fait comme un nimbe à travers lequel on voit le monde au-dessous de soi. Comment expliquer autrement la perpétuelle bonne foi qui préside à tant de nouvelles représentations des mêmes effets, et la continuelle méconnaissance du conseil que donnent ou les enfants, si terribles pour leurs parents, ou les maris si familiarisés avec les innocentes roueries de leurs femmes ?

La quotatrice folle

La ratiocinatrice déchaînée. Lacan et l'almanach Vermot au service d'une intarissable logorrhée : "Mon dieu, faites qu'elle se taise" dit à travers Adolphe le personnage masculin à un moment donné. Ainsi pensé-je lectrice. Faites la taire, faites que chaque minuscule propos de café du commerce ou de salon de thé ne soit pas surligné d'une référence à toute la littérature et à tout le cinéma de tous les temps et de tous les pays. Faites que ce narcissisme débordant me laisse un coin de respiration, faites que je ne sois pas obligée de m'enfiler cette complaisance débridée et QUEL foutu cinglé a pu lire en entier ces mails interminables et qui a pu croire un instant que de cela il pourrait naître un film ? Pauvre Arnaud, comme on le comprend de ne pas la supporter et comme il aurait dû la quitter tout de suite, histoire de respirer un peu, histoire de nous éviter une resucée médiocre des scènes de Solal et d'Ariane à l'Hôtel de Noailles à Marseille (tiens, c'est contagieux…). Ce n'est pas qu'il soit particulièrement sympathique, ce type, mais elle ! (Justement, "Elle", par apocopes successives d'Ellénore à Hélène puis Elle, comme c'est astucieux, mais comme on en a marre de ces calembours à jet continu, de ces mots-valises, de ces oxymores, de ces clichés faussement rafraîchis en les inversant et "L'homme de ma mort" et je t'haime que Nougaro avait déjà fait il y a bien trente ou quarante ans !) Ce n'est pas une femme, ce n'est pas un écrivain, c'est une encyclopédie des procédés rhétoriques. D'ailleurs, on me dira bien que toute la littérature a déjà été écrite et qu'aujourd'hui ne peut plus mettre au monde (éditer, tiens un petit coup d'étymologie, à mon tour) que des redites et du collage (surtout en français) mais qu'est-ce que cette foutue manie de nous coller à la fin les références bibliographiques des citations faites par le roman ???? On y a droit chez Bataille, on y a droit chez Laurens, c'est le bouquin avec le mode d'emploi regardez comme je suis lettré et toi lecteur dûment équipé de tes notes en fin de volume, tu vas pouvoir aller parfaire ta culture ! sans oublier les dictionnaires pask'on a droit aussi à des recopiages complets du Dico de la psychanalyse (le roman est une forme plastique, il est capable de tout avaler, de tout digérer, de tout transfigurer, quelle idée neuve, Balzac – qui a si bien décrit ci-dessus notre héroïne - n'y avait jamais pensé) tout ça pour apprendre en fin de compte, c'est une enquête ne l'oublions pas, qu'ils partageaient sans le savoir le complexe de la mère morte (et vlan !), et que tout amour se fonde sur une relation avec la mère. Ils sont mignons, tous : voilà la soluce, clé en mains, chez Boulin une citation de Proudhon, chez Laurens le dictionnaire, finalement et au bout de 365 pages (tiens tiens, 365 !, c'est L'Année amoureuse et littéraire) le monde trouve son sens dans un livre, et ils se sont quand même aimés. (C'eravamo tanto amati, elle nous l'a pas mis, celui-là.)

- "Mais y a-t-il une autre manière d'approcher le réel que de suivre sans les canaliser les flux dont nous sommes traversés, charroi de mots et d'images où le chaos malgré tout prend forme – forme humaine -, et où l'on peut, dans un reflet incertain et dépoli, quelquefois, comme en d'autres yeux, s'apercevoir de soi ?" (Autre mode d'emploi, au début, celui-là, et je vous passe celui du milieu, parce que je l'ai sauté.)
- Euh, oui. La forme, peut-être. Élaguer ? pour assurer l'acuité et l'intensité du propos ?

