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La casse de France Culture, une faute politique du PS

En écoutant la grille des programmes de septembre 2006, on se dit que le nouveau directeur de France Culture, ancien conseiller de Lionel Jospin, n'est pas là pour redresser la chaîne après l'ouragan Adler (1999-2005), mais plutôt pour rendre les ruines de la station présentables à l'auditeur de passage. De ce fait il devient important de replacer dans son contexte politique l'histoire de la destruction d'une université populaire radiophonique unique au monde

On peut considérer que le destin de France Culture bascule en novembre 1995, lorsque sous le gouvernement Juppé, Michel Boyon est nommé pour 3 ans à la tête de Radio France. Cet énarque, qui dirige actuellement Réseau Ferré de France, n'a pas d'affinité avec la radio, encore moins avec France Culture, une station d'exception qu'il trouve "ringarde". Dans une ambiance tendue, il lance une mission de réflexion sur cette chaîne atypique jugée coûteuse, élitiste et indocile, par le personnel politique, et ce malgré ses 3,6 millions d'auditeurs satisfaits [1]. Par parenthèse, remarquons que l'anti-élitisme est une idéologie à géométrie variable : avec un budget bien moindre, les 500.000 auditeurs quotidiens de France Culture en 1997 sont plus critiqués que les 2000 spectateurs de l'Opéra de Paris. Sans même attendre les conclusions du rapport Ténèze (janvier-avril 1997), qui préconise des économies et une rationalisation des programmes, Michel Boyon nomme, le 26 mars 1997, Patrice Gélinet comme nouveau directeur de France Culture. L'ancien directeur, Jean Marie Borzeix, doit quitter son poste le 30 juin après 13 années de services, alors que sa grille de prorammes est très appréciée des auditeurs.

L'arrivée au pouvoir en juin 1997 du gouvernement Jospin, ne modifie pas la situation, tant l'Etat culturel est devenu un point de convergence des politiciens PS-UMP. Sympathisant de l'extrême droite dans sa jeunesse [2], le nouveau directeur s'adjoint un homme de gauche, Antoine Spire (producteur de Staccato), pour mener, en pleine cohabitation, la réforme des programmes de France Culture. Cette modernisation à visage jeuniste et consumériste de la station débute en octobre 1997 et ne va pas sans résistances internes, ni tensions. Dans ce climat particulier, Michel Bydlowski, responsable de la célèbre émission Panorama, choisit de se suicider le 21 février 1998 sur son lieu de travail, après une dernière émission. Après ce traumatisme, le gouvernement Jospin et le CSA nomment Jean Marie Cavada en remplacement de Michel Boyon en 1998 et Laure Adler en remplacement de Patrice Gélinet début 1999. A partir de cette date, France Culture est entre les mains de personnalités proches du parti socialiste.


Le saccage d'une certaine idée de l'art radiophonique

Depuis 1999, la destruction de l'université populaire radiophonique France Culture pour en faire une radio "comme les autres", a été réalisée par différents moyens :

¤ En confiant des tranches horaires du service public à des médias privés (groupe Le Monde-Télérama, l'Express...) ou à des représentants de médias privés (Figaro, Inrocks...), ce qui a tué l'originalité et l'indépendance éditoriale de la chaîne, tout en favorisant un certain unanimisme, le silence des médias sur la casse de France Culture et le silence de France Culture sur certains sujets. De même, la multiplication des partenariats a muselé la critique indépendante et le débat contradictoire à l'antenne..

¤ En traitant en priorité et jusqu'à l'absurde les mêmes sujets que tous les autres médias ; en excluant peu à peu les livres des petits éditeurs. Est-ce le rôle du service public de relayer gratuitement les campagnes publicitaires des géants de l'édition ? Jusqu'à 1997, France Culture faisait le contraire et enchantait ses auditeurs par son audacieuse programmation à contre-courant.

¤ En supprimant peu à peu le documentaire historique, musical, scientifique, littéraire… Ce qui subsiste en 2006 et que la direction appelle documentaire est essentiellement du reportage "tranche de vie".

¤ En remplaçant les émissions soigneusement montées et élaborées, qui ont fait la réputation de la chaîne, par des émissions de bavardage promotionnel, des émissions de bateleurs en public et une inflation de chroniques et débats. Hélas, les émissions de bateleurs ne sont pas conçues pour être intéressantes mais pour aller à la pêche aux auditeurs dans des lieux publics.

¤ En réduisant ou même supprimant le recours aux producteurs tournants, système original qui faisait qu'une émission donnée était produite chaque semaine par un producteur différent de façon à proposer des regards multiples et approfondis (Les Chemins de la connaissance, Les chemins de la musique…),

¤ En organisant le remplacement des producteurs atypiques de France Culture par des journalistes standardisés, des jeunes diplômés inexpérimentés, des amis du Château ou des personnalités TV, lesquelles coûtent cher en salaires et en assistants pour un résultat médiocre.

