
Échange
de courrier entre le CSA et le RACCFC pendant l'été 2002
Ci-dessous un courrier de Monsieur Baudis, président
du CSA, au Rassemblement des Auditeurs Contre la Casse de France Culture,
suivi de la réponse du RACCFC à cette lettre du CSA. Le CSA
n'a pas répondu à cette dernière.
Monsieur le
Président, (Paris le 11 Juillet 2002)
Vous avez bien voulu faire part au Conseil Supérieur de l'Audiovisuel
de votre indignation quant aux changements de contenu des programmes de
France Culture, et je vous en remercie.
C'est avec attention que j'ai pris connaissance de vos remarques.
Je tenais à vous informer qu'en vertu de l'article 1er de la loi
du 30 septembre 1986 modifiée, les programmes relèvent de
la liberté et de la responsabilité des diffuseurs. Le Conseil
supérieur de l'audiovisuel n'intervient donc pas dans le choix de
la programmation des opérateurs mais est chargé de veiller
à ce que les chaînes de télévision et les stations
de radio respectent leurs obligations légales et conventionnelles.
Or, le grief que vous exprimez dans votre courrier ne constitue pas une
infraction aux règles auxquelles sont soumises les chaînes
de télévision et ne peut donc constituer le motif d'une intervention
du CSA.
Toutefois, sensible aux préoccupations que vous exprimez, je transmets
immédiatement votre courrier au Président de France Culture,
en lui demandant d'y prêter la plus grande attention.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'assurance
de mes sentiments les meilleurs.
Dominique Baudis. |
Réponse
du RACCFC à M. Baudis président du CSA :
Monsieur le Président, (Fleury le 13 Août 2002)
Nous avons bien reçu votre lettre du 11 Juillet 2002, et nous vous
en remercions. Vous citez, à juste raison, l'article premier de
la loi du 30 septembre 1986, en nous précisant, "que les programmes
relèvent de la liberté et de la responsabilité des
diffuseurs". Il est bien évident que les directeurs de chaînes
doivent avoir la liberté de gérer leurs équipes et
d'établir, en leur âme et conscience, ce qui leur semble être
le meilleur pour les auditeurs que nous sommes. Sur cela nous ne pouvons
qu'être d'accord. Il n'y a là, rien de contraire à
la loi.
Cependant, permettez nous de vous adresser les remarques suivantes:
1. En ce qui concerne la pluralité, le même article
premier de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à
la liberté de communication, stipule bien aussi qu'elle garantit
"le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée
et d'opinion". C'est ce qui se passait effectivement, avant les réformes,
à l'époque où l'émission "Panorama "
n'avait pas été encore supprimée. Cette émission,
quotidienne entre 12h00 et 13h30, animée comme il se doit par des
producteurs du Service Public, indépendants comme Messieurs Jacques
Duchateau et Michel Bidlowsky, ne se permettait en aucun cas de déroger
à la règle du débat contradictoire, qui seule garantit
"le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée
et d'opinion".
En effet, dans cette émission, regrettée unanimement par
les auditeurs, des œuvres de qualité, méconnues, éditées
souvent chez de petits éditeurs, étaient présentées
au public avec toujours au moins cinq personnes, deux pour défendre
le livre, deux pour le critiquer et un modérateur.
On a maintenant sur l'antenne, à la place de "Panorama",
et six heures par semaine aux heures de grande écoute, une émission
animée par le rédacteur en chef adjoint d'une revue, 'Les
Inrockuptibles', dont il n'est pas l'objet de juger ici la qualité,
mais qui est une revue parmi tant d'autres, un magazine commerciale qui
reflète nécessairement des intérêts financiers
et aussi une vision particulière (consensuelle et bien-pensante)
de la réalité. Ceci limite nécessairement l'ouverture
d'esprit d'une telle émission, par opposition à ce qu'elle
fut, avant sa suppression en 1999. Alors des animateurs, sur toute la chaîne,
dégagés de toute allégeance financière et de
toute appartenance à un organe de presse privé, invitaient,
sans limitation aucune, des intervenants appartenant aux courants de pensée
les plus divers et dans tous les domaines. L'auditeur pouvait ainsi en
pleine connaissance, avec une information aussi riche et variée,
se faire lui-même sa propre opinion.