Prions le Ciel que Camille Laurens trouve l'Amour. Le vrai, le grand, l'unique. Son Jacques par exemple, qu'il finisse par la satisfaire, il est très bien, il réconcilie amour, érotisme, psychanalyse et calembours, il a les dicos chez lui, qu'il soit un homme un vrai, pas une persona pitié ! et qu'ELLE se mette au jardinage, à la cuisi-i –ne / qui retient les petits maris / qui s'débi-inent, à la couture, au cinéma. CE QU'ELLE VOUDRA ! mais qu'elle arrête d'écrire des livres.


 
AArgh !!!

25/10/2006
12:36
Moi non plus

Pour être tout à fait claire, la citation qui ouvre mon propos est de Balzac, j'ai renoncé aux italiques - trop fastidieux - in La muse du département . et l'ouvrage dont il est question est Ni toi ni moi, dernier opus (il y a aussi beaucoup de musique, on baise - ou pas - sur Bach, Malher ou Schubert chez les bobos) de Camille Laurens.
 
Agnès

25/10/2006
12:51
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Merci Zx pour l'info, je ne sais pas si c'est une affaire de nez creux (et puis je n'ai pas lu les Bienveillantes, et l'avouerai-je, je n'ai pas envie de le lire, mais je le ferai quand même) et je ne sais pas non plus quels sont les véritables critères des Goncourt d'aujourd'hui. Quant à Fleisher, j'ai détesté ce bouquin (j'ai écrit ça quelque part, je vais tâcher de retrouver) et je voudrais qu'on m'explique en quoi c'est un roman. Marilyn, c'est trop long, et la construction n'est pas aboutie . Et entre Fleisher et Schneider, pour l'invention romanesque, vous repasserez !
Merci Pascale du petit mot ! J'aime bien nos échanges de lecteurs /trices !




 
Agnès

25/10/2006
13:08
L'amant en culottes courtes

Souvenirs à la mode de Marcel de l'été de ses treize ans, en Angleterre, où il séduit Barbara, une jeune femme de 20 ans originaire de Tobago. Apparemment très peu de transposition romanesque.

Ce bouquin m'a mise mal à l'aise. S'il a satisfait mes désirs de syntaxe (rien à dire de ce côté-là), si j'ai admiré le style, tout de même très proche du strict pastiche, je ne sais quoi faire de **l'histoire**, qui me paraît relever d'une variété d'autobiographie, [genre proliférant à l'endroit duquel à quelques exceptions près j'ai de sacrées réserves : l'autofiction, ça me gave, et je trouve le "roman" de Laurens ridicule] avec un penchant au fétichisme y compris lexical (j'ai compté 62 occurrences de "culottes courtes" entre la page 359, moment où j'ai décidé de me mettre à compter, et la fin) dont je ne sais pas quoi faire parce que je ne sais pas
quelle est la position de lectrice qu'il m'accorde. Autrement dit, je ne suis pas sûre que le lecteur ne soit pas dans ce texte saisi dans le même genre de relation que celle qui "unit" Barbara et Alan, relation ANALOGUE je veux dire : voyeur impuissant à se déprendre mais pour quel "bénéfice" ? A côté du brio du style par exemple, il y a la simplicité sommaire du découpage, il y a le ressassement du lexique, celui des gestes quotidiens, il y a le côté attendu d'une narration explicitement proustienne, et qu'est-ce qu'on en fait ?

 
pascale

26/10/2006
17:36
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

La Muse du département-Serinette me fait penser au jugement de M. Homais sur Mme Bovary : "c'est une femme de grands moyens, qui ne serait pas déplacée dans une sous-préfecture"
 
Agnès

26/10/2006
22:27
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Inénarrable Homais ! Connaissez-vous le Madame Homais de Sylvère Monod (introuvable). C'est une jolie revanche contre ce sentencieux imbécile :
http://www.broguiere.com/culture/forum/index.php3?lecture=16 183&debut=0&page=1

 
Agnès

27/10/2006
08:56
Pour changer de sélection

Lisez le pouvoir du chien de Thomas Savage (ce n'est même pas un pseudo) ! C'est magnifique de tension, de justesse, de cruauté, c'est admirablement écrit : je ne l'ai même pas encore fini, mais que je remercie mon amie Marion de l'avoir déposé en passant dans ma boîte !
 