¤ En propageant une vision idéologique de la culture centrée sur l'actualité immédiate et le sociétal, dans laquelle la transmission des connaissances et des savoirs n'a aucune importance, ce qui rappelle certains errements pédagogiques des IUFM de l'ère Jospin. A la place, l'antenne est envahie par des produits culturels à consommer, de la morale humanitaire, des nouvelles de Boboland, de la repentance, du jeunisme, des bavardages de comptoir, des bons sentiments, etc.

¤ En détruisant la spécificité du son France Culture, en particulier par l'emploi d'un compresseur sur le signal d'antenne [3] mais aussi par la mise en avant de voix non travaillées et négligées. Plus généralement, la chaîne est envahie par des acteurs de la société du spectacle, qui ne comprennent pas la subtilité du langage radiophonique. Par ailleurs, la réception de France Culture est perturbée depuis 5 ans à l'est de la capitale, ce qui donne une idée de l'empressement du CSA à régler les problèmes [4] .

Bien d'autres paramètres concourent à l'effondrement intellectuel de la station, par exemple la relégation des dernières émissions intelligentes aux heures de moindre écoute, le fameux prime time étant envahi par des magazines calqués sur France Inter ou Europe1.


France Culture : une vitrine du socialisme mondain

Côté coulisses, le paysage social et sociologique est lui aussi édifiant, quoique moins connu du public [5]. A France Culture, le partage des richesses est souvent évoqué à l'antenne mais non pratiqué en interne. D'un côté on trouve les stagiaires: indispensables mais non payés ; de l'autre des people, dispensables et surpayés. Au milieu, des producteurs stressés qui vivent dans la crainte permanente du licenciement.

Inauguré sous le gouvernement Jospin, le management brutal de cette chaîne publique entre 1999 et 2005 a éclairé d'un jour particulier, le fonctionnement des élites socialistes. "La situation est d'autant plus tendue que, pour la première fois, on licencie brutalement dans une entreprise traditionnellement feutrée et courtoise qui n'a jamais connu de telles méthodes de management". peut-on lire dans Le Monde du 7 novembre 1999 [6]. Question recrutement, il est intéressant de constater qu'en pratique, le service public France Culture a renvoyé des producteurs de la classe moyenne pour embaucher prioritairement dans la haute bourgeoisie et les "fils et filles de…". Alors que le chômage est le problème numéro 1 en France, des producteurs confirmés de la chaîne ont été renvoyés tandis que des personnalités mondaines extérieures "surbookées" venaient empocher un revenu de plus sur France Culture. C'est ainsi que par exemple le directeur du Monde, la directrice du Seuil Littérature, la directrice de Normale Sup, etc. ont leur propre émission sur France Culture, dans trois domaines (respectivement, la politique, le cinéma, l'éthique) que les anciens producteurs de la chaîne traitaient de façon bien plus approfondie. Sans compter que Le Monde, Le Seuil et Normale Sup sont des structures en crise qui auraient bien besoin de directeurs à plein temps !


Pourquoi la casse de France Culture est-elle une faute politique ?

Sur un ensemble de 3.6 millions d'auditeurs, combien d'électeurs ne pardonneront jamais au parti socialiste d'avoir cassé une radio unique au monde ? Inversement, ccombien d'électeurs vont-ils se soucier de remercier le parti socialiste pour la création d'un robinet d'eau tiède culturelle ? Lorsqu'on additionne la casse de France Culture avec d'autres casses de services publics dans la même période, on ne s'étonnera pas trop qu'il ait manqué 200.000 voix au candidat Jospin en 2002. Bref une faute politique d'autant plus stupide qu'en cassant France Culture, les socialistes ont réalisé un objectif de l'UMP. En juillet 2004, Mme Laure Adler se vantait dans Le Monde d'avoir fait de France Culture une radio "comme les autres". Un an plus tard, le président Jacques Chirac lui remettait la Légion d'honneur.

France Culture apparaît comme une vitrine parmi d'autres de l'Etat UMP et de son opposant officiel, le PS. Triste duo qui se partage les institutions de la France et s'auto-amnistie de ses errements.

DDFC - Défense de France Culture
3 octobre 2006
Adresse de l'article : http://ddfc.free.fr/faute.htm
Forum : http://ddfc.free.fr/forum



[1] audience cumulée hebdomadaire. Source : interview de Jean Marie Borzeix dans Le Débat n° 95
[2] Le Monde - 30 mars 1997 - 6 avril 1997
[3] voir http://ddfc.free.fr/comp.htm
[4] voir http://aafc.free.fr/reception.html et http://www.ville-bagnolet.fr/index.php?pge=416
[5] signalons le Canard Enchaîné du 2 août 2006
[6] une fois la grève à Radio France terminée, Le Monde cesse à partir de janvier 2000 d'émettre des critiques sur le fonctionnement de France Culture
 

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