On assiste maintenant au même phénomène le matin. Comme
le "Panorama", on a supprimé l'émission "Culture
Matin" - animée par Jean Lebrun, professionnel du Service Public,
qui n'était lié, lui, par aucune contrainte vis à
vis d'aucune revue particulière, ni d'aucun groupe financier. Il
n'était guidé que par l'impératif, qu'il remplissait
fort bien, d'offrir à l'auditeur une émission de qualité
et l'information la plus variée. On a maintenant, pour le remplacer,
une émission animée par le rédacteur en chef de la
revue "Lire", six heures par semaine, aux heures de grande écoute.
On voit donc que des créneaux importants ont été livrés
à des responsables de revues commerciales privées. Citons
encore, l'émission 'La Rumeur du Monde' animée par Jean-Marie
Colombani rédacteur en chef du journal 'Le Monde' et Alexandre Adler
rédacteur en chef de la revue 'Courrier International' (45 minutes
par semaine aux heures de grande écoute), suivi d'Ignacio Ramonet
(30 minutes par semaine aux heures de grande écoute) rédacteur
en chef du 'Monde Diplomatique', l'émission 'L'Esprit Public', depuis
1997 (une heure par semaine aux heures de grande écoute), animée
par Philippe Meyer (Le Point) recevant chaque semaine Monsieur Dupin (Libération),
Monsieur Casanova (revue Commentaire), et quelques autres invités
qui ronronnent agréablement avec lui.
Le Service Public Audiovisuel doit-il être affermé à
des revues commerciales privées. Sur quels critères sont-elles
choisies? Ne doit-il pas au contraire, comme le précise la loi,
respecter la liberté de l'auditeur, en garantissant le "caractère
pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion",
(loi du 30/9/1986 art1 §1) tout comme l'enseignant du Service Public
qui se doit de n'afficher aucune couleur (religieuse ou politique), mais
a pour mission d'ouvrir l'esprit des élèves, sans aucun a
priori, dans tous les domaines de la connaissance et de la culture, patrimoine
de l'humanité. Il apparaît, en tout cas pour France Culture,
que la spécificité du Service Public a été
profondément dénaturée depuis la nomination de Patrice
Gélinet en 1997, puis de Laure Adler en 1999. On assiste maintenant
à une mercantilisation de la chaîne, comme le préconisait
le rapport Arnaud Ténèze en avril 1997.
2.. En ce qui concerne la qualité, l'article premier de la
loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté
de communication, stipule bien aussi que le CSA "veille à la
qualité des programmes". Nous pensons, que pour France Culture,
il y a aussi atteinte à ce principe de la loi, qui exige du CSA
qu'il veille à la qualité des programmes et donc qu'il ne
ferme pas les yeux sur leur dégradation. En effet, la qualité
n'est ni le jeunisme, ni l'actuocentrisme, ni le clientélisme, ni
le bougisme, ni le morcellement des émissions, ni la publicité
explicite pour des mutuelles ou implicite pour des 'produits culturels',
ni le caviardage des émissions par des séquences musicales
branchées, inadaptées etc. C'est bien ces différentes
critiques, à l'encontre des changements de 1997-1999, qui ont prévalu
au mécontentement unanime des auditeurs. Voir, ci-joints, les 383
témoignages manuscrits d'auditeurs, collectés de 2000 à
2002. Le jugement qualitatif sur les changements ne peut se mesurer qu'à
cette aune. Signalons aussi que ces changements ont été radicaux,
puisqu'ils ont concerné 100 heures hebdomadaires sur les 168 que
compte une semaine. Voir la liste ci-jointe des émissions de très
grande qualité, disparues lors de ces changements (document 2).
On avait sur cette chaîne, la culture avec un grand C, c'est à
dire des œuvres de toutes les époques, que leur qualité intrinsèque
rend intemporelles, qui ne prennent jamais aucune ride, c'est à
dire Shakespeare, Eschyle, Euripide, Aristophane, Sophocle, Racine, Molière,
Corneille, Genet, Claudel, Mauriac, Platon, Dante, les Mille et une Nuits,
Cervantès, etc., autant d'auteurs qui ont permis à des personnes
extrêmement modestes de se cultiver, de passer leur Bac, de s'enrichir
et de se nourrir. On nous sert maintenant quasiment à longueur d'antenne
du bavardage indigeste et de la musiquette, tout cela au profit par exemple
de grands éditeurs ou de grands organes de presse, qui viennent
proposer leur soupe médiatique.