Agnès

27/10/2006
17:59
Savage, décidément

Eh bien je maintiens ma recommandation du matin : le roman confronte dans un ranch de l'Utah et dans les environs deux frères quadragénaires richissimes, un lourdaud taciturne, un brillant beau-parleur, à l'occasion du mariage du premier avec une petite veuve fragile et souriante, mère d'un adolescent silencieux, secret, très intelligent et assez inquiétant. Tout est bien : l'évocation des paysages, les relations des hommes avec la nature et entre eux, la tension qui croît à l'intérieur du ranch entre les personnages, la menace qui plane. C'est écrit et construit, passionnant. Le roman est de 67, et c'est chez 10/18.

 
Agnès

29/10/2006
20:49
Nouvelle monomanie

Rue du Pacifique . Chez Belfond, ce n'est pas encore en poche chez 10/18. Autre histoire de l'Ouest : Grayling, petite ville en pleine expansion, un couple de ranchers unis, Lizzie et John Metlen et leur fils Zack, qui grandit au cours du roman, autre enfant silencieux et différent que son père maladroit, impulsif et imprévoyant a du mal à comprendre, malgré tout l'amour qu'il lui porte. À nouveau la fin des Indiens, qui quittent leurs terres ancestrales pour aller rejoindre leurs réserves. Mais ce roman est plus urbain que Le pouvoir du chien . En contrepoint de l'ascension sociale irrésistible de leur rival le banquier Connor, un type arrogant et cynique, le roman raconte l'histoire de la dégringolade des Melten, victimes des rêveries et de l'imprévoyance de John. Mais il y a Lizzie, sa beauté, son humour et son humanité rigoureuse, et Zack l'inventif, qui part trouver sa voie en France pendant la guerre de 14. Puis Anne, la métisse d'indienne, dont la splendeur hautaine illumine toute la dernière partie du roman.
Ce qui me comble, dans l'écriture de Savage, c'est son extraordinaire manière, à la fois de dessiner de façon aiguë les personnages les plus mineurs - qui viennent danser avant de disparaître leur petite valse au premier plan, lorsque le Destin des personnages l'exige - et d'éluder tout pathos en dérobant littéralement entre les lignes les moments qui devraient paraître les plus essentiels. L'art de l'understatement poussé à son incandescence. Et puis cette manière de mêler une lucidité cruelle et désabusée avec une profonde tendresse pour les êtres. Une écriture aiguë, belle et pudique. Après les dégoulinades laurensiennes, j'ai lu Savage avec passion et gratitude.


 
Agnès

30/10/2006
14:05
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

Nancy Huston Prix Fémina, ai-je entendu.
 
pascale

30/10/2006
16:35
re : C'est en lisant qu'on devient liseron III

J’ai lu aussi un truc bizarroïde mais intéressant : Pandemonium de Régine Detambel : une dame charmante qui a fait quelques apparitions aux Papous. Après avoir été mis en examen, d’abord « pour hébergement de personnes vulnérables dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine », quatre frères et leurs épouses, devenus octogénaires et toujours affreux, vivent en autarcie dans une grande et belle demeure : la maison de retraite rebaptisée Pandemonium. Des meurtres succèdent aux scandales, mais tout finira aussi bien que possible. C’est féroce et souvent drôle, très grinçant ; l’écriture est nette, vive et attentive aux détails les plus infimes.
 
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