Par ailleurs, contre toute attente, de très nombreux producteurs,
réalisateurs et intervenants de qualité ont été
remerciés.
3. En ce qui concerne la création, l'article premier de la
loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté
de communication, stipule bien aussi que le CSA "veille à la
création audiovisuelle nationale". La création radiophonique
a diminué de moitié sur France Culture, depuis ces changements.
Voir les interventions de Laurent Lederer et de Michel Sidorov, dans la
brochure bleue ci-jointe, transcription d'une conférence-débat
sur la dégradation de France Culture, qui s'est tenue en mars 2001
à la Bourse du Travail (document 4 p6 et 31 à 36).
4. Les diffuseurs, en l'occurrence Monsieur Jean Marie Cavada, président
de la Société Radio France a bien, lui, été
désigné comme la loi le précise par le CSA, et a nommé
à son tour Madame Laure Adler, comme avant lui, Monsieur Boyon nommé
par le CSA avait nommé Patrice Gélinet à la Direction
de France Culture. Nous espérons que Messieurs Boyon et Cavada n'ont
pas reçu des directives précises, contraires aux exigences
de la loi de 1986, concernant leur mission à la tête de Radio
France, donc aussi de France Culture, spécialement sur les questions
de la qualité, de la pluralité et de la création.
Nous vous demandons donc, Monsieur le Président, de bien vouloir
prendre en compte nos observations concernant le retour à la qualité
sur France Culture, et à travers elles, celles unanimes de tous
les auditeurs de cette chaîne, puisque c'est le rôle qui vous
est dévolu par la loi. France Culture est une des conquêtes
de la Libération et du gouvernement du Général de
Gaulle en 1945. Cette radio reconnue comme unique en son genre est une
exception rare sur notre planète. Elle participe d'une manière
non négligeable au rayonnement de la francophonie à travers
le monde
Nous sollicitons également de votre part, de bien vouloir recevoir
une délégation qui serait composée de Charles Alunni,
professeur à l'Ecole Normale Supérieure et initiateur de
l'appel "La Culture constitue-t-elle un délit d'initié?",
de Patrick Champagne, professeur à l'École des Hautes Etudes
en Sciences Sociales et membre du bureau de l'ACRIMED (Action CRItique
MEDia) et d'Antoine Lubrina président du RACCFC, pour vous exposer
plus concrètement nos attentes sur la qualité, la pluralité
et la création si nécessaires sur France Culture.
Recevez, Monsieur le Président du CSA, l'expression de nos meilleurs
sentiments.
Antoine Lubrina. Président du RACCFC
Brochure
du CSA (juillet 2002) page 26 :
Les relations avec les auditeurs et les téléspectateurs
Le CSA dialogue en permanence avec les auditeurs et les téléspectateurs.
Les échanges s'effectuent par le biais du courrier que lui adressent
les particuliers et des contacts entretenus avec les associations de téléspectateurs.
L'expression de mécontentement ou de la satisfaction des usagers
de la radio et de la télévision constitue en effet un indicateur
indispensable dans l'exercice de la régulation.
CSA : Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986. Article premier
La communication audiovisuelle est libre.
L'exercice de cette liberté ne peut être limité que
dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité
de la personne humaine, de la liberté et de la propriété
d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de
pensée et d'opinion et, d'autre part, par la sauvegarde de l'ordre
public, par les besoins de défense nationale, par les exigences
de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux
moyens de communication, ainsi que par la nécessité de développer
une industrie nationale de production audiovisuelle.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité indépendante,
garantit l'exercice de cette liberté dans les conditions définies
par la présente loi.
Il assure l'égalité de traitement, il garantit l'indépendance
et l'impartialité du secteur public de la radiodiffusion sonore
et de la télévision; il veille à favoriser la libre
concurrence et l'établissement de relations non discriminatoires
entre éditeurs et distributeurs de services ; il veille à
la qualité et à la diversité des programmes, au développement
de la production et de la création audiovisuelles nationales ainsi
qu'à la défense et à l'illustration de la langue et
de la culture françaises. Il peut formuler des propositions sur
l'amélioration de la qualité des programmes.
Il peut adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication
audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés
dans la présente loi ; ces recommandations sont publiées
au Journal officiel de la République française.
|
Retour
à la page principale